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Belgische Senaat

Handelingen

DONDERDAG 24 APRIL 2008 - NAMIDDAGVERGADERING

(Vervolg)

Vraag om uitleg van mevrouw Sfia Bouarfa aan de vice-eersteminister en minister van Financiën en Institutionele Hervormingen en aan de staatssecretaris voor Armoedebestrijding over «het verschijnen van nieuwe armen in de Belgische middenklasse» (nr. 4-238)

De voorzitter. - De heer Carl Devlies, staatssecretaris voor de Coördinatie van de Fraudebestrijding, toegevoegd aan de eerste minister, antwoordt.

Mme Sfia Bouarfa (PS). - La situation économique de notre pays est des plus inquiétantes pour notre population qui s'attend à vivre difficilement l'année 2008, voire les années à venir. De nombreux faits indiquent qu'il est temps de tirer la sonnette d'alarme car la précarité a déjà commencé à s'étendre, touchant maintenant la classe sociale moyenne.

Force est de constater que les loyers ainsi que les produits alimentaires et énergétiques connaissent une forte augmentation, qui peut parfois sembler abusive. Les soins de santé constituent un budget dont la charge est de plus en plus lourde pour les Belges, même s'ils sont en bonne santé, et jamais autant de personnes n'ont été dépendantes des banques alimentaires.

Mis à part l'inévitable passage à l'an neuf, qui signifie pour l'inconscient collectif une « révision des tarifs à la hausse », un autre élément d'ordre pragmatique entre également en ligne de compte. On constate en effet que les augmentations tarifaires représentent souvent un multiple de cinq. Ce dernier fait, entre autres, référence au billet de cinq euros. On peut se demander dans quelle mesure et à quel rythme la tendance à la hausse tarifaire ne se pratique pas sur la base de cinq euros, une fois la décision prise d'arrondir ses prix.

Cependant, arrondir des francs belges ou des euros ne représente pas le même coût pour le portefeuille. Même si, de nos jours, une majoration de trois ou cinq euros nets pour un service peut ne pas choquer, malgré la valeur quarante fois supérieure de l'euro par rapport au franc belge, ces sommes une fois converties représentent respectivement une hausse de 120 et 200 francs belges. Il s'agit de hausses soudaines qu'aucun indépendant ou commerçant ne se serait permis d'appliquer voici six ans.

Psychologiquement, c'est un fait : augmenter un prix de trois ou de cinq euros n'a pas le même effet qu'une hausse de 120 ou 200.

Malgré tout, le franc belge reste encore bien présent à l'esprit du consommateur, surtout lors d'achats importants comme l'immobilier, les véhicules, etc. En revanche, lorsqu'il s'agit de dépenser une plus petite somme, le consommateur a tendance à ne plus convertir en francs belges. Ainsi, la tentation de pratiquer de « légères » augmentations de un à cinq euros, passant probablement inaperçues chez le consommateur, peut s'avérer bien séduisante.

Toujours sur le thème de la monnaie, un des débats actuels concerne la conservation ou la suppression - à l'instar des Pays-Bas - des centimes d'euros, plus communément appelés « piécettes rouges ».

À ce sujet, et plus particulièrement à propos des petits montants, il est tout de même intéressant de se rappeler qu'il existe cent possibilités de prix distincts entre un eurocentime et un euro, alors qu'il n'en existait que quarante, entre un et quarante francs belges.

Bien entendu, depuis 2002, année au cours de laquelle l'euro a fait son entrée dans le portefeuille des Belges, le coût de la vie a augmenté. À l'époque, deux secteurs s'étaient d'ailleurs déjà particulièrement illustrés à ce propos : le pétrole et l'Horeca. Cependant, l'arrondissement des prix représentait-il une raison suffisante pour justifier un tel envol des tarifs dans ce dernier domaine ?

Parallèlement à ces constats et vu la hausse importante et récente du coût de la vie, les employés ont bénéficié d'une indexation de salaire en janvier 2008. À titre d'exemple, un employé mi-temps dans le secteur public gagne ainsi 2,60 euros nets supplémentaires mensuellement ; et un temps plein, 5,20 euros nets par mois.

En parlant de salaire, on peut également évoquer les pièges à l'emploi, problématique d'actualité. La différence entre les allocations de chômage et un salaire n'est pas suffisamment importante pour motiver certains chômeurs à trouver un travail.

Rappelons tout de même que l'objectif premier des allocations de chômage est bien de fournir un revenu minimum nécessaire à la survie. Cette faible différence de revenu n'a rien d'étonnant puisqu'aujourd'hui, un salaire ne suffit plus à couvrir les besoins primaires.

Cette situation ne correspondrait-elle pas à une forme de dérive ultralibérale, symbolisée aux États-Unis par le Wal-Mart et autres entreprises qui refusent de rémunérer décemment leurs salariés ? Ces derniers, malgré leur contrat à temps plein n'ont qu'une solution pour subvenir à leurs besoins : augmenter leur pouvoir d'achat par le biais d'un travail complémentaire.

