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M. Jacques Brotchi (MR). - Comme vous le savez, la rémunération partielle des médecins liée aux résultats obtenus a été lancée en France voici un an. Ce système consiste à verser des primes en fonction des efforts accomplis par les médecins pour améliorer la prévention ou le suivi de certains malades.
Nous avons pu lire hier dans la presse que ce système suscite la polémique chez nous.
D'une part, Xavier Brenez, directeur général de l'Union nationale des mutualités libres, est favorable à un système complémentaire d'incitants financiers. Il déclare qu'un tel système permet d'orienter les comportements des médecins et de les inscrire dans des objectifs de santé publique. Il permet également, selon lui, d'améliorer le suivi des malades chroniques, de faire une meilleure prévention, par le bais de mammographies ou de vaccins, ou de diminuer le nombre d'actes non nécessaires, de radios ou de médicaments consommés, notamment les antibiotiques. Selon Xavier Brenez, le médecin jouerait alors davantage un rôle au niveau de l'accompagnement et du conseil.
D'autre part, Anne Gillet-Verhaegen, présidente du groupement belge des omnipraticiens et médecin, est quant à elle opposée à un tel système. Elle estime qu'un système de primes aux résultats crispe la relation professionnelle de confiance entre un médecin et son patient. Selon elle, l'objectif doit être la qualité des soins et rien d'autre ; de plus - je la cite -, « un tel mécanisme défavorise les médecins qui travaillent avec une population difficile ». Par ailleurs, elle préfère soutenir l'idée de garantie de moyens et non de résultats. Elle déplore la tendance de certains médecins en France à faire pression sur leurs malades, des diabétiques par exemple, pour qu'ils suivent mieux leur régime et ainsi obtenir de meilleurs résultats, donc des primes. Or le rôle du médecin est de convaincre, pas de contraindre, conclut-elle.
Madame le ministre, quelle est votre position à l'égard de ce système d'incitants financiers appliqué en France depuis un an ? À titre informatif, je souhaiterais également savoir si cette piste a déjà été explorée par votre cabinet et si vous avez ou non l'intention de la mettre en oeuvre en Belgique.
Vous disposez peut-être de données quant aux résultats obtenus en France après un an d'application de ce système. Si tel le cas, je serais très heureux d'en prendre connaissance.
Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de Beliris et des Institutions culturelles fédérales. - Peut-être convient-il de replacer ce débat dans le contexte français.
Le système de rémunération incitative sur la base d'indicateurs de santé publique est entré en vigueur le 1er janvier 2012. Une première évaluation a effectivement été publiée au début du mois d'avril. Je souligne que ce système s'applique aux médecins généralistes.
S'agissant de l'organisation des soins, la Caisse nationale d'assurance maladie française a constaté une nette augmentation de l'informatisation. Cela étant, nous n'avons pas attendu l'exemple français pour avancer puisque la prime télématique est en vigueur chez nous depuis 2003 ; elle a été versée en 2012 à environ 8 200 médecins pour un financement approximatif de plus de 6,5 millions d'euros. Par ailleurs, nous avons décidé de nouvelles dispositions qui permettront d'améliorer davantage l'utilisation effective du logiciel visé par la prime.
S'agissant de la prévention, les résultats sont mitigés et présentent de fortes disparités géographiques qui ne permettent pas de juger à l'heure actuelle du caractère positif de la mesure. Cependant, en matière de prévention, nous n'avons pas attendu non plus l'exemple français puisque les moyens investis depuis le 1er avril 2011 dans le module de prévention, le fameux DMG+, constituent déjà un incitant financier pour les médecins généralistes.
Je constate néanmoins que plusieurs débats et échanges se font et se croisent sur les diverses méthodes de financement ou d'incitants des pratiques médicales hospitalières ou ambulatoires. Je salue d'ailleurs le fait que le secteur réfléchisse et débatte de possibles et indispensables changements structurels. Il est bon cependant de ne pas mélanger les différents débats.
Je viens en effet de lancer la réflexion - ce qui, pour certains, constitue déjà un défi - qui aboutira à la mise en oeuvre d'une feuille de route pour un financement prospectif dans le secteur hospitalier avec un accent particulier mis sur la qualité des soins et l'accessibilité.
La concertation prévue avec l'ensemble des acteurs du secteur permettra de dresser rapidement les contours de ce genre de réforme, d'en comprendre et d'en analyser les enjeux. Les exemples internationaux seront évidemment examinés attentivement dans ce cadre.
Pour revenir à votre question, je ne vois pas nécessairement l'intérêt pour le moment d'avancer dans cette voie, mais je suis évidemment disposée à y réfléchir. On peut très bien demander, par exemple au Kenniscentrum, de peser les avantages et inconvénients d'une réforme qui nous conduirait à encore mieux soutenir les médecins qui nous permettent de progresser vers les indicateurs de santé favorables à une meilleure santé publique de notre population.
M. Jacques Brotchi (MR). - Il n'est pas toujours aisé de voir clair dans cette problématique et de prendre les bonnes décisions. C'est avec beaucoup d'attention que j'ai écouté votre réponse teintée de prudence, madame la vice-première ministre.