4-700/1 (Senaat)
52-1467/001 (Kamer)

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52-1467/001 (Kamer)

Sénat et Chambre des représentants de Belgique

SESSION DE 2007-2008

27 MAI 2008


La situation au Moyen-Orient


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES RELATIONS EXTÉRIEURES ET DE LA DÉFENSE DU SÉNAT ET DE LA COMMISSION DES RELATIONS EXTÉRIEURES DE LA CHAMBRE DES REPRÉSENTANTS PAR

MM. BROTCHI (S) ET FLAHAUT (CH)


Le mardi 15 avril 2008, la commission des Relations extérieures et de la Défense du Sénat a procédé, ensemble avec la commission des Relations extérieures de la Chambre, à un échange de vues sur la situation au Moyen-Orient, en présence de Mme Tamar Samash, ambassadrice d'Israël, et de Mme Leila Shahid, déléguée générale de la Palestine.

Ensuite, le mardi 27 mai 2008, a eu lieu un échange de vues avec M. Marc Otte, représentant spécial de l'UE pour le processus de paix au Moyen-Orient.

I. Exposé de Mme Leilah Shahid, déléguée générale de la Palestine

Après les accords d'Oslo de 1993, un espoir certain avait pris naissance, d'autant plus que parce qu'il s'agissait d'un partenariat au-delà de la Palestine et d'Israël qui concernait également l'Union européenne. La situation actuelle de blocage est la conséquence de 8 ans d'interruption des négociations, ayant comme cause, voir comme prétexte les événements en Irak et Iran.

La reprise du dialogue est le fruit d'une politique unilatérale, ce qui constitue en même temps sa fragilité. Ce dialogue est en effet influencé par les deux conflits, notamment celui d'Iran et du Golfe en Iraq.

Entre la réalité de terrain et la théorie politique il y a un écart. On ne saurait régler ce problème de façon bilatérale, tant qu'on ne répond pas à deux critères, notamment l'organisation d'un monitoring objectif par une tierce partie comme l'ONU ou l'Europe, d'une part et des garanties de la communauté internationale, de l'autre.

Il y a ensuite le problème de la fragmentation du territoire. Les embûches comme, murs, points de contrôle et tunnels, ne permettent pas aux autorités des territoires palestiniens de construire un État. En plus, la situation de Gaza est une insulte à l'humanité, même en tenant compte du fait que le Hamas y a fait un coup d'État. De par l'encerclement, toute une population est ainsi tenue comme responsable pour la politique du Hamas. Parmi les élèves des différentes écoles, 80 % à 85 % ne peuvent pas assister aux cours. L'apport de fuel pour la centrale électrique est bloqué et le problème de fourniture d'électricité provoque à son tour des blocages des pompes, qui amènent l'eau potable, et qui servent à évacuer les eaux usées. Ceci crée un problème d'hygiène, parce que les enfants jouent dans des rues où les égoûts coulent à ciel ouvert. La situation de blocage crée aussi des problèmes médicaux, puisque les malades ne savent pas se rendre en Israël ou en Jordanie pour se faire soigner, comme auparavant.

Il se fait qu'outre la bande de Gaza, Jerusalem-Est est isolée, à cause de l'extension des colonies juives autour de Jérusalem-Est en violation de la quatrième convention de Genève, et les engagements unilatéraux pris par les Israéliens.

Il faut qu'Israël reconnaisse l'OLP comme interlocuteur. La fragmentation du territoire empêche également le développement économique et politique en tant qu'entité. Les Palestiniens demandent donc la levée des barrages. Depuis la conférence d'Annapolis, toutes les parties au conflit avaient fait un effort. Les Palestiniens avaient entamé la lutte contre la violence et le désarmement des factions armées. Les Israéliens, de leur côté avaient gelé les contrôles incessants. À l'heure actuelle, tout a été détricoté. Seules les réunions comme celles entre Barak et Frazer, qui essayent de remettre en marche la feuille de route, subsistent.

Mais il y a peu d'avancement au niveau du troisème volet: les mesures qui tendent à améliorer la qualité de la vie quotidienne. Malgré la reconstruction des institutions et administrations palestiniennes, chargées de la sécurité, l'armée israélienne continue à rentrer dans les territoires ce qui discrédite l'action de la police palestinienne. Sans le soutien du reste du monde, tout le crédit que l'Autorité palestinienne a acquis, risque de sombrer. On ne peut pas organiser un État fragmenté. Il est donc important de presser les négociateurs et de renforcer le rôle du « Quartet ».

La Belgique entreprend des initiatives dans cette direction. Les initiatives de M. Charles Michel ont abouti à un accord de coopération pour trois ans afin d'assurer le développement.

II. Exposé de S.E. Mme Tamar Samash, ambassadrice d'Israël.

Mme Samash se réfère au livre de Jacques Attali, « Une brève histoire de l'avenir » (1) : « Les générations actuelles devront avoir le courage de faire le bilan de ce qu'elle laisseront aux suivantes. Elles devront expliquer que si notre région est magnifique, pleine de richesses et de promesses, elle est aussi menacée de disparaître, engloutie par les mouvements du monde. Nous devrons oser avouer que nous avons perdu beaucoup de temps et écarter ceux qui, dans chaque camp, masquent l'écart entre nos ambitions et nos résultats. Selon la façon dont nous agirons, nos enfants et nos petits-enfants habiteront un monde vivable ou traverseront un enfer envahissant. »

En fait, le conflit dont on parle n'est pas un conflit entre Israel et la Palestine, mais plutôt un conflit entre modérés et extrémistes. Les dirigeants palestiniens et israéliens modérés n'ont au fond qu'un seul but, notamment, essayer de trouver une manière de vivre. Le sommet annoncé entre les deux parties en cause, plus les États-Unis, représentés par M. Bush, l'Egypte et la Jordanie doit s'inscrire dans cette logique.

