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18 JUILLET 2013
I. INTRODUCTION
Le projet de loi qui fait l'objet du présent rapport et qui relève de la procédure bicamérale obligatoire, a été déposé initialement à la Chambre des représentants en tant que proposition de loi de M. Brotcorne et consorts (doc. Chambre, nº 53-682/1).
La Chambre des représentants a adopté ce texte le 20 juillet 2011 et l'a transmis au Sénat.
Le 20 juin 2013, le Sénat a renvoyé le projet de loi à la Chambre des représentants après l'avoir amendé (doc. Sénat, nº 5-1189/8).
Le 17 juillet 2013, la Chambre des représentants a renvoyé le projet de loi au Sénat après l'avoir à nouveau amendé (doc. Chambre, nº 53-682/22).
La commission de la Justice a examiné le projet de loi faisant l'objet du présent rapport lors de sa réunion du 18 juillet 2013, en présence de la ministre de la Justice.
II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE LA MINISTRE DE LA JUSTICE
La ministre rappelle que l'idée de créer un tribunal de la famille a été lancée dans les années septante par M. Léo Tindemans. Le projet de loi à l'examen a déjà un long parcours parlementaire derrière lui. Le Sénat a eu l'occasion de se pencher longuement sur cette réforme lors d'un premier examen du texte qu'il a renvoyé à la Chambre des représentants après l'avoir profondément amendé. Le texte que la Chambre des représentants vient de renvoyer au Sénat a à nouveau été amendé, sans que la Chambre des représentants n'ait remis en question les grands équilibres de la réforme.
En ce qui concerne la compétence du tribunal de la famille, le Sénat avait prévu qu'il était notamment compétent pour les demandes des couples relatives à l'exercice de leurs droits ou à leurs biens, ainsi que pour les mesures provisoires qui s'y rapportent. La Chambre des représentants a limité la compétence aux demandes des époux et cohabitants légaux. Faute de définition univoque de la notion de couple de fait, la Chambre n'a pas eu d'autre choix que de devoir exclure du tribunal de la famille les cohabitants de fait sans enfant commun.
Le projet permettra de regrouper le contentieux familial selon le principe « une famille — un dossier — un juge ». Le présent projet s'inscrit dans un contexte plus large de réforme et de simplification du paysage judiciaire. La ministre renvoie sur ce point au projet de loi réformant les arrondissements judiciaires ainsi qu'à la récente adaptation du droit disciplinaire.
Elle souligne que le projet de loi portant création d'un tribunal de la famille illustre la bonne collaboration entre le Parlement et le gouvernement et elle espère que ce texte pourra être adopté rapidement.
III. DISCUSSION
M. Mahoux demande des précisions sur la discussion qui a eu lieu à la Chambre sur la question des couples de fait. Un amendement a été déposé par Mme Becq (amendement nº 299, doc. Chambre nº 53-682/20) pour tenter de définir la notion de couple de fait en précisant qu'il doit s'agir de personnes qui cohabitent de manière ininterrompue depuis au moins un an et constituent un ménage commun. Pour quelles raisons cet amendement a-t-il été rejeté ?
La ministre répond que la question de la compétence du tribunal de la famille à l'égard des couples de fait a été largement discutée à la Chambre des représentants. Sur le fond, l'intervenante n'a pas d'objection à ce que les conflits entre cohabitants de fait soient soumis au tribunal de la famille. Il faut cependant que la formulation proposée soit précise puisqu'il s'agit d'un critère de compétence d'une juridiction. Or, la notion « de couples » proposée par le Sénat à l'article 572bis, 3º, du Code judiciaire comme critère de compétence n'était pas suffisamment précise. L'absence de délimitation claire à la notion de « couple » aurait fait naître des incertitudes.
L'amendement nº 299 de Mme Becq était basé sur la législation afférente aux droits de succession. Cela n'a cependant pas semblé être une solution pertinente, dans la mesure où cette législation concerne un problème de fond et non un élément de la procédure tel qu'une compétence. La ministre renvoie pour le surplus au rapport de la Chambre (doc. Chambre, nº 53-682/21, p. 13 et suivantes).
Comme il n'a pas été possible de donner une définition juridiquement précise de la notion de couple, la Chambre a préféré limiter la compétence matérielle du tribunal de la famille aux couples mariés et aux cohabitants légaux.
Mme Khattabi regrette la manière dont se déroulent les travaux. Les commissaires sont contraints d'examiner au pas de charge un projet de loi sans disposer du rapport des discussions menées à la Chambre des représentants et sans savoir précisément quelles modifications la Chambre a apportées au texte que le Sénat lui avait transmis le 21 juin 2013.
Mme Defraigne constate que la Chambre a purement et simplement ignoré certaines modifications apportées au texte par le Sénat et qui étaient le fruit d'un compromis. Dans l'article 572bis, 3º, proposé, du Code judiciaire, la Chambre est revenue à son texte en supprimant l'extension de compétence du tribunal de la famille décidée par le Sénat en faveur des couples de fait. Le texte tel qu'il revient de la Chambre ne permet plus aux couples de fait de trouver la protection judiciaire du tribunal de la famille.
De même, le Sénat avait trouvé une formule de compromis pour définir la compétence du tribunal de la famille en matière de liquidation-partage. La Chambre a contre-amendé le texte sur ce point.
