5-520/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2010-2011

23 NOVEMBRE 2010


Proposition de loi instaurant la guidance parentale sous mandat judiciaire

(Déposée par Mme Christine Defraigne)


DÉVELOPPEMENTS


À l'heure actuelle, de plus en plus de personnes se séparent et/ou divorcent. Leur nombre est en constante augmentation. Selon les données du Service public fédéral (SPF) Économie, PME, Classes moyennes et Énergie, il y a eu 35 366 divorces en Belgique en 2008. Ce sont 5 285 de plus qu'en 2007 et 6 177 de plus qu'en 2006. Rien qu'en janvier de cette année (2010), 3 411 couples ont divorcé. Ces chiffres montrent bien la nette augmentation des divorces dans notre pays.

La séparation ou le divorce peut être un moment très difficile à vivre pour les membres de la famille. Pour le psychiatre Jean-Marc Delfieu (1) , l'enfant confronté à cette situation s'adapte en général passablement et il ne poursuit un développement psychique normal qu'environ deux ans après le divorce de ses parents. « Le maintien du contact affectif et relationnel est considéré aujourd'hui comme étant un critère important du « bien-être psychique de l'enfant ». » (2) Si un des parents manque, l'enfant peut rencontrer dans sa phase adulte des problèmes de communication avec d'autres personnes de l'autre ou du même sexe.

Malheureusement, dans le cadre d'une séparation ou d'un divorce, il arrive qu'un des parents veuille se venger de l'autre pour le mal qu'il lui a fait. Il s'agit de détruire moralement l'ex-conjoint. Dans pareil cas, l'enfant peut alors être pris en otage. Il arrive également qu'un parent veuille garder exclusivement l'enfant pour lui, celui-ci ayant déjà perdu son partenaire. Dans une telle situation, ce parent et l'enfant peuvent se dresser contre l'autre parent qui devient le « méchant », responsable de tous les malheurs.

C'est dans ce cadre que peut naître le « syndrome d'aliénation parentale ». Ce syndrome est défini par Richard A. Gardner, professeur américain de pédopsychiatrie et de psychiatrie, en 1986. Selon lui, il s'agit d'un « trouble de l'enfance qui survient presque exclusivement dans un contexte de dispute (contexte conflictuel) concernant le droit d'hébergement principal de l'enfant. L'enfant l'exprime initialement par une campagne de dénigrement à l'encontre d'un parent (dévalorisation constante et représentation négative), cette campagne ne reposant sur aucune justification. Le syndrome d'aliénation parentale résulte de la combinaison de la programmation du parent endoctrinant (lavage de cerveau) et de la propre contribution de l'enfant à la diffamation du parent cible » (3) . L'enfant rejette ou diabolise ce parent qu'il aimait tant et fait indissolublement corps avec le parent aliénant, conformément au désir de ce dernier.

Dans les cas extrêmes d'aliénation parentale, le parent aliénant peut même aller jusqu'à kidnapper l'enfant pour fuir à l'étranger, soit par vengeance, soit par conviction que ce qu'il fait est pour le bien de l'enfant. Le parent aliénant coupe définitivement le lien parental qui existe entre l'enfant et l'autre parent. Ainsi le parent aliéné, en plus de ne plus avoir de lien affectif avec son enfant, est privé de ses droits parentaux, à savoir participer aux décisions qui ont trait à la vie de son enfant, de savoir où se trouve son enfant et de maintenir des liens personnels réguliers avec son enfant. L'intérêt supérieur de l'enfant est bafoué. Cet acte est très lourd de conséquence pour l'enfant, surtout s'il est en bas âge.

