5-54/6

5-54/6

Sénat de Belgique

SESSION DE 2011-2012

15 FÉVRIER 2012


Proposition de loi relative au règlement administratif de certaines infractions à la législation sur la circulation routière


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE LA JUSTICE PAR

M. BOUSETTA


I. INTRODUCTION

La proposition de loi relative au règlement administratif de certaines infractions à la législation sur la circulation routière (doc. Sénat, nº 5-54/1) a été déposée par Mme Taelman le 20 juillet 2010 et prise en considération le 12 octobre 2010. Elle a été envoyée à la commission de la Justice.

La commission était également saisie de la proposition de loi modifiant la réglementation en ce qui concerne le paiement de certaines amendes de roulage déposée par M. Van Rompuy et consorts le 8 juin 2011 (doc. Sénat, nº 5-1148/1).

La commission a entamé l'examen de la proposition de loi nº 5-54 lors de sa réunion du 6 avril 2011. Pour la suite des travaux, la proposition de loi nº 5-1148 a été jointe à la proposition de loi nº 5-54. Les deux propositions de loi ont été examinées conjointement au cours des réunions des 12 juillet et 8 décembre 2011 ainsi que des 8, 14 et 15 février 2012, en présence du ministre de la Justice.

II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE MME TAELMAN

La proposition de loi à l'examen reprend le texte d'une proposition de loi qui a déjà été déposée au Sénat le 17 mars 2009 (doc. Sénat, nº 4-1232/1 - 2008/2009) et qui date en fait de 2002. C'est la raison pour laquelle des chiffres de 2002 sont mentionnés dans les développements.

Au cours des cinq premiers mois de 2002, on a considérablement augmenté le nombre des contrôles sur les autoroutes. Pas moins de 158 596 procès-verbaux ont été dressés, soit près du double par rapport à la même période en 2001.

Entre-temps, les chiffres ont connu une croissance exponentielle. Ainsi, le parquet et la police d'Anvers ont indiqué l'année dernière que la situation était devenue intenable et l'intervenante a posé, fin 2010, une question à ce sujet au ministre de la Justice. Au total, 3 264 940 procès-verbaux ont été établis en 2009, dont 562 329 perceptions immédiates impayées (soit 17 %). Les chiffres parlent d'eux-mêmes: il est intenable de renvoyer toutes ces amendes impayées devant le tribunal de police.

Bref, les parquets de police ne sont pas en mesure de donner aux infractions constatées la suite qui s'impose.

Dans le système actuel, le traitement des contraventions dure trop longtemps et crée une série de problèmes.

Le refus de payer entraîne donc de facto une forme d'impunité en raison des déficiences dans le recouvrement.

Les Pays-Bas ont été confrontés à des problèmes similaires. Des responsables politiques néerlandais ont cherché des alternatives au traitement pénal de certaines infractions. C'est ainsi qu'a été adoptée la « loi Mulder » (wet-Mulder — Wet administratiefrechtelijke Afhandeling Verkeersvoorschriften), laquelle a retiré du domaine pénal une série relativement importante d'infractions au code de la route pour qu'elles soient traitées de manière administrative.

Des études scientifiques ont révélé qu'aux Pays-Bas, depuis l'introduction de la loi Mulder, les gens sont davantage disposés à payer les amendes, ce qui permet de conclure que le système fonctionne effectivement.

Pour être efficace, le traitement des infractions doit au moins satisfaire à certaines conditions. Premièrement, la répression doit intervenir rapidement; deuxièmement, elle doit être certaine et, troisièmement, la peine doit être adaptée à la situation concrète.

La procédure actuelle ne satisfait pas à ces critères.

Un certain nombre d'infractions fréquentes doivent être retirées de la législation sur la circulation routière en vigueur pour qu'elles puissent être réprimées par le biais d'une procédure administrative, comme aux Pays-Bas.

L'intervenante souligne enfin que le collège des procureurs généraux a proposé un amendement en concertation avec et à la demande du commissaire d'arrondissement d'Anvers. Plusieurs problèmes qui se posaient lors de l'application de la loi « Mulder » sont ainsi supprimés du texte et une procédure plus efficace a été proposée. L'intervenante soumettra à la signature des différents groupes politiques et déposera cet amendement qui aurait été adopté par le réseau d'expertise « Procédure pénale » du collège des procureurs généraux du 28 octobre 2010.

