4-76

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Belgische Senaat

Handelingen

DONDERDAG 7 MEI 2009 - NAMIDDAGVERGADERING

(Vervolg)

Mondelinge vragen

Mondelinge vraag van de heer Josy Dubié aan de vice-eersteminister en minister van Financiën en Institutionele Hervormingen over «het Belgische standpunt tijdens de recente vergadering van het Internationaal Muntfonds» (nr. 4-772)

M. Josy Dubié (Ecolo). - Voici quelques jours s'est tenue l'assemblée de printemps du FMI, où devaient être confirmées les décisions du G20 de Londres. Celui-ci a en effet décidé, le 2 avril 2009, de tripler les moyens du FMI pour lui permettre de lutter contre la crise. Il a également décidé de démocratiser l'institution qui fonctionne selon la règle censitaire de « un dollar, une voix », de vendre une partie de son stock d'or qui est notamment utilisé pour le financement des pays les plus pauvres et d'émettre des droits de tirage spéciaux, ce que l'on appelle la « monnaie » du FMI.

La démocratisation du FMI devient indispensable car les pays émergents, qui possèdent d'importantes réserves de devises - pensons notamment à la Chine -, revendiquent une place digne de leur statut actuel dans une institution dont les droits de vote reflètent les rapports de force qui existaient au moment de sa création en 1944 à Bretton Woods. Cependant, d'importants freins auraient été constatés dans le chef de plusieurs États membres, à commencer par la Belgique. En effet, selon les informations en ma possession, vous vous seriez prononcé, monsieur le ministre, en faveur d'un statu quo estimant, auprès de l'agence Reuters, que « la représentation actuelle est attractive ». De fait, la Belgique possède actuellement plus de poids que l'Inde et presque autant que la Chine au sein du FMI.

Par ailleurs, la Belgique se serait révélée le principal État membre en défaveur de la décision du G20 de Londres d'allouer six milliards de dollars issus de la vente d'or du FMI aux pays les plus pauvres touchés par la crise. Le directeur exécutif belge, Willy Kiekens, se serait inquiété de la « protection du capital de base du FMI ». Cette décision du G20 était pourtant une des rares censées bénéficier aux pays les plus pauvres.

Avez-vous préconisé le statu quo pour la représentation des différents pays au FMI ? Si oui, pourquoi ? Si non, quelles réformes préconisez-vous ? Ne pensez-vous pas que la Belgique soit surreprésentée dans les instances du FMI ?

Estimez-vous normal qu'avec un peu plus de 16% des droits de vote, les États-Unis disposent de fait d'un droit de veto sur toutes les décisions importantes requérant l'approbation de 85% des votants ? Êtes-vous en défaveur de la vente d'une partie du stock d'or du FMI pour un montant de six milliards, notamment en faveur des pays pauvres ?

Quelles sont, à l'heure actuelle, les « conditionnalités » imposées par le FMI aux nouveaux pays débiteurs ?

La politique dite « d'ajustement structurel », découlant du consensus de Washington - réduction des dépenses publiques, privatisation, dérégulation, priorité aux cultures d'exportation - est-elle toujours d'actualité ?

M. Didier Reynders, vice-premier ministre et ministre des Finances et des Réformes institutionnelles. - Il me paraît logique et légitime que le ministre des Finances belge défende la position, le rôle et la place de Belgique sur la scène internationale, y compris au sein du Fonds Monétaire International. J'ai dès lors été un peu surpris que vous me demandiez si je ne pensais pas que notre pays avait trop d'importance au FMI. Chacun a toutefois son point de vue sur le rôle que la Belgique peut jouer sur la scène internationale. Je pense personnellement qu'elle doit occuper une place significative dans ce type de débat.

C'est pourquoi je suis également favorable à la réunion de certains groupes informels, dont le G20. Ils peuvent lancer des impulsions quand elles sont nécessaires, surtout lors d'une crise. C'est ce qui s'est passé à Londres.

La légitimité réside toutefois dans les institutions multilatérales où tous les États sont représentés. C'est le cas au FMI et à la Banque Mondiale. C'est donc le Comité du FMI et non le G20 qui devra prendre les décisions.

Vous avez cité une phrase extraite d'une interview que j'ai donnée à l'agence Reuter et je reste convaincu que la représentation actuelle est attractive.

Je ne suis pas le seul à le penser : un certain nombre de pays se sont regroupés dans des constituantes. Je rappelle que le délégué de la Belgique au Fonds Monétaire ne représente pas seulement ce pays mais aussi d'autres États européens comme le Luxembourg, l'Autriche, la Slovaquie, la Slovénie, la République tchèque et la Hongrie. Nous représentons aussi la Turquie, qui est un pays émergent et candidat à l'Union européenne, le Kazakhstan et la Biélorussie, un cas plus compliqué où nous essayons de maintenir un simple contact comme le souhaitent les institutions internationales.

