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Sénat de Belgique

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2010

1er SEPTEMBRE 2010


Proposition de loi réglementant les qualifications requises pour poser des actes d'esthétique médicale invasive

(Déposée par Mme Dominique Tilmans et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


L'esthétique médicale en général et plus particulièrement la chirurgie esthétique sont au cœur de l'actualité. Le culte du physique, les standards imposés par la mode et la peur de mal vieillir poussent de plus en plus de personnes à recourir à l'esthétique médicale en vue de modifier leur apparence.

En 2009, une enquête réalisée par « Test Achats » (menée auprès de 1 250 patients âgés de 18 à 65 ans) a révélé qu'en Belgique, 16 % des femmes et 8 % des hommes ont fait appel à la chirurgie esthétique (1) .

En France, on estime globalement qu'il y a entre 150 000 et 200 000 actes de chirurgie esthétique par an.

La chirurgie esthétique est une discipline médicale qui renferme le pire comme le meilleur, des charlatans préférant le commerce à l'éthique médicale et des spécialistes qualifiés travaillant dans les règles de l'art.

Les interventions telles que les liftings, liposuccions et augmentations mammaires ne sont pas des actes anodins. En effet, ces actes esthétiques sont de véritables opérations, à ne pas prendre à la légère, avec des risques et des complications potentielles. Nous devons débanaliser ces actes souvent irréversibles qui engagent toute une vie.

Trois problèmes majeurs doivent ainsi être réglementés dans le domaine esthétique, à savoir la publicité, les installations dans lesquelles sont délivrés les soins médicaux à visée esthétique ainsi que la compétence des praticiens délivrant ces soins.

La publicité en matière esthétique ainsi que les installations extra-hospitalières où l'on pose ces actes esthétiques ont fait l'objet des propositions de loi portant les références (5-61/1 - SE 2010 et 5-63/1 - SE 2010).

La première proposition de loi, qui porte sur la publicité, entend s'appliquer à tous les praticiens de l'art médical et dentaire lorsqu'ils posent à titre principal ou accessoire des actes d'esthétique médicale. Elle vise également le cas des établissements exploités par des non médecins.

Cette proposition de loi prévoit l'interdiction de la publicité en matière esthétique. Ce principe est cependant assorti d'une exception: l'information personnelle qui est autorisée. On vise par cette dernière le fait de permettre à un praticien de se faire connaître et de donner un minimum d'informations sur ses activités. En permettant uniquement ce type d'informations, nous atteignons notre objectif c'est-à-dire interdire la publicité racoleuse et de rabattage.

La seconde proposition de loi vise les installations qui ne sont pas soumises à la loi relative aux hôpitaux et à d'autres établissements de soins, coordonnée le 10 juillet 2008, dans lesquelles on effectue des prestations d'esthétique médicale.

Sont visées les installations extra-hospitalières qui pratiquent des actes d'esthétique médicale visant à modifier l'apparence corporelle d'une personne, à sa demande, pour des raisons esthétiques.

En fonction du type d'actes et d'anesthésies réalisés dans ces installations, ces dernières devront répondre à des normes précises. Ces normes diffèrent selon les actes posés. Elles portent sur les infrastructures, sur le personnel ainsi que sur le matériel médical nécessaire. Il reviendra au Roi de les préciser sur base des avis qui seront rendus par un collège compétent en la matière.

Ce collège sera composé de médecins proposés par les associations professionnelles représentatives des médecins pratiquant l'esthétique médicale. Des personnalités reconnues pour leur compétence en feront également partie.

Il définira les actes pouvant être effectués dans chacune de ces installations et remettra des avis sur les normes architecturales, fonctionnelles et organisationnelles requises en fonction du type d'installation.

La présente proposition de loi porte sur la compétence des praticiens qui posent des actes d'esthétique médicale invasifs.

Il convient, en effet, de poser des règles précises en matière de titres professionnels et formations exigés.

La présente proposition de loi distingue les actes d'esthétique médicale invasifs qui peuvent être posés en fonction du titre professionnel et de la formation suivie par le praticien qui les réalise.

Ainsi, seuls les praticiens qui portent le titre professionnel de chirurgien plasticien ainsi que ceux qui portent le titre professionnel de spécialiste en chirurgie peuvent poser tous les actes d'esthétique médicale invasifs.

Plusieurs spécialités médicales énumérées dans la présente proposition peuvent également poser certains actes esthétiques limités au cadre anatomique de leurs spécialités.

Moyennant le suivi d'une formation en « médecine esthétique non chirurgicale », les personnes titulaires d'un diplôme légal de docteur en médecine, chirurgie et accouchements pourront poser les actes d'esthétique médicale invasive non chirurgicaux ainsi que les greffes capillaires.

Les dentistes sont également autorisés à réaliser l'esthétique médicale invasive intra-orale.

