SÉNAT DE BELGIQUE
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Session 2011-2012
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28 décembre 2011
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SÉNAT Question écrite n° 5-4217

de Louis Ide (N-VA)

à la ministre de la Justice
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Internement - Construction de deux nouveaux centres - Politique de réinsertion
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Régie des Bâtiments
internement psychiatrique
réinsertion sociale
établissement psychiatrique
profession de la santé
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28/12/2011Envoi question
24/4/2012Réponse
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Réintroduction de : question écrite 5-2384
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SÉNAT Question écrite n° 5-4217 du 28 décembre 2011 : (Question posée en néerlandais)

Comme en témoignent plusieurs demandes d'explications, en tant que médecin je m'intéresse particulièrement au traitement des internés enfermés dans nos prisons. Leur situation est souvent déplorable et il ne reçoivent pas non plus l'aide à laquelle ils ont droit en tant que malades mentaux. Cela a déjà été constaté à plusieurs reprises par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains et dégradants.

Il ressort de sa réponse à ma demande d'explications n° 4-1312 (Annales n° 4-103 du 17 décembre 2009, page 78) que le ministre partage mes préoccupations et qu'il existe une volonté de remédier à l'accueil déplorable des internés. Dans sa réponse, il déclare que d'ici fin 2012, deux centres fermés de psychiatrie légale auront été créés à Gand et à Anvers. Ces centres représenteraient 450 places.

2012 sera aussi une année cruciale pour la nouvelle loi relative à l'internement.

Je souhaite que le ministre nous informe de l'état d'avancement.

1) Qu'en est-il de la construction des nouvelles institutions? Où en est-on à Gand? Où en est-on à Anvers ?

2) Aurons-nous jamais un centre Pieter Baan comme aux Pays-Bas ?

3) Pour quelle raison l'appréciation des internés se fait-elle selon deux catégories ? Pourquoi ne pas prévoir cinq degrés comme aux Pays-Bas-?

4) Récemment encore, un poste de 32 millions d'euros était même prévu à l'article 56 (il s'agit d'un centre de frais pour frais administratifs qui, en réalité, sert à « subsidier des projets »). Quand y aura-t-il un centre de frais clair et transparent ?

5) Où en est l'application de la loi du 21 avril 2007, publiée le 13 juillet 2007 ?

6) Le ministre est-il disposé à combler les lacunes de cette loi, lacunes sur lesquelles les experts s'accordent, comme :

- l'association des prestataires de soins, en l'occurrence les médecins et plus spécifiquement le médecin généraliste/psychiatre/psychologue de l'interné concerné?

- Partage-t-il l'avis que les besoins en matière d'hôpitaux publics de psychiatrie légale sont insuffisamment couverts (contrairement, par exemple, aux Pays-Bas) ?

- Partage-t-il l'avis que la dénomination même du tribunal d'application des peines est erronée ? Un internement n'est tout de même pas une peine ?

- Qu'en est-il de la réinsertion progressive des internés dans la société?

Réponse reçue le 24 avril 2012 :

1) En ce qui concerne le CPL de Gand

La décision d'attribution et l'offre m'ont été soumises pour approbation le 20 avril 2011. Entre-temps, l'ordre de commencement a été transmis par voie recommandée et les travaux ont commencé le 3 octobre dernier. Selon les estimations, la réception devrait avoir lieu en décembre 2013.

En ce qui concerne le CPL d'Anvers

Au printemps de cette année, le projet d'esquisse a été approuvé et l'avant-projet a été commandé. L'élaboration de l'avant-projet a pu débuter le 26 avril 2011. Conformément au planning, l'avant-projet a été soumis à la Régie de Bâtiments pour approbation le 18 août 2011. Selon les estimations, le marché pourra être attribué pour la fin 2012. La date de réception estimée est décembre 2014.

Le retard au niveau du planning prévu pour le CPL d'Anvers est dû en grande partie à la demande d'extension de la capacité de 120 à 180 chambres et à la concertation imprévue, mais indispensable, avec le maître d'œuvre flamand. L'accord du Conseil des ministres pour un financement via emprunt remonte à l'année dernière déjà (cf. notification du Conseil des ministres du 25 juin 2010).