Il est important de réunir autour de la table du Fonds Monétaire non seulement les grands États représentés à titre individuel mais aussi des ensembles qui permettent par exemple de faire entendre la voix des pays en transition de l'Europe centrale ou des pays d'Asie centrale. C'est ce que nous faisons. C'est une démarche qui demeure attractive.

Par ailleurs, nous avançons en ce qui concerne les réformes envisagées par le G20, comme le refinancement du fonds. Un triplement du fonds a été annoncé en deux phases pour un total de 500 milliards de dollars. Sur cette somme, nous avons déjà rassemblé en promesses fermes quelque 225 milliards de dollars : 100 milliards provenant du Japon, 100 milliards de l'Europe, 10 milliards du Canada, 10 milliards de la Suisse et 4 milliards et demi de la Norvège. Vous remarquerez que les États-Unis n'ont pas encore participé à l'opération mais annoncent leur intervention dans la deuxième tranche.

Dans les 100 milliards de dollars promis par l'Europe - soit 75 milliards d'euros -, l'effort de la Belgique est d'un peu moins de 5 milliards d'euros. Ce n'est pas négligeable. Dire que nous ne participons pas à la mise en oeuvre des décisions du G20 alors que nous allons mobiliser une somme très importante pour le refinancement du Fonds Monétaire, me paraît une conclusion bien rapide.

En outre, le Fonds va devoir s'adapter à la réalité économique et à son évolution dans le monde.

Vous me dites, monsieur Dubié, que selon vos sources - je ne les connais pas, vous êtes un ancien journaliste et donc vous protégez vos sources - nous nous opposerions à une nouvelle répartition des quotas dans le Fonds alors que nous sommes un des seize pays sur les 185 qui ont déjà officiellement approuvé les derniers accords conclus sur la révision des quotas.

Pour l'avenir, j'ai non seulement accepté que l'on discute d'une nouvelle révision mais j'ai plaidé pour qu'on l'accélère : au lieu de 2013, comme le demande le G20, nous allons organiser cette révision dès 2011 sur la base de critères équitables et fonctionnels qui tiendront compte des besoins futurs du Fonds...

M. Josy Dubié (Ecolo). - Monsieur le ministre, je suis d'accord avec vous...

M. Didier Reynders, vice-premier ministre et ministre des Finances et des Réformes institutionnelles. - Voilà une très bonne nouvelle !

M. Josy Dubié (Ecolo). - Nous avons effectivement voté début janvier un projet de loi que vous nous aviez soumis concernant l'amendement des statuts du Fonds Monétaire International.

Nous avions voté contre car votre projet mentionnait ce qui suit : « Le résultat de cet ensemble peut à première vue sembler peu spectaculaire. L'augmentation nette du droit de vote des économies émergentes... » - c'est-à-dire la Chine, l'Inde et le Brésil - « ... et des pays en voie de développement atteint quelque 2,7%. » Si vous trouvez que cette augmentation minime mérite tous les satisfecit que vous êtes en train de vous décerner, nous trouvons au contraire qu'elle est très insatisfaisante.

M. Didier Reynders, vice-premier ministre et ministre des Finances et des Réformes institutionnelles. - Je ne nous ai accordé aucun satisfecit, j'ai répondu à votre question. Vous avez dit, monsieur Dubié, que j'étais opposé à cette évolution des quotas. Vous savez que c'est faux puisque, comme vous venez de le rappeler, le Parlement a approuvé un projet qui était une première étape dans l'augmentation des quotas, notamment pour les pays émergents et les pays les plus pauvres.

Nous entamons actuellement la deuxième discussion, et j'ai demandé, avec d'autres, que l'on puisse aboutir à un résultat en 2011 plutôt qu'en 2013.

Je sais que vous pensez pouvoir réformer le FMI à vous seul. Je vous signale que pour y arriver, il faut dégager un consensus très large au sein de l'institution elle-même. Vous dites que 2%, c'est trop peu, mais c'est mieux que zéro.

Vous avez votre vision personnelle du FMI. Mais, si vous avez un jour l'occasion d'exercer une fonction dans une enceinte internationale, vous devrez aussi convaincre d'autres d'aller dans la même direction que vous. Croire que vous pourrez tout faire à vous seul est un peu insensé.

Je voulais simplement rectifier votre propos en disant que la Belgique s'est prononcée en faveur de cette évolution.

Je reviens aussi sur deux éléments que vous avez évoqués. Il s'agit d'abord du revenu de la vente d'or. Il a été décidé en avril 2008 d'utiliser ce revenu pour couvrir les dépenses de fonctionnement du FMI dans le cadre du nouveau modèle de financement. La proposition du G20 implique une modification de cette décision. D'autres pays hésitent également, même des membres du G20. Ce que nous demandons est très simple, à savoir que toute nouvelle décision ne remette pas en cause le financement à moyen et à long termes du fonds.

