5-15

5-15

Belgische Senaat

Handelingen

DONDERDAG 3 MAART 2011 - NAMIDDAGVERGADERING

(Vervolg)

Mondelinge vraag van mevrouw Vanessa Matz aan de vice-eersteminister en minister van Financiën en Institutionele Hervormingen over «een problematische beslissing van de Dienst Voorafgaande Beslissingen in fiscale zaken (DVB) over Total» (nr. 5-68)

Mme Vanessa Matz (cdH). - Monsieur le vice-premier ministre, l'hebdomadaire Knack vient de publier un article signalant que le Service des décisions anticipées en matière fiscale aurait pris pendant l'été 2010 une décision particulièrement favorable à Total Belgique pour des transferts vers le paradis fiscal des Bermudes.

Le ruling pour Total concerne des paiements de Total Belgique aux Bermudes. Depuis des années, l'ancienne Petrofina achète le pétrole brut pour sa raffinerie d'Anvers à une de ses filiales des Bermudes, Total International qui, quant à elle, achète le pétrole brut aux filiales de production du groupe Total, ou à des tiers dans des pays producteurs de pétrole.

Il semblerait que l'accord conclu avec Total pose problème. Le Service des décisions anticipées a estimé que les paiements de Total Belgique vers sa filiale des Bermudes sont des frais professionnels, ce que voulait Total. Or pour qu'un paiement soit un frais professionnel, il faut qu'il soit effectué dans le cadre d'opérations réelles et sincères et avec des personnes qui ne sont pas des constructions artificielles. La filiale aux Bermudes n'a par exemple ni personnel ni matériel, ce qui peut donner à penser que cette filiale est justement une construction artificielle.

Plus grave, le Service des décisions anticipées par l'intermédiaire de Mme Tai, sa présidente, a envoyé une lettre à deux des plus hauts fonctionnaires de votre administration. Dans ce courrier daté du 25 octobre 2010, Mme Tai aurait demandé l'ajout d'un paragraphe à une circulaire du 22 octobre, en mentionnant que ce paragraphe était indispensable pour que la décision du Service des décisions anticipées pour Total soit valable. Votre administration a exaucé le souhait du Service des décisions anticipées par le biais d'une circulaire du 30 novembre. Résultat : Total Belgique a l'assurance de pouvoir déduire les paiements à destination de sa filiale des Bermudes - pays qui, je le rappelle, est un paradis fiscal - et cela avec l'accord du Service des décisions anticipées et de votre administration.

Monsieur le vice-premier ministre, les faits révélés par le journal Knack sont-ils confirmés ? Avez-vous mené une enquête ? Comment se fait-il que le Service des décisions anticipées ait pris une telle décision en ce qui concerne Total ? Pouvez-vous l'expliquer ? Quels ont été les contacts entre le Service des décisions anticipées et votre administration dans ce dossier ? Le Service des décisions anticipées n'est-il pas un organe indépendant ? Pourquoi votre administration a-t-elle modifié une circulaire à la demande du Service des décisions anticipées, en sachant parfaitement à qui cette modification profiterait, c'est-à-dire à Total ?

Si les faits révélés par le journal Knack sont avérés, je me pose la question de la pertinence de ce genre d'opération. Hier, un vote important est intervenu à la Chambre sur la levée du secret bancaire. Cela me semble un peu en contradiction avec les recommandations de la commission sur la fraude fiscale.

M. Didier Reynders, vice-premier ministre et ministre des Finances et des Réformes institutionnelles. - La lecture de la presse est intéressante mais il est aussi intéressant de lire de temps en temps les textes votés par le parlement. Mme Matz m'interroge pour savoir si tout cela est normal, si tout cela s'est déroulé correctement. En fait, c'est à sa demande que les choses se sont déroulées de cette manière. La loi-programme du 23 décembre 2009 a introduit deux nouvelles dispositions sur les paiements effectués vers des paradis fiscaux. L'article 307 du code de l'impôt sur les revenus prévoit l'obligation de déclarer tous les paiements effectués directement ou indirectement vers des paradis fiscaux. L'article 198 précise que les paiements faits dans le cadre de constructions artificielles ne sont pas déductibles.

