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M. Josy Dubié (Ecolo). - La Chambre et le Sénat ont adopté en urgence, il y a quelques jours, la loi modifiant la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers. Vous avez publié au Moniteur belge l'arrêté royal d'exécution de cette disposition adoptée le 16 octobre 2008.
L'article 3 de cette disposition énonce ce qui suit : « La garantie de l'État ne peut être accordée que pour autant que l'entité garantie ait pris ou se soit engagée à prendre toute mesure utile au soutien de sa situation financière, de sa solvabilité et de sa liquidité et que l'intérêt de l'économie et la protection de l'ensemble des déposants le justifient. »
L'article 4 de cet arrêté vous habilite à agir en cette matière : « Le ministre des Finances détermine les autres modalités et conditions de la garantie en ce compris son plafond, ses conditions de rémunération et toute autre modalité destinée à assurer le respect des conditions visées à l'article 3 de l'arrêté. »
Dans les pays voisins, notamment aux Pays-Bas et en France, mais aussi aux États-Unis dans le contexte du plan Paulson, les gouvernements ont lié leur intervention à une série d'engagements éthiques. On cite notamment les fameux parachutes dorés, les indemnités de départ, mais aussi les bonus de fin d'année qui ont cours dans les conseils d'administration et les salles des marchés.
Cette semaine, nous avons appris comment M. Gilbert Mittler, l'ancien directeur financier de Fortis, s'est octroyé 4 millions d'euros au moment de la réorganisation de la direction du groupe, alors que la crise que nous connaissons aujourd'hui était déjà bien engagée.
Le premier ministre s'en est ému et ses propos sont repris dans Le Soir d'aujourd'hui : « Il est franchement choquant, scandaleux et inacceptable de voir des dirigeants d'institutions financières qui semblent avoir perdu toute conscience éthique. ».
Nous nous félicitons évidemment de ces propos virils mais je signale que nous avions déjà fait il y a quelque temps des propositions pour tenter de réguler ce genre de situation et qu'encore une fois, c'est l'autorégulation qui a été privilégiée, le fameux « code Lippens » qui nous a conduits là où nous sommes aujourd'hui.
Vous savez que nous avons déposé à la Chambre une proposition de loi - que je vais introduire aujourd'hui au Sénat - qui vise à mieux lutter contre les parachutes dorés. Cette proposition a pour originalité de pouvoir agir dès à présent sur le paiement de ces parachutes dorés en y prélevant immédiatement une contribution dissuasive à partir d'un montant exagéré. Je vous invite donc, monsieur le ministre, si vous êtes aussi indigné que le dit M. Leterme, à soutenir cette proposition.
Ma question est la suivante : quelles conditions avez-vous posées en application de l'article 4 de l'arrêté royal précité en vue d'interdire aux banques qui sollicitent la garantie de l'État de s'octroyer des indemnités et des bonus indécents ?
Comment comptez-vous agir pour récupérer ces sommes considérables que le premier ministre estime indécentes, choquantes et inacceptables ?
M. Didier Reynders, vice-premier ministre et ministre des Finances et des Réformes institutionnelles. - Comme d'habitude, vous proposez une solution de taxation. Il nous arrive parfois d'être d'accord sur ce point, comme dans le cas des billets d'avion, mais on ne peut pas toujours chercher une solution fiscale.
Qu'avons-nous fait ? Des dispositions ont déjà été prises dans le seul cas, celui du groupe Dexia, où la garantie de l'État pouvait être mise en oeuvre en fonction de la demande de la banque. Le président du conseil et l'administrateur délégué ont tous deux été remplacés. Après quelques entretiens avec les autorités publiques, le CEO a d'ailleurs décidé lui-même de renoncer à tout parachute doré.
Dans le dossier où la garantie de l'État pouvait intervenir, le problème est donc réglé.
Par ailleurs, en ce qui concerne la garantie elle-même, non seulement le texte a été voté rapidement au parlement, et j'en remercie encore les deux assemblées, mais l'arrêté d'exécution a été pris immédiatement. Nous sommes en train de mettre en place les conditions d'octroi de cette garantie.
Dans le cas de Dexia, cela se fera en commun avec les pays dont vous saluez l'action : je songe notamment à la France à l'initiative du président Sarkozy dont vous semblez à présent partager une partie des idées.
Bien entendu, lorsque nous interviendrons soit en tant qu'actionnaires soit en apportant notre garantie, nous exigerons que l'existence de cette dernière ne permette plus de verser des bonus salariaux ou des indemnités exceptionnelles aux dirigeants de l'institution. C'est la moindre des choses.
Le 7 novembre, lors du prochain conseil des ministres, je présenterai, avec mon collègue de la Justice, un projet de loi visant à régler cette situation. Selon moi, les parachutes dorés en tant que tels n'ont pas de sens. Il faut les faire disparaître. Si l'entreprise concernée va vers la catastrophe, si elle a été mal gérée ou si des fautes ont été commises, il n'y a aucune raison de prévoir une indemnité exceptionnelle. Par contre, quelles indemnités de sortie peut-on verser à des responsables d'entreprises à la fin de leur mandat, quand ils remettent leur démission, quand on les fait démissionner, par exemple à la suite d'un changement d'actionnaire, ou quand ils terminent leur mandat en ayant correctement rempli leur mission ?
Il existe, dans notre pays, des mécanismes de préavis, tant pour les ouvriers que pour les employés et les cadres. Il n'y a dès lors aucune raison que l'on interdise les indemnités de sortie, contrairement aux parachutes dorés.
Ce débat sera intéressant entre le gouvernement et le parlement. En effet, à la différence des ministres, les parlementaires bénéficient d'un système de parachute. À la fin de leur mandat, les députés et les sénateurs se voient garantir un revenu pendant un temps plus ou moins long. Dès que nous aurons éliminé les parachutes dorés, nous devrons nous demander comment indemniser normalement une personne qui quitte ses fonctions à la fin de son mandat ou à la suite d'une démission anticipée. Ce débat concerne les ouvriers, les employés, les cadres, les dirigeants d'entreprises et les parlementaires.
M. Josy Dubié (Ecolo). - Vous avez cité M. Sarkozy. Il aurait été plus crédible s'il avait pris ses mesures en temps opportun. Lorsque Daniel Bernard, le PDG de Carrefour, a été viré pour incompétence, il a touché 28 millions d'euros. Les syndicats de Carrefour ont calculé que pour gagner la même chose, une caissière aurait dû assumer un temps de travail remontant jusques avant la naissance de Jésus-Christ.
Vous savez que la loi n'a pas d'effet rétroactif. Le seul moyen de récupérer éventuellement les sommes considérables que le premier ministre a qualifiées d'indues et d'inacceptables est d'agir par le biais de la taxation, au-delà d'un certain plafond. Notre proposition va dans ce sens, et je vous invite à la lire. Chacun, même un PDG, a droit à une indemnité de sortie. Pour notre part, nous voulons taxer ce qui est totalement inacceptable et exagéré, et rien d'autre.