Pour le reste, nous sommes tout à fait disposés à discuter du financement des programmes du fonds en faveur des pays pauvres, notamment en utilisant certains revenus de la vente d'or, avec cette limitation sur le fonctionnement du fonds lui-même, mais peut-être aussi d'autres revenus, notamment les revenus nouveaux que la Belgique apporte sur la table du FMI, soit un peu moins de 5 milliards d'euros.

J'entends régulièrement dire que nous avons à peu près le même poids que la Chine au sein du FMI. Or, après l'implémentation des accords d'avril 2008 sur une répartition ad hoc des quotes-parts, la Belgique aura un poids de 1,86% exprimés en droits de vote, pour 2,08% actuellement. La Chine en a actuellement 3,65% et en aura 3,81%.

Le fait que ces accords ne sont pas entrés en vigueur à ce jour ne résulte pas du tout du comportement de la Belgique puisque nous sommes un des seize pays sur 185 à avoir approuvé officiellement ces accords.

L'année dernière, monsieur Dubié, tout le monde pensait que l'attitude et le rôle du fonds allaient changer. Il n'était plus question d'intervenir financièrement où que ce soit dans le monde. L'Argentine, la Turquie et le Brésil, par exemple, terminaient de rembourser les interventions du fonds. Depuis l'automne dernier, le FMI prête de nouveau des montants importants à de nombreux pays, y compris en Europe puisque nous avons dû, par exemple, intervenir en Hongrie. À cet effet, il faut mobiliser des moyens.

Sur la scène internationale, tout le monde admet que, comme à l'ONU, chaque pays dispose d'une voix - ce n'est d'ailleurs pas beaucoup moins censitaire que ce que vous dites à propos du FMI - parce qu'ils n'ont pas tous exactement la même taille en termes de population.

Dans un fonds monétaire ou dans une banque mondiale, et surtout au FMI, il n'est pas totalement anormal de tenir compte de la place de chacun des pays dans l'économie mondiale, des moyens apportés au fonds et des économies ouvertes directement exposées à la réalité des échanges économiques.

On parle de nouveau au sein du FMI de la « conditionnalité » à laquelle vous avez fait allusion, parce que nous souhaitons que les moyens mis sur la table soient effectivement utilisés pour lutter contre la crise de la manière la plus appropriée, notamment dans des programmes d'aide en faveur de pays qui doivent faire des efforts pour restaurer leur solvabilité - je suis désolé d'utiliser ce terme - comme nous l'avons fait à l'égard d'un certain nombre d'institutions financières dans nos propres pays.

On m'a souvent demandé à la Chambre - notamment des membres de votre groupe - pourquoi nous ne prenions pas le risque de gérer seuls une banque. J'ai répondu que c'était parce que nous voulions éviter d'en avoir plusieurs sur les bras et, de ce fait, de devoir faire appel à des institutions internationales pour nous aider à les soutenir. C'est ce qu'ont dû faire l'Islande, l'Irlande, la Hongrie et certains pays baltes. C'est ce que nous voulons éviter. Mais, si on intervient massivement au départ du FMI, donc avec l'argent des contribuables, belges ou autres, on veut au moins pouvoir vérifier à quoi servira cet argent.

Le principe de conditionnalité intervient mais, de là à faire référence au principe de Chicago, il y a un pas. Il faut rester lucide. La situation a beaucoup évolué. Dans tous les programmes - tant du FMI que de la Banque mondiale - il y a une relation directe avec les autorités et les sociétés civiles locales pour trouver les formes les plus appropriées de lutte contre une crise telle que celle que nous connaissons aujourd'hui.

M. Dubié et moi-même sommes en désaccord sur un point. M. Dubié ne souhaite pas nécessairement que le gouvernement belge défende la position de la Belgique dans des instances internationales. En ce qui me concerne, je continuerai à tenter de faire entendre la voix de la Belgique dans ces instances et à faire en sorte qu'elle y tienne son rôle.

M. Josy Dubié (Ecolo). - Je ne suis pas du tout étonné que le ministre défende le FMI qui est le temple de l'ultralibéralisme et qui, pendant des années, a appliqué le consensus de Washington et la politique de l'ajustement structurel.

Vous nous dites que c'est dépassé. Je vous ai demandé quelles étaient les nouvelles conditionnalités, mais vous n'avez pas répondu à cette question. Sur le terrain, je constate que les interventions récentes du FMI vont toujours dans le même sens. Par exemple, en Lettonie, il a imposé une baisse de 15% des revenus des fonctionnaires et, en Hongrie, il a supprimé le treizième mois des fonctionnaires. On applique toujours le consensus de Washington, c'est-à-dire la réduction des dépenses publiques, la privatisation, la dérégulation et la priorité aux cultures d'exportation. Ce n'est pas le cas en Hongrie, bien que...