Selon Gardner, il existe quatre critères qui permettent de reconnaître l'action du parent aliénant: « 1) l'entrave à la relation et au contact avec l'enfant; 2) les fausses allégations d'abus divers; 3) la réaction de peur des enfants; et 4) la détérioration de la relation depuis la séparation. » (4)

Il détaille ensuite huit manifestations principales chez l'enfant:

— campagne de rejet et de diffamation infondés: le parent qui est rejeté est dévalorisé sans le moindre sentiment de culpabilité de la part de l'enfant. Le parent rejeté est décrit comme méchant et dangereux;

— rationalisation absurde: l'enfant invoque des excuses irrationnelles ou absurdes qui n'ont aucun rapport réel avec les véritables expériences;

— absence d'ambivalence normale: le parent rejeté est complètement le « mauvais » et le parent aliénant est complètement le « gentil ». Il n'y a pas de demi-mesure;

— réflexe de prise de position pour le parent aliénant: lorsque les deux parents sont en présence l'un de l'autre, l'enfant prend position pour le parent chez qui il vit, parfois même avant que le parent rejeté ne se soit exprimé;

— extension des hostilités à toute la famille au sens large (grands-parents, tantes, cousins, etc.) et à l'entourage du parent rejeté (voisins, amis, etc.);

— affirmation d'une « opinion propre » artificielle: l'enfant est conditionné à présenter comme venant de lui l'opinion du parent aliénant. Le psychanalyste Jean-Marc Delfieu explique cela par le fait qu'« aucun enfant ne peut risquer de décevoir le parent qui s'occupe de lui et dont il dépend » (5) ;

— absence de sentiments de culpabilité face à la cruauté envers le parent aliéné: l'enfant présume que le parent rejeté, froid et insensible, ne souffre pas du rejet et qu'il mérite ce qui lui arrive;

— adoption de « scénarios empruntés »: l'enfant reprend à son compte les histoires fabriquées par le parent aliénant, manipulateur.

Selon Jean-Marc Delfieu, « en cas de syndrome d'aliénation parentale, celui des parents qui met en œuvre la désaffection, soumet l'enfant — sciemment ou inconsciemment — à un endoctrinement. Il abuse pour ce faire du pouvoir presque sans limites qu'il a d'influencer et de disposer de son enfant. Une telle influence revêt clairement les caractéristiques d'un abus et provoque des conséquences psychiques graves pour l'enfant et pour le parent aliéné. » (6)

Le concept de l'aliénation parentale, les critères conduisant à son diagnostic et son mode d'appréhension diffèrent suivant les spécialistes. Ainsi, d'autres définitions, proches ou éloignées de celle de Gardner, existent. Par exemple:

Warshak (7) insiste sur trois conditions connexes: le dénigrement fait l'objet de menées persistantes; le rejet du parent en cause n'est pas justifié; il résulte partiellement de l'influence du parent aliénant. Il intègre donc dans sa définition, tout comme Gardner, un lien causal indispensable.

Kelly « ignore tout lien de cause à effet et vise exclusivement le comportement de l'enfant. Selon son avis, on parle d'aliénation parentale lorsqu'un enfant exprime librement et de façon persistante des sentiments (rage, haine, rejet, crainte) et des croyances déraisonnables envers un parent et qui sont disproportionnées par rapport à l'expérience réelle de l'enfant avec ce parent » (8) .

Quant à Darnall, il pense que l'enfant n'a pas de part active mais joue exclusivement le rôle que lui suggère le parent qui cherche l'aliénation de l'ex-conjoint. Il définit le phénomène d'aliénation parentale comme « un comportement chez le parent hargneux qui peut produire une perturbation relationnelle entre l'enfant et l'autre parent ».

En Belgique, le psychologue et médiateur Benoît Van Dieren, fort de son expérience dans cette problématique, tente de trouver des moyens d'action spécifiques pour diagnostiquer et enrayer ces situations de risque de perte de lien parental ou de perte effective de ce lien qui peuvent conduire, dans les cas les plus graves, à une aliénation parentale. Il est vrai que la justice belge n'est pas suffisamment outillée pour, d'une part, diagnostiquer les situations de danger qui peuvent dégénérer en une perte du lien parental et, d'autre part, de lutter contre l'incapacité ou la non volonté des parents à collaborer dans l'exercice conjointe de l'autorité parentale.