La procédure actuelle est longue et débouche finalement sur un jugement par défaut contre lequel il n'est pas fait opposition; elle est inefficace en termes de répression des infractions au code de la route et en termes de sécurité routière. En outre, les répercussions sur le coût des tribunaux sont énormes. Le coût total de 100 000 affaires pour le tribunal, qui aboutissent en fin de compte à un jugement par défaut, oscille entre 4 et 5,5 millions d'euros. C'est pourquoi l'on propose une sorte « d'ordre de paiement », qui ne porte pas préjudice aux droits du contrevenant. Le contrevenant peut encore faire valoir ses moyens de défense auprès de la police et du parquet. S'il ne paie pas la perception immédiate, le procureur du Roi peut lui envoyer un ordre de paiement par courrier ordinaire. En l'espèce également, le contrevenant peut contester par courrier ordinaire adressé au parquet. S'il ne le fait pas non plus, le procureur du Roi pourra lui envoyer un ordre de paiement par recommandé, auquel le contrevenant pourra encore s'opposer auprès du tribunal de police. L'avantage réside en ce qu'en cas d'inaction du contrevenant, il y a immédiatement un titre exécutoire et l'intéressé ne doit donc plus être cité à comparaître. L'on ne touche pas non plus à la compétence du parquet, qui peut tenir compte de tous les éléments du dossier.

La proposition à l'examen s'inscrit dans le cadre d'une utilisation plus efficace des procédures devant le tribunal de police et d'une meilleure garantie de la sécurité routière; elle permet en outre de réduire les coûts. De plus, les contrevenants paieront plus rapidement. Actuellement, la propension à payer volontairement diminue et le nombre de citations pour cause de perception immédiate impayée explose véritablement.

En 2003 déjà, une loi visant à insérer un article 65bis dans la loi sur la circulation routière avait été adoptée. Le Roi doit encore fixer la date d'entrée en vigueur de cet article. Les acteurs de terrain estiment toutefois que la solution proposée dans cette loi créera encore plus de problèmes, étant donné que, pour chaque infraction donnant lieu à une perception immédiate, le parquet doit envoyer au contrevenant un pli judiciaire recommandé lui demandant s'il conteste ou non l'infraction. Le paiement est toutefois effectué spontanément dans 75 à 88 % des cas.

III. DISCUSSION

M. Laeremans souligne que les chiffres parlent d'eux-mêmes. Il estime par ailleurs inacceptable que les contrevenants soient moins disposés à payer leurs amendes, car ce sont alors les honnêtes payeurs qui sont les dupes du système. D'autre part, l'intervenant se demande pourquoi le nombre d'amendes a augmenté à ce point ces dernières années.La différence entre la politique menée en Flandre et celle menée en Wallonie n'y est certainement pas étrangère.

Mme Taelman renvoie aux chiffres présentés dans les développements en ce qui concerne la Flandre et la Wallonie, d'où il ressort que la tendance observée est générale.

M. Laeremans réplique que ces chiffres portent sur les heures de contrôle et qu'en plus, ils datent de 2002. La hausse vertigineuse du nombre d'amendes est due évidemment à la multiplication des radars automatiques en Flandre. Dans ce domaine, la Flandre mène une politique différente de celle de la Wallonie. L'intervenant précise en outre que les recettes énormes générées par ces radars automatiques ne sont pas reversées aux zones de police concernées, mais sont réparties uniformément entre toutes les zones de police du pays.Il en va de même pour le produit des amendes recouvrées par voie judiciaire, qui est versé dans un grand pot fédéral unique. Étant donné que le risque d'être verbalisé est beaucoup plus grand en Flandre et que l'on y perçoit donc beaucoup plus d'amendes, on peut y voir un transfert d'argent injustifié. Si l'on mène une politique plus stricte en matière de circulation routière en Flandre, il faudrait aussi que les recettes générées par cette politique profitent aux zones de police flamandes ou à la politique flamande en matière de circulation routière. L'intervenant souhaiterait donc avoir une idée du nombre de dossiers néerlandophones et francophones, ainsi que de la manière dont les recettes générées par la perception immédiate des amendes ou à la suite d'une condamnation pénale sont réparties entre les différentes Régions. Où rencontre-t-on des problèmes pour percevoir les amendes ? L'intervenant souhaite disposer des chiffres avant de prendre position dans le dossier à l'examen.

M. Courtois souhaite formuler une série de remarques de principe. Ce sont à nouveau les automobilistes qui vont devoir payer. S'ils ne payent pas leur amende, ils auront une première majoration de 25 %, puis de 50 %. Ensuite c'est le véhicule qui est immobilisé. L'intervenant pense qu'il faut arrêter d'agresser les automobilistes.

