SÉNAT DE BELGIQUE
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Session 2012-2013
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23 janvier 2013
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SÉNAT Question écrite n° 5-7959

de Dominique Tilmans (MR)

à la vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de Beliris et des Institutions culturelles fédérales
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La dégénérescence maculaire liée à l'âge
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maladie oculaire
médicament
assurance maladie
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23/1/2013Envoi question
1/3/2013Réponse
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Requalification de : demande d'explications 5-2530
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SÉNAT Question écrite n° 5-7959 du 23 janvier 2013 : (Question posée en français)

Suite à votre intérêt à ma question parlementaire du 30 mai 2012 (numéro 5-2298), je souhaite vous apporter des informations complémentaires, concernant la problématique de la dégénérescence maculaire liée à l'âge, notamment sur ses enjeux en termes de santé publique et les économies réalisables.

Cette maladie qui touche de nombreux belges (300.000 par an), nécessite un traitement rapide et efficace.

Comme vous le savez, la DMLA, présentée sous la forme dite " sèche ", est la plus fréquente, et peut évoluer en forme exsudative dite " humide ".

Pour traiter la forme exsudative de la maladie, les praticiens recourent aujourd'hui aux molécules sous les appellations Macugen ® de Pfizer et Lucentis ® distribué par NOVARTIS.

Le Macugen ne se montrant pas aussi efficace que le Lucentis, n'est plus remboursé depuis quelque temps comme traitement de première intention.

Le groupe GENENTECH commercialise aujourd'hui le Lucentis produit par la société NOVARTIS mais aussi l'Avastin, qui n'est pas reconnu légalement dans le traitement de la DMLA (off label) mais utilisé dans le traitement du cancer colorectal métastatique et qui est produit par la société ROCHE.

Le traitement " officiel " de la DMLA à base de Lucentis est remboursé par l'INAMI depuis 2007 à raison d'un maximum de huit injections par œil la première année, six par œil la deuxième année et quatre par œil la troisième année. A partir de la quatrième année, le remboursement est arrêté.

Deux récentes études, l'étude IVAN [A randomised controlled trial of alternative treatments to inhibit VEGF in age-related choroidal neovascularisation , 610 patients] et l'étude CATT [Comparison of Age-Related Macular Degeneration Treatments Trials, 1.208 patients] ont toutefois prouvé l'efficacité de l'Avastin dans le traitement de la DMLA. En effet, l'Avastin engendre une amélioration similaire de l'acuité visuelle après un an de traitement. Par ailleurs, de nombreuses études scientifiques montrent qu'il n'y a pas plus de complications avec l'un ou l'autre produit.

La question qui se pose est la suivante : non seulement le Lucentis coûte cher à la collectivité (un flacon de Lucentis coûte en moyenne 1000 euros (coût INAMI : 990 euros, ticket modérateur du patient 9.30 euros). Une ampoule d'Avastin préparée par la pharmacie coûte 29 euros facturé au patient.) : en 2011, selon les dernières estimations INAMI, le coût du traitement Lucentis remboursé et donc supporté par l'État revenait à 29 millions d'euros -29.000 flacons x 1000 euros, mais si l'utilisation de l'Avastin dans le traitement de la DMLA pouvait être reconnue, l'Avastin constituerait, d'après les spécialistes, un remède comparable au Lucentis en terme d'efficacité et de sécurité dans le traitement de la DMLA tout en permettant de réaliser d'importantes économies vu son modique prix.

De nombreux ophtalmologues dénoncent aujourd'hui la charge financière importante que fait peser le traitement Lucentis sur la collectivité et prennent le " risque " de prescrire l'Avastin, engageant ainsi leur propre responsabilité dans le traitement de la DMLA alors que l'Agence fédérale des médicaments et des produits de santé (AFMPS) rappelle la responsabilité médico-légale de ceux-ci en cas de prescription de l'Avastin en dehors des indications autorisées. Les ophtalmologues ont envoyé récemment une lettre à l'AFMPS pour exprimer leur désaccord sur ce sujet.

Suite à de nombreuses discussions et rencontres avec les praticiens, je souhaiterai vous faire part de trois pistes de réflexion compte tenu des précédentes observations que j'ai formulées et sachant pertinemment que le nombre de cas de DMLA risque de progresser à l'avenir avec le vieillissement constant de notre population.

Il me paraît opportun d'ouvrir le débat sur:

1) La reconnaissance légale de l'utilisation de l'Avastin dans le traitement de la DMLA tout en laissant une liberté de choix aux médecins dans le type de traitement à prescrire (en fonction du type de patient, du degré de gravité de dégénérescence, etc) ; ce qui permettrait de maintenir un système de santé de qualité et réaliser d'importantes économies tant pour le patient atteint de DMLA que pour l'État (économies en termes de santé publique de l'ordre de 12.000.000 d'euros) ;

2) L'élaboration de règles très strictes de préparation de l'Avastin dans des conditions de stérilité en pharmacie hospitalière, de conservation et d'utilisation de l'Avastin en milieu hospitalier uniquement;

3)La suppression du nombre de doses remboursables et de la limite arbitraire du nombre d'années actuellement remboursables pour le Lucentis dans la mesure où la plupart des traitements doivent, très souvent, être prolongés.

Puis-je vous demander, Madame la Ministre, quelle est votre position à l'égard de cette proposition élaborée avec la collaboration d'ophtalmologues et qui permettrait d'éviter l'arrêt du traitement de la DMLA étant donné son coût inabordable pour le patient, 990 € l'ampoule.

Réponse reçue le 1 mars 2013 :

La problématique de l’utilisation de l’Avastin® dans le traitement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) m’est bien connue et m’interpelle. 

Je sais que de nombreux ophtalmologues souhaitent l’utiliser en lieu et place du Lucentis®. 

Mais, comme vous le signalez d’ailleurs, l’Avastin®, contrairement au Lucentis®, n’a pas l’indication enregistrée pour le traitement de cette pathologie. 

Tant les autorités belges (l’Agence fédérale des médicaments et des produits de santé - AFMPS) que d’autres (comme la Haute autorité française de santé) ont mis les praticiens en garde contre une telle utilisation.  

Certains problèmes peuvent en effet être liés à la reformulation nécessaire en milieu stérile, à la stabilité de cette manipulation ou au dosage optimal de l’Avastin® qui n’est pas connu. L’étude que vous mentionnez montre en outre qu’il y aurait plus d’effets indésirables avec l’Avastin® qu’avec le Lucentis®.  

L’Agence européenne des médicaments (EMA), qui est par ailleurs la seule autorité autorisée à reconnaître légalement une indication pour une spécialité pharmaceutique, a également émis en juillet 2012 de semblables mises en garde. 

Pour ce qui est du nombre de doses remboursables par an et du nombre d’années autorisées pour le remboursement, il n’existe pas dans la littérature scientifique d’élément indiquant que celles-ci seraient insuffisantes. On ne peut pas, certes, exclure que dans un cas isolé le traitement doive être prolongé au-delà de 3 ans, mais pour la plupart des patients une telle prolongation est inutile et n’apporte rien. 

Je travaille actuellement avec l’Institut national d’Assurance Maladie Invalidité (INAMI) sur la DMLA et je ne manquerai pas de vous informer dès que des mesures en matière d’enregistrement et/ou de remboursement auront été validées.