4-633/1

4-633/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 2007-2008

13 MARS 2008


Proposition de loi relative à la maternité pour autrui

(Déposée par M. Philippe Mahoux)


DÉVELOPPEMENTS


La pratique des « mères porteuses » soulève bon nombre de questions, qui sont à la fois d'ordre éthique et juridique et qui restent à ce jour sans réponses précises, eu égard au vide juridique existant en la matière en Belgique.

Aux Pays-Bas, depuis 1997, un avis du ministère de la Santé publique, du Bien-être et des Sports indique que la gestation pour autrui doit rester non commerciale. Les aspects pratiques sont précisés par une directive de la Société néerlandaise d'obstétrique et de gynécologie, qui établit un certain nombre de recommandations à l'égard des médecins. Cette directive prévoit également des indications médicales strictes et des critères d'inclusion (pour la mère porteuse et les parents demandeurs) pour autoriser la pratique de la gestation pour autrui. L'intervention d'intermédiaires, même non commerciaux, est interdite.

Le Royaume-Uni autorise la gestation pour autrui pour autant qu'elle ne soit pas commerciale (Surrogacy Arrangements Act, 1985). Les intermédiaires non commerciaux sont autorisés.

Les États-Unis réglementent la gestation pour autrui mais sur une base commerciale. Des entreprises marchandes se proposent comme intermédiaires entre parents demandeurs et mères porteuses.

D'autres pays comme la France, la Suisse ou l'Allemagne interdisent la gestation pour autrui.

Enfin, le Conseil de l'Europe a déposé le 3 mars 2003 une proposition de recommandation afin d'ouvrir le débat sur la réglementation de la gestation pour autrui et de mettre un terme à l'insécurité juridique dans laquelle l'enfant, la mère porteuse et les parents demandeurs se trouvent à l'heure actuelle.

En Belgique, on constate que la gestation pour autrui n'est pratiquée que par un nombre limité de centres et sous indications médicales strictes. Il s'agit principalement de l'absence d'utérus (congénitale ou par l'ablation de l'utérus, suite par exemple à un cancer du col de l'utérus) ou de l'impossibilité d'implantation d'un embryon (par exemple suite à des lésions graves de l'utérus).

Ces indications médicales sont élargies dans certains cas, par exemple pour des femmes pour lesquelles une grossesse présenterait un danger de vie important ou pour des femmes présentant, pour des raisons inconnues, un nombre inhabituel d'avortements spontanés.

Les demandes de gestation pour autrui pour des raisons de convenance (motifs esthétiques ou pratiques) ne sont pas acceptées.

Si les demandes de gestation pour autrui auprès de ces centres sont relativement rares (une cinquantaine de dossiers traités à l'Hôpital de la Citadelle à Liège depuis 1990 et une vingtaine de dossiers traités à l'Hôpital Saint-Pierre à Bruxelles depuis 8 ans), on ne dispose d'aucune donnée officielle concernant les demandes de gestation pour autrui qui échappent à la sphère médicale (insémination naturelle).

Dans la plupart des cas, les parents demandeurs cherchent eux-mêmes la mère porteuse, le plus souvent parmi des amies ou la famille; différentes procédures « visant à faire transiter » l'enfant de la mère porteuse vers le couple commanditaire existent:

— la mère porteuse va accoucher « sous X » au Luxembourg ou en France, le père « commanditaire » inscrit l'enfant à son nom et la mère commanditaire l'adopte;

— la mère porteuse accouche avec la carte d'identité de la mère commanditaire (c'est un crime au sens du Code pénal passible de la cour d'assises).

Selon le Comité de bioéthique (1) , « la pratique de la gestation pour autrui se déroule [en Belgique] apparemment de manière totalement non commerciale », sur la base d'une convention qui reste juridiquement sans valeur.

En effet, toute convention portant sur la gestation pour autrui est nulle en vertu de l'article 6 (« On ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes mœurs. ») et de l'article 1128 du Code civil (« Il n'y a que les choses dans le commerce qui puissent être l'objet des conventions. »).

