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Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 4 JUILLET 2013 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Questions orales

Question orale de M. Willy Demeyer au vice-premier ministre et ministre des Pensions sur «la protection des pensions complémentaires en cas d'insolvabilité de l'organisme de pension» (no 5-1083)

M. Willy Demeyer (PS). - En Belgique, l'entreprise qui veut organiser une pension complémentaire doit passer par un fonds de pension ou par un assureur.

En cas d'insolvabilité de l'employeur, le Fonds de fermeture des entreprises prend en charge les éventuelles cotisations ou primes non payées à l'organisme de pension. La question qui se pose est de savoir ce qu'il se passe dans les cas, heureusement exceptionnels, d'insolvabilité de l'organisme de pension.

La question a été formulée à plusieurs reprises par certaines organisations syndicales à la suite d'un arrêt rendu le 25 avril 2013 par la Cour européenne de Justice dans l'affaire Hogan.

D'après les syndicats, qui se fondent également sur la directive 2008/94/CE, l'État peut être tenu pour responsable en cas d'insolvabilité de l'organisme de pension. La réglementation nationale doit garantir au moins la moitié des droits des travailleurs, faute de quoi il y a violation de la directive européenne.

Il y a lieu de rappeler que l'hypothèse d'une défaillance d'un prestataire dans le domaine des pensions complémentaires n'est pas à exclure. La faillite d'Apra Leven en mars 2011 en témoigne. Dans un tel cas, il peut s'ensuivre de graves conséquences pour le travailleur.

Monsieur le ministre, je voudrais savoir de quelle manière le système belge garantit le maintien des droits des travailleurs en cas d'insolvabilité d'un organisme de pension. Confirmez-vous que l'État peut être engagé dans ce cas et, si oui, comment évaluez-vous l'idée de créer un fonds de protection pour le second pilier ?

M. Alexander De Croo, vice-premier ministre et ministre des Pensions. - La directive européenne prévoit que les États membres doivent prendre les mesures nécessaires pour protéger les intérêts des affiliés dans le deuxième pilier. Dans son arrêt Robins, la Cour de justice a jugé que la directive ne requiert pas une garantie intégrale des droits, mais que protéger, signifie garantir au moins la moitié des droits des salariés affiliés. Les États membres peuvent déterminer les modalités de cette protection. La Cour européenne a rappelé ces fondements importants dans l'arrêt Hogan.

Dans cette problématique, il faut distinguer l'insolvabilité de l'employeur et l'insolvabilité de l'organisme de pension. La Belgique offre cette protection par le biais de l'externalisation obligatoire de l'obligation de pension auprès d'un organisme de pension et par le biais du contrôle prudentiel exercé sur les organismes de pension. Les fonds issus de cotisations de pensions sont séparés du patrimoine de l'employeur. Par conséquent, ils ne font pas partie du gage des créanciers en cas d'insolvabilité de l'employeur.

S'agissant de l'insolvabilité de l'organisme de pension, il faut savoir que tous les organismes de pension, entreprises d'assurance et fonds de pension, sont soumis à une législation prudentielle et à la surveillance permanente des contrôleurs prudentiels. Les organismes de pension doivent régulièrement faire rapport aux autorités de contrôle, qui peuvent intervenir en imposant des mesures de redressement lorsque la situation menace de les détériorer. Par ailleurs, les affiliés disposent d'un privilège sur les valeurs représentatives. Dès lors, en cas de dissolution de l'organisme de pension, ils seront payés avant les autres créanciers.

De surcroît, la responsabilité ultime du respect des obligations de pension incombe à l'employeur et non à l'organisme de pension. L'employeur reste celui qui assume la responsabilité finale du respect de sa promesse de pension, même si l'organisme de pension tombe dans l'insolvabilité.

L'insolvabilité de l'organisme de pension ne le dispense pas de ses obligations envers les affiliés.

De tels mécanismes offrent un haut niveau de protection, mais pas une protection totale. Des problèmes peuvent notamment se poser au cas où l'employeur et l'organisme de pension sont insolvables et où l'employeur n'est donc plus en mesure d'apurer d'éventuels déficits.

En l'occurrence, nous nous concertons actuellement avec les partenaires sociaux en vue d'élaborer une réglementation plus globale.

L'option d'un fonds de garantie sous l'une ou l'autre forme soulève la question des risques éventuels que cette solution implique pour le budget public au cas où les capitaux du fonds se révèlent insuffisants.

La création d'une garantie pourrait aussi être abordée à l'échelon européen. En effet, créer cette garantie en dehors du contexte européen entraîne un risque de sélection inverse. Les fonds de pension et les assureurs pension étrangers peu prudents dans leurs placements viendraient s'installer en Belgique pour bénéficier de cette protection financière. Tel ne peut être l'objectif poursuivi.

En tout état de cause, compte tenu du coût financier en jeu, il convient d'analyser rigoureusement les différentes options qui se présentent en impliquant toutes les parties concernées.