L'intervenant comprend l'objectif de la proposition de loi à l'examen: on veut débarrasser les parquets et les tribunaux de police de tout un contentieux qui vient les encombrer. Aujourd'hui à Bruxelles, il faut admettre que les poursuites sont assez aléatoires. L'orateur évalue qu'à peine deux amendes sur dix sont effectivement payées. Le nombre de dossiers est tel que les services ne savent pas les traiter de manière systématique. Faut-il pour autant opter pour un système de règlement administratif ? M. Courtois n'en n'est pas convaincu. Il fait remarquer qu'en France et aux Pays-Bas on applique un système de perception immédiate qui est assez efficace.

IV. AVIS DU CONSEIL D'ÉTAT

Au cours de la réunion du 12 juillet 2011, la commission a souhaité que l'avis du Conseil d'État soit recueilli sur les deux propositions de loi. La section législation du Conseil d'État a rendu ses avis nos 50.077/2/V et 50.078/2/V le 17 août 2011. Il est renvoyé aux documents nos 5-54/3 et 5-1148/2.

V. REPRISE DE LA DISCUSSION À LA SUITE DE L'AVIS DU CONSEIL D'ÉTAT

Les amendements nos 1 à 3 déposés par Mme Taelman et consorts (doc. Sénat, nº 5-54/2) et l'amendement nº 4 déposé par M. Van Rompuy (doc. Sénat, nº 5-54/2) sont retirés au profit de l'amendement global nº 5 de Mme Taelman et consorts (doc. Sénat, nº 5-54/4) et de l'amendement global nº 6 de M. Van Rompuy, Mme Taelman et consorts (doc. Sénat, nº 5-54/5).

Amendement global nº 5

Mme Taelman présente l'amendement global nº 5 (doc. Sénat, nº 5-54/4) qui remplace l'ensemble de la proposition de loi.

Mme Taelman retrace l'historique de la proposition de loi à l'examen.

Cela fait déjà longtemps que la proposition de loi initiale, basée sur le système néerlandais (la « loi Mulder »), a été déposée.

La question de l'examen de la proposition de loi s'est toutefois posée avec une acuité particulière l'année dernière. Les parquets de police ont en effet dû constater que les dossiers entrant en ligne de compte pour une perception immédiate étaient de plus en plus nombreux. Les parquets et les tribunaux de police ne parvenaient plus à suivre au niveau des citations à comparaître, surtout à Anvers mais aussi ailleurs. Les contrevenants, qui avaient malheureusement très vite compris la situation, ne payaient pas les amendes.

Il a dès lors été décidé à Anvers de créer un groupe de travail, qui a finalement été institué dans le giron du Collège des procureurs généraux.

C'est pourquoi l'inscription de la proposition de loi à l'ordre du jour a été demandée dans le courant de l'été 2011. Des amendements ont été déposés sur la base des discussions menées au sein du groupe de travail et des modifications proposées par le Collège des procureurs généraux. La proposition de loi a été soumise pour avis au Conseil d'État.

L'avis rendu par celui-ci a donné lieu au dépôt de l'amendement nº 5, dont le texte fait le point de la situation actuelle.

Mme Talhaoui souhaite se rallier au point de vue de la préopinante. En outre, Anvers accueille de nombreux visiteurs provenant des Pays-Bas, de France et d'Allemagne qui se garent en infraction et omettent systématiquement de payer leur amende. Les services de police, les parquets et les tribunaux de police doivent dès lors s'occuper en permanence de contraventions pour stationnement illicite et d'autres infractions de roulage.

La proposition de loi à l'examen vise à désengorger les services concernés grâce au système de perception immédiate.

Les dispositions en question sont d'ailleurs également prévues dans la loi-programme. Il est toutefois opportun de s'y atteler en priorité au Sénat dès à présent, sur la base de la proposition de loi à l'examen, afin de permettre aux services de police, aux parquets et aux tribunaux de police de se concentrer sur d'autres dossiers que les amendes de roulage. Le problème dénoncé ne se pose d'ailleurs pas uniquement à Anvers, mais dans toutes les grandes villes.

M. Courtois confirme que d'autres villes y sont également confrontées.

Amendement global nº 6

M. Van Rompuy présente l'amendement global nº 6 (doc. Sénat, nº 5-54/5) qui remplace l'ensemble de la proposition de loi.

M. Van Rompuy décrit les lignes de force de cet amendement qui introduit une nouvelle procédure de recouvrement d'amendes en cas d'infractions de roulage. Il s'agit de la procédure « d'ordre de paiement » qui se rajoute à la procédure de « perception immédiate » qui reste en vigueur.

