5-196/1

5-196/1

Sénat de Belgique

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2010

30 SEPTEMBRE 2010


Proposition de loi modifiant la loi du 23 juin 1961 relative au droit de réponse

(Déposée par Mme Christine Defraigne)


DÉVELOPPEMENTS


La présente proposition de loi reprend le texte d'une proposition qui a déjà été déposée au Sénat le 28 mai 2009 (doc. Sénat, nº 4-1347/1 - 2008/2009).

Actuellement, le droit de réponse dans le secteur de l'audiovisuel est régi par la loi du 23 juin 1961. Cette loi relative au droit de réponse permet à toute personne physique ou morale citée dans un écrit périodique ou dans une émission, édition ou programme audiovisuel à caractère périodique de requérir un droit de réponse exercé dans des conditions strictes prévues dans la loi. Bien entendu, la personne citée doit justifier d'un intérêt pour pouvoir exercer ce droit de réponse.

Le prescrit actuel de la loi ne permet pas à l'heure actuelle d'englober les nouveaux moyens de communications que sont les sites Internet.

En effet, l'émergence d'Internet a permis une nouvelle forme de communication instantanée, planétaire et accessible à tous. Aujourd'hui, les sites Internet, blogs, forums de discussion constituent une source d'information à part entière utilisée quotidiennement par une grande partie de la population.

Les procès pour diffamation sur Internet se multiplient ces dernières années et tout laisse à penser que d'autres procès du genre apparaitront ces prochaines années. Or, un jugement du tribunal correctionnel de Bruxelles du 14 novembre 2007 a déclaré irrecevable une demande de droit de réponse pour un communiqué paru sur Internet au motif « que le législateur de 1961 ne pouvait imaginer d'autre forme d'écrit périodique que celui imprimé sur papier; [...] Attendu en conséquence que la loi du 23 juin 1961 ne s'applique pas au cas d'espèce, la communication visée ne répondant pas au prescrit de l'article 1er de la loi » (1) .

Un tel jugement démontre l'impérieuse nécessité d'introduire dans notre arsenal juridique un système de droit de réponse sur Internet. Le droit de réponse est une voie de recours particulièrement appropriée dans l'environnement en ligne, étant donné la possibilité de correction instantanée des informations contestées et la facilité technique avec laquelle les réponses émanant des personnes concernées peuvent y être jointes.

Le Conseil de l'Europe lui-même recommande d'introduire « un droit de réponse permettant une correction rapide des informations inexactes diffusées dans les médias en ligne ou hors ligne. » (2) .

Cette proposition de loi introduit donc dans la loi du 23 juin 1961 un chapitre II/1 nouveau visant précisément les nouvelles technologies d'information et permettant à toute personne physique ou morale citée nommément sur Internet d'exercer son droit de réponse comme il est prévu pour les autres moyens de communication.

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 2

Insertion d'un article 15/1 nouveau, § 1er: cet article donne les définitions des termes techniques utilisés dans la loi. Ils se veulent volontairement larges pour ne pas exclure du champ d'application de la loi des moyens de communications par Internet qui ne sont pas encore connus à l'heure actuelle.

Insertion d'un article 15/1 nouveau, § 2: cet article est inspiré de ce qui existe déjà en matière de droit de réponse pour les écrits périodiques. La référence à la nationalité et la résidence a été ajoutée car les nouveaux moyens de communication permettent une diffusion beaucoup plus large des informations.

Insertion d'un article 15/1 nouveau, § 3: cet article précise le délai dans lequel la demande de réponse doit être introduite. Plusieurs possibilités s'offraient au législateur. Nous avons retenu la mise à disposition sur le site Internet comme étant le point de départ d'un délai de trois mois. Vu la permanence des informations sur Internet, tout autre délai aurait eu comme conséquence d'engendrer un droit de réponse ad vitam aeternam.

L'article instaure une responsabilité en cascade. Si l'auteur de l'article incriminé est connu, la demande doit lui être adressée. Lorsque cet auteur est inconnu, le demandeur doit alors adresser sa réponse à l'hébergeur du site incriminé. Nous considérons que les FAI (fournisseurs d'accès à Internet) ne peuvent être tenus pour responsable pour le contenu qui transite via leurs réseaux.

Insertion d'un article 15/1 nouveau, § 4: cet article précise les mentions que doit contenir la demande de réponse ainsi que les conditions de mise à disposition de la réponse.

Insertion d'un article 15/1 nouveau, § 5: cet article permet à l'auteur du passage donnant lieu au droit de réponse de supprimer le passage incriminé sans devoir insérer la réponse si le demandeur le précise expressément.

Insertion d'un article 15/2 nouveau: cet article reprend les dispositions de la loi de 1961 en cas de non-exécution du droit de réponse.

Christine DEFRAIGNE.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

Dans la loi du 23 juin 1961 relative au droit de réponse est inséré un chapitre II/1, intitulé « Des services de communication au public en ligne », comportant les articles 15/1 et 15/2, rédigés comme suit:

« Chapitre II/1. — Des services de communication au public en ligne

Article 15/1. — § 1er. Pour l'application de la présente loi, on entend par:

1º service de communication au public en ligne: toute transmission, sur demande individuelle, de données numériques n'ayant pas un caractère de correspondance privée, par un procédé de communication électronique permettant un échange réciproque d'informations entre l'émetteur et le récepteur;

2º auteur: la personne responsable de l'édition et de la publication d'un site Internet;

3º hébergeur: personne physique ou morale qui assure, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images de sons ou de messages de toute nature.

