5-107

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Belgische Senaat

Handelingen

DONDERDAG 13 JUNI 2013 - NAMIDDAGVERGADERING

(Vervolg)

Voorstel van resolutie betreffende het uitsluiten van culturele producten uit het toekomstige Partnerschap inzake handel en investeringen tussen de Europese Unie en de Verenigde Staten van Amerika (van de heer Benoit Hellings c.s.; Stuk 5-2043)

Bespreking

(Voor de tekst aangenomen door de commissie voor de Buitenlandse Betrekkingen en voor de Landsverdediging, zie stuk 5-2043/4.)

De voorzitster. - Het woord is aan mevrouw Zrihen voor een mondeling verslag.

Mme Olga Zrihen (PS). - La commission a examiné la proposition de résolution qui fait l'objet du présent rapport au cours de ses réunions des 4 et 11 juin 2013.

Dans son introduction, l'auteur, M. Hellings, a rappelé que notre Sénat avait adopté, le 2 mai dernier, le projet de loi portant assentiment à la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.

La nécessité d'encadrer les futurs accords commerciaux pour imposer dans le mandat de la Commission européenne une exception culturelle claire avait, à cette occasion, déjà été largement discutée.

L'auteur a également précisé que deux résolutions, l'une au Parlement flamand, l'autre au Parlement de la Communauté française, avaient été adoptées sur le même sujet.

Le gouvernement fédéral représentant la Belgique et les entités qui la composent au sein du Conseil de l'Union européenne, il serait donc logique que le Sénat, en tant qu'assemblée fédérale, puisse adopter le même type de résolution après les assemblées communautaires, concernées en premier lieu par la matière.

Le 13 mars 2013, la Commission européenne a approuvé un projet de mandat en vue de la négociation du futur accord de partenariat commercial et d'investissement entre l'Union européenne et les États-Unis.

Le Conseil des Affaires générales de l'Union européenne doit soit entériner soit modifier ce projet le 14 juin prochain, c'est-à-dire demain.

Pour la première fois en vingt ans, ce mandat de négociation ne respecte pas l'exception culturelle qui vise à exclure expressément et a priori tous les secteurs audiovisuels et culturels d'un accord commercial international.

Dans l'hypothèse où l'exception culturelle ne serait pas garantie dans l'accord, les consortiums médiatiques américains, très puissants, auraient un accès direct aux marchés européens dans les mêmes conditions que les médias européens eux-mêmes. Or, le contexte culturel économique actuel est déjà phagocyté par l'industrie culturelle, musicale et cinématographique américaine.

Le paragraphe 4 de l'article 207 du Traité de Lisbonne relatif aux négociations commerciales prévoit que « pour la négociation et la conclusion d'accords dans le domaine des services culturels et audiovisuels, lorsque ces articles risquent de porter atteinte à la diversité culturelle et linguistique de l'Union européenne, un État peut s'opposer ».

Étant donné la réunion, demain, du Conseil des Affaires générales, il est très important que les Communautés et l'État fédéral donnent au gouvernement le même mandat : défendre l'inscription de l'exception culturelle dans le mandat de la Commission européenne.

Lors de la discussion générale, M. De Gucht a estimé que l'exclusion des produits culturels reflétait une faiblesse : le fait que l'on « n'ose pas la discussion ». Il a donc voté contre la résolution adoptée par le Parlement flamand le 29 mai dernier. Il estime qu'il existe déjà une nette prépondérance de la culture américaine sur l'internet. Il n'y a, selon lui, aucune raison de supposer que le financement public des stations publiques comme la RTBF et la VRT serait compromis ou que les quotas de diffusion des productions nationales seraient en danger.

M. De Gucht a estimé que, si l'Union européenne exclut certains secteurs et que les États-Unis font de même, on risque d'aboutir à une coquille vide, tant les sujets de débats sont nombreux. De plus, la Belgique étant un pays de transit, de nombreux avantages économiques pourraient être mis à mal. L'orateur a plaidé pour un large mandat, estimant que la crainte de perdre la diversité culturelle est sans fondement, dans la mesure où nous mélangeons déjà beaucoup la culture locale et les cultures étrangères.

