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7 OCTOBRE 2011
L'obsolescence programmée peut être définie comme étant le fait de développer puis de commercialiser un produit en déterminant à l'avance le moment de sa péremption, l'objectif de cette méthode étant de limiter la durée de vie de l'objet et de favoriser ainsi l'achat d'un nouveau produit de substitution.
Nous pouvons tous le constater dans notre vie quotidienne, les produits ont une durée de vie parfois fort restreinte. Ce phénomène peut s'appliquer à divers types d'objets (vêtements, mobiliers, ...) mais les appareils électriques et électroniques (c'est-à-dire les produits liés à l'énergie) sont particulièrement concernés et constituent l'objet même de cette résolution.
La société de consommation favorise le modèle économique suivant: la consommation de masse provoque un dynamisme économique et la prospérité de nos entreprises. Afin de soutenir la production et la vente de produits, il convient de créer un « besoin » dans le chef des consommateurs. Ce « besoin » peut être engendré par la nécessité de remplacer un produit hors d'usage.
Historiquement, c'est en 1924 que le phénomène d'obsolescence programmée a pris vie avec la création du Cartel de Phoebus. Ce cartel, composé de grands industriels de l'époque provenant du secteur de la lampe à incandescence classique, uvra pour diminuer la durée de vie des ampoules afin qu'elle passe de 2 500 heures en moyenne en 1924 à approximativement 1 000 heures dès 1927.
Ce modèle économique nouvellement créé se développa pour atteindre son niveau actuel. L'obsolescence des produits doit être rapide et volontaire afin de favoriser la production et la consommation.
Néanmoins, cette surconsommation programmée provoque des dommages environnementaux et sociaux.
En effet, au niveau environnemental, il faut se rendre compte que le principal impact écologique lié à l'utilisation des produits électriques ou électroniques a trait à leur consommation d'énergie et donc à leur efficacité énergétique. Par ailleurs, le coût environnemental provoqué par la production et la gestion après usage des produits (l'ensemble de leur cycle de vie) est extrêmement important. Plus la durée de vie des produits est restreinte, plus il faut en produire régulièrement et plus la quantité de produits hors d'usage est importante. Les conséquences néfastes pour l'environnement augmentent en conséquence.
Une étude datant de 2010 publiée en France par le Centre national d'information indépendante sur les déchets (CNIID) et par « les Amis de la Terre » évalue qu' « environ 70 % des déchets d'équipement électrique ou électronique français ont fini incinérés, enfouis ou traités dans des filières informelles. Parmi les 30 % restants faisant l'objet d'une collecte sélective, 2 % sont réemployés, 80 % recyclés et 18 % incinérés ».
Ensuite, il ne faut pas perdre de vue le coût financier pour les ménages de l'obsolescence programmée. Une diminution importante de la durée de vie des produits occasionne irrémédiablement un surcoût dans le budget des consommateurs. L'impact social est donc très important pour ces ménages.
Une solution qui permettrait aux consommateurs de choisir en toute connaissance de cause (tant pour des considérations environnementales qu'économiques) serait d'imposer aux fabricants d'indiquer sur l'emballage de leurs produits la durée de vie de ceux-ci.
De plus, notamment en raison de la miniaturisation croissante des circuits intégrés, il devient plus difficile de pouvoir réparer les appareils électriques ou électroniques. Or, la réparation d'un appareil défaillant constitue l'une des conditions de base de l'augmentation de la durée de vie d'un produit. Il conviendrait donc de décourager au maximum la commercialisation de produits non réparables en rendant obligatoire l'affichage sur l'emballage d'indications quant au caractère réparable des produits, en favorisant la mise à disposition de pièces détachées à un prix raisonnable pour les consommateurs en vue de réparer leur produit et en réduisant les coûts de réparation.
La Belgique est membre de l'Union européenne. Il en découle que notre pays évolue dans un marché harmonisé et ne peut adopter des mesures qui seraient considérées comme entravant les échanges entre États membres. C'est donc au niveau européen que notre pays doit aussi porter le débat. Toutefois, les aspects liés à l'étiquetage ne sont pas nécessairement considérés comme une entrave à la libre circulation des produits.
Enfin, il s'agit avant tout de mieux protéger les consommateurs sans réduire leur pouvoir d'achat. Les produits visés doivent donc rester accessibles à tous. Il faut donc tenir compte du fait que les modifications réglementaires apportées ne devront pas augmenter significativement le prix des produits. Une concertation avec les secteurs professionnels concernés semble dès lors nécessaire.
Muriel TARGNION. | |
Fabienne WINCKEL. | |
Louis SIQUET. | |
Philippe MAHOUX. |
Le Sénat,
A. vu la loi du 21 décembre 1998 relative aux normes de produits ayant pour but la promotion de modes de production et de consommation durables et la protection de l'environnement et de la santé,
B. considérant les objectifs de la directive du 21 octobre 2009 établissant un cadre pour la fixation d'exigences en matière d'éco-conception applicables aux produits liés à l'énergie, directement concernés par le phénomène d'obsolescence programmée;
C. considérant que la durée de vie des produits électriques et électroniques a un impact direct sur l'environnement et que la réduction de la durée de vie favorise la surconsommation, ce qui a des répercussions négatives sur l'environnement;
D. considérant le surcoût financier pour les ménages du renouvellement fréquent de produits électriques et électroniques;
E. considérant que la modification des normes en la matière ne doit pas augmenter significativement le prix des produits afin qu'ils restent accessibles;
Demande au gouvernement:
1. d'adopter un arrêté royal de lutte contre l'obsolescence programmée des produits liés à l'énergie, sur la base de la loi du 21 décembre 1998 relative aux normes de produits ayant pour but la promotion de modes de production et de consommation durables et la protection de l'environnement et de la santé en concertation avec les secteurs concernés:
— qui impose l'affichage de la durée de vie de ces produits sur leur emballage;
— qui soutienne la mise sur le marché de produits réparables en rendant obligatoire l'affichage sur l'emballage d'indications quant au caractère réparable des produits;
— qui s'assure que les modifications apportées n'augmentent pas significativement le prix des produits visés;
2. de favoriser au niveau européen l'adoption d'une directive de lutte contre l'obsolescence programmée des produits liés à l'énergie, en concertation avec les secteurs concernés:
— qui soutienne la mise sur le marché de produits réparables en décourageant la commercialisation de produits non réparables, en favorisant la mise à disposition de pièces détachées à un prix raisonnable pour les consommateurs en vue de réparer leur produit et en réduisant les coûts de réparation;
— qui s'assure que les modifications apportées n'augmentent pas significativement le prix des produits visés.
20 juillet 2011.
Muriel TARGNION. | |
Fabienne WINCKEL. | |
Louis SIQUET. | |
Philippe MAHOUX. |