M. Van Dieren va jusqu'à dire qu'actuellement « le parent manipulateur, voulant garder l'emprise sur l'enfant tout en dénigrant l'autre parent, est à peu près certain de gagner « in fine » dans son entreprise d'élimination du parent « fautif » ou gênant. Il joue d'une part sur le temps qui passe et sur les procédures, sachant qu'au bout du compte, c'est la « volonté » de l'enfant qui l'emportera sur la Justice. Il met en outre en avant, en fin de parcours, la parole « spontanée » de l'enfant, qui une fois bien conditionné, se conditionne lui-même et devient très convainquant vis-à-vis de tous, magistrats et psy compris (9)  ».

Un des moyens d'action novateur proposé par ce psychologue est la « guidance parentale sous mandat judiciaire » à mettre en place dès que le juge constate le risque de la perte du lien parental avec l'un des parents ou la perte effective de ce lien.

L'auteur de la proposition de loi propose d'instaurer la possibilité pour le juge de recourir à cette guidance lorsque dans le cadre d'une saisine relative à l'autorité parentale ou l'hébergement d'un enfant (articles 223, 373, 374, 387bis, 387ter du Code civil et 1280 du Code judiciaire), l'affaire présente cette caractéristique.

La rapidité de la mise en place de cette guidance est un atout pour remédier à une situation qui risque très rapidement de s'enliser, se détériorer et devenir, malheureusement, définitive. En effet, une fois que le processus d'aliénation parentale est enclenché et que tout contact avec le parent rejeté est banni, il s'avère difficile de remédier à la situation, le parent rejeté ne pouvant plus montrer à l'enfant qui il est réellement.

Pour les mêmes raisons, il est extrêmement important que la guidance s'effectue dans un timing serré, timing laissant, cependant, évidemment « le champ libre à une évolution en profondeur des relations et des positions de chacun » (10) . Dès lors, l'auteur de la proposition prévoit des audiences relais dans des délais de deux mois maximum.

La guidance parentale sous contrôle judiciaire implique, dans un premier temps, pour le juge qui constate qu'il y a un risque de perte du lien parental ou une perte déjà établie de ce dernier, de faire part de cette constatation aux parties. Il indique que cette situation n'est pas tolérable et qu'il convient d'y remédier pour le bien-être de l'enfant. Ce bien-être nécessite, de fait, de rétablir, au plus vite, les meilleurs liens possibles entre les enfants et chacun de leurs parents.

Le juge joue un rôle pédagogique consistant à sensibiliser les parents quant à leur responsabilité parentale vis-à-vis de l'enfant. Pour ce faire, il est souvent nécessaire que le parent « aliénant » dissocie son rôle d'ex-conjoint de son rôle de parent puisque l'origine du processus de désaffection parentale se trouve, dans la plupart des cas, dans la séparation du couple. Ce n'est pas une chose aisée.

Il leur indique qu'à cette fin, un expert en guidance parentale va être désigné, expert qui les aidera à trouver une solution négociée quant à cette problématique. Il insiste sur le fait que pour arriver à cette solution, une collaboration de la part de chacune des parties sera nécessaire. Ce dispositif psycho-juridique implique également la collaboration active des avocats qui s'engagent à abandonner la logique de confrontation pour donner toutes ses chances de réussite à cette collaboration parentale respectueuse de chaque membre de la famille.

Il est clairement indiqué aux parties que, d'une part, l'expert enverra chaque fois qu'il l'estime nécessaire un rapport aux parties — et leur conseil — et au juge quant à l'évolution des relations et des positions de chacun. La supervision du juge est donc permanente.

Comme l'indique M. Van Dieren (11) , « ainsi, dans les cas d'aliénation parentale moyenne ou sévère, l'intervenant pourra dans les meilleurs délais faire part au juge des réactions de sabotage du processus, de non respect des engagements pris, ou de dénigrement ou de manipulation ou de mauvaise foi qu'il aura pu lui-même constater dans le cours même du processus de guidance, et non plus postulé au départ (ce qui est toujours violemment dénié par la personne concernée). ».

D'autre part, cette collaboration parentale sera un élément capital pris en compte par le juge pour se forger son opinion quant à l'issue du litige. Ainsi, un manque de collaboration dans cette guidance pourra avoir de grave conséquence, comme, par exemple, un renversement, à titre provisoire, de l'hébergement principal des enfants, décision pouvant devenir définitive lors du jugement définitif ou encore une astreinte, la condamnation au paiement de la totalité des frais et honoraires de l'expert ou la condamnation aux dépens de la procédure et frais d'avocat de la partie adverse.

