SÉNAT DE BELGIQUE
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Session 2012-2013
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23 janvier 2013
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SÉNAT Question écrite n° 5-7952

de Nele Lijnen (Open Vld)

à la vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de Beliris et des Institutions culturelles fédérales
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Les scandales autour des transplantations d'organes en Allemagne
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transplantation d'organes
Allemagne
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23/1/2013Envoi question
22/2/2013Réponse
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Requalification de : demande d'explications 5-2887
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SÉNAT Question écrite n° 5-7952 du 23 janvier 2013 : (Question posée en néerlandais)

La fondation Eurotransplant est un organisme de services pour les centres de transplantation, les laboratoires et les hôpitaux transplanteurs coopérant dans sept pays, à savoir la Belgique, l'Allemagne, la Croatie, le Luxembourg, les Pays-Bas, l'Autriche et la Slovénie. Eurotransplant œuvre pour une utilisation optimale des organes disponibles en établissant la meilleure combinaison possible entre organe et receveur. L’allocation des organes est basée sur des critères médicaux et éthiques. Les avantages de la collaboration découlent de l’utilisation d’un système unique de collecte des paramètres des donneurs et d’une liste d’attente centrale. Chaque année, Eurotransplant assure l’allocation d’environ 7000 organes. Grâce à la coopération entre les pays, les chances augmentent pour les patients très urgents. La solidarité mutuelle permet en outre d’aider des groupes spécifiques, comme les enfants et les patients ayant un groupe sanguin ou un type de tissu rares.

Plusieurs scandales récents en Allemagne ont mis à mal l'intégrité du système existant, suscitant des questions sur le contrôle de l'octroi des places sur la liste d'attente. Des médecins de l'hôpital universitaire de Leipzig ont aggravé fictivement l'état de santé de certains patients pour augmenter leurs chances de recevoir un nouvel organe. La fraude au don d'organe à Göttingen et à Regensburg a été révélée l'été dernier ; dans le dernier cas, deux médecins allemands ont reçu de l'argent pour faire avancer, sur la liste d'attente, des personnes en attente d'un organe. Cette fraude a a provoqué le décès de patients qui auraient pu être transplantés plus tôt. En 2010 et 2011, les données de plus de vingt patients à Göttingen ont été à ce point modifiées qu'ils se sont retrouvés en début de liste et ont ainsi pu être opérés rapidement. Curieusement, quatre Jordaniens figuraient parmi les patients privilégiés. Pour qu'ils puissent entrer dans le système européen de transplantation, on les avait domiciliés à la clinique de Regensburg. Qui plus est, le docteur O. et son chef ont effectué sept transplantations dans la capitale jordanienne Ammam. Il y a beaucoup de chances qu'il ne s'agisse pas d'un incident unique. La Süddeutsche Zeitung estime, en se basant sur des données relatives aux années qui ont suivi le départ du docteur O., que les manipulations des listes d'attentes se sont simplement poursuivies à Regensburg.

Je souhaiterais dès lors poser les questions suivantes à la ministre :

1) Comment réagissez-vous aux différents scandales qui ont entouré les transplantations d'organes, et au fait que certains patients aient bénéficié de faveurs contre paiement ? Pouvez-vous détailler votre réponse ?

2) Pouvez-vous indiquer si des patients belges ont été lésés et dans l'affirmative, combien ? Pouvez-vous expliquer en détail comment vous suivez ce dossier ?

3) Pouvez-vous indiquer comment il sera possible, à l'avenir, d'éviter de voir réapparaître de tels scandales et estimez-vous, comme moi, qu'il y a lieu d'intensifier la surveillance et le contrôle ? Dans l'affirmative, pouvez-vous expliquer comment vous procéderez concrètement ? Dans la négative, pourquoi ?

4) Pouvez-vous expliquer en détail quels démarches concrètes vous avez entreprises, d'une part,, auprès d'Eurotransplant et d'autre part, auprès de votre homologue allemand ?

