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20 NOVEMBRE 2008
A. INTRODUCTION
Au cours de la législature précédente, les propositions de révision de l'article 22bis de la Constitution, en vue d'intégrer dans la Constitution les droits de l'enfant inscrits dans la Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant, ont déjà fait l'objet d'un examen parlementaire minutieux (voir doc. Sénat, 2004-2005, nºs 3-265/1-4).
À l'initiative de l'ancienne sénatrice Mme de T' Serclaes, le Sénat avait adopté le 9 décembre 2004, quasiment à l'unanimité, une proposition de révision de l'article 22bis de la Constitution, rédigée comme suit:
« Article unique. — L'article 22bis, deuxième alinéa, de la Constitution est remplacé par les dispositions suivantes:
« Il a le droit de s'exprimer sur toute question qui le concerne; son opinion est prise en considération, eu égard à son âge et à son discernement.
Il a le droit de bénéficier des mesures et services qui concourent à son développement.
Dans toute décision qui le concerne, l'intérêt de l'enfant est pris en considération de manière primordiale.
La loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent les droits de l'enfant. ». »
Le texte voté par le Sénat n'a été transmis qu'un an plus tard, au mois de décembre 2005, par la commission de Révision de la Constitution et de la Réforme des institutions de la Chambre au groupe de travail chargé de l'examen du Titre II de la Constitution, afin d'examiner les questions soulevées par les députés au sujet de la disposition constitutionnelle adoptée par les sénateurs (doc. Chambre, 2004-2005, nº 51-1501/1).
Au mois de mars 2006, le groupe de travail « Titre II » a publié un rapport concluant qu'il n'y avait aucune objection à formuler à la modification proposée de l'article 22bis de la Constitution.
Si le rapport en question a été publié en mars 2006, il n'a été soumis à la commission de Révision de la Constitution de la Chambre qu'à la fin de la législature, si bien que l'examen parlementaire du projet n'a plus pu aboutir.
En vertu de la déclaration de révision de la Constitution du 2 mai 2007, le texte voté par le Sénat a été redéposé, au début de la présente législature, par Mmes Marghem et Nyssens à la Chambre (doc. Chambre, 2007-2008, nº 52-175/1) et par Mme de Bethune et consorts au Sénat (doc. Sénat, 2007-2008, nº 4-581/ 1).
Le 27 mai 2008, la commission compétente de la Chambre a amendé la proposition de révision comme suit:
« Dans l'article 22bis de la Constitution, l'alinéa 2 est remplacé par les alinéas suivants:
« Chaque enfant a le droit de s'exprimer sur toute question qui le concerne; son opinion est prise en considération, eu égard à son âge et à son discernement.
Chaque enfant a le droit de bénéficier des mesures et services qui concourent à son développement.
Dans toute décision qui le concerne, l'intérêt de l'enfant est pris en considération de manière primordiale.
La loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent ces droits de l'enfant. ». » (doc. Chambre, 2007-2008, nº 52-175/6).
Le 5 juin 2008, le projet adopté en séance plénière de la Chambre des représentants a été transmis au Sénat.
B. DISCUSSION
M. Delpérée, rapporteur, rappelle qu'il est établi que la Chambre n'a pas pu voter le texte transmis par le Sénat à la fin de la législature précédente, en l'absence d'une réelle volonté politique. C'est déplorable.
L'intervenant relève ensuite les différences qui existent entre le texte transmis par la Chambre (doc. nº 4-800/1) et le texte de consensus du Sénat (doc. nº 4-581/1).
L'alinéa premier de l'article 22bis actuel commence par les mots: « Chaque enfant .... ».
Le texte proposé par la Chambre répète chaque fois les mots « chaque enfant ».
Le texte du Sénat propose le mot « il » pour les alinéas 2 et suivants.
En terme de rédaction de texte, M. Delpérée estime que cette modification par la Chambre est peu heureuse dans la mesure où elle répète inutilement les mêmes mots.
La deuxième modification proposée par la Chambre paraît plus discrète mais est plus importante: au dernier alinéa, les mots « les droits » sont remplacés par « ces droits ».