La possibilité de se voir appliquer ces sanctions, à tout moment de la guidance, est donc une contrainte déterminante dans la réussite du processus.

La procédure de guidance parentale sous mandat judiciaire prévoit le dépôt, soit à la demande du juge, soit lorsque l'expert l'estime opportun, d'un rapport préliminaire, selon les formes du Code judiciaire. Les parties ou leur conseil communiquent leurs commentaires dans un délai fixé par l'expert compte tenu de la nature du litige. L'expert établit alors le rapport définitif qu'il communique au juge et aux parties et leur conseil.

Afin de maintenir la guidance parentale dans un certain timing, il est prévu que le juge fixe l'affaire dans les quinze jours de la réception du rapport définitif.

Il est évident que ce moyen d'action n'est pas la panacée qui pourra résoudre tous les conflits. Il s'inscrit dans la panoplie d'actions déjà entre les mains des professionnels comme, par exemple, l'expertise classique, la médiation familiale mais aussi, depuis la loi sur l'hébergement égalitaire, la saisine permanente du juge de la jeunesse, la possibilité de réclamer une astreinte et l'exécution forcée dans des cas exceptionnels.

Cependant, les dégâts, causés tant à l'encontre de l'enfant privé de lien affectif avec l'un de ses parents qu'à l'encontre du parent « aliéné », méritent que la justice belge se dote d'outils supplémentaires. L'arsenal à sa disposition n'est visiblement pas suffisant. La guidance parentale sous mandat judiciaire pallie à une lacune de part ses éléments singuliers, à savoir:

— réelle collaboration interdisciplinaire: juge, avocats, expert;

— contrôle permanent et effectif — on n'attend pas l'expertise pendant six mois, période pendant laquelle la situation se cristallise — du juge sur le déroulement de la guidance par le biais de rapports établis par l'expert;

— focalisation au cours de la guidance sur la volonté et la capacité de collaborer et non sur l'aptitude à être un bon parent;

— menace de sanctions en cas de non collaboration d'un parent;

— responsabilisation des parents;

— rapidité de la mise en place et du déroulement de la guidance.

L'auteur de ladite proposition considère qu'un volet pénal est également nécessaire. Tout comme l'abandon familial ou la non représentation d'enfants doit être puni, le parent qui commet un acte d'aliénation parental doit aussi pouvoir être puni pénalement, soit par une amende, soit par une peine d'emprisonnement ou soit par les deux. La sanction pénale sera utilisée en dernier recours. Sans cette épée de Damoclès, certains parents ne suivraient pas la guidance sous mandat judiciaire et laisseraient empirer les choses.

La prononciation d'un sursis probatoire par le juge est toujours possible et pourrait être un incitant supplémentaire à respecter la guidance sous mandat judiciaire et à faire cesser ce syndrome d'aliénation. Cela est évidemment laissé à l'appréciation du juge.

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Articles 2, 3 et 4

Ces dispositions permettent au juge de paix ou de la jeunesse d'imposer une guidance parentale sous mandat judiciaire lorsqu'il constate une perte du lien parental avec l'un des parents ou le risque de perte de ce lien.

Article 5

Cet article insère dans le livre IV de la quatrième partie du Code judiciaire, un chapitre XIIter. Il définit la procédure de la guidance parentale sous mandat judiciaire.

Article 6

Cet article insère une section Vbis dans le chapitre III de la partie VIII du Code pénal, intitulée: De l'aliénation parentale.

Cette disposition a pour objectif de créer un délit d'entrave à l'exercice de l'autorité parentale, puni par un emprisonnement et/ou une amende car tout enfant a le droit d'entretenir des relations personnelles régulières avec ses deux parents, comme il est prescrit à l'article 9, point 3, de la Convention internationale des droits de l'Enfant du 20 novembre 1989. Dans cet article, il est donc dit ce qu'il faut entendre par « aliénation parentale » et quelles sont les peines encourues.

