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Belgische Senaat

Handelingen

DONDERDAG 10 APRIL 2008 - NAMIDDAGVERGADERING

(Vervolg)

Mondelinge vraag van mevrouw Sfia Bouarfa aan de vice-eersteminister en minister van Binnenlandse Zaken en aan de vice-eersteminister en minister van Justitie en Institutionele Hervormingen over «de studie van Belgische criminologen betreffende de rol van politie en justitie in de aanpak van discriminatie» (nr. 4-210)

Mme Sfia Bouarfa (PS). - Un périodique néerlandophone spécialisé en criminologie et, à sa suite, d'autres quotidiens se sont fait l'écho, en janvier de cette année, de l'étude de criminologues belges dont le travail a mis en exergue les discriminations dont sont victimes les minorités ethniques face à la justice.

La criminologue néerlandophone de renom de la VUB, Mme Kristel Beyens, n'hésite pas à parler « d'une justice sélective qui vise certains groupes ». Parmi ces groupes discriminés, il existe des variations dans la non-égalité de traitement. Les plus exposés, par exemple, à se voir soumis à un contrôle d'identité et à recevoir une peine de prison sont les jeunes Marocains ou d'origine maghrébine.

Cette étude reflète-t-elle la réalité ? D'autres études ont-elles été réalisées ? Quelles mesures éventuelles le ministre compte-t-il prendre pour remédier aux manquements et aux dérives constatés par cette étude ?

M. Jo Vandeurzen, vice-premier ministre et ministre de la Justice et des Réformes institutionnelles. - Je connaissais l'existence de cette étude. À la suite de votre question, madame, mon cabinet a pris contact avec Mme Beyens, de la Vrije Universiteit Brussel. Le travail effectué par cette personne consiste en un article paru dans la revue Orde van de Dag de décembre 2007. Cet article se réfère aux différentes études existantes, réalisées de 1997 à 2002.

Ces études constatent que la réaction policière et pénale a tendance à être plus forte à l'égard de certains groupes de population, notamment les personnes d'origine maghrébine. Une des études citées dans l'article de Mme Beyens évoque, comme explication principale de ce constat, l'existence cumulée de mécanismes de précarisation sociale et culturelle dont souffre notamment une partie de la communauté d'origine maghrébine.

Une autre étude citée par Mme Beyens indique qu'une situation familiale difficile, l'incertitude sur le plan de l'emploi et plus généralement les difficultés sociales auxquelles sont confrontées ces personnes, augmentent le risque de contact avec la police et la justice. Le constat ne concerne d'ailleurs pas uniquement les personnes d'origine maghrébine, mais aussi celles qui sont originaires des pays de l'Est de l'Europe.

En résumé, la situation objectivement difficile de certains groupes induit des réactions et des perceptions subjectives et irrationnelles dans l'ensemble de la population, y compris chez les policiers et les magistrats.

Il faut évidemment combattre ces préjugés et ces perceptions négatives - qui sont humaines et inhérentes à la vie en société - parce que la police et la justice doivent toujours examiner le cas de chaque personne en tenant compte uniquement des charges et des preuves existant contre l'individu concerné et non d'éléments externes liés au groupe ethnique, aux opinions politiques, à l'orientation sexuelle, etc. Il faut toujours tendre vers la plus grande objectivité possible. C'est un travail personnel que chaque policier et chaque magistrat doivent accomplir quasiment tous les jours.

Des mesures existent déjà pour lutter contre la discrimination, au niveau tant de la police que de la justice. En accord avec le ministre de l'Intérieur, M. Dewael, je vous donnerai un aperçu des initiatives qui seront encore prises en la matière.

Dans sa formation de base, le futur policier apprend à identifier la discrimination et le racisme à l'égard des minorités. Le contenu du cours reprend les thèmes suivants : les causes ainsi que les préjugés liés au racisme et à la discrimination, les besoins de l'application de la législation existante dans une société multiculturelle, l'identification des différentes instances travaillant dans le cadre des discriminations et du racisme, les réactions face aux actes racistes, la loi sur le racisme et la xénophobie ainsi que les spécificités relatives aux constatations, à l'audition des suspects ou des témoins et à la rédaction des procès-verbaux. Certaines de ces formations sont données à l'aide de jeux de rôle. Le Code de déontologie énonce également des obligations strictes.