Par rapport aux difficultés des Palestiniens, énoncées par Mme Shahid, l'oratrice fait observer ce qui suit. Tout d'abord, le mur le long de la ligne de cessez-le-feu n'est pas une barrière continue, et il n'est pas consolidé en dur. Il peut être retiré ou démantelé à tout moment. Depuis que cette barrière existe, l'on a pu noter une diminution du nombre d'attaques de l'ordre de 300 %. Il n'y a eu que 11 « alertes chaudes » (des possibilités concrètes d'attaque contre les israéliens). Le dernier a eu lieu à Dimona; il s'agissait d'un terroriste venant de de la région de Judée-Samarie. Certains barrages ont été enlevés à la mi-mai. Malgré le fait qu'il y a 700 policiers palestinies dans la région de Jénine, le « Jihad islamique » et les « Brigades Al Haksa » continuent à attaquer, même des policiers palestiniens. Les mauvaises expériences continuent, malgré le retrait d'Israël de Gaza et du Liban.

Il est un fait notoire que les Palestiniens ne touchent pas à leurs propres réserves de fuel, mais demandent néanmoins la reprise des fournitures de carburant pour leur centrales électriques. En même temps, ils attaquent des civils qui travaillent au transport du fuel près des frontières. Israël a laissé passer 1 700 tonnes de riz, de poudre de lait et du matériel médical. Cinq mille permis de travail ont été accordés.

Il est très important que des négociations ont eu lieu. Il faut avant tout faire réussir le processus d'Annapolis pour réaliser la paix en réduisant la violence.

III. Échange de vues

M. Flahaut (Chambre) estime que les deux oratrices sont deux femmes assez extraordinaires qui représentent ici des intérêts contradictoires. Cependant, ce sont les mêmes intérêts, car le conflit israélo-palestinien ne connaîtra pas d'autre fin heureuse, qu'une fin satisfaisante pour les deux peuples, ou alors ce sera le chaos.

L'intervenant se demande pourquoi la paix n'existe pas. Il y a encore tout un chemin à parcourir et l'approche pragmatique est la plus indiquée. Pourtant, la solution est connue ou plutôt son schéma, puisqu'il a été admirablement mis en évidence lors des accords informels de Genève, passés entre personnes de bonne volonté des deux communautés. Et ces gens n'ont rien inventé, puisqu'ils se sont bornés à tenter de structurer des idées déjà émises lors des différentes négociations israélo-palestiniennes.

Il n'y aura pas de paix durable au Proche-Orient et de réelle sécurité sans une solution équitable au conflit. Une telle solution devra forcément découler de négociations sur pied d'égalité entre chacune des parties et elle passera inéluctablement par la création d'un État palestinien souverain et viable qui coexistera pacifiquement aux côtés de l'État israélien, aux frontières reconnues par la communauté internationale.

Il devra y avoir une solution acceptable pour tous sur la question de Jérusalem, ainsi que sur celle du droit au retour pour les Palestiniens chassés de leurs terres mais cela ne veut pas forcément dire le retour: il peut s'agir dans certains cas d'indemnisation.

Les deux interlocutrices sont-elles d'accord avec ce point de vue ? Si oui, pourquoi n'en arrive-t-on pas là. Chaque mort qui tombe aujourd'hui, dans les deux camps (même s'il y a plus de victimes du côté palestinien) n'est-il pas un mort inutile, ... ou plutôt absurde ?

Il y a des deux côtés des extrémistes (fanatiques religieux, xénophobes, opportunistes) qui s'opposent à toute concession et se livrent à la provocation criminelle. Peut-on les neutraliser ? Cela doit se faire dans la propre communauté, car si l'on veut neutraliser les extrémistes de l'autre camp, on aboutit généralement à l'effet inverse, un repli identitaire et une frustration génératrice de haine. D'autant plus quand il s'agit d'attentats aveugles, ou de répression disproportionnée et de punitions collectives.

Pourquoi, en revanche, ne pas suivre ceux qui veulent véritablement faire la paix ou à tout le moins, donner une chance à ceux qui prétendent le vouloir ?

Dans cet ordre d'idées, quel sens y a-t-il à maintenir en prison quelqu'un de la stature de Marwan Barghouti ? Il s'agit de l'ancien leader de la branche armée du Fatah, qui purge une peine de prison à vie en Israël. Il est une des personnalités les plus influentes du côté palestinien, adoré dans les rangs de la jeune génération du Fatah et respecté par les militants du Hamas, d'autant plus qu'il multiplie les appels au cessez-le-feu généralisé et à la reprise des négociations.

On peut également se poser des questions sur la reprise (puisque Abbas et Olmert se sont vus début avril 2008) ou plutôt sur la non reprise, puisque rien d'important n'est issu du dialogue israélo-palestinien, notamment après la conférence d'Annapolis, aux États-Unis, en novembre 2007. De plus, le siège de Gaza est moralement inacceptable et politiquement stupide, puisqu'il plonge la population dans la misère et renforce le Hamas.

Mme Samash estime que le mur que le gouvernement israélien a construit autour de la Cisjordanie et de Jérusalem n'est pas une construction fixe et amovible et pourrait être démantelé à un certain moment. La construction de logements dans les territoires Palestiniens sous contrôle israélien, demeure un point difficile. Ces implantations qui font obstacle aux négociations entre les deux parties pourraient elles aussi avoir le même sort que le mur.

M. Brotchi (Sénat) souhaite savoir si les Palestiniens ont accès aux soins de santé en dépit du blocus à Gaza. Comment peut-on lever le blocus de Gaza et qui peut contrôler les points de passage: le Fatah, le Hamas ou encore l'Union européenne ?

Des progrès ont-ils été réalisés au niveau du processus de paix au Moyen-Orient depuis la conférence d'Annapolis du 30 novembre 2007 ? Comment évalue-t-on la mission de l'envoyé spécial le général James Jones, pour le volet sécuritaire au Moyen Orient de la feuille de route ?

Un accord cadre serait arrondi dans la semaine qui précède la visite du président Bush au Moyen-Orient qui aura probablement lieu dans le courant du mois de mai. Quelles sont les attentes des parties concernées à cet égard ? Un accord général serait-il envisageable avant les élections présidentielles aux États-Unis à la fin de 2008 ou s'agirait-il plutôt d'un accord partiel ?