Je ne m'étonne pas que vous vouliez augmenter le montant du FMI. Je signale toutefois que les cinq milliards qui ont été ajoutés au FMI représentent 2% de notre PIB. Vous les avez pris sur les réserves de la Banque nationale pour alimenter une institution qui, nous le répétons, pratique une politique ultralibérale. Je vous ai entendu dire à la télévision que vous étiez libéraux et pas ultralibéraux, mais vous soutenez une institution qui est le temple de l'ultralibéralisme. Ce n'est pas moi qui le dit, mais Joseph Stiglitz, prix Nobel d'économie et ancien conseiller économique à la Banque mondiale.

Votre réponse ne m'étonne pas car nous n'avons pas la même approche.

M. Didier Reynders, vice-premier ministre et ministre des Finances et des Réformes institutionnelles. - Je n'entrerai pas dans les caricatures développées par M. Dubié à propos du FMI. Je rencontre régulièrement le directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn, mon ancien collègue français des Finances qui, me semble-t-il, ne peut être catalogué dans tout ce que vient d'évoquer M. Dubié. Il me semble qu'il a même été un des candidats du parti socialiste à la présidence de la République française. Quand je discute avec lui, j'ai également la chance d'avoir autour de la table le patron de l'Organisation mondiale du commerce, Pascal Lamy, qui n'est pas connu non plus pour ses orientations ultralibérales en tant qu'ancien commissaire socialiste de l'Union européenne.

Monsieur Dubié, je peux comprendre que ne soyez pas du même avis que vos collègues écologistes français, qui soutiennent pourtant M. Strauss-Kahn quand il est candidat à la présidence de la République.

Vous tombez dans la caricature systématique. Je vous rappelle que pour la Hongrie et la Lettonie, il ne s'agit pas seulement d'interventions du Fonds monétaire mais aussi d'interventions de l'Union européenne décidées à l'unanimité au sein du Conseil de l'Union européenne et, pour une part importante du financement, avec la même condition que celle qui est posée à la Belgique dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance, à savoir de revenir à l'équilibre budgétaire et d'éviter la faillite. Vous pouvez regretter que l'on exige cela de la Hongrie et la Lettonie mais je crois qu'il vaut mieux que des pays reviennent vers une capacité de financement propre plutôt que d'être dans une situation de faillite.

Et je ne vous ferai pas l'injure de vous rappeler quels sont les collègues qui me côtoient autour de la table du Conseil européen des ministres des finances. Si vous considérez qu'ils sont tous dans la caricature que vous avez évoqué, il faudra revoir fondamentalement l'image politique de l'Europe d'aujourd'hui. Je vous présenterai mes collègues espagnols, britanniques, allemands : ils se trouvent tous dans la même Internationale.

M. Josy Dubié (Ecolo). - Il est malvenu de parler de caricature quand je cite M. Stiglitz, prix Nobel d'économie, ancien économiste en chef de la Banque mondiale, qui dirige actuellement le groupe de travail de l'ONU chargé de trouver une solution à la crise. Lisez donc ses livres !

M. Didier Reynders, vice-premier ministre et ministre des Finances et des Réformes institutionnelles. - Dans ses ouvrages, M. Stiglitz relate effectivement ce qu'il a connu. Mais quand ? Il y a longtemps que le Fonds monétaire et la Banque mondiale ont évolué.

M. Josy Dubié (Ecolo). - Sur le terrain, la réalité est bien différente. Ce sont toujours les mêmes recettes.

M. Didier Reynders, vice-premier ministre et ministre des Finances et des Réformes institutionnelles. - Quand, à la fin de sa carrière, quelqu'un écrit des ouvrages sur ce qu'il a vécu à une certaine époque, c'est très intéressant sur le plan historique mais cela ne reflète pas nécessairement ce qui se passe actuellement au sein du Fonds monétaire et de la Banque mondiale. Je trouve même un peu injurieux de considérer que les responsables européens qui se sont succédé à la tête du Fonds monétaire, par exemple, n'aient pas fait évoluer la situation. Je constate que l'action de M. Strauss-Kahn à la tête du Fonds est unanimement saluée sur la scène internationale, sauf par M. Dubié.

M. Josy Dubié (Ecolo). - Et par M. Camdessus, l'ancien chef du FMI, qui critique l'action qui a été la sienne.

M. le président. - J'ai siégé avec M. Reynders à la Banque mondiale. M. Stiglitz venait régulièrement y faire des exposés. D'ailleurs, il collabore tous les jours avec la Banque mondiale et le Fonds monétaire, qui sont des institutions de Bretton Woods.