Christine DEFRAIGNE.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Modification du Code civil

Art. 2

Dans l'article 223 du Code civil, remplacé par la loi du 14 juillet 1976 et modifié par la loi du 28 janvier 2003, un alinéa rédigé comme suit est inséré entre les alinéas 2 et 3:

« Si le juge de paix ou de la jeunesse constate une perte du lien parental avec l'un des parents ou le risque de perte de ce lien, il peut imposer aux parents la guidance parentale sous mandat judiciaire visée au chapitre XIIter du livre IV de la quatrième partie du Code judiciaire. »

Art. 3

Dans le même Code est inséré un article 387quater, rédigé comme suit:

« 387quater. — Si, dans les procédures visées aux articles 373, 374, 387bis et 387ter, le juge constate une perte du lien parental avec l'un des parents ou le risque de perte de ce lien, il peut imposer aux parents la guidance sous mandat judiciaire visée au chapitre XIIter du livre IV de la quatrième partie du Code judiciaire. »

Modification du Code judiciaire

Art. 4

Dans l'article 1280 du Code judiciaire, modifié en dernier lieu par la loi du 19 mars 2010, un alinéa rédigé comme suit est inséré entre les alinéas 2 et 3:

« Si le juge constate une perte du lien parental avec l'un des parents ou le risque de perte de ce lien, il peut imposer aux parents la guidance parentale sous mandat judiciaire visée au chapitre XIIter du livre IV de la quatrième partie du Code judiciaire. »

Art. 5

Dans le livre IV de la quatrième partie du Code judiciaire, est inséré un chapitre XIIter, comprenant les articles 1322 quinquiesdecies à 1322 vicies semel, rédigés comme suit:

« Chapitre XIIter. De la guidance parentale sous mandat judiciaire

Art. 1322quinquiesdecies. — Le juge saisi d'un litige sur base des articles 223, 373, 374, 387bis, 387ter du Code civil et 1280, en première instance ou en degré d'appel, qui constate une perte du lien parental avec l'un des parents ou le risque de perte de ce lien, peut imposer aux parents une guidance parentale sous mandat judiciaire, ci-après dénommée « guidance ».

Art. 1322sexiesdecies. — À l'audience, le juge indique aux parties qu'il a décelé une perte du lien parental ou le risque qu'une telle perte n'apparaisse et qu'il y a lieu de remédier à cette situation.

Il invite les parties à trouver une solution négociée quant à leur différend relatif à la personne des enfants afin de consolider le lien parental menacé, ce qui implique une attitude de collaboration de la part de chacun d'eux.

Pour ce faire, il désigne un expert qui assurera la guidance parentale sous mandat judiciaire. Le Roi détermine les conditions auxquelles doit répondre l'expert pour pouvoir être désigné dans le cadre de cette guidance.

Le juge expose aux parties la procédure relative à la guidance parentale sous mandat judiciaire, notamment, l'interaction entre, d'une part, le juge, qui contrôle en permanence la guidance et, d'autre part, l'expert ainsi que les mesures qui peuvent être prises, à tout moment, par le juge, suite au manque de collaboration dans la part de l'une d'elles.

Il indique aux parties la date de la prochaine audience à fixer dans les trois mois.

Art. 1322septiesdecies. — Par jugement interlocutoire, le juge désigne l'expert qui réalisera la guidance parentale sous mandat judiciaire.

Le jugement indique la mission de l'expert ayant pour objectif de consolider le lien parental menacé. Afin d'éclairer le juge sur l'évolution de la situation, l'expert a l'obligation de faire rapport de tout élément pertinent au fur et à mesure de sa mission. Il doit également éclairer le juge sur la capacité et la volonté des parties à collaborer dans l'intérêt des enfants.

Le jugement mentionne la date à laquelle se tiendra la prochaine audience.

Les articles du présent chapitre sont annexés au jugement.

Art. 1322octiesdecies. — § 1er. À la première réunion, l'expert indique aux parties la procédure de la guidance parentale sous mandat judiciaire. Il rappelle aux parties que la collaboration de chacune d'elle est requise, que des rapports sont envoyés régulièrement au juge afin qu'il suive au fur et à mesure l'évolution de la situation, et notamment leur capacité et volonté de collaboration.