L'orateur désire être éclairé sur le poids politique de la Ligue arabe. Un accord de paix entre Israël et la Palestine est-il possible sans accord de paix global au Proche-Orient ? S'agit-il uniquement d'un conflit entre Israël et la Palestine ou serait-il indiqué d'y inclure les pays arabes voisins, qui n'ont pas encore signé d'accord de paix ?

Lors de son dernier sommet à Damas des 29 et 30 mars 2008, la Ligue arabe a réitéré son soutien au plan séoudien de 2002. Au-delà de cette prise de position, quelle est la capacité d'entraînement de cette organisation et quelle est sa cohérence ?

Quel sens donner à l'annonce du Front populaire de libération de la Palestine et du Front démocratique pour la libération de la Palestine pour mettre fin à la rivalité entre le Fatah et le Hamas et quel est le rôle du Yemen dans ce dossier ?

Des compensations financières seront-elles accordées aux Palestiniens qui résidaient en territoire de mandat britannique avant 1948 ? Existe-t-il des études sur cette question et quelles sont les personnes concernées par ce dossier ?

Mme Shahid répond que cette deuxième tentative de construction de paix au Moyen-Orient est au fond une course contre la montre. On ne peut rater cette deuxième chance tout en gardant à l'esprit que l'extrémisme ne se situe pas seulement du côté des Palestiniens. On a besoin d'une tierce partie pour surveiller la mise en œuvre des engagements des parties qui ne sont pas sur un pied d'égalité.

Mahmout Abbas a été élu à la présidence de l'Autorité palestinienne en janvier 2005 avec 82 % des suffrages mais à l'heure actuelle ce pourcentage est réduit à un tiers. Pour la première fois depuis la création d'Israël, 21 pays arabes et l'Autorité palestinienne se sont engagés à nouer des relations diplomatiques à condition qu'Israël reconnaisse l'existence d'un État palestinien. Israël n'a pas encore réagi à cette proposition.

Si un pays tiers comme la Belgique cherche à résoudre le problème des extrémistes palestinien, il risque de les renforcer. Le gouvernement palestinien est souverain et en refusant de parler avec les élus palestiniens, le processus de paix est fragilisé. Le gouvernement palestinien ouvre une enquête publique sur les méfaits de l'extrémisme et les responsables seront traduits en justice. Tant que le gouvernement palestinien n'aura pas acquis une crédibilité aux yeux des citoyens en ce qui concerne le respect des droits des citoyens, il ne pourra bénéficier de leur soutien.

La responsabilité internationale est engagée en ce qui concerne le conflit au Moyen-Orient. Les États-Unis se focalisent trop sur les grandes conférences internationales tandis que l'Union européenne se concentre plus sur la vie quotidienne des Palestiniens. La mise en œuvre de l'accord sur l'ouverture des passages de Gaza date de 2005 et devrait être surveillée voire encouragée par l'Union européenne.

D'après Mme Shahid, un rapport des Nations unies aurait constaté que contrairement à ce qu'on pense, il y a plus d'opérations de troupes israéliennes en Cisjordanie, où le Hamas n'est pas présent, qu'à Gaza. De plus, l'armée israélienne n'obtiendra pas gain de cause uniquement par des moyens militaires.

L'oratrice estime que M. Marwan Barghouti, condamné à perpétuité, et tous les militants voudraient bien œuvrer pour la démocratie si cela leur était possible. Elle prie le Sénat de demander la libération de M. Barghouti. S'il y a une réelle volonté d'Israël de laisser les Palestiniens vivre de manière autonome, une solution au conflit au Moyen Orient sera trouvée y compris pour les réfugiés.

Mme Samash est d'avis qu'il y a eu beaucoup plus que deux chances pour la paix au Moyen-Orient depuis 1948. Les parties concernées sont condamnées à trouver une solution. Le Hamas est mondialement reconnu comme un mouvement terroriste. Le bombardement d'Israël pendant des mois depuis la bande de Gaza est passé largement inaperçu mais les ripostes d'Israël étaient des nouvelles. On ne peut reprocher à Israel de risposter. La barrière de séparation sauve la vie des Israéliens. Les logements israéliens construits autour de Jérusalem se font sans expropriation de nouveaux territoires et on peut démanteler des implantations israéliennes existantes.

Il faut arriver le plus rapidement possible à un accord cadre pour le Moyen-Orient tout en prenant le temps pour le mettre en œuvre, ce qu'on n'a malheureusement pas fait pour les accords d'Oslo de 1993 qui, pour cette raison, n'ont pas abouti.

L'intervenante explique que l'accord d'Annapolis de novembre 2007 ne peut pas être appliqué aussi longtemps que la feuille de route n'a pas été mise en œuvre. De plus, l'ingérance de puissances extérieures au Moyen-Orient comme l'Iran qui font tout pour périniser la présente situation a un effet pervers sur le processus de paix. De plus, la mise en liberté de M. Barghouti n'est pas envisagé par les autorités israéliennes.

Mme Lizin (Sénat) souhaite être informée de l'évolution des relations entre Israël et l'Égypte. L'oratrice a rencontré M. Kalhed Mechaal, le leader du Hamas en exil à Syrie avec une délégation sénatoriale en janvier 2007. Il faut agir pour retirer de la liste terroriste le Hamas. Contrairement à M. Yasser Arafat, les Palestiniens ne disposent pas à l'heure actuelle de stratégie pour coordonner les différents mouvements palestiniens. L'Union européenne doit adopter une autre attitude envers le Hamas pour rendre possible un dialogue.

Mme Vanermen (Sénat) demande si la Knesset fait preuve de suffisamment d'humanité à l'égard des prisonniers palestiniens. Par exemple, lorsque ceux-ci décèdent en détention, leur corps n'est pas restitué à la famille. Elle renvoie à l'ouvrage de Jenny Vanlerberghe intitulé « Van Antwerpen naar Jeruzalem » (2) , où l'on peut lire, entre autres, que bon nombre de Palestiniens sont privés d'identité administrative, ce qui représente pour eux une très lourde charge psychologique.