Les éléments essentiels de la nouvelle procédure de recouvrement sont les suivants:

— lorsque la somme prévue dans le cadre de la procédure de perception immédiate n'a pas été payée dans le délai imparti, le procureur du Roi peut donner ordre au contrevenant de payer cette somme dans un délai de quarante-cinq jours. Cet ordre de paiement doit respecter des conditions de forme décrites dans l'amendement;

— le contrevenant peut soit payer l'amende et mettre fin à la procédure, soit introduire une réclamation;

— une fois la réclamation introduite, le procureur du Roi peut soit accepter la réclamation et mettre fin à la procédure soit refuser la réclamation et saisir le tribunal compétent;

— à défaut de réclamation introduite dans les trente jours, l'ordre de paiement devient exécutoire et une copie de l'ordre est transmise à l'administration compétente du Service public fédéral Finances qui peut recouvrer la somme par toutes voies de droit.

M. Laeremans demande à pouvoir disposer du délai nécessaire pour examiner l'amendement global nº 6, compte tenu de ses conséquences sur la problématique de l'encaissement des amendes pénales. L'intervenant souhaiterait connaître l'avis du gouvernement sur cet amendement. L'intervenant s'interroge sur le fait de savoir si cette nouvelle procédure réglera le problème de la non perception des amendes pénales et sur la capacité du ministère de la justice à procéder à l'encaissement desdites amendes.

L'intervenant constate également que les parquets poursuivent différemment selon les arrondissements et qu'il existe un certain « laxisme » en Wallonie. Ladite procédure impliquera- t-elle une uniformisation des procédures d'encaissement des amendes pénales ?

Enfin, il rappelle que l'accord de gouvernement prévoit le transfert de certaines compétences liées à la mobilité aux communautés et régions. La ministre peut-elle préciser si la procédure en discussion aura éventuellement des conséquences sur les prochains transferts de compétences ?

Mme Taelman répond que l'amendement nº 6 ne diffère que très légèrement de l'amendement nº 5 qu'elle a déposé précédemment et que les membres ont pu analyser à loisir. Les différences entre les deux textes sont essentiellement de nature technique. Par ailleurs, la proposition vise à uniformiser la pratique des parquets en matière de poursuite des infractions de roulage. Certains parquets de police ne sont en effet pas en mesure de donner aux infractions constatées la suite qui s'impose, ce qui les amène notamment à ne poursuivre les contrevenants qu'à partir d'un certain seuil de gravité. La présente procédure permettra d'arriver à une perception plus uniforme à travers le pays par le biais d'une procédure identique.

Mme Faes regrette que son groupe n'ait plus été associé à la préparation de l'amendement nº 6 dont elle vient de prendre connaissance.

Sur le fond, elle a deux questions techniques. L'amendement prévoit à l'article 65/1, § 3, proposé aux alinéas 2 et 4 que « le requérant est censé avoir abandonné sa réclamation si lui-même ou son avocat ne comparaît pas ». Pourquoi a-t-il été dérogé à la règle générale selon laquelle un jugement est rendu par défaut lorsque le contrevenant ne comparaît pas et que ce jugement est susceptible d'opposition ?

De la même manière, le texte en discussion prévoit expressément la renonciation à son droit d'appel lorsque le contrevenant n'a pas comparu. Quelle est la motivation de cette dérogation au droit commun ?

Mme Taelman précise que le § 3, alinéa 4, vise déjà le degré d'appel. Plus généralement, il s'agit de trouver une solution au fait que certains citoyens paient correctement leurs amendes alors que d'autres spéculent, compte tenu de l'encombrement des rôles des tribunaux de police, sur le fait qu'ils ne seront pas assignés et qu'ils ne devront pas payer leurs amendes pour lesquelles un délai de prescription d'un an est prévu.

Le système proposé vise à permettre aux autorités judiciaires d'agir rapidement tout en maintenant le droit pour le contrevenant de faire état d'une réclamation et de se défendre devant le tribunal. Toutefois, si un contrevenant fait défaut en degré d'appel alors qu'il a déjà eu la possibilité de défendre ses intérêts au cours de la procédure, cela doit être considéré comme un abus de procédure qui justifie une dérogation au droit commun de la procédure judiciaire.

Mme Faes n'est pas convaincue par cet argument. Tout d'abord, l'objectif général de la proposition ne justifie pas que les règles de droit commun soient bafouées. De même, l'argument selon lequel il faut combattre les abus est acceptable mais alors il faut éviter de prévoir des possibilités d'abus. Or, l'amendement global prévoit justement la possibilité d'introduire des réclamations devant le tribunal compétent. Enfin, qu'advient-il concrètement du contrevenant qui, ayant introduit une réclamation, est assigné devant le tribunal de police mais, pour des raisons diverses ou un cas de force majeure, n'a pas pu arriver à temps à l'audience ? Le jugement actera-il que le contrevenant a renoncé à son action l'empêchant de faire opposition ou appel ? Il s'agit de questions essentielles.