Certains praticiens ont pu acquérir une compétence particulière pour poser un acte d'esthétique médicale invasif qu'il ne pourrait normalement pas pouvoir poser sur base du titre professionnel qu'il possède. La présente proposition tient compte de l'expérience qui a pu être acquise par le praticien concerné. Le praticien qui souhaite poser un acte qui n'est normalement pas associé au titre professionnel qu'il détient peut demander une dérogation au collège créé par la proposition de loi sur les installations extrahospitalières qui évaluera la demande en fonction de ses compétences et de sa formation.

Des dispositions portent sur des actes précis. Ainsi, les injections intra-mammaires sont interdites pour les non-chirurgiens. Seuls les titulaires d'un diplôme de docteur en médecine peuvent utiliser le laser de classe IV et IPL.

L'auteur prévoit également des mesures particulières destinées à protéger le patient. Des dispositions sont ainsi prévues au niveau de l'information dispensée. Un devis doit être réalisé. Un délai de réflexion est prévu.

Des dispositions transitoires sont posées.

Dominique TILMANS
Dirk CLAES
Marleen TEMMERMAN
Nele LIJNEN
Cécile THIBAUT
André du BUS de WARNAFFE
Freya PIRYNS
Jacques BROTCHI
Sabine de BETHUNE.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

Pour l'application de la présente loi, on entend par:

1º esthétique médicale: est considéré comme intervention d'esthétique médicale tout acte médical (chirurgical ou non) visant à modifier l'apparence corporelle d'une personne, à sa demande, pour des raisons esthétiques, sans but thérapeutique ni reconstructeur. Par définition, les actes d'esthétique médicale ne font pas l'objet d'une intervention de l'assurance maladie obligatoire;

2º esthétique médicale invasive: est considéré comme intervention d'esthétique médicale invasive tout acte d'esthétique médicale (chirurgical ou non) comportant un passage à travers la peau ou les muqueuses ainsi que les lasers de classe IV et IPL;

3º devis: décompte détaillé des frais liés à l'intervention d'esthétique médicale invasive lorsque ceux-ci dépassent le montant de 1 000 euros indexés.

Art. 3

La présente loi ne s'applique qu'aux actes d'esthétique médicale invasive.

Art. 4

Les interventions d'esthétique médicale invasive ne peuvent être réalisées sur des mineurs que moyennant l'accord écrit d'un représentant légal.

Toute intervention d'esthétique médicale invasive sur des mineurs doit faire l'objet d'une concertation préalable avec un médecin spécialiste en psychiatrie ou un psychologue.

Art. 5

Sont seules habilitées à réaliser l'ensemble des actes d'esthétique médicale invasive chirurgicaux ou non chirurgicaux, les personnes titulaires d'un titre professionnel particulier de médecin spécialiste en chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique ou de médecin spécialiste en chirurgie tels que définis par l'arrêté royal du 25 novembre 1991 établissant la liste des titres professionnels particuliers réservés aux praticiens de l'art médical, en ce compris l'art dentaire.

Art. 6

Sont habilitées à réaliser l'ensemble des actes d'esthétique médicale invasive non chirurgicaux, excepté les injections intra-mammaires, ainsi que les greffes capillaires, les personnes titulaires d'un diplôme légal de docteur en médecine, chirurgie et accouchements à condition qu'elles soient agréées à la suite d'une formation en « médecine esthétique non chirurgicale », organisée conformément à l'arrêté royal du 21 avril 1983 fixant les modalités de l'agrément des médecins spécialistes et des médecins généralistes. Le Roi est chargé d'organiser la formation et l'agrément.

Art. 7

Les personnes titulaires d'un titre professionnel de médecin spécialiste en dermato-vénéréologie sont habilitées à réaliser l'ensemble des actes d'esthétique médicale invasive non chirurgicaux, ainsi que les actes d'esthétique médicale invasive chirurgicaux suivants: les greffes capillaires ainsi que toutes les techniques de lipoaspiration, lipofilling concernant l'ensemble du corps, excepté la région mammaire, avec une limite de volume d'un litre, y compris le liquide d'infiltration.

Art. 8

Sont habilitées à réaliser les actes suivants d'esthétique médicale invasive chirurgicaux et non chirurgicaux limités au cadre anatomique de leur spécialité les personnes visées à l'article 2, § 1er, de l'arrête royal nº 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice des professions des soins de santé et titulaires du titre professionnel particulier de médecin spécialiste en:

1. ophtalmologie:

— esthétique médicale invasive de la région orbito-palpébrale sous toutes ses formes;

2. stomatologie:

— esthétique médicale invasive des lèvres et de la région orale sous toutes ses formes;

3. chirurgie maxillo-faciale:

— esthétique médicale invasive de la face et du cou sous toutes ses formes;

4. oto-rhino-laryngologie:

— esthétique médicale invasive du pavillon des oreilles;

— esthétique médicale invasive de la région nasale sous toutes ses formes;

5. gynécologie — obstétrique:

— esthétique médicale invasive de la glande mammaire;

— plastie abdominale sous toutes ses formes;

— esthétique médicale invasive des organes génitaux;

6. urologie:

— esthétique médicale invasive des organes génitaux.

