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12 NOVEMBRE 2009
La construction européenne a toujours été caractérisée par la volonté des instances communautaires de promouvoir le respect du principe d'égalité entre les hommes et les femmes.
Ainsi, le Traité de Rome, dans sa version originelle, sanctionnait déjà les discriminations basées sur le sexe, tout en faisant de la promotion de l'égalité entre les hommes et les femmes l'un des objectifs de la CEE. Le droit communautaire s'est depuis lors enrichi de toute une série d'instruments juridiques (notamment diverses directives) visant à lutter contre les discriminations dont sont encore trop souvent victimes les femmes dans les différents États membres de l'Union.
Le Traité de Lisbonne, qui entrera en vigueur le 1er décembre prochain, n'a pas dérogé à cette longue tradition, en insérant notamment dans le Traité sur l'Union européenne le principe d'égalité entre les hommes et les femmes comme principe fondamental de l'Union. Et pourtant ...
À l'heure où le Conseil se prépare à désigner les deux titulaires de deux fonctions hautement symboliques pour la construction européenne instituées par ce même Traité de Lisbonne (à savoir: les fonctions de président permanent du Conseil — élu pour un mandat renouvelable de deux ans et demi — et de Haut représentant pour les affaires étrangères et de sécurité), il appert que les femmes risquent d'être absentes de ce pas supplémentaire vers une Europe plus intégrée et, dès lors, plus forte et plus efficace, les principaux candidats évoqués par les milieux diplomatiques et les médias étant tous les deux issus de la gent masculine.
Il n'est pas question ici de remettre en cause les qualités des deux principaux protagonistes aux deux nouveaux postes créés par le Traité de Lisbonne. Il s'avère cependant que, si ce scénario devait se confirmer, les quatre fonctions emblématiques de l'UE (présidence du Conseil, présidence de la Commission, Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et présidence du Parlement européen) ne seraient occupées que par des personnes issues de la gent masculine.
Il nous semble pourtant que l'Union européenne se grandirait à désigner une femme à l'un de ces quatre postes. Une telle décision constituerait à n'en pas douter un geste fort, notamment à l'égard de pays dans lesquels les droits de la femme sont quotidiennement bafoués ou pire, ignorés. Elle constituerait également un signal à l'égard de ceux qui, à l'intérieur même de l'Union européenne, persistent à cantonner les femmes à un rôle de ménagère, tout juste bonne à assurer l'éducation des enfants (mission éminemment fondamentale par ailleurs).
Les institutions européennes ont déjà, par le passé, saisi l'opportunité d'une réforme symbolique des institutions européennes pour marquer le coup, notamment en ce qui concerne la promotion de la femme. Ainsi, la première présidente du premier Parlement européen élu au suffrage universel direct (c'était en 1979) ne fut autre que Simone Veil, femme remarquable s'il en est. Il nous semble dès lors que l'occasion est trop belle pour ne pas réitérer un geste similaire, et qu'il serait dommage que l'Union européenne passe à côté d'une telle opportunité pour réaffirmer un principe aussi fondamental que l'égalité entre les hommes et les femmes, tant à l'étranger qu'à l'intérieur des frontières de l'Union.
Si jamais les chefs d'État et de gouvernement des Vingt-Sept venaient cependant à faire défaut, il nous semble qu'il serait alors opportun d'envisager la possibilité de garantir à l'avenir la présence d'au moins une femme au sein de l'une des quatre fonctions emblématiques précitées.
Enfin, une autre problématique qui ne peut manquer de nous interpeller a trait à la composition de la Commission européenne, institution extrêmement importante du système institutionnel communautaire, notamment de par sa qualité de gardienne des traités, ainsi que d'organe collégial titulaire d'un monopole d'initiative dans le processus d'adoption des normes juridiques de l'Union.
En effet, il apparaît qu'à ce stade, à peine trois femmes ont été présentées comme candidates à une fonction au sein de la future Commission. Cette situation, que déplore également le président de la Commission lui-même (qui a récemment déclaré ne pas vouloir « diriger une Commission qui ressemble trop à un gouvernement saoudien »), doit nous amener à promouvoir la mise en place de dispositions permettant, à moyen terme, d'aboutir à une parité au sein de l'institution. Il nous semble qu'une solution pourrait résider dans l'adoption d'une norme juridique imposant aux États membres de désigner au moins une femme parmi les candidats qu'ils désirent voir siéger à la Commission.
Certes, de telles mesures relèvent de la compétence des institutions de l'Union européenne. Mais il nous semble tout à fait légitime d'attirer, par le vote de cette résolution, l'attention de notre gouvernement sur cette problématique absolument essentielle qu'est la promotion des droits de la femme, à l'heure où se prépare la présidence belge de l'Union européenne, prévue pour le second semestre 2010.
Alain DESTEXHE Els VAN HOOF Roland DUCHATELET Olga ZRIHEN Marleen TEMMERMAN Céline FREMAULT Zakia KHATTABI Lieve VAN ERMEN Ann SOMERS. |
Le Sénat,
A. Vu l'article 10 de la Constitution;
B. Vu les articles 2, 3.2, et 13.1 du Traité instituant la Communauté européenne;
C. Vu les articles 1er 3) et 1er 4) 3. du Traité de Lisbonne modifiant le Traité sur l'Union européenne et le Traité instituant la Communauté européenne;
D. Considérant que le principe d'égalité entre les hommes et les femmes fait partie intégrante des valeurs fondatrices de l'Union européenne et de toute société démocratique;
E. Considérant que la défense de cette égalité passe notamment par sa promotion, tant à l'intérieur de l'Union qu'à l'étranger, notamment dans des pays où les droits des femmes sont quotidiennement bafoués, voire ignorés;
F. Considérant que la promotion du principe d'égalité entre les hommes et les femmes passe notamment par la garantie de la présence d'une femme au sein de l'une des principales fonctions de l'Union européenne, à savoir: la présidence du Conseil, la présidence de la Commission, la fonction de Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et la présidence du Parlement européen;
G. Considérant que la future entrée en vigueur du Traité de Lisbonne et, à cette occasion, la future désignation des titulaires des postes de président du Conseil et de Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, donnent l'occasion aux institutions européennes de saisir cette opportunité pour marquer leur soutien à la cause de la défense des droits de la femme dans le monde, en s'assurant de la présence d'une femme au sein d'un des postes incarnant l'Union européenne;
Demande au gouvernement fédéral:
1. de défendre la nécessité de la présence d'une femme au sein de l'un des quatre postes emblématiques de l'Union européenne, notamment à l'occasion de la désignation prochaine du président du Conseil européen et du Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité;
2. de promouvoir la nécessité d'une composition paritaire de la Commission européenne ou, à tout le moins, d'inciter les États disposant d'un siège au sein de la Commission de proposer au président de celle-ci une liste de deux candidats dont une femme.
9 novembre 2009.
Alain DESTEXHE Els VAN HOOF Roland DUCHATELET Olga ZRIHEN Marleen TEMMERMAN Céline FREMAULT Zakia KHATTABI Lieve VAN ERMEN Ann SOMERS. |