L'Union européenne est confrontée à un très grand défi: celui de contribuer au développement du processus de paix. Elle est en effet plus étroitement en contact avec la réalité quotidienne des Israéliens et des Palestiniens au Moyen-Orient que ne le sont les États-Unis, qui ont une vision plus unilatérale, influencée notamment par le très puissant lobby juif.

Mme Shahid répond que l'Union européenne est en effet beaucoup plus proche de la réalité au Moyen Orient aux niveaux identitaire, économique et culturel que les États-Unis. De par l'holocaust, Israël fait partie de l'histoire de l'Europe mais les Palestiniens, quant à eux font également partie des victimes de la colonisation européenne, notamment de la colonisation britannique. Il y a une proximité de destin entre l'Europe et le Proche-Orient et l'Union européenne devrait assumer le rôle d'accompagnatrice des parties au Moyen-Orient dans leurs négociations.

Selon Mme Samash, un manque de confiance se fait sentir au sein de la société israélienne. En empêchant que les programmes scolaires palestieniens enseignent la haine des juifs, on peut aider les jeunes Israéliens à reprendre confiance.

Mme Shahid estime également qu'il faut combattre le racisme dans les programmes scolaires au lieu de le renforcer. La façon dont le soldat israélien est présenté par le Hamas dans son programme scolaire fait preuve de racisme envers les israéliens mais se réfère aussi à l'image qu'ont les enfants de la réalité à Gaza. Il faut revenir à la paix créée par MM. Arafat et Rabin. Il faut accepter le résultat du vote et ne pas qualifier les élus d'extrémistes.

Mme Lizin (Sénat) considère qu'il faut arrêter de proférer des insultes envers le Hamas et le reconnaître comme une force politique qui fait partie du monde islamique au sein de notre société globalisé.

Mme Samash répond qu'il s'agit simplement d'une organisation terroriste, qui refuse de reconnaître Israel et qui ne souhaite pas accepter les accords signés par l'OLP.

Mme Shahid estime que le programme de la coalition nationale qu'a signé M. Ismaël Haniyeh, ancien premier ministre palestinien, et dont fait partie le Hamas, reconnaît les accords signés par l'OLP. La communauté internationale a aidé le parti travailliste israélien et le Fatah à se reconnaître mutuellement ce qui a mené à la reconciliation entre MM. Rabin et Arafat en 1993. La communauté internationale doit adopter une attitude plutôt politique que morale envers le Hamas. Elle doit se demander comment on traite avec des forces d'opposition qui appartiennent à une tendance qui se réclame de l'Islam politique et qui doivent être intégrées dans le jeu politique, si on veut sauver la démocratie dans cette partie du monde. Il est important que ce débat se fasse dans la plus grande transparence avec l'aide de l'Union européenne. Il est hors de question d'accepter les attentats à la bombe perpétrés par certains groupes. Il y a, à l'heure actuelle, une crise très profonde de légitimité en Palestine à cause du harcèlement quotidien. En outre, l'Égypte est impliquée de manière profonde dans le processus de paix.

Mme Samash explique qu'elle souhaite une politique différente du Hamas envers l'existence d'Israël. Même dans l'emblème de l'OLP, Israël n'existe pas. Israël préfère une paix froide, comme par exemple avec l'Egypte, qui vaut mieux qu'une guerre.

IV. Exposé de M. Marc Otte, représentant spécial de l'Union européenne pour le processus de paix au Moyen-Orient

En guise d'introduction, M. Otte pose comme principe que la solution du problème du Proche-Orient est d'un intérêt fondamental pour la Belgique et l'Europe. En dehors des enjeux politiques, il sied de rappeler que ce conflit absorbe beaucoup d'argent des contribuables européens.

Pour bien situer le problème, il sied de regarder en arrière et plus particulièrement vers la conférence d'Annapolis qui fut un jalon important.

D'une part, il s'agit d'une tentative de tenir compte des échecs du passé en attaquant le quotidien (à travers la feuille de route), tout en imaginant un statut final (c'est-à-dire un but à atteindre). La conférence a en outre posé les termes d'un échange (un follow-up bargaining comme pour les Airbus). Il s'agissait de continuer l'effort en Irak, tout en bénéficiant de l'appui des Palestiniens dans ce domaine.

Des réunions techniques furent organisées entre la déléguée du ministère des Affaires étrangères israélien et son homologue palestinien. Après avoir déblayé le terrain, l'on arriva aux mêmes conclusions en termes de paramètres d'accord qu'à Gaza, dans le cadre des négociations de Camp David.

Le problème fut le même: comment combler le fossé au niveau des territoires des deux États d'une part et de la structure de Jérusalem, d'autre part.

Israël ne voulait pas de partie tierce dans le déroulement des opérations. La question décisive demeurait pourtant de savoir si le gouvernement américain était prêt ou pas à assumer.

La deuxième partie du processus furent les contacts indirects entre Israël et la Syrie via la Turquie, qui furent entamés en 2007.

M. Olmert a finalement révélé l'affaire parce que cela écartait l'attention. Entre-temps s'opérait une réelle poussée de l'armée et des services de sécurité. Il avait encore acquis la conviction qu'un accord avec la Syrie était plus facile à trouver qu'avec les Palestiniens. Ces derniers avaient en effet un problème de leadership et avaient en charge la gestion de deux territoires. Le renforcement du Hamas étant un problème stratégique, il fallait empêcher que les deux fronts se rejoignent. Il s'agissait donc d'un vrai calcul stratégique d'Israël.

Les Syriens, de leur côté, avaient une position connue, c'est-à-dire une répartition de territoires sur la base de négociations antérieures.

Toute solution était envisageable qui puisse éviter, d'une part, un procès devant le TPI pour le meurtre sur le président Hariri, et d'autre part, une alliance stratégique avec l'Iran.

Quant à la situation sur le terrain, les parties trouvaient là une motivation supplémentaire: le premier négociateur cesse l'occupation et le deuxième que des droits nationaux soient reconnus.