Pour sa part, M. Vandaele a noté que l'exception culturelle avait déjà été incluse dans le traité de Maastricht de 1992. Depuis lors, cette clause a également été utilisée dans tous les accords avec les pays tiers. Par ailleurs, si l'orateur a soutenu l'exception culturelle, il a aussi précisé son attachement aux aspects économiques de l'accord. Pour lui, il y a une nuance entre ce projet de résolution et la résolution adoptée par le Parlement flamand, le 29 mai 2013, qu'il trouve plus modérée. Toutefois, les dispositions des deux résolutions sur la protection des secteurs culturels et audiovisuels sont essentiellement les mêmes.

M. Verstreken a trouvé pour sa part qu'il était important de pouvoir protéger sa culture et sa langue mais que le principe d'exclusion de certaines matières n'était pas si opportun.

Mme Tilmans n'est pas favorable à l'exclusion de certaines matières d'un accord de libre-échange. Elle a prôné le dialogue, ce qui n'implique nullement d'accepter un libre-échange débridé.

La représentante du ministre des Affaires étrangères a signalé que la notion d'exception culturelle caractérise la politique audiovisuelle de la Belgique depuis vingt ans. Le gouvernement belge a défendu jusqu'à présent une attitude de non-engagement et pas d'exclusion. Il s'agit d'une position concertée avec les Communautés.

Le non-engagement de l'Union européenne témoigne de son refus de souscrire à des engagements dans le domaine de l'audiovisuel, estimant qu'il est essentiel de préserver la capacité d'intervention des États membres.

En ce qui concerne les services culturels, la Belgique a pris des engagements juridiques au niveau de l'OMC. On parle d'exception culturelle uniquement pour les services audiovisuels.

M. Mahoux a fait remarquer que l'exception culturelle ne concernait pas exclusivement l'audiovisuel mais que les problèmes étaient plus aigus à cet égard, à cause des intérêts économiques.

La représentante du ministre des Affaires étrangères a répondu qu'il s'agissait d'un concept adopté en 1993, lors de la présidence belge de l'Union européenne. Il ne porte que sur l'audiovisuel. Le concept s'est concrétisé dans la politique de l'Union européenne, en 1994, par les Accords de Marrakech, dans lesquels il n'y a pas eu d'engagement européen. La même année, la Belgique a pris des engagements en matière de services culturels.

L'oratrice a conclu que l'exception audiovisuelle devait être comprise comme un non-engagement en matière de services audiovisuels au niveau de l'Union européenne. Elle a précisé qu'en la matière, la Directive 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 10 mars 2010 est d'application.

M. Hellings a fait observer que selon M. De Gucht, on déforcerait l'Accord en lui retirant des matières. Elles le sont pourtant déjà depuis vingt ans. Il a également rappelé que lors de la discussion sur le projet de loi portant assentiment à la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, tous les groupes politiques s'étaient exprimés en faveur de la diversité culturelle. De plus, la Convention sur la Protection et la Promotion de la diversité des expressions culturelles de l'Unesco prévoit la nécessité de garantir un financement public de la culture.

L'orateur a alors renvoyé à un Accord de libre-échange entre les États-Unis et le Canada, dit Alena. Cet accord prévoit une exception culturelle, à la demande de la province du Québec.

Des séries à succès, comme le feuilleton danois « Borgen », financées par les autorités publiques, risqueraient d'être attaquées par les États-Unis, estimant qu'il s'agit d'une concurrence déloyale au regard de l'Accord commercial. Cela risquerait de nous arriver dans la mesure où la formule du « tax shelter » permet la réalisation des oeuvres audiovisuelles à des conditions fiscales avantageuses, ce qui favorise les métiers techniques du cinéma. Cependant cette formule ne permet pas, comme le permet par contre le financement public, l'éclosion d'une culture diversifiée. Le financement public doit donc être maintenu à l'échelon des Communautés.

Pour M. Mahoux, le gouvernement fédéral doit adopter un point de vue clair envers l'exception culturelle.

M. Anciaux a souligné l'importance accordée dans les pays de l'Union européenne à la protection de l'identité culturelle, en particulier dans le secteur de l'audiovisuel. Ce n'est pas seulement un large consensus au sein de l'Europe, ce l'est également dans notre pays au vu des différentes résolutions adoptées dans les entités fédérées.