Les conséquences judiciaires quant à un manque de collaboration sont exposées aux parties.

L'adhésion des parties et de leur conseil sur cette procédure est obtenue par l'expert avant qu'il n'entame sa guidance parentale.

§ 2. L'expert informe le juge, les parties ainsi que leur avocat, et ce, à chaque fois qu'il l'estime opportun de l'évolution de sa mission.

Art. 1322noviesdecies. — § 1er. À l'audience visée dans le jugement interlocutoire, le juge entend les parties ou leur conseil sur les résultats de la guidance parentale sous mandat judiciaire.

S'il l'estime opportun, il prend les mesures provisoires nécessaires à l'encadrement judiciaire de l'évolution de la guidance parentale sous mandat judiciaire.

Il peut également demander le dépôt, par l'expert, de son rapport préliminaire.

§ 2. À tout moment, soit à la demande du juge, soit à l'initiative de l'expert, le rapport préliminaire peut être établi. Ce rapport résume l'ensemble du travail de guidance et mentionne les observations de l'expert notamment quant à la collaboration des parties et quant aux résultats obtenus en termes de consolidation du lien parental.

Les parties ou leur conseil communiquent leurs commentaires dans un délai fixé par l'expert compte tenu de la nature du litige. L'expert ne doit pas prendre en compte les commentaires communiqués tardivement. Le juge peut les écarter d'office des débats.

L'expert établit le rapport définitif qu'il communique au juge et aux parties.

Dans les quinze jours de la réception du rapport définitif, le juge fixe l'affaire.

Art. 1322vicies. — Le juge statue.

Il peut, notamment:

1º modifier l'hébergement afin de promouvoir une relation équilibrée avec les deux parents;

2º prononcer une astreinte;

3º imputer à la partie qui ne collabore pas à la guidance la totalité des frais et honoraires de l'expert;

4º imputer à la partie qui, malgré la guidance, est à l'origine de la perte du lien parental les dépens de la procédure et frais d'avocat de la partie adverse.

La décision est de plein droit exécutoire par provision.

Art. 1322viciessemel. — Pour le surplus, les articles 962 et suivants relatifs à l'expertise sont applicables. »

Modification du Code pénal

Art. 6

Dans le chapitre III de la partie VIII du Code pénal, une section Vbis, comprenant un article 432bis, est insérée, rédigée comme suit:

« Section Vbis. De l'aliénation parentale.

Art. 432bis. — Sans préjudice de l'application des articles 1385bis et suivants du Code judiciaire relatifs à l'astreinte, tout parent qui entrave sciemment l'exercice de l'autorité parentale par des agissements répétés ou des manipulations diverses ayant pour objet la dégradation voire la rupture du lien affectif familial envers l'autre parent sera puni d'un emprisonnement de huit jours à un an et d'une amende de vingt-six euros à mille euros ou d'une de ces peines seulement. »

30 septembre 2010.

Christine DEFRAIGNE.

(1) Jean-Marc Delfieu est psychiatre et expert près la cour d'appel de Nîmes.

(2) Delfieu, J.-M., « Syndrome d'aliénation parentale, diagnostic et prise en charge médico-juridique », in Experts, no 67, juin 2005, p. 25.

(3) Gardner, R.A. (1998), « The Parental Alienation Syndrome » (2. Ed.), Creative Therapeutics, Cresskill, NJ, page XX, Introduction.

(4) http://www.lepost.fr/article/2009/07/09/1613503_syndrome-d-alienation-parentale-sap.html.

(5) Delfieu, J.-M., op.cit., page 27.

(6) Delfieu, J.-M., op.cit., page 26.

(7) Van Gijseghem, « L'aliénation parentale: les principales controverses », in JDJ, no 237, septembre 2004, page 19.

(8) Van Gijseghem, H., op.cit., page 19.

(9) Van Dieren, B., « La justice face au processus d'aliénation parentale », conférence prononcée dans le cadre de la formation pour magistrats francophones et néerlandophones organisée par le Conseil supérieur de la justice.

(10) Van Dieren, B., op.cit.

(11) Benoît Van Dieren, op.cit.