Entre-temps, le Hamas faisait du state-building en obtenant un contrôle accru sur différentes zones. Il y avait entre autres Jénine où Blair avait voulu une percée.

À la conférence de Bethlehem, il y avait 2  000 investisseurs privés, qui ont exposé des projets pour 1,5 milliard $.

Israël a un intérêt fondamental à voir stopper la désintégration de la Palestine. Une autonomie sans instruments de gouvernance est difficile à réaliser. Enfin le danger de brain-drain des élites est très réel. Un plan d'action est important pour Israël. La conférence de Paris avait réuni des bailleurs de fonds pour une valeur de 7,7 milliards $, dont la moitié en euros.

Il est nécessaire de renforcer le droit en Palestine, pour enlever toute excuse possible qui renforcerait les mouvements extrémistes. Il faudrait alors soutenir le secteur privé et les investissements extérieurs.

L'Union européenne se trouve, pour sa part, dans un processus d'amélioration de ses relations avec Israël.

Le 16 juin 2006 a eu lieu une réunion du conseil d'association. Il a fallu prévoir:

1) ‏plus de renfort pour la coopération; l'Allemagne a insisté sur l'exécution des engagements;

2) l'amélioration des relations avec Israël; ceci implique un arrêt de la construction d'implantations, et la suppression des obstacles à la liberté des personnes.

Les 3 jours de conférence à Bethlehem ont été impeccables; il s'agit d'un exemple pour l'avenir.

Par ailleurs, il faut se rendre compte que l'environnement stratégique change de façon fondamentale: il y a d'abord la situation en Iran et le clivage entre sunnites et chiites qui est plus exacerbé. Il y a l'émergence du Hesbollah. Il y a le problème de l'énergie pour Israël. Enfin, il y a la division du monde arabe, qui résulte de l'attitude des pays pétroliers comme Abu-Dhabi et Koweït, qui sont de plus en plus tournés vers la Chine, où il y a de meilleurs investissements à opérer. En fait, il s'agit ainsi d'un rétablissement de relations historiques. Il y a aussi la médiation Qatarie.

Par contre, l'Arabie du milieu (Égypte, Libye, Syrie et Liban) est renfermée sur elle-même, et de moins en moins respectée par les états africains.

Les États-Unis ont perdu beaucoup de crédit, et dans leur sillage, l'Union européenne.

Il y a donc l'émergence d'un nouveau monde: il suffit de regarder le World Economics Forum à Sharm-el-Sjeik. Il y a fort à parier qu'ils trouveront une solution à leurs problèmes tous seuls.

Que fait l'Union européenne dans ce contexte ? Elle mène une politique commune, mais en parallèle, les politiques individuelles subsistent. Cela devient plus compliqué: il y a de nouveaux membres venant de l'ancien bloc communiste, qui n'ont pas de tradition de politique diplomatique.

D'autre part, il y a des réflexes atlantiques qu'il faut faire évoluer. Les Balkans, qui ont été une success story, sont devenus source de clivage entre pays européens. L'Irak a aussi été une fracture. La Turquie est un problème. Il y a un déficit de reconnaissance des efforts turcs. Le modèle projeté pour Chypre n'a pas marché.

Les débats dans l'UE deviennent de plus en plus ingérables, avec toutes les conséquences que cela implique. Il est important d'aboutir à la construction d'un consensus.

Le système des représentants spéciaux est une expérience intéressante. Il s'agit de fonctions à contenu mixte: économique, politique, policière, militaire. Il s'agit d'un vaste terrain d'action, allant des Balkans jusqu'en Afrique.

V. Échange de vues

Mme Lizin (Sénat) est persuadée qu'il s'agit de négociations délicates. Elle insiste sur le problème de la santé dans les territoires occupés. Il est symptomatique pour le climat de méfiance qui règne actuellement. L'Egypte va devoir envoyer le dernier convoi de médicaments par la mer, alors qu'auparavant, cela se faisait par Rafah. Les statistiques de l'OMS sur Gaza sont inquiétants, surtout pour les enfants qui souffrent de plus en plus de tuberculose. Un appel a été lancé en leur faveur le 25 mai 2008 de Genève. Une résolution est en élaboration auprès de l'ECOSOC.

Le rôle de l'Europe à Rafah est un point très important. Mais il se fait que malgré la mission de police que l'UE y exerce, la route est barrée à Ashkelon.

Quant au rôle politique du Hamas, il devient de plus en plus incontournable. Lors de la précédente réunion de cette commission au sujet du Proche-Orient, Mme Lizin a déjà insisté sur le rôle du Hamas, et argué de sa rencontre en Syrie avec Khaled Mechaal.

L'ouverture dans les négociations avec la Syrie, est positive, si cela permet d'avancer. L'alternative est qu'on bascule dans le déclin.

Mme Lizin note aussi qu'au Caire, il y a un sentiment croissant de critique par rapport à la mise en prison de la population de Gaza.

La France veut agir au niveau des négociations, de concert avec le Hamas. Mme Lizin est en faveur du rôle que joue la présidence française.

M. de Donnea (Chambre) constate que tout le monde se retrouve au Proche-Orient.

Le problème consiste surtout dans la circonstance que l'on continue à négocier entre deux parties d'un problème, dont aucune des deux ne maîtrise les données essentielles.

Du côté palestinien, il y a le Hamas, qui est dominé par la Syrie, tandis que le Hesbollah l'est par l'Iran. Dans ce contexte, il faut reconnaître les mérites de la diplomatie turque. Il est en effet nécessaire de rester en contact avec le Hamas. On aurait d'ailleurs dû les reconnaître après leur succès électoral. Il faut également se pencher sur le rôle de l'Iran.

Quant aux antagonismes entre la Cisjordanie et Gaza, il y a lieu de se poser des questions quant à la possibilité de constituer un pays unique. À Gaza, il y a un exode des cerveaux. N'aboutirait-on pas à la constatation qu'il vaudrait mieux englober la Cisjordanie dans la Jordanie ?