M. Hellings a également rappelé la lettre du 6 juin envoyée par les quatre ministres de l'audiovisuel au ministre Reynders demandant explicitement l'exclusion de la culture du mandat à donner à la Commission européenne lors du Conseil du 14 juin 2013. Il a également rappelé sa question orale du 6 juin au premier ministre qui s'est exprimé en faveur de l'exception culturelle.

D'après M. De Gucht, l'exception culturelle viserait à restreindre les choix que les citoyens européens auraient en matière de culture. Or, l'inverse est vrai, parce que la force du conglomérat culturel fait en sorte que le secteur culturel européen serait davantage envahi par les produits américains.

M. Mahoux signale que la Belgique défend le principe de l'exception culturelle depuis 1993 et que ce principe revêt un caractère fondamental. Il faut qu'une assemblée fédérale comme le Sénat s'associe aux deux résolutions déjà adoptées en la matière par le Parlement flamand et le Parlement de la Communauté française. Le ministre des Affaires étrangères, membre du gouvernement fédéral, ne peut être en porte-à-faux par rapport au point de vue des parlements belges compétents en la matière. En fonction des déclarations successives du ministre des Affaires étrangères et du premier ministre sur l'exception culturelle à la suite des questions de Mme Arena et de M. Hellings, il faut que le Sénat se prononce, avant que le gouvernement ne prenne position au sein du Conseil le 14 juin prochain. C'est ce qui vous sera demandé aujourd'hui.

Mme Matz constate qu'il y a des actes antérieurs, pris par les entités fédérées, mais qu'il existe une confusion au niveau de la terminologie. On parle à la fois d'exclusion, d'exception et de non-engagement. La résolution adoptée par le Parlement de la Communauté française réconcilie bien ces concepts. L'oratrice peut soutenir les amendements de M. Mahoux puisqu'ils traduisent bien les aspirations de son parti. Cependant, il faut éviter de discuter du futur accord de libre-échange entre l'Union européenne et les États-Unis uniquement au travers du prisme de l'exception culturelle. Il y a d'autres thèmes importants qui méritent l'attention comme les droits de douane, l'agriculture, la santé, l'environnement et la croissance économique, mais qui n'ont pas fait l'objet d'un débat.

M. Miller estime que la construction européenne « au pas à pas » manque de compétences politiques, notamment en matière de culture et d'audiovisuel. L'Union européenne ne peut développer une politique culturelle d'ensemble ou une politique de l'audiovisuel qui soit vraiment imprégnée de la notion de fédéralisme européen. Or si l'Union européenne ne peut pas développer une politique commune en matière d'exception culturelle, l'adhésion du citoyen au projet européen sera difficile voire impossible.

Pour les États-Unis, le cinéma a toujours été l'outil culturel majeur de la construction de l'identité américaine. Maintenant, l'industrie américaine du cinéma domine l'ensemble du marché mondial.

Dès les années 1930, les États-Unis se sont opposés au gouvernement de M. Van Zeeland qui désirait s'investir dans l'industrie cinématographique. Après 1945, ils ont mis en place un système pour décourager les pays qui bénéficiaient du Plan Marshall d'investir dans les secteurs audiovisuels. Le cinéma italien en a particulièrement souffert.

M. Miller conclut qu'il faut garantir la possibilité d'investir dans les politiques culturelles, audiovisuelles et cinématographiques avec la neutralité technologique requise. L'Europe est à la recherche d'une réindustrialisation dans le domaine des technologies de pointe et le secteur de l'audiovisuel y occupe justement une place de première importance.

M. Anciaux rappelle que les films et la musique bénéficient chez nous de quotas de diffusion, ce qui constitue une véritable protection. Par contre, de plus en plus de films et de musique sont offerts en ligne, ce qui ne permet aucun contrôle.

MM. De Gucht et Miller estiment que les mots « offensive libérale » figurant dans les développements sont inappropriés. Pour M. Miller, on pourrait éventuellement parler d'une attaque américaine impérialiste.

M. Mahoux estime que la phrase de « l'offensive libérale » est un peu inutile. Les négociations sur le libre-échange, incluant le secteur culturel, représenteraient plutôt une vision ultra-libérale des choses. Le secteur culturel, et plus particulièrement l'audiovisuel, a pu se développer justement parce qu'on l'a sorti des règles de la concurrence pure et dure. D'ailleurs, on ne peut pas exclure des négociations et du mandat de la Commission européenne les questions sociales et environnementales, mais il convient d'y veiller soigneusement. Il faut que le parlement soit largement informé sur l'état des négociations.