Les principes suivants sont ainsi d'application: le principe de l'indisponibilité du corps humain qui interdit que le corps fasse l'objet d'un contrat; le principe d'indisponibilité du statut des personnes, qui interdit que les individus interfèrent dans les règles qui fixent la filiation; le droit indisponible et inaliénable pour la mère qui porte et mettra au monde son enfant de déterminer son lien de filiation. À l'heure actuelle, un contrat de gestation pour autrui n'entraîne donc aucun droit. Le transfert de la filiation est ainsi réglé sur base des lois existantes sur la détermination de la parenté et sur l'adoption.

Le Comité de bioéthique constate cependant « une nette évolution dans le sens d'une disponibilité croissante du corps humain ». Il ajoute que « l'espace juridique permettant de disposer avec liberté de son propre corps et de prendre ses propres décisions dans le domaine du planning familial, de la contraception, de l'interruption volontaire de grossesse et de l'euthanasie » ne fait que croître. Il précise, enfin, « qu'une frontière claire reste tracée quant à l'indisponibilité à des fins commerciales: en effet, la disponibilité à des fins commerciales reste interdite. »

Des faits récents, relatés par la presse, montrent cependant qu'une pratique commerciale de la maternité pour autrui prend, dans notre pays, un certain essor.

Il apparaît donc nécessaire de légiférer en la matière afin d'éviter que cette pratique ne connaisse des dérives contraires aux principes généraux et à l'éthique.

À cet égard, les interdictions claires posées par le présent texte, à savoir l'interdiction de toute rémunération de la mère porteuse, l'interdiction de publicité ou encore d'intervention d'intermédiaires constituent, pour l'auteur, les garde-fous inhérents à la mise en œuvre d'une telle pratique. Il ne peut, en aucun cas, y être contrevenu sous peine de créer une exploitation socio-économique des mères porteuses, soit une commercialisation du corps humain qui ne peut être acceptée par notre société.

Le Comité de bioéthique souligne à juste titre qu'à la base « des conventions entre parents demandeurs et mères porteuses ne se trouve pas seulement un désir d'adoption. Les demandeurs veulent adopter un enfant qui soit le leur, ce qui signifie qu'ils souhaitent avoir un lien génétique avec cet enfant. Dans les cas où l'intervention d'un médecin est nécessaire pour réaliser ce désir, la gestation pour autrui entre dans le champ de l'aide médicale à la procréation ».

C'est pourquoi la présente proposition conditionne la maternité pour autrui à l'existence d'un lien génétique entre au moins l'un des parents commanditaires et l'enfant à naître. À défaut de ce lien, l'adoption constitue l'alternative habituelle à toute situation de ce type.

Cette condition impérative posée par la proposition entend ainsi régler bon nombre des problèmes qui peuvent naître de cette pratique particulière, dès lors qu'un lien génétique permet d'établir par toutes voies de droit la filiation et ses conséquences dans le chef d'au moins un des parents commanditaires, ceci évitant notamment qu'au terme de la grossesse, plus aucune des parties concernées ne veuille assurer la charge de l'enfant né ou que la mère porteuse fasse fi de l'existence des parents commanditaires.

Le deuxième principe défendu par la proposition vise à interdire tout consentement à adoption préalable à la naissance de l'enfant.

La décision de consentir à l'adoption de l'enfant né doit respecter le principe de l'adoption prévu à l'article 348-4 du Code civil, à savoir qu'un délai de deux mois doit être écoulé avant que la mère porteuse ne puisse consentir à adoption; concrètement, elle peut donc décider de ne pas consentir à l'adoption.

Cette optique peut poser problème dans la mesure où la mère porteuse est gestatrix, c'est-à-dire qu'elle a été fécondée par un embryon conçu à partir des gamètes des parents commanditaires et qu'elle ne présente aucun lien biologique avec l'enfant né: la mère biologique de l'enfant se verra alors contrainte d'entamer une contestation de maternité, telle que prévue à l'article 312, § 2, du Code civil. On ne voit cependant pas sur quelle base il serait possible de contraindre