SÉNAT DE BELGIQUE
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Session 2011-2012
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14 septembre 2012
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SÉNAT Question écrite n° 5-7026

de Nele Lijnen (Open Vld)

au vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères, du Commerce extérieur et des Affaires européennes
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Congo - Rebelles du M23 - Stanislas Baleke - Tournée en Europe - Prétendus contacts avec des pays européens - Persona non grata - Inculpation
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Congo
crime de guerre
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14/9/2012Envoi question
26/3/2013Rappel
24/9/2013Rappel
30/10/2013Requalification
6/1/2014Réponse
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Requalifiée en : demande d'explications 5-4189
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SÉNAT Question écrite n° 5-7026 du 14 septembre 2012 : (Question posée en néerlandais)

J'apprends aujourd'hui de diverses sources (voir : http://www.culturecongolaise.net/?p=10703#more-10703) qu'une délégation des rebelles du M23 qui opèrent au Congo, conduite par Stanislas Baleke, a effectué une tournée d'une semaine en Europe pour y plaider sa cause. La délégation se serait rendue entre autres à Paris, à Bruxelles et à Londres. Stanislas Beleke est le porte-parole des rebelles et a confirmé dans plusieurs interviews que la branche politique de ce mouvement rebelle veut convaincre l'Europe de sa bonne volonté : « Nous sommes ici pour expliquer notre lutte contre le gouvernement de Kinshasa », a déclaré Beleke (voir : http://www.congoforum.be/fr/interviewsdetail.asp?id=188878&interviews=selected).

Dans ce contexte, je me réfère au rapport du Haut Commissaire aux réfugiés qui présente plusieurs témoignages des atrocités actuellement commises dans l'est du Congo : « Ces violations comprennent notamment l'exécution sommaire de civils, des viols et autres sévices sexuels, la torture, les arrestations arbitraires, les agressions, les pillages, l'extorsion de vivres et d'argent, la destruction de biens, le travail et l'enrôlement militaire forcés, dont celui des enfants, ainsi que les violences à caractère ethnique. Le conflit qui s'est intensifié en juin entre les troupes gouvernementales et les groupes rebelles armés aurait jeté sur les routes plus de 470 000 personnes dans l'est de la RDC ».

L'organisation World Vision qui vient en aide aux enfants a annoncé dernièrement que des milliers d'enfants ont pris la fuite au Congo sans leur famille pour échapper au recrutement forcé par les groupes rebelles.

Je ne peux aujourd'hui que constater que la situation empire de jour en jour. Dans un rapport très détaillé du 11 septembre dernier, Human Rights Watch a accusé les rebelles du M23 de crimes de guerre commis à grande échelle. Ces crimes de guerre vont de la mise à mort de garçons au viol d'une fillette de huit ans. Basé sur 190 interviews réalisées de mai à septembre de cette année, le rapport dénonce des exécutions sommaires, des viols et des recrutements de force.

Je me réfère à votre exposé du 12 septembre en commission des Relations extérieures. Vous y indiquiez ignorer cette démarche du M23.

Ce contexte m'inspire quelques questions.

1) Avez-vous connaissance de contacts formels ou informels entre les pays européens cités et/ou d'autres instances, d'une part, et le porte-parole et la branche politique de ce mouvement rebelle, d'autre part ? Si oui, pouvez-vous donner des explications ? Quelle réaction ce communiqué vous inspire-t-il ?

2) Pouvez-vous expliquer dans quelle mesure les représentants du M23 et les principaux dirigeants du mouvement sont persona non grata dans notre pays ? Pouvez-vous préciser de combien de personnes il s'agit ?

3) Pouvez-vous dire ce qu'il en est de l'éventuelle inculpation de ces personnes devant les tribunaux internationaux ou autres ? Certaines de ces personnes sont-elles déjà recherchées pour crimes de guerre ? Êtes-vous prêt à mettre cette question sur le tapis lors du sommet des Nations Unies du 27 septembre ou dans d'autres forums ?

Réponse reçue le 6 janvier 2014 :

1. M. Baleke n’a jamais cherché à prendre un contact et nous n’avons par ailleurs jamais, à quelque niveau que ce soit, été en contact avec des membres du M23. Je n'ai aucun doute qu’il en va de même pour Paris ou Londres. Nous n'avons jamais donné aucune légitimité au M23 et nous sommes toujours partis du principe que le mouvement ne serait toléré qu’aux négociations menées à Kampala avec les autorités congolaises au sujet d’une capitulation.

2. Les principaux dirigeants du M23 et le M23 comme organisation en tant que telle sont sur la liste des personnes et organisations à l’encontre desquelles des sanctions de l’ONU ont été décidées. Cette liste se trouve sur le site internet du Conseil de Sécurité. Le département du Trésor américain a instauré, fin 2012, des sanctions financières contre six dirigeants du M23 : Bosco Ntaganda , Sultani Makenga , Baudouin Ngaruye , Innocent Kaina , Eric Badege et Innocent Zimurinda. Ces six personnes sont également sur la liste des sanctions de l'ONU. L'Union européenne a également, pour un certain nombre de dirigeants du M23, imposé des sanctions en vertu du règlement 1183/2005. Il s’agit plus précisément de Kaina , Ngaruye , Makenga , Badege et Runiga. Il va sans dire que toutes ces personnes qui sont sous le coup de sanctions internationales sont également persona non grata en Belgique.

3. Outre le cas particulier de Bosco Ntaganda à l’encontre de qui un mandat d'arrêt international avait été délivré avant qu’il ne rejoigne le M23, aucun membre du M23 n’est, à ce jour, poursuivi par la Cour pénale internationale. Toutefois, il n'est pas exclu que le rapport des experts du Comité des sanctions de l'ONU déclenche des poursuites internationales.

Des poursuites au niveau national sont aussi possibles.

La Belgique accorde depuis des années beaucoup d'importance à la lutte contre l'impunité. En ce qui concerne les négociations de Kampala, nous avons toujours explicitement déclaré que l'amnistie générale n'a pas sa place dans l'accord final, et que les membres du M23 qui se sont rendus coupables de crimes de guerre et crimes contre l'humanité auprès des tribunaux congolais ou de la Cour pénale internationale doivent être jugés. C'est cette position que nous défendons dans toutes les enceintes internationales et dans les contacts bilatéraux à ce sujet. Récemment, les conditions ont été signées dans le cadre du désarmement et de l’arrêt des activités du M23. Le groupe rebelle M23 s'engage à abandonner la lutte armée. En échange, le gouvernement congolais ne va pas poursuivre les ex-combattants du M23 pour leur rébellion. Les rebelles, cependant, n’échapperont pas à des poursuites lorsqu’il s’agit de crimes contre l'humanité, crimes de guerre ou sexuels.

Je suis satisfait que les rebelles M23 ne seront pas ré- intégrés dans l'armée congolaise. Il est enfin mis un terme à la coutume qui veut que les anciens rebelles soient à nouveau acceptés dans l’armée.