Mme Arena estime qu'internet ne peut pas être considéré comme une menace pour la diversité culturelle mais comme un moyen qui doit justement nous rendre attentifs à l'importance cette diversité. Si on incluait le secteur culturel dans les négociations sur l'accord de libre-échange, on porterait atteinte à la directive européenne sur la protection de l'audiovisuel et on fragiliserait également la diversité culturelle à l'intérieur même de l'Europe.

M. Miller fait observer qu'on ne peut pas gommer d'un trait tous les efforts des créateurs belges, qu'ils soient flamands, bruxellois ou wallons. S'il n'y avait pas eu les aides de la Communauté flamande et la protection du tax shelter, le cinéma flamand n'aurait jamais pris un tel essor sur le plan international. Si le secteur de l'audiovisuel n'est pas mis à l'abri de la machine audiovisuelle américaine, on risque d'évoluer vers une désertification culturelle en Belgique.

M. Mahoux rappelle que, dans les négociations sur les accords bilatéraux de la Belgique avec le Canada, la Corée et le Japon, la logique de l'exception culturelle a été suivie. Ce n'est pas parce que l'accord se négocie sur le plan européen que la Belgique doit changer de discours. En outre, il signale que si l'on n'invoque pas l'exception culturelle, tous les principes de la politique culturelle, dont les quotas, peuvent être mis en cause. De plus, il est fort à craindre que, dans le cadre du mandat de la Commission européenne, la Grande-Bretagne n'ait pas le même souci de l'exception culturelle que la Belgique.

M. De Gucht estime que l'industrie du cinéma flamand a été principalement soutenue par le système du tax shelter et que le mandat de la Commission européenne prévoit que les subventions et les quotas existants soient maintenus au niveau des États membres.

Les lois existantes seront également adaptées à l'évolution technologique.

M. Hellings répond à M. De Gucht en se référant au déséquilibre économique existant en matière culturelle entre, d'une part, les États-Unis et, d'autre part, l'Union européenne. En 2010, les États-Unis ont exporté pour 7,5 milliards de dollars en produits culturels tandis que l'Union européenne n'a pu exporter vers les États-Unis que pour 1,8 milliard de dollars. Ce déséquilibre justifie le besoin de préserver l'exception culturelle dans le mandat de la Commission européenne. La formule du tax shelter apporte un soutien technique à la préservation du secteur culturel mais ce sont surtout les subventions et les quotas qui ont un rôle important à jouer dans ce cadre.

Nous en arrivons à la discussion des amendements.

MM. Vandaele et Mahoux ont déposé des amendements pour intégrer une référence aux résolutions adoptées par les entités fédérées.

M. Mahoux et consorts ont déposé un amendement qui réaffirme l'attachement de notre assemblée aux principes repris dans la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l'Organisation des Nations unies pour l'Éducation, la Science et la Culture du 20 octobre 2005.

M. Mahoux et consorts ont également déposé un amendement qui demande au gouvernement « de réaffirmer l'enjeu de la diversité et de la spécificité culturelle et de rappeler le principe de l'exception culturelle et la nécessité de préserver la culture de l'emprise des seules lois du marché. »

M. Mahoux et consorts ont également déposé un amendement pour demander au gouvernement « d'exclure du mandat de négociation de la Commission européenne, les services audiovisuels et de maintenir le statu quo en ce qui concerne l'exception culturelle pour qu'à tout le moins, le mandat de négociation de la Commission européenne du Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement entre l'Union européenne et les États-Unis d'Amérique prévoie l'absence d'engagements dans les domaines culturels et audiovisuels ».

Tous ces amendements ont été adoptés.

MM. De Decker et Miller ont déposé l'amendement no 9 qui tend à sous-amender l'amendement no 8 en insérant dans le point 1bis proposé, les mots « tout engagement sur » entre les mots « d'exclure du mandat de négociation de la commission » et les mots « les services audiovisuels ». Cet amendement a été rejeté.

L'ensemble de la proposition de résolution amendée a été adopté par treize voix contre une.

C'est donc ce texte qui est soumis aujourd'hui à votre vote.

(Applaus)