En ce qui concerne l'analyse de M. Otte sur le Liban, il la partage, mais il ne faut pas sous-estimer le rôle du Hesbollah. Un État fédéral est-il viable dans ces conditions ? L'orateur a lui-même remarqué la différence entre la région de Beyrouth et la zone du Hesbollah: il s'agit de deux mondes différents.

En ce qui concerne la collaboration entre l'Union européenne et les États-Unis, il faut noter qu'ils ont tous deux une influence réduite et ne sont de surcroît pas impartiaux. Une solution serait de laisser au monde arabe lui-même le soin de trouver une solution. L'intervenant pense surtout aux États riches du Golfe, dont les intérêts économiques sont contraires à la guerre.

M. Dallemagne (Chambre), qui a participé à la même mission que M. de Donnea, s'est posé les mêmes questions. Mais il veut partir du processus d'Annapolis. Israël n'a aucun intérêt à voir la Palestine consolider sa position. Les Palestiniens, de leur côté, n'en ont pas la capacité. Quelles sont les échéances prochaines ?

Il rejoint par ailleurs la question que M. Otte se pose sur l'Iran. Tout est dans tout: le nucléaire, l'énergie pétrolière et l'Irak. Faut-il impliquer l' Union européenne dans ce processus ? Dans ce cas, quelles sont les attentes de l'UE ? Comment l'UE peut-elle utiliser la carte de l'attente des autres ?

M. Brotchi (Sénat) constate qu'il y a des négociations entre Israël, l'Egypte et le Hamas. Pourrait-on aboutir à une trêve de 6 mois et quelle en sera l'étendue géographique ? La solution se trouvera peut-être dans la désunion entre Palestiniens.

Quant aux relations entre l'UE et le Hamas, il faut se rappeler la visite de M. Carter à M. Mechaal, sans oublier les contacts qu'a eus Mme Lizin avec lui.

Peut-il y avoir une vraie écoute sans dialogue officiel ? Doit-on tenir compte d'une discussion au sein des pays arabes du Golfe ? Il y a aussi l'Union des pays arabes. Que faut-il penser des propositions élaborées en 2002 ?

La Russie est soucieuse d'une reconnaissance de son rôle stratégique. Quid de la conférence qui pourrait se tenir à Moscou ?

M. Otte répond que bien qu'Annapolis était la chose à faire, cette initiative demeure un pari et une méthode risqués. Les protagonistes d'Annapolis étaient Bush, Olmert et Abbas. On connaît depuis longtemps la faiblesse de leur légitimité interne et externe. Les taux d'approbation de Bush, Olmert et Abbas étaient bien faibles. Toutefois, les deux parties estiment que les choses ont avancé mieux qu'on ne pouvait le prévoir, tout en gardant une certaine confidentialité sur l'état des négociations.

Arrivera-t-on à combler le fossé ?

Après avoir atteint un accord, on pourrait le soumettre à une consultation populaire des deux côtés. Le mandat d'Abbas expire en janvier 2009. Il est très important d'opérer un changement de mentalité, que l'on n'aperçoit presque pas à l'heure actuelle.

En ce qui concerne la Cisjordanie, c'est le ministère de la défense qui décide. Il y a très peu de contrepoids du monde civil, parce qu'il est interdit aux citoyens israéliens de se rendre en territoire occupé. Les gens ne savent pas ce qui s"est passé et ne veulent pas le savoir. Le paradoxe est que l'économie israélienne est en bonne santé, la monnaie est très forte et suit l'euro.

Si le gouvernement d'Israël tombait, le processus d'Annapolis s'arrêterait.

La question des réfugiés palestiniens ne peut pas se résoudre entre Israël et les Palestiniens. La légitimité arabe est essentielle pour la question des réfugiés palestiniens. L'activisme des pays arabes et la longue division des pays arabes sont importants. L'Iran et la Syrie, l'Égypte et l'Arabie saoudite et la Ligue arabe sont restés en marge.

L'Iran est devenu un facteur dominant dans la question du Moyen-Orient. L'Iran soutient le Hezbollah et le Hamas. L'Union européenne va négocier à Téhéran pour trouver une solution qui dépasse la question nucléaire. Toutefois, ces pays-là n'ont pas le soutien des États-Unis. L'Israël et la Turquie sont allés de l'avant sans consentement américain. Est-ce que l'Union européenne pourrait devenir un acteur stratégique si elle utilise le levier du partenariat avec Israël et les pays arabes ? L'Union européenne n'est pas très connue au Golfe.

Le Liban est un pays un peu artificiel, une mosaïque de la région. La liberté de la presse y régnait. La Syrie n'a cependant pas renoncé au pays. Hassan Nasrallah, le secrétaire général de l'organisation chiite Hezbollah a tenu des propos conciliateurs le 26 mai 2008 en disant que le Hezbollah n'utiliserait pas ses armes contre le Liban. Les Druses et les sunnites se réarment et il y a un sentiment de défaite au sein de la communauté sunnite. Le Liban vit peut-être pour l'instant une période de stabilité, mais l'avenir demeure incertain.

En ce qui concerne la Jordanie, la restitution de Gaza à l'Égypte et de la Cisjordanie à la Jordanie n'est pas une option réaliste. La plus grande menace émane du fait que le tissu social de la société palestinienne se défait de plus en plus et si Israël continue à poursuivre un objectif sécuritaire, il n'y aura jamais d'État palestinien. Cela serait une mauvaise chose pour toutes les parties concernées y compris Israël. Ceci signifie également la fin de l'État juif parce que d'ici 50 ans, il y aura une majorité arabe entre le Jourdain et la Méditerranée.

Le monde arabe se modernise de plus en plus et la diplomatie égyptienne s'essouffle et est marginalisée. La Ligue arabe porte le cachet égyptien et elle n'a plus le même lustre qu'auparavant. D'après la société civile arabe, les régimes arabes n'assument pas assez leurs responsabilités pour la solution du problèmes des Palestiniens.

Il faut trouver une manière de traiter avec l'Islam politique que représente le Hamas. Les contacts de l'Union européenne avec le Hamas sont relativement importants. Israël l'accepte comme interlocuteur à l'instar de sa position à l'époque envers l'OLP, qui a adopté envers Israël à peu près la même position que le Hamas avant qu'il ne change.