L'intervenante doute de la cohérence des choix opérés par la Chambre des représentants. Ainsi, tel qu'il est formulé, le texte rend le tribunal de la famille compétent pour régler des problèmes d'indivisions entre frères et sœurs alors qu'un problème de résidence commune, d'attribution provisoire du mobilier entre des cohabitants de fait ne sera pas soumis au tribunal de la famille. Quelle est la logique de ces règles de compétence ?
M. Mahoux prend acte des déclarations de la ministre concernant la notion de couple. L'intervenant est prêt à se ranger à la solution retenue par la Chambre des représentants puisqu'il semble compliqué de définir le couple de fait. Quoi qu'il en soit, le problème de fond subsiste par rapport à ces couples de fait qui ne pourront bénéficier de la réforme proposée.
Mme Khattabi partage l'indignation de Mme Defraigne quant au manque d'égards de la Chambre vis-à-vis du travail du Sénat. Elle constate cependant que ce sont les membres des groupes socialistes et libéraux à la Chambre des représentants qui ont modifié le texte adopté par le Sénat. Une meilleure concertation entre les groupes politiques des deux assemblées permettrait d'éviter ce genre de problème.
Mme Defraigne pense qu'il peut exister des différences de sensibilité entre les membres des deux assemblées. L'intervenante rappelle par ailleurs qu'aucune réponse satisfaisante n'a été donnée à ce jour à la question des coûts liés à la mise en place des tribunaux de la famille. Enfin, la création des tribunaux de la famille combinée à la réforme des arrondissements judiciaires constituera une táche titanesque pour l'ordre judiciaire, qui risque de ne pas bénéficier du soutien nécessaire pour mener à bien ces deux réformes.
M. Vanlouwe se déclare quelque peu inquiet face aux discussions et aux discordes suscitées par le projet. Il espère en effet qu'après plus de deux ans, le tribunal de la famille pourra enfin voir le jour et déplore la partie de ping-pong à laquelle se livrent la Chambre et le Sénat. Le débat sur les cohabitants légaux ou de fait et les couples mariés a déjà été mené. Ces formes de vie commune finiront par se ressembler de plus en plus.
M. Laeremans s'interroge sur la possibilité de faire entrer le texte à l'examen en vigueur dès le mois de septembre 2014. Vu la réforme imminente du paysage judiciaire, cela semble pour le moins irréfléchi. De plus, il faut aussi tenir compte de l'échéance électorale de 2014. L'instauration du tribunal de la famille ira également de pair avec une série de nominations. Pour l'intervenant, il semble évident que la date d'entrée en vigueur devra être reportée.
La ministre souligne que si la notion de « ménage » ou de « couple » n'a pas été retenue, c'est parce qu'elle n'est pas pertinente du point de vue juridique. Il faudrait presque que la procédure juridique soit déjà engagée pour savoir quel tribunal est compétent. Ce serait une source d'insécurité juridique.
M. Vastersavendts pense que la pratique nous dira dans quels cas le tribunal de la famille est compétent. Le juge saisi examinera dans les faits si les personnes qui comparaissent devant lui forment un couple ou non. L'introduction de ce terme dans la loi engendrerait toutefois une insécurité juridique. L'intervenant renvoie à la procédure permettant au juge d'ordonner des mesures urgentes et provisoires dans le cadre de la recherche d'une solution pratique.
Mme Van Hoof indique que cette discussion a déjà été menée au Sénat mais aussi à la Chambre. Elle demande de procéder au vote.
IV. VOTES
Articles 1er à 113
Ces articles ne soulèvent aucune remarque et sont successivement adoptés par 12 voix et 1 abstention.
Articles 114 et 115
Ces articles ne soulèvent aucune remarque et sont successivement adoptés par 11 voix et 2 abstentions.
Articles 116 à 125
Ces articles ne soulèvent aucune remarque et sont successivement adoptés par 12 voix et 1 abstention.
Article 126
Cet article ne soulève aucune remarque et est adopté par 11 voix et 2 abstentions.
Article 127
Cet article ne soulève aucune remarque et est adopté par 12 voix et 1 abstention.
Article 128
M. Mahoux renvoie à la discussion générale ainsi qu'au rapport des débats à la Chambre des représentants. La Chambre a finalement exclu les couples de fait du critère de compétence matérielle du tribunal de la famille car, dans l'état actuel des choses, il est impossible de donner une définition exacte de la notion de « couple de fait ». L'orateur déclare pouvoir se ranger au texte tel qu'il est revenu de la Chambre des représentants. Il espère que cette solution ne créera pas de discriminations.
Mme Defraigne déclare qu'elle s'abstiendra lors du vote car la Chambre a purement et simplement supprimé le résultat des compromis et réflexions menés par le Sénat lors du premier examen du texte.
L'article est adopté par 9 voix et 3 abstentions.
Articles 129 à 274
Ces articles ne soulèvent aucune remarque et sont successivement adoptés par 11 voix et 1 abstention.
Vote final
Mme Khattabi déclare qu'elle s'abstiendra lors du vote final pour marquer son désaccord quant aux conditions dans lesquelles la commission a procédé à l'examen du projet de loi.
L'ensemble du projet de loi est adopté par 10 voix contre 1 et 1 abstention
À l'unanimité, la commission a décidé de faire confiance aux rapporteuses pour la rédaction du présent rapport.
Les rapporteuses, | Le président, |
Els VAN HOOF. Zakia KHATTABI. | Alain COURTOIS. |
Le texte adopté par la commission est identique au texte du projet renvoyé par la Chambre des représentants (voir le doc. Chambre, nº 53-682-22).