Art. 9

Seuls les titulaires d'un diplôme légal de licencié en sciences dentaires peuvent poser les actes d'esthétique médicale invasive chirurgicaux et non chirurgicaux suivants:

— Esthétique médicale invasive intra-orale.

Art. 10

Seules les personnes titulaires d'un diplôme légal de docteur en médecine, chirurgie et accouchements peuvent utiliser les lasers de classe IV et IPL.

Art. 11

Sans préjudice de l'application de l'arrêté ministériel du 30 avril 1999, fixant les critères généraux d'agrément des médecins spécialistes, des maîtres de stage et des services de stage, les candidats spécialistes dans une des spécialités visées aux articles 5, 6, 7, 8 et 9 sont habilités à poser les mêmes actes que les titulaires du titre professionnel particulier de cette spécialité.

Art. 12

Les praticiens de l'art médical qui ne portent pas le titre professionnel particulier requis aux articles 5, 6, 7, 8 et 9 peuvent demander, après une évaluation de leurs compétences et de leur formation par le collège visé à l'article 10 de la loi du ...., une autorisation pour poser certains actes d'esthétique médicale invasive qui ne leur sont pas autorisés aux termes des articles 5, 6, 7, 8 et 9.

Art. 13

Pour toute prestation d'esthétique médicale invasive, le patient, et, s'il y a lieu, son représentant légal, doit être informé par le praticien responsable lors d'une consultation préalable obligatoire des techniques et des conditions de réalisation de l'intervention ainsi que des risques et des éventuelles conséquences et complications.

Le patient doit recevoir une information écrite concernant le type de matériel implanté ou injecté comprenant leurs dénomination et caractéristiques (volume, mesures, quantité), y compris le nom de la société qui le commercialise.

Art. 14

Le devis qui est remis au patient doit être daté et être revêtu des signatures du ou des praticiens devant réaliser l'intervention. La remise d'un devis non daté ou non signé de tous ces praticiens ne peut faire courir le délai prévu à l'article 16.

Ce document doit également mentionner le titre professionnel visé aux articles 5, 6, 7, 8 et 9 dont est porteur le ou les praticiens réalisant l'intervention.

Le praticien qui a rencontré le patient lors de la consultation préalable obligatoire doit réaliser lui-même l'intervention décrite. Toutefois, l'intervention peut être réalisée par un candidat spécialiste, tel que visé à l'arrêté ministériel du 30 avril 1999 fixant les critères généraux d'agrément des médecins spécialistes, des maîtres de stage et des services de stage, sous la responsabilité du maître de stage. Cette information est mentionnée sur le devis.

Le présent article est reproduit sur chaque devis.

Art. 15

Pour tout acte d'esthétique médicale invasive nécessitant un devis selon l'article 2, 3º, un délai minimum de quinze jours doit être respecté par le praticien entre la remise du devis et l'intervention éventuelle. Il ne peut être en aucun cas dérogé à ce délai, même sur la demande de la personne concernée.

Pendant cette période, il ne peut être exigé ou obtenu de la personne concernée une contrepartie quelconque ni aucun engagement financier à l'exception des honoraires afférents aux consultations préalables à l'intervention.

Art. 16

Sans préjudice de l'application des peines prévues par le Code pénal, ainsi que s'il échet, de l'application de sanctions disciplinaires, celui qui, en infraction aux articles 5, 6, 7, 8 et 9 de la présente loi accomplit régulièrement un ou des actes relevant de l'esthétique médicale invasive sans être porteur du diplôme requis ou sans en être légalement dispensé est puni d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de 250 euros à 10 000 euros ou d'une de ces peines seulement.

Art. 17

Par dérogation à l'article 6, § 1er, les personnes titulaires d'un diplôme légal de docteur en médecine, chirurgie et accouchements sont autorisées à poser les actes d'esthétique médicale non chirurgicaux en attendant l'entrée en vigueur de l'agrément en « médecine esthétique non chirurgicale » prévu à l'article 6, § 1er.

Les personnes titulaires d'un diplôme légal de docteur en médecine, chirurgie et accouchements qui, au jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, peuvent justifier d'une expérience régulière de plus de cinq ans pour réaliser l'acte chirurgical particulier de lipoaspiration sont autorisées à réaliser cet acte, avec une limite de volume d'un litre, y compris le liquide d'infiltration.

20 juillet 2010.

Dominique TILMANS
Dirk CLAES
Marleen TEMMERMAN
Nele LIJNEN
Cécile THIBAUT
André du BUS de WARNAFFE
Freya PIRYNS
Jacques BROTCHI
Sabine de BETHUNE.

(1) Test Santé, « Chirurgie et traitements esthétiques », édition 92, Test Achats, août 2009.