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Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 24 NOVEMBRE 2011 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Question orale de M. Jacques Brotchi à la vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique sur «la stérilisation des tétines par injection d'oxyde d'éthylène dans les maternités belges» (no 5-302)

M. Jacques Brotchi (MR). - Madame la ministre, en qualité de neurochirurgien, j'ai été amené à soigner non seulement des adultes mais aussi des enfants et des nouveau-nés, raison pour laquelle la problématique des biberons et des tétines ne me laisse pas indifférent.

Je voudrais revenir sur un sujet qui a été particulièrement médiatisé la semaine dernière, tant en France qu'en Belgique, à savoir la stérilisation des biberons jetables dans les maternités selon un procédé qui repose sur l'oxyde d'éthylène, un gaz certifié cancérogène.

Mercredi dernier, Xavier Bertrand, votre homologue français, a demandé en application du principe de précaution le retrait de biberons et tétines fabriqués, notamment, en Belgique et utilisés dans les maternités françaises et belges. Depuis 1998, ce gaz est pourtant interdit par la législation européenne lorsqu'il est utilisé sur des matériaux en contact avec l'alimentation.

À la suite du retrait français, l'Agence fédérale des médicaments et des produits de santé a souhaité rassurer la population en affirmant qu'en Belgique « les pratiques de mises en cause sont légales ». Mme Ann Eeckhout, porte-parole de l'Agence a précisé que « l'interdiction imposée par la directive s'applique aux biberons traditionnels à usage multiple mais pas aux biberons à usage unique ».

En outre, il semblerait que le retrait de ces biberons et tétines soit pour ainsi dire impossible en Belgique en raison du quasi-monopole de l'entreprise concernée, qui fournit aux hôpitaux belges plus de vingt millions de biberons à usage unique par an, ainsi que du matériel médical destiné à l'alimentation. En cas de retrait immédiat, la Belgique pourrait donc se retrouver en rupture de stock dans les quarante-huit heures.

Madame la ministre, un flou semble régner quant aux normes applicables à ce genre de produits. Les avis divergent sur ce point. Qu'en est-il exactement ? Si l'Europe interdit la stérilisation par l'oxyde d'éthylène quand il y a contact avec l'alimentation, comment ces entreprises ont-elles pu produire et alimenter autant de maternités sans entrave ?

Peut-on dès lors penser que les contrôles réalisés sur place pour la certification ISO et le marquage CE sont insuffisants ?

Par ailleurs, si la dangerosité est confirmée et aboutit à interdire ce type de procédé, comme l'a fait le ministre français de la Santé, et si l'on devait alors envisager le retrait immédiat, étant donné la situation monopolistique du marché, de quelles alternatives disposons-nous ?

Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de l'Intégration sociale. - Les décisions prises en France ont immédiatement attiré mon attention. J'ai tout de suite demandé à mon administration d'évaluer la situation, en concertation étroite avec le Conseil supérieur de la santé.

Dans le cas qui nous occupe, les biberons pour prématurés à usage unique sont des dispositifs médicaux, en effet régulièrement utilisés dans les maternités. La méthode de stérilisation employée - le recours à l'oxyde d'éthylène - est conforme aux normes de sécurité européennes pour la stérilisation des dispositifs médicaux.

Dans le cadre d'un premier avis demandé au Conseil supérieur de la santé, l'expert en toxicologie m'a confirmé l'absence de danger. La stérilité de ces dispositifs médicaux est un élément essentiel car une infection pourrait évidemment avoir de très graves conséquences, s'agissant de patients - les enfants prématurés - particulièrement vulnérables.

Le problème porte sur le statut du produit plutôt que sur le non-respect des normes. Intuitivement, une personne confrontée à un biberon pense à un contenant pour aliment, mais du fait des indications médicales, comme la stérilité et l'usage en hôpital, le produit relève d'une autre législation présentant de sévères exigences : normes de résidus, stérilité, garantie, etc.

Lorsque différentes législations sont applicables, le principe selon lequel la loi spécialisée prime sur la loi générale est évidemment de mise.

Les réglementations concernées émanant de l'Union européenne, mes services ont informé la Commission européenne du problème rencontré et ont sollicité une analyse.

Compte tenu du cas spécifique rapporté, l'avis formel du Conseil supérieur de la santé a été demandé en urgence.

Comme vous le savez, ces biberons sont stérilisés par une entreprise de Marche-en-Famenne. Mes services ont prélevé des échantillons afin d'analyser si les taux de résidus sont bien conformes aux normes. Les résultats sont attendus pour le début de la semaine prochaine. Si un danger était constaté, nous devrions évidemment réagir, mais une réflexion s'imposerait alors concernant d'autres dispositifs médicaux stérilisés au moyen de l'oxyde d'éthylène et une évaluation générale devrait être réalisée au sujet du rapport entre les risques et les bénéfices.

Comme vous l'avez-vous-même précisé, les alternatives qui garantissent un niveau de stérilité équivalent sont peu nombreuses et peuvent poser d'autres problèmes.

Par exemple, la stérilisation à la vapeur peut détruire des produits thermolabiles, tandis que l'irradiation aux rayons gamma peut dégrader certains matériaux.

De plus, les infrastructures actuelles ne permettent pas un remplacement immédiat, raison pour laquelle les autorités françaises se sont limitées à demander que le produit en question soit retiré du marché dans les meilleurs délais possibles.

Le problème n'est pas simple, mais l'analyse des échantillons, qui devrait donc nous parvenir pour le début de la semaine prochaine, constituera un élément d'information supplémentaire.

M. Jacques Brotchi (MR). - Dans cette problématique, il faut effectivement évaluer le rapport entre risques et bénéfices ; c'est d'ailleurs ce qui prévaut dans toute décision d'ordre médical. Singulièrement, en chirurgie, aucun geste n'est dépourvu de risque et il faut évaluer les bénéfices pour le patient.

La décision brutale et radicale de votre homologue, le ministre français de la Santé, m'a interpellé. Il a jeté une sorte d'anathème sur les biberons stérilisés en Belgique. Certes, la plus grande prudence s'impose en matière de stérilité mais la médiatisation a produit ses effets. La population et les jeunes mamans, très concernées, attendent sans doute avec beaucoup d'attention, comme moi, les précisions que vous nous apporterez la semaine prochaine.