Au vu de ces informations, monsieur le ministre, permettez-moi de vous demander quelles sont les pistes que vous envisagez afin d'éviter que la classe moyenne ne gonfle à son tour le pourcentage de la population belge en situation de précarité ? Quelles mesures comptez-vous prendre afin d'améliorer le contrôle et la transparence des prix ?

Quelles mesures comptez-vous prendre afin de mieux informer le consommateur des dérives tarifaires toujours d'actualité, malgré le fait qu'elles ont été surveillées de plus près lors de l'introduction de l'euro en Belgique en 2002 ? Quelles mesures comptez-vous prendre afin d'éviter les hausses de prix soudaines en « euros entiers » ?

M. Carl Devlies, secrétaire d'État à la Coordination de la lutte contre la fraude, adjoint au premier ministre. - Je vous lis la réponse du vice-premier ministre.

Les éléments que vous relevez montrent bien que la précarité touche un grand nombre de nos concitoyens. Les personnes victimes de l'exclusion, les bénéficiaires d'allocations sociales, les travailleurs à bas salaires ou les statuts précaires sont évidemment les plus fortement touchés. Cependant, la classe moyenne, comme vous l'indiquez, n'est pas non plus épargnée.

Les dernières statistiques européennes comparatives montrent, par exemple, que 4,2% des personnes qui ont un emploi sont en situation de risque de pauvreté. Les sondages de ces derniers temps indiquent clairement que les gens ont de plus en plus de mal à nouer les deux bouts.

Cela plaide en faveur d'une approche multidimensionnelle du soutien au pouvoir d'achat. L'accord de gouvernement comprend de nombreuses mesures qui vont dans ce sens. L'augmentation des allocations sociales et des salaires est un objectif permanent. Dans le cadre du budget 2008, les premières décisions importantes ont été prises.

Je rappelle notamment que les pensions minimum seront revalorisées de 2% dès juillet de cette année, hors index.

Il en va de même pour la GRAPA, la garantie de revenus aux personnes âgées. Les pensionnés bénéficieront également d'une diminution de la cotisation de solidarité. Il faut poursuivre cet effort, progressivement. Mais le soutien au pouvoir d'achat doit également passer par un soutien des salaires et revenus des gens, et en priorité des revenus faibles ou moyens.

C'est fondamental pour leur pouvoir d'achat immédiat, mais également pour leur futur pouvoir d'achat, via les droits à la pension notamment.

En tant que secrétaire d'État en charge de la Lutte contre la pauvreté, j'y serai particulièrement attentif lors des réunions bilatérales que je vais entamer avec les membres du gouvernement afin de définir le plan d'action de lutte contre la pauvreté que je soumettrai au gouvernement en juillet.

Renforcer le pouvoir d'achat, et ainsi éviter la paupérisation, passe également par un travail sur les prix et leur transparence. Il est indispensable d'avoir une vue claire de l'évolution de certains prix pour prendre, si nécessaire, des mesures dans les cas de hausses irrationnelles.

En outre, des mesures d'aides complémentaires sont instaurées et le nombre de bénéficiaires est étendu afin de permettre à certaines personnes qui ont des revenus moyens de pouvoir également bénéficier de certaines aides. Je pense notamment à l'extension du fonds mazout et au statut Omnio dans les soins de santé.

Il convient de réfléchir à un système dans lequel les aides complémentaires ne sont pas octroyées suivant un système binaire. À l'image des allocations familiales majorées, je pense qu'un système plus dégressif permettrait d'éviter des pièges à l'emploi et de soutenir davantage le pouvoir d'achat et, d'une manière plus continue, des personnes qui, de plus en plus, changent de statut et de situation de vie ou de situation professionnelle.

Il est donc évident que ce n'est pas grâce à une seule mesure miracle que cette problématique trouvera une solution structurelle. Soutenir le pouvoir d'achat de nos concitoyens et éviter et réduire la pauvreté dans notre pays passent donc par la conjugaison de mesures concrètes, relevant du niveau fédéral mais aussi des Communautés et Régions. Ces mesures doivent, d'une part, soutenir le revenu des gens et, d'autre part, permettre un meilleur accès à certains droits ou services, comme le logement, et une transparence et un suivi des prix.

Mme Sfia Bouarfa (PS). - Je remercie le ministre de ses réponses rassurantes.

Nous devons en priorité continuer à lutter contre toutes les formes d'exclusion et de pauvreté chez les plus fragiles. J'espère qu'aucun d'entre nous ne remettra en question les conquêtes sociales dont peut être fière la Belgique. Son système de protection sociale est l'un des meilleurs. Nous devons toutefois nous attaquer à cette nouvelle pauvreté qui touche déjà des personnes ayant un bon salaire.

Je vous félicite en tous cas pour toutes les mesures que vous préconisez et vous assure de notre soutien dans la poursuite de actions entreprises afin que cette nouvelle classe sociale ne tombe pas dans la précarité et que l'on ne perde pas de vue les plus pauvres d'entre nous.