La ministre indique que le texte à l'examen vise à conférer, outre les autres possibilités de traitement dont dispose déjà le procureur du Roi, qui sont maintenues, un caractère exécutoire d'office à un ordre de paiement envoyé par lettre recommandée à la poste, après qu'une proposition de perception immédiate est restée impayée et après qu'une proposition de transaction a été envoyée par simple courrier et est également restée impayée, et ce, pour autant que l'auteur de l'infraction ne se pourvoie pas en réclamation auprès du procureur du Roi. Si le procureur du Roi n'accepte pas la réclamation, le tribunal compétent est saisi de l'affaire.

L'ordre de paiement est également prévu dans la loi-programme (sous le titre « lutte contre la fraude »). Il est proposé que le Sénat procède rapidement au vote du présent texte, ce qui permettrait de clore ce volet de la loi-programme.

Le texte s'inscrit dans le cadre des objectifs politiques en matière de justice, définis dans l'accord de gouvernement, qui prévoit qu'en ce qui concerne le recouvrement des amendes et des frais de justice, une réforme sera mise en place afin d'en améliorer l'efficacité.

Afin de faire face au flux croissant de constatations, il y a lieu de modifier les procédures de règlement des infractions routières.

La nouvelle procédure présente les atouts suivants:

— les frais diminuent considérablement. En effet, les frais de port liés à l'envoi de ces ordres de paiement par lettre recommandée sont substantiels mais ne représentent qu'une partie des frais liés à une citation et à la signification d'un jugement par défaut;

— les droits du contrevenant sont préservés: le contrevenant peut faire valoir ses moyens de défense auprès de la police et du parquet contre une perception immédiate, il peut contester l'EAPS auprès du parquet et il peut également introduire un recours contre l'ordre de paiement auprès du parquet;

— les compétences du parquet restent inchangées. Il lui appartient en effet de décider, en tenant compte de tous les éléments du dossier, y compris ceux portés à sa connaissance par le contrevenant, si une EAPS est proposée et, par la suite, si un ordre de paiement est envoyé. À chaque phase du dossier, le parquet peut donc procéder au classement sans suite, à la citation ou opter pour un autre mode de règlement;

— la police et le parquet ne parviennent plus à maîtriser la procédure de paiement actuelle en matière de perception immédiate, ni les EAPS qui s'ensuivent. Pour remédier au problème, la police et le parquet sont obligés d'adapter leur politique de recherche et de poursuite, en réduisant le nombre de contrôles. Cette situation est en totale contradiction avec les objectifs poursuivis en matière de sécurité routière. En outre, la propension à payer volontairement diminue, si bien que le nombre de citations pour cause d'EAPS restées sans suite augmente, ce qui provoque l'engorgement des parquets et tribunaux de police. Le procédé d'« ordre de paiement » vise à remédier à ces problèmes.

L'intervenante précise que la nouvelle procédure devrait engendrer des recettes supplémentaires évaluées à 37 millions d'euros grâce à une perception beaucoup plus rapide des amendes. Cela devrait d'ailleurs améliorer le sentiment d'équité pour les concitoyens qui aujourd'hui paient leurs amendes.

M. Laeremans estime pour sa part que le nouvel amendement n'est pas purement technique. Il contient des modifications substantielles en terme de procédure.

Si la ministre affirme que cette nouvelle procédure a pour objectif de percevoir près de 37 millions d'euros, comment les parquets vont-ils organiser un système effectif de perception. Une circulaire est-elle en préparation ? Du personnel supplémentaire sera-t-il recruté ?

Enfin, la prochaine réforme de l'État contient des transferts de compétences vers les entités fédérées, notamment les limitations de vitesse, sur les routes et une partie du Fonds de Sécurité. La présente réforme a-t-elle été discutée avec les Régions ?

Mme Faes rappelle ses remarques antérieures auxquelles il n'a pas encore été répondu.

La ministre précise qu'une fois que la nouvelle procédure aura été votée au Parlement, elle examinera l'opportunité de rédiger une circulaire. Elle présume que le texte en préparation sera assez précis pour ne pas nécessiter de circulaire. En ce qui concerne la future réforme de l'État et les transferts de compétence y associés, ils devront être mis en œuvre pour 2014. Cela ne justifie donc pas le fait de ne pas apporter une solution à un problème actuel qui a un impact sur le budget de l'État. Il serait irresponsable de ne pas modifier la loi en ce sens.

La ministre conclut que la proposition de loi à l'examen témoigne d'une bonne gestion.