5) Pouvez-vous indiquer, pour chacune des cinq dernières années, si l'on a connu d'autres cas de patients favorisés au détriment d'autres dans les pays membres d'Eurotransplant ?

6) Comment réagissez-vous à la pratique, apparemment autorisée, qui consiste à faire domicilier des citoyens non européens dans un hôpital afin de les insérer dans le système européen de transplantation d'organes ? Notre pays a-t-il recours à ce système et dans l'affirmative, pouvez-vous indiquer le nombre de personnes concernées et ce, pour chacune des trois dernières années ?

Réponse reçue le 22 février 2013 :

1 Ces scandales sont intolérables. L’acte altruiste que constitue le don d’organe mérite du respect. Il ne peut en aucun cas faire l’objet d’un abus. La loi belge de 1986 prévoit en son article 4 que les donations d’organes de donneurs décédés se font sur base volontaire et à titre gratuit. Le prélèvement des organes doit se faire sans but lucratif.

2 Il n’y a aucune indication que les patients belges auraient été désavantagés. Les abus n’ont été constatés chez des patients que sur la liste d’attente allemande. Le don du foie est réglé au niveau national. L’organe est d’abord proposé au patient qui présente un code médical le plus élevé (en d’autres mots, le patient le plus malade). Chaque foie disponible est donné dans le pays où l’organe a été reçu. Mais il existe une solidarité entre les pays s’il s’agit d’une demande très urgente d’un foie. Eurotransplant règle le don et réalise toujours un audit auprès des patients avec un code médical élevé.

3 Les centres de transplantation en Belgique fonctionnent avec une équipe multidisciplinaire qui étudie le cas de chaque patient dans une réunion de staff. Sur la base d’un consensus, le patient est inscrit ou non sur la liste d’attente. Ce sont les coordinateurs de transplantation qui introduisent les données médicales à Eurotransplant. Si un patient a un score élevé et qu’il se trouve en haut de la liste, chaque coordinateur et médecin de l’équipe reçoit automatiquement un mail d’Eurotransplant avec les informations. Comme ces données sont vues et suivies par tous, cela donne un contrôle automatique.

Dans le cadre de la transposition de la directive européenne dans la loi sur le prélèvement et la transplantation des organes qui garantit la qualité et la sécurité des organes humains et qui améliore la disponibilité des organes, l’efficacité et l’accessibilité des systèmes de transplantation dans l’Union européenne, l'État désignera des inspecteurs qui contrôleront les centres de transplantation belges. Grâce à l’installation d’un collège qui contrôlera la qualité dans la médecine de transplantation, il y aura aussi une possibilité d’audit.

4 Eurotransplant a informé les autorités des pays participants de cet abus en Allemagne. Chaque pays, l’Allemagne aussi, veut prendre des mesures pour empêcher ce genre d’incident à l’avenir. Une concertation est prévue pour vérifier de quelle manière se font les contrôles nationaux et quelles mesures Eurotransplant peut prendre pour assurer un suivi encore plus efficace.

5 Il n’y a eu aucune mention ces cinq dernières années de patients qui auraient été avantagés par rapport à d’autres.

6 L’article actuel 13ter de la loi du 13 juin 1986 prévoit que « pour être inscrite en qualité de candidat receveur dans un centre belge de transplantation, toute personne doit, soit avoir la nationalité belge ou être domiciliée en Belgique depuis six mois au moins, soit, avoir la nationalité d'un état qui partage le même organisme d'allocation d'organes ou être domiciliée dans cet état depuis 6 mois au moins. » En outre, s’il n’y a pas de receveur pour un organe sur la liste d’attente, l’organe peut être attribué à un candidat receveur qui ne satisfait pas aux conditions de nationalité ou de domicile.

Ces trois dernières années, il y a eu en Belgique trois patients non européens transplantés avec un deceased donor : deux en 2010 et un en 2012. Pour deux de ces patients, il s’agissait de la deuxième transplantation après un don vivant; pour la troisième, c’était pour un patient High urgent (HU) qui séjournait par hasard dans notre pays à ce moment-là.