§ 2. Sans préjudice des autres voies de droit, toute personne physique ou morale, sans considération de nationalité ou de résidence, citée nominativement ou implicitement désignée dans un service de communication au public en ligne, a le droit de requérir l'insertion gratuite d'une réponse.

Toutefois, la critique scientifique, artistique ou littéraire ne donne ouverture au droit de réponse que si celle-ci a pour objet de rectifier un élément de fait ou de repousser une atteinte à l'honneur.

Si la personne visée est décédée, le droit de réponse appartient à tous les parents en ligne direct ou au conjoint ou, à leur défaut, aux parents les plus proches; il n'est exercé qu'une fois et par le plus diligent d'entre eux; si au jour du décès de la personne citée ou désignée, le délai de trois mois prévu à l'article 4, alinéa 1er est en cours, les ayants droit ne disposent que de la partie de ce délai restant à courir.

§ 3. La demande de réponse doit être envoyée dans les trois mois, à compter de la mise à disposition du public, à l'auteur de l'article litigieux qui a été mis en ligne par un service de communication au public.

Si cet auteur est inconnu, la demande de réponse doit être envoyée à l'hébergeur qui permet la mise à disposition au public de l'article litigieux qui sera responsable de la publication du droit de réponse.

§ 4. La demande de réponse indique les références du message, ses conditions d'accès sur le service de communication au public et, s'il est mentionné, le nom de son auteur. Elle précise s'il s'agit d'un écrit, de sons ou d'images. Elle contient la mention des passages contestés et la teneur de la réponse sollicitée.

La réponse doit être insérée en entier, gratuitement, sans intercalation, dans les trois jours à compter de la réception de celle-ci, avec les mêmes facilités d'accès, à la même place et dans les mêmes caractères que le texte auquel elle se rapporte. Quelle que soit la nature du message auquel elle se rapporte, la réponse ne peut excéder milles lettres d'écriture ou le double de l'espace occupé par le passage qui justifie le droit de réponse.

La personne mise en cause peut exercer en une seule fois le droit de réponse à des passages publiés successivement.

La réponse est mise à la disposition du public par l'auteur de la publication, ou, le cas échéant, par l'hébergeur visé à l'article 4, alinéa 2, dans des conditions similaires à celles du message en cause et présentée comme résultant de l'exercice du droit de réponse. Elle est soit publiée à la suite du message en cause, soit accessible à partir de celui-ci. Lorsque le message n'est plus mis à la disposition du public, la réponse est accompagnée d'une référence à celui-ci et d'un rappel de la date et de la durée de sa mise à disposition du public.

La réponse demeure accessible durant la même période que celle pendant laquelle l'article ou le message qui la fonde est mis à disposition du public par l'auteur ou par l'hébergeur visé à l'article 4, alinéa 2. La durée pendant laquelle la réponse est accessible ne peut être inférieure à un jour.

Lorsque le message est mis à disposition du public par le biais d'un courrier électronique périodique, le directeur de la publication est tenu d'insérer la réponse dans la parution qui suit la réception de la demande de droit de réponse.

Si l'information qui a donné lieu au droit de réponse reste à la disposition du public dans des archives électroniques, la réponse doit être accessible depuis celle-ci.

Peut être refusée, l'insertion de toute réponse:

1º qui n'a pas de rapport immédiat avec le texte incriminé;

2º qui est injurieuse ou contraire aux lois et aux bonnes mœurs;

3º qui met un tiers en cause, sans nécessité;

4º qui est rédigée dans une langue autre que celle du message donnant lieu au droit de réponse.

§ 5. La personne qui adresse une demande d'exercice de droit de réponse peut préciser que sa demande deviendra sans objet si l'auteur accepte de supprimer ou de rectifier tout ou partie du message à l'origine de l'exercice de ce droit. La demande précise alors les passages du message dont la suppression est sollicitée ou la teneur de la rectification du message envisagée. L'auteur n'est pas tenu d'insérer la réponse s'il procède à la suppression ou à la rectification sollicitée dans un délai de trois jours à compter de la réception de la demande.

Article 15/2. — En cas d'infraction à l'article 15/1, § 4, l'éditeur est puni d'une amende de 26 euros à 5 000 euros.

L'article 85 du Code pénal est applicable à cette infraction.

Si, à la date du jugement de condamnation, la réponse n'a toujours pas été insérée, le tribunal en ordonne l'insertion dans le délai qu'il détermine; il condamne en outre l'éditeur à une amende de 100 euros par jour de retard à partir de l'expiration de ce délai; il peut, par une disposition spécialement motivée, déclarer que la partie du jugement ordonnant l'insertion sera exécutoire provisoirement nonobstant opposition ou appel.

L'article 8 de la loi du 29 juin 1964 concernant la suspension, le sursis et la probation n'est pas applicable aux condamnations prévues à l'alinéa précédent. ».

20 juillet 2010.

Christine DEFRAIGNE.

(1) Corr. Bruxelles, 14 novembre 2007, JT, no 6303, 15 mars 2008.

(2) Recommandation Rec(2004)16 du Comité des ministres aux États membres sur le droit de réponse dans le nouvel environnement des médias.