2) Une institution comme le « Pieter Baan Centrum » existe en Belgique depuis 1999 sur papier, mais pas dans la pratique. Il s'agit du Centre pénitentiaire de recherche et d'observation clinique (CPROC). Je ne dis pas d'office non à un tel centre mais en raison de l'actuelle problématique de la surpopulation, cela ne constitue pas une priorité. Bon nombre d'aspects doivent encore être examinés chez nous (qui assurera la direction de ce centre, où sera-t-il établi, etc.), sans oublier que beaucoup de choses ont aussi changé depuis 1999. Aujourd'hui, chaque prison emploie une équipe de psychologues et il est possible de faire de la recherche spécialisée dans chaque prison. La nouvelle loi relative à l'internement contient également des règles importantes en matière d'expertise psychiatrique qui doivent permettre de mieux évaluer les personnes en détention préventive. Par conséquent, je veux examiner d'abord toutes les possibilités en profondeur avant de prendre une décision définitive à cet égard.

3) C'est régi comme cela par la loi relative à l'internement en Belgique. Jusqu'à la loi du 21 avril 2007, le critère retenu pour déterminer si une personne était responsable de ses actes n'était pas large. Il s'agissait pratiquement toujours de personnes très gravement déséquilibrées et de personnes qui étaient aliénées au sens classique du terme. Les troubles de la personnalité étaient seulement pris en compte dans la mesure où ils étaient à ce point graves qu'ils influençaient la personne de manière telle que l'expert comportementaliste en concluait que l'auteur devait être déclaré totalement irresponsable de ses actes. Dans la loi du 21 avril 2007, les termes 'démence', 'état grave de déséquilibre mental' et 'débilité mentale' ont été remplacés par la notion appropriée de 'trouble mental'. Aux termes de cette loi, deux aspects sont envisagés pour procéder à un internement, en l'occurrence la capacité de volonté, à savoir le contrôle de ses actes, et la capacité intellectuelle. Il faut que la capacité de discernement ou le contrôle des actes aient entièrement disparu ou soient gravement atteints. Cette nouvelle définition pourra donc englober un groupe de personnes susceptibles de faire l'objet d'un internement qui est beaucoup plus large que le groupe actuel. Je n'ai pour l'instant pas l'intention de passer à un système à cinq degrés comme le système néerlandais.

4) Ce poste est toujours prévu. Il s'agit d'une prise en charge par l'assurance obligatoire soins de santé (inscrite dans loi AMI du 14 juillet 1994 par la loi-programme du 11 juillet 2005) d'un montant plafonné, indexé annuellement, qui sert à prendre en charge les frais pour les prestations de santé dispensées aux internés dans les établissements de soins visés à l'article 56, § 3, de cette même loi AMI. Cette intervention ne sert pas à "subsidier des projets", mais il s'agit, au contraire, d'une intervention structurelle de l'assurance obligatoire soins de santé dans les frais d'admission d'internés dans un hôpital ou un établissement de soins psychiatriques, sur la base de l'article 14 de la loi de défense sociale. Les dépenses réelles pour les frais d'admission d'internés sont supérieures à ce subside et sont supportées par le Service public fédéral (SPF) Justice.

Un groupe de travail mixte Justice - l’Institut national d'assurance maladie-invalidité (INAMI) a récemment été lancé pour étudier l'intégration des détenus et des internés dans l'assurance obligatoire soins de santé. Il abordera également le financement. L'objectif est en effet de créer une plus grande transparence dans ce domaine.

5) Comme l'honorable membre l'aura sans doute entre-temps appris, l'entrée en vigueur de la loi du 21 avril 2007 a été reportée au 1er janvier 2013 au plus tard en vertu des articles 16 et 17 de la loi du 28 décembre 2011 portant des dispositions diverses en matière de justice (I).

Le report était nécessaire pour réaliser toutes les conditions d'entrée en vigueur de la loi de 2007 (réglementation, installation des chambres de l'application des peines, personnel, etc.). Ces changements organisationnels sont considérables et différents arrêtés d'exécution doivent encore être élaborés concernant notamment les aspects suivants :

  • les modalités et critères d'agrément des psychiatres désignés comme expert (critères à définir par le SPF Santé Publique) ;

  • le modèle d'expertise psychiatrique, qui est une pièce centrale dans la prise de décision d'internement et qui doit donc répondre aux exigences de la loi ;

  • les conditions de sécurité des institutions externes où des internés peuvent être placés doivent pouvoir être connues par les tribunaux de l'application des peines ;

  • la notion de victime et les organismes agréés pour représenter les victimes ;

  • le contenu du rapport ou de l'enquête sociale à réaliser par les maisons de justice ;

  • les modalités de surveillance électronique ;

  • la mise en place de la structure de concertation ;

  • les modalités d'octroi d'une subvention pour les institutions accueillant des internés « low risk » ;

  • le traitement des archives des commissions de défense sociale.

6) J'étudie en ce moment le dossier et le cas échéant, je formulerai au moment opportun des propositions de modifications.