Dans le cadre de la réforme de l'État, la priorité est donnée à la scission de l'arrondissement de BHV, mais par la suite, les autres points seront aussi mis en œuvre le plus rapidement possible.

Mme Faes relève qu'elle n'a pas obtenu de réponse concrète à ses questions. Pourquoi déroge-t-on ici à la procédure générale en matière de défaut et d'opposition ? Pourquoi le requérant est-il censé avoir abandonné son appel ou sa réclamation si lui-même ou son avocat ne comparaît pas ?

La ministre répond qu'il s'agit là précisément de l'essence de la proposition de loi à l'examen, qui vise à briser le cercle vicieux des amendes de roulage qui restent sans suite. Il faut sortir de la logique actuelle pour aboutir au modèle proposé.

Mme Faes indique que la proposition de loi à l'examen définit une procédure dans le cadre de laquelle le procureur du Roi peut saisir le tribunal par citation, conformément à l'article 65/1, § 3. On reste donc dans la logique actuelle, mais on s'en écarte brusquement en introduisant une présomption de désistement en cas de non-comparution, contrairement aux règles généralement applicables en matière de défaut et d'opposition. L'intervenante souhaite déposer un amendement à cet égard et ne comprend pas pourquoi on veut subitement que le Parlement adopte en toute hâte la proposition de loi à l'examen, qui a pourtant été déposée il y a un certain temps.

M. Delpérée rappelle que la commission travaille dans l'état actuel du droit constitutionnel. Ce n'est pas parce que les règles de compétence en la matière seront revues dans le cadre de la réforme institutionnelle annoncée dans l'accord de gouvernement qu'il faut en tenir compte de façon anticipée.

La question soulevée par Mme Faes est celle de la coexistence de la répression administrative et de la répression pénale. Le texte à l'examen vise les infractions à la législation sur la circulation routière. De telles infractions font en principe l'objet d'une répression pénale selon les règles de la procédure pénale. On constate cependant que la répression pénale est inefficace, n'atteint pas l'objectif poursuivi ou dure trop longtemps. L'inefficacité de la répression pénale pousse le législateur à utiliser une autre technique, à savoir celle de la répression administrative. On intègre à cette répression administrative certains éléments de la procédure pénale. On ne peut cependant pas y ajouter tous les éléments de la répression pénale (en ce compris l'opposition) sous peine de retomber dans le travers que l'on essaie justement de contrecarrer. Si l'on devait suivre la logique de Mme Faes, on retomberait dans des problèmes d'inefficacité et de lenteur de la procédure.

M. Delpérée comprend que l'on assortisse le règlement administratif de certaines infractions routières de garanties juridictionnelles. On ne peut cependant pas mettre toutes les garanties de la procédure pénale en mouvement à propos de ce genre d'infractions.

M. Laeremans trouve ce raisonnement fort singulier. L'intervenant s'interroge sur la constitutionnalité de cette disposition. Il s'agit en effet de droit pénal et de procédure pénale et pourtant, l'on abandonne des éléments essentiels qui sont consacrés par la Constitution, comme le droit de recours. L'intervenant pourrait adhérer à un tel raisonnement dans le cas d'une procédure administrative dans laquelle la personne qui souhaite introduire un recours doit saisir elle-même le tribunal de police. Mais ici, on propose une procédure avec citation devant le juge pénal compétent. L'intervenant imagine mal qu'en pareil cas, on puisse ignorer les droits essentiels de la défense. Il est vrai qu'un droit de recours est toujours prévu en matière pénale, à tout le moins un pourvoi en cassation en cas de non-respect de certaines formalités. D'ailleurs, comment la procédure proposée se déroule-t-elle exactement si l'auteur du recours est réputé s'être désisté de son recours ? Un jugement est-il alors rendu ? L'intervenant a de nombreuses réserves à formuler au sujet de la procédure sui generis proposée ici. Qu'adviendrait-il, par exemple, si la personne était assignée à une adresse erronée et ne recevait pas le jugement ? Quel moyen pourrait-elle alors faire valoir ? Pourrait-elle se tourner vers le Conseil d'État ou une instance administrative ? Ou serait-ce la Cour de cassation qui serait compétente ?

Mme Faes cite l'intervention de M. Delpérée, qui a parlé d'une procédure pénale. L'intervenante souligne néanmoins que les principes universels du défaut et de l'opposition prévalent aussi bien en droit civil qu'en droit pénal. Pourquoi déroge-t-on ici à ces principes ?