À ce jour, le Service des décisions anticipées a traité quatre dossiers. Deux dossiers concernent l'importation de marchandises, à savoir du pétrole et des fruits. Dans les deux cas, aucun Rouletabille n'a découvert de mystère. Les deux sociétés déclarent spontanément les paiements à la demande du parlement - c'est la loi - mais demandent la déduction de leurs achats. Les deux sociétés se soumettent spontanément à la vérification de ce que leurs opérations sont réelles et sincères et qu'elles ne visent pas à éluder l'impôt belge. Il s'agit effectivement dans les deux cas d'opérations d'importation.

Concernant la société importatrice de pétrole, l'ensemble des achats de brut du groupe s'effectue, à la demande des pays producteurs de pétrole, par le biais d'une société enregistrée aux Bahamas depuis 1957, mais dirigée au départ de la France, raison pour laquelle elle est considérée par le fisc français comme une société résidente fiscale française, consolidée dans le cadre de l'ensemble des sociétés du groupe en France. Quant aux importations, il y a effectivement déclaration des droits de douane et de tout autre droit à acquitter.

Sous l'angle fiscal, on ne peut donc pas parler de paiements effectués à une société soumise à un régime notablement plus avantageux que le nôtre.

Ces opérations visent-elles à éluder l'impôt en Belgique ? Le prix payé pour l'importation de pétrole brut comprend le prix de référence par rapport aux cours cotés sur les marchés et une commission. La décision anticipée ne portait pas sur l'analyse des prix de transfert mais bien sur l'analyse d'une importation de produits, en l'espèce pétroliers.

Dans la mesure où la société belge importe effectivement du pétrole et paie le prix du marché, il n'est pas question - ni sous forme d'objectif ni sous forme d'effet - d'éluder l'impôt en Belgique. Ces achats étant effectués en vue d'acquérir des revenus en Belgique, ils sont en effet déductibles, quelle que soit leur origine, et cela conformément à l'article 49 du CIR 92.

Le législateur lui-même demandant aux entreprises de déclarer les opérations conclues avec des paradis fiscaux, je trouve quelque peu fatigant d'entendre sans arrêt des insinuations concernant, d'une part, certaines entreprises et, d'autre part, mon administration, lesquelles ne font qu'appliquer la loi, ce dont je les félicite.

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'ai demandé au président du comité de direction du SPF Finances de me présenter un rapport basé sur l'audit interne pour connaître l'origine des informations diffusées à propos d'un dossier individuel. Vous ne souhaiteriez pas non plus, je le suppose, que je doive expliquer à la tribune votre situation fiscale personnelle ou la situation fiscale de quelque Belge ou entreprise belge que ce soit.

Mme Vanessa Matz (cdH). - Il semblerait qu'une circulaire ait été modifiée. Pouvez-vous me répondre à ce sujet ?

M. Didier Reynders, vice-premier ministre et ministre des Finances et des Réformes institutionnelles. - C'est mon administration qui rédige ces circulaires. En l'occurrence, elle a rédigé cette circulaire de façon correcte. Le passage que vous incriminez est le « copié-collé » d'un extrait de l'exposé des motifs du projet déposé au parlement. Je sais qu'il est intéressant de lire le Knack mais se souvenir des lois que l'on a soi-même votées peut parfois l'être également.

Mme Vanessa Matz (cdH). - Je ne pouvais pas savoir que le passage modifié était un « copié-collé » de l'exposé des motifs.

M. Didier Reynders, vice-premier ministre et ministre des Finances et des Réformes institutionnelles. - Les circulaires sont diffusées et, donc, connues. Quant à l'exposé des motifs des projets de loi, je présume que vous le lisez avant de voter.

Mme Vanessa Matz (cdH). - Tout à fait.