La réconciliation palestinienne est importante et appuyée de temps en temps par le Hamas, qui suivait de temps en temps les positions du Fatah.

L'Egypte souhaite la fermeture du passage de Rafa depuis la prise du pouvoir par le Hamas. Le passage à Kerem Shalom vers Gaza est ouvert. Il faut se demander pourquoi les milices attaquent systématiquement les points de passage. La situation demeure instable puisqu'il y a eu nombre d'attentats à ces endroits contre des civils israéliens. L'Égypte cherche à trouver un cessez-le-feu qui impliquerait l'ouverture de tous les passages à Gaza.

Au début, l'Égypte ne voulait pas être associée aux accords avec l'Union européenne. Cette dernière procède à l'envoi de policiers et de douaniers européens, à condition que que l'Égypte assure la sécurité au niveau des passages pour Gaza. Un accord de siège a été discuté. Les Égyptiens ont construit un mur semblable au mur qui se trouve entre Bethlehem et Jérusalem. Pour les habitants de Gaza, la vie est rendue impossible par le blocus israélien et par la brutalité du Hamas. Il faut que l´Egypte réussisse à obtenir un cessez-le-feu.

L'idée d'une trêve au Moyen-Orient serait utile à Israël mais aussi au Hamas, qui propose une trêve de six mois jusqu'à la fin de l'année 2008.

La Russie a depuis longtemps adopté une attitude pragmatique et assez modérée tant sur le plan politique que sécuritaire. Ils proposent de mettre sur pied une conférence sur le Moyen Orient à Moscou en demandant aux parties concernées d'avancer des idées à cet égard.

M. Lahssaini (Chambre) estime que l'Union européenne ne se montre pas assez critique face à la position des États-Unis. L'Union européenne n'occupe pas la place qui lui revient alors qu'elle est un investisseur important au Moyen-Orient.

La situation à Gaza devient très préoccupante voire tragique sur le plan humanitaire. L'Union européenne devrait rappeler à Israël ses responsabilités envers les réfugiés qui se trouvent à Gaza.

L'Union européenne cautionne-t-elle la médiation turque ?

Comment l'Union européenne gère-t-elle les condamnations internationales pour la construction du mur et les nouvelles implantations de colonies ?

Mme Zrihen (Sénat) demande si l'approvisionnement en eau pose problème au Moyen Orient, sur l'arrière-fond de la croissance démographique. Il y a aussi la probable possession par Israël de l'arme atomique.

Les élections présidentielles qui se tiennent en novembre risquent d'hypothéquer fortement le processus d'Annapolis.

M. De Croo (Chambre) est convaincu que la clé du problème du Moyen-Orient est à chercher du côté du lobby juif aux États-Unis. L'Union européenne a-t-elle une stratégie bien définie permettant de tenir compte d'un revirement dans la politique menée par les États-Unis au Moyen-Orient ? L'Europe n'a pas de force militaire et son rôle se limite à celui de bailleur de fonds. Elle est donc très dépendante de la stratégie américaine.

M. Dubié (Sénat) demande si Olmert a encore suffisamment d'influence sur la politique étrangère de son pays pour faire aboutir un accord avec les Palestiniens ? Les négociations progressent, mais la colonisation israélienne continue à un rythme encore plus soutenu qu'il n'existait avant Annapolis.

M. Otte partage le scepticisme de M. De Croo.

Nous nous dirigeons vers un nouveau traité et l'Europe peut mettre tout son poids dans la balance. L'Europe a donc bel et bien une influence, ne fût-ce que pour infléchir une stratégie. À quelques exceptions près, l'UE ne peut pas aller plus loin. Mais il arrive qu'elle joue bel et bien un rôle d'avant-garde, comme en Iran. Cela n'est cependant pas le fruit d'un consensus venant de la base, mais bien d'une décision des trois grands États membres, qui ont conclu que la situation ne pouvait plus évoluer de cette manière. Vu l'impasse dans laquelle les États-Unis se trouvaient, l'intervention européenne était la bienvenue. M. Solana a donc été mandaté, d'abord par l'UE, ensuite par le Conseil de sécurité.

Dans le cadre de ses actions et relations externes, l'Union européenne continue d'exercer une influence normative (voir les déclarations de Venise ou de Berlin). C'est ainsi que l'UE a joué un rôle de pionnier, en faisant accepter une solution fondée sur l'existence de deux États, qui est aujourd'hui confirmée dans les faits.

M. Otte estime qu'il faut poursuivre sur la voie empruntée. L'UE dispose à présent des instruments nécessaires et elle devra vérifier comment elle pourra influer sur la prochaine administration américaine ou construire un meilleur partenariat avec celle-ci.

Au sujet des dissensions qui l'ont divisée, l'UE ne doit s'en prendre qu'à elle-même, et pas aux USA. L'Irak en est un bon exemple. L'UE doit essayer d'arriver à une vision plus uniforme des choses. Les USA y sont arrivés. La Russie va être le prochain grand test. Le Conseil de l'Union européenne a décidé d'entamer de nouvelles négociations avec ce pays. L'Europe n'a d'ailleurs pas le choix, puisqu'elle est confrontée à un nouvel échiquier mondial avec des pièces maîtresses comme l'Inde et la Chine.

En ce qui concerne la stratégie européenne, la question n'est pas de savoir si on a les leviers pour agir, mais bien d'avoir une influence.

En ce qui concerne la Palestine, on a donné approximativement un demi milliard d'euros par an depuis 10 ans. Les Palestiniens ont l'aide la plus importante par tête d'habitant. Si on ne le faisait que par acquis de conscience, à défaut d'autres moyens, ce serait grave.

Au sommet de l'intifada, on aurait pu mettre un terme à l'aide aussi longtemps que le terrorisme ne s'arrêtait pas. L'argument pour Israël était le même, puisqu'à défaut de l'aide européenne, elle aurait dû suppléer.