L'inconvénient de cette modification est qu'elle risque de limiter la possibilité pour la loi, le décret ou l'ordonnance de garantir les droits énumérés dans l'article 22bis de la Constitution. Mais les droits de l'enfant ne figurent pas uniquement dans l'article 22bis de la Constitution ! L'enfant a aussi droit à la liberté de la presse, à la liberté du culte, à la liberté de réunion, aux droits économiques, sociaux et culturels et à l'enseignement. L'enfant a droit à tous les droits du titre II de la Constitution.
En plus, le texte du dernier alinéa n'est pas correct sur un plan rédactionnel.
La question pour le Sénat est de savoir s'il s'accroche à son propre texte ou s'il vote le projet de texte transmis par la Chambre des représentants. Ainsi, les droits de l'enfant seraient finalement ancrés dans la Constitution.
MM. Moureaux et Monfils souscrivent en grande partie aux observations de M. Delpérée, mais estiment que le projet de texte de la Chambre des représentants doit également permettre une large interprétation des droits en question de l'enfant. Le fait que celle-ci soit possible est très important. D'autre part, les intervenants sont d'avis qu'il vaut mieux éviter que le texte fasse à nouveau la navette entre la Chambre et le Sénat.
M. Monfils ajoute que les nouveaux droits inscrits dans la Constitution représentent une réelle nouveauté: d'une part, le droit de chaque enfant de bénéficier des mesures et services qui concourent à son développement et, d'autre part, le droit pour chaque enfant de s'exprimer sur toute question qui le concerne. L'inscription de ces nouveaux droits dans la Constitution est capitale. En outre, il va de soi que tous les autres droits et libertés contenus dans la Constitution sont également garantis pour les enfants, moyennant quelques adaptations.
Mme de Bethune, rapporteuse et auteur principal de la proposition nº 4-581/1, se réjouit tout d'abord que la révision de l'article 22bis de la Constitution soit finalement à nouveau mise à l'ordre du jour des activités parlementaires. Elle déplore elle aussi les modifications apportées par la Chambre des représentants au texte initial de la proposition. Le texte n'en est pas sorti amélioré. Le Sénat ne s'était pourtant pas lancé à la légère dans la rédaction du texte et avait en outre consulté de nombreux experts juridiques. Il est dès lors souhaitable de consulter le rapport de la commission sur ce sujet (doc. Sénat, 2004-2005, nº 3-265/3). L'intervenante est d'avis que la première préoccupation de la commission doit être que la procédure parlementaire concernant ce dossier aboutisse. En effet, la Convention relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989 n'étant pas, suivant une doctrine et une jurisprudence majoritaire, directement applicable dans notre ordre juridique belge, cette intégration dans la Constitution sera une belle avancée dans les droits reconnus aux enfants dans notre pays.
Le président, M. De Decker, constate que la commission déplore unanimement les modifications que la Chambre a apportées au projet initial du Sénat, et en particulier la modification du dernier alinéa en vertu de laquelle les mots « les droits » ont été remplacés par les mots « ces droits ». Mais il constate en même temps que la commission souhaite en tout cas que le parcours parlementaire du projet aboutisse le plus rapidement possible.
Position de la commission
Pour ne pas contrarier le processus de révision, la commission décide de ne plus amender le projet transmis par la Chambre des représentants. Toutefois, les modifications apportées par la Chambre ne la satisfont pas entièrement. Elle déplore avant tout les modifications terminologiques qui, selon elle, n'améliorent en rien le texte. Elle émet unanimement une objection fondamentale à la modification opérée au dernier alinéa, où les mots « les droits » ont été remplacés par les mots « ces droits ». Cette modification pourrait entraîner une limitation des possibilités pour le législateur d'intervenir sur ce plan. En effet, pour la commission, les droits en question ne sont pas seulement ceux mentionnés à l'article 22bis de la Constitution, mais tous les droits énoncés au titre II de la Constitution, « Des Belges et de leurs droits ». C'est dès lors dans ce sens qu'il convient de lire l'article 22bis, alinéa 5.
B. VOTE
Le projet de révision nº 4-800/1 est adopté à l'unanimité des 14 membres présents. En conséquence, le projet de révision nº 4-581/1 devient sans objet.
Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 12 membres présents.
Les rapporteurs, | Le président, |
Sabine de BETHUNE. Francis DELPÉRÉE. | Armand DE DECKER. |