Une deuxième question se pose: qu'adviendra-t-il en cas de force majeure ? La procédure proposée n'est pas une procédure administrative. En outre, elle prévoit elle-même une citation devant le tribunal de police. Autrement dit, on va vider la proposition de loi de sa substance en prévoyant encore une possibilité de défense en cas de rejet de la réclamation par le procureur.

L'intervenante peut se rallier à l'idée que les amendes de roulage doivent être encaissées avec un maximum d'efficacité et un minimum de coûts, mais il faut veiller à ce que la procédure soit correcte sur le plan de la technique juridique.

Quid en cas de non-comparution ? Le tribunal rendra-t-il alors un jugement actant le désistement du recours ? Il s'agit en effet d'une instance puisque l'on se trouve devant le tribunal de police. Un recours ne paraît plus envisageable à partir du moment où le désistement aura été acté. Des problèmes pourraient surgir en cas de force majeure. L'intervenante estime que l'on ferait mieux d'appliquer les règles universelles de l'opposition et du défaut. La procédure serait alors cohérente et respecterait les droits de la défense.

Mme Taelman ne peut admettre que la procédure proposée constituerait une violation des droits des citoyens.

Le parquet ne statue pas de manière définitive sur l'infraction et sur le bien-fondé ou le mal-fondé de la condamnation. En effet, c'est le rôle des tribunaux.

Le parquet statue néanmoins sur les poursuites.

En cas d'infraction, la police propose une perception immédiate. Soit l'intéressé paie et l'incident est clos, soit il réagit et donne les raisons pour lesquelles il considère cette proposition comme infondée. Si une objection est formulée, le parquet se prononcera non pas sur le bien-fondé de l'affaire, mais sur la question de savoir s'il y lieu ou non d'entamer des poursuites; comme c'est le cas aujourd'hui également. Si le parquet décide d'entamer des poursuites, le contrevenant dispose encore de trente jours pour introduire une réclamation auprès du procureur du Roi. Si ce dernier n'accueille pas cette réclamation, le tribunal est saisi de cette affaire.

Il est possible d'interjeter appel contre le jugement du tribunal de police conformément à l'article 172 du Code d'instruction criminelle.

La proposition de loi à l'examen a pour objet d'accélerer la procédure et de réduire la charge de travail du tribunal de police, lorsqu'aucune suite n'a été donnée à l'ordre de paiement.

En cas de force majeure, ou si la citation n'a pas été réceptionnée, le paragraphe 5 peut être appliqué, ce qui constitue en réalité une procédure d'opposition extraordinaire. L'on dispose alors encore de quinze jours pour introduire une réclamation.

Il a dès lors été prévu énormément de moments-clés où le contrevenant peut introduire une réclamation et la soumettre à un juge indépendant. Aussi l'intervenante estime-t-elle qu'il ne saurait être question d'une violation de la Constitution ou de la CEDH.

M. Van Rompuy souhaite encore apporter plusieurs corrections techniques à l'amendement, c'est-à-dire:

— Art. 2, § 1er, 4º

Adapter le texte français pour le mettre en concordance avec le texte néerlandais. Les mots « bij gebreke hieraan » ne sont pas traduits.

— Art. 2, § 1er, 5º

Adapter le texte français pour le mettre en concordance avec le texte néerlandais. Les mots « en in voorkomend geval » ne sont pas traduits.

— Art. 2, § 3, alinéa 4

Dans le texte néerlandais, remplacer le mot « beroep » par le mot « bezwaar ».

— Art. 3

Remplacer les mots « cette loi » par les mots « la présente loi », pour éviter de confondre la loi à laquelle il est fait référence.

— Art. 6

Dans le texte français, remplacer les mots « Le présent chapitre » par les mots « La présente loi ».

M. Laeremans estime qu'une procédure d'opposition s'impose peut-être moins, puisqu'il est à présent établi qu'un recours est possible conformément au § 3, alinéa 3, de l'article 65/1.

Quelles sont cependant les conséquences de la présomption de désistement du recours ? Y a-t-il un jugement constatant l'absence de réclamation ? Le juge du tribunal de police a-t-il encore le droit d'infliger une amende qui diffère de la somme indiquée dans l'ordre de paiement ? Un jugement est-il prononcé en toutes circonstances ou uniquement lorsque le contrevenant comparaît devant le tribunal ?

La ministre répond que le montant sera fixé dans le jugement. Une contestation est possible devant le tribunal correctionnel.

M. Delpérée renvoie à l'article 65/1, § 4, proposé à l'amendement nº 6. Le paragraphe précise que l'ordre de paiement devient exécutoire de plein droit si le contrevenant n'introduit pas de réclamation dans le délai de trente jours et qu'il n'a pas payé. En d'autres termes, il n'est pas nécessaire d'avoir de jugement.