En 2007, une formation continuée a été mise en place, sur les mêmes thèmes.

Outre ces formations de base ou continuées, il existe aussi des actions de sensibilisation. Celles-ci sont menées sous une forme théorique - feuillets d'information, affiches, messages électroniques -, mais aussi plus directement sur le terrain pour sensibiliser les services de la police fédérale à la gestion des conflits et à la communication interculturelle.

En 2004, dans le cadre de cette politique, un réseau de « personnes ressources diversité » a été créé en vue de favoriser l'intégration des membres du personnel, mais aussi d'améliorer le service rendu à la population. La principale mission de ce réseau, composé d'environ 50 personnes, est de dégager de bonnes pratiques en matière de diversité, plus précisément dans les questions liées à la diversité culturelle.

Le réseau a constitué une banque de données appelée « Mosaic », mise à la disposition de l'ensemble des services de police.

En juin 2006, une convention a été signée entre le ministre de l'Intérieur et le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme, en vue de promouvoir des actions de sensibilisation et de formation en matière de racisme et de discrimination dans les interventions policières.

Cette convention précise les modalités de mise en oeuvre et de financement de deux formateurs du Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme. Ces formateurs sont pilotés par un groupe de travail interdisciplinaire composé de membres du centre, de la police fédérale et de la Commission permanente pour la police locale. Ils travaillent au bénéfice exclusif de la police intégrée pour l'organisation et la dispense des formations policières traitant de l'exclusion et du racisme, ainsi que pour la réalisation d'actions de sensibilisation et d'information des membres du personnel de la police.

Avec la Direction des relations internes de la police fédérale, le centre contribue à renforcer les compétences des membres de la police intégrée, en dispensant les volets juridiques relatifs au racisme et en mettant à disposition les expériences de terrain que le centre a acquises ces dernières années.

Le centre collabore également à d'autres projets avec le Centre d'études de la police et le Centrum voor Politiestudies. Il contribue de ce fait à alimenter la réflexion sur la gestion de la diversité au sein de la police en y intégrant d'autres acteurs extérieurs comme les universités.

Enfin, je vous informe que la police fédérale a reçu début 2007 un award intitulé « Label Égalité Diversité ».

Le Conseil supérieur de la Justice organise régulièrement, également en collaboration avec le Centre pour l'égalité des chances, des formations pour les magistrats et les stagiaires judiciaires. Ces formations ont pour but d'informer les magistrats et futurs magistrats sur les possibilités légales de lutte contre le racisme et la discrimination et, plus généralement, de les sensibiliser à cette question.

Le Collège des procureurs généraux a également pris des initiatives, sous la forme d'une circulaire, en vigueur depuis le 3 avril 2006, qui définit une méthode de travail au niveau judiciaire, en application du plan d'action fédéral contre les violences racistes, antisémites et xénophobes.

Mme Sfia Bouarfa (PS). - Je remercie le ministre pour sa réponse très détaillée. Je ne voudrais pas jeter l'opprobre sur la police. Ce cas a été révélé par des universitaires de renom. Il faut donc en tenir compte et interroger le parlement.

Cela ne veut pas dire que la police ne se rend pas coupable de dérapages ou de comportements discriminatoires.

Il faudrait cependant que certains comportements culturels soient expliqués lors des formations dispensées par le Centre pour l'égalité des Chances et la lutte contre le racisme.

À titre d'exemple, un policier de ma zone m'a fait cette déclaration : « Il était coupable parce qu'il ne me regardait pas dans les yeux. » Or, il faut savoir que dans certaines cultures, les jeunes ne regardent pas les adultes dans les yeux.

Je serai attentive au suivi de ce dossier mais il faut être conscient que chaque fois qu'une discrimination touche un jeune, quelle que soit sa couleur, ce sont les droits de l'homme qui sont bafoués et que l'exclusion et la discrimination à leur égard sont comme la nitroglycérine : elles risquent de nous exploser à la figure !