Constitutionnellement, l'Europe n'est pas capable de faire autre chose. Il faut être réaliste. Il faut considérer que la politique étrangère des grands pays européens reste ce qu'elle est. Ceci n'est pas la même chose que la somme des politiques décidées par 27 pays en commun. Vis-à-vis d'Israël, il y aura toujours un pays qui dira non. C'est ce qui rend la politique vis-à-vis de ce pays difficile.

Le partenariat avec les peuples de la région doit être pensé en fonction de la manière dont on croit pouvoir influencer leur attitude.

Une manière discrète est possible, mais cela suppose qu'on accepte au minimum qu'on puisse parler dans certains cas d'une seule voix.

Il est évident que la création d'un poste de ministre communautaire européen des affaires étrangères dérange ses homologues nationaux. Ce sont des succès occasionnels qui vont montrer que cela fonctionne mieux.

Vis-à-vis de la Syrie, c'était clair: tous les pays-membre étaient d'accord pour considérer que la Syrie joue un rôle négatif dans la région. Mais les Syriens ont interprété le défilé des ministres européens à Damas comme une faiblesse. En effet, chaque fois qu'un ministre national parlait, il se faisait démentir par le pôle européen. S'abstenir est aussi un geste de politique étrangère.

En ce qui concerne la crise humanitaire à Gaza, il faut la reconnaître. Mais elle provient d'une crise sécuritaire et stratégique. Elle est créée par les affrontements entre Israël et le Hamas, d'une part, et entre le Fatah et Hamas, de l'autre. L'orateur est frappé par le discours ambigu de Ramallah, par rapport à Gaza. D'un côté, on déplore la crise humanitaire, mais de l'autre on se réjouit du fait que le Hamas se fasse attaquer.

L'Union européenne a raté une occasion en termes d'influence à Gaza. Israël s'est retiré de Gaza. On a raté l'occasion d'en faire un modèle de gouvernance palestinienne. Il aurait fallu dépenser la masse d'argent très vite — et bien — pour construire l'État en germe.

M. Dubié (Sénat) dit qu'il ne faut pas oublier des exemples tels que l'aéroport de Gaza. Il était financé par l'Union européenne. Mais à peine un seul avion s'y est posé. Ensuite, Israël a démoli tout.

M. Otte pense que l'Europe aurait dû poser préalablement des conditions. Il constate aussi que quand les Israéliens démolissent une réalisation américaine, ceux-ci sont remboursés dans les trois mois. Les Européens, par contre, ne reçoivent rien.

En ce qui concerne les Turcs, ils disent qu'ils interviennent parce qu'il s'agit d'un intérêt national turc. Ils comptent devenir un pays musulman qui sert de modèle. Ils veulent montrer que la bonne gouvernance n'est pas seulement l'apanage des laïcs ou des nationalistes ou d'autres mouvements. Ils veulent renforcer cette image. Un accord entre Israël et la Syrie pourrait régler un certain nombre de problèmes à leur frontière, en ce compris avec les Kurdes. L'avantage de la Turquie est en outre qu'elle dispose d'une diplomatie très professionnelle et compétente.

En ce qui concerne la colonisation, l'Europe est très bien informée. Israël continue à avancer sur deux niveaux différents: d'une part, au niveau des colonies, qui sont illégales et qui ressortissent d'une logique du passé, et d'autre part, au niveau de l'insertion dans le concert des nations.

Il reste encore le problème de l'eau, qui n'est pas au centre des négociations, mais qui est tout de même important. C'est d'ailleurs pour cela que la Syrie veut revenir sur les frontières de 1967, parce qu'elle avait accès au lac de Tibériade. Ce problème doit être traité au niveau régional. La majorité des nappes phréatiques sont sur les crêtes. Les affluents viennent du Golan et du Liban. Ceci constitue le seul accès d'Israël à l'eau douce.

Une des dimensions du problème de l'eau, c'est d'en produire plus. Il y des projets de désalinéisation, où Gaza pourrait jouer un rôle. Gaza dispose de réserves de gaz naturel le long de ses côtes qui pourrait livrer l'énergie pour les usines d'eau douce. Pour l'instant, les nappes phréatiques à Gaza sont tellement utilisées que l'eau de mer s'y est infiltrée.

Le nucléaire est un autre dossier. Cela a un lien avec les problèmes régionaux et les régimes en place. Il y a l'Iran qui veut exploiter le nucléaire en Arabie saoudite, en Egypte et ailleurs. Mais à chaque jour suffit sa peine. Si on arrive déjà à faire une avancée dans le problème israélo-palistinien, ce sera un grand pas en avant.

L'influence des élections américaines est limitée: le soutien inconditionnel des américains à Israël ne disparaîtra jamais. Les chrétiens fondamentalistes ont une importance beaucoup plus importante que la communauté juive. Il va y avoir un « gap » entre le moment de sortie et l'arrivée de la nouvelle administration. Mais, de toute façon, la nouvelle va s'occuper de l'Irak et de l'Iran.

Il faut créer des acquis en Palestine, en installant une gouvernance palestinienne. Cela passera par une entente entre le Fatah et le Hamas. Cela pourrait déboucher sur la création d'un État palestinien au début de l'an prochain, à la limite sans résolution de l'ONU.

Dans les discussions en cours, on continue à parler d'un couloir entre Gaza et la Cisjordanie. Une solution de trois États n'est pas réaliste. Personne ne veut la création d'un émirat arabe à Gaza. Gaza est une menace pour l'Égypte. Si les frères musulmans réussissent à Gaza, c'est une catastrophe, plus pour les régimes arabes que pour Israël.

Il y a moyen d'avancer, par exemple avec l'appui européen, avec les Russes et certains pays arabes.

Les rapporteurs, Les présidents,
Jacques BROTCHI (S).
André FLAHAUT (Ch).
Marleen TEMMERMAN (S).
Hilde VAUTMANS (Ch).

(1) Jacques Attali, Une brève histoire de l'avenir, Fayard, 2006.

(2) Jenny Vanlerberghe, Van Antwerpen naar Jeruzalem, Éd. Roularta, 2007.