La ministre le confirme.

M. Laeremans en déduit que dans une telle hypothèse, il n'y a pas de jugement.

Mme Khattabi demande des précisions quant à la sanction appliquée lorsque l'ordre de paiement ne comporte pas les mentions prévues à l'article 65/1, § 1er, alinéa 1er, proposé. Aucune sanction ne semble prévue. Ne faudrait-il pas en prévoir une ? Les textes précédents prévoyaient la nullité.

Par ailleurs, le texte ne mentionne rien quant aux modes de paiement possibles. Ne faudrait-il pas être plus précis sur ce point ?

La ministre répond que le SPF Finances règlera la question des modes de paiement par voie de circulaire.

Mme Taelman se réfère au texte de l'article 65/1, § 1er, alinéa 2, proposé, qui dispose que l'ordre doit comporter « au moins » les données indiquées. La portée de cette disposition est la même que celle de l'article 4, § 2, de la proposition de loi initiale.

L'intervenante en déduit que l'ordre de paiement n'est pas valable s'il ne comporte pas les mentions prévues par la loi.

Mme Khattabi demande confirmation que l'ordre de paiement est nul si un des éléments repris dans l'énumération prévue au § 1er, alinéa 2, proposé, ne figure pas sur l'ordre de paiement et demande que cela soit mentionné au rapport.

Amendement nº 7 (intitulé)

M. Van Rompuy et consorts déposent l'amendement nº 7 (doc. Sénat, nº 5-54/4) qui vise à mettre l'intitulé de la proposition de loi en concordance avec les modifications proposées dans l'amendement global nº 6.

Amendement nº 8

Mme Faes dépose l'amendement nº 8 (doc. Sénat, nº 5-54/4, sous-amendement à l'amendement nº 6) qui vise à remplacer les alinéas 2 et 4 de l'article 65/1, § 3, proposé.

L'auteure se réfère à la discussion de l'amendement global nº 6, et plus spécialement au cas de force majeure entraînant un défaut de comparution. L'intervenante propose donc la formulation suivante: « Sauf en cas de force majeure, le requérant est censé avoir abandonné sa réclamation si lui-même ou son avocat ne comparaît pas. »

L'intervenante se réfère en l'espèce à un arrêt rendu le 8 octobre 2008 par la Cour de cassation, établissant clairement ce qui suit: « Aucune méconnaissance du principe général du droit relatif au respect dû aux droits de la défense ne saurait se déduire de la seule circonstance que, régulièrement convoqué et hors un cas de force majeure l'empêchant de comparaître, le condamné n'a pas comparu à l'audience du tribunal de l'application des peines, quand bien même la loi ne lui permet de former ni opposition ni appel du jugement rendu sans qu'il ait été entendu ».

La force majeure est un principe de droit universellement reconnu, mais le texte à l'examen introduit une nouvelle procédure en droit pénal.

L'auteure se déclare prête à retirer son amendement si les travaux préparatoires indiquent clairement que l'action engagée par le requérant ne sera pas frappée de caducité si celui-ci ne comparaît pas en cas de force majeure; le tribunal de police ou le tribunal correctionnel devra alors se prononcer sur la recevabilité de la force majeure. Il n'y a en effet aucune possibilité d'opposition ou d'appel, ce qui laisserait le requérant sans aucune voie de recours, hormis une procédure devant la Cour de cassation.

M. Delpérée se rallie à la suggestion de mentionner dans les travaux préparatoires que l'abandon de la réclamation en cas de non comparution du requérant ou de son avocat s'applique sous réserve de la force majeure. Il n'est pas nécessaire d'amender le texte à cet effet.

La commission marque son accord. Cet amendement est dès lors retiré.

VI. VOTES

Mme Khattabi déclare qu'elle s'abstiendra lors du vote car elle souhaite vérifier que, malgré l'absence de référence à une sanction, la nullité est de rigueur si un des éléments visés à l'article 65, § 1er, alinéa 2, est omis. Moyennant cette confirmation, son groupe soutiendra le texte en séance plénière.

Les amendements nos 1 à 5 et l'amendement nº 8 sont retirés.

L'amendement nº 6 est adopté par 13 voix et 1 abstention.

L'amendement nº 7 est adopté à l'unanimité des 14 membres présents.

L'ensemble de la proposition de loi amendée est adopté par 13 voix et 1 abstention.

À la suite de l'adoption de cette proposition de loi, la proposition de loi nº 5-1148/1 devient sans objet.

Confiance a été faite au rapporteur pour la rédaction du présent rapport.

Le rapporteur, Le président,
Hassan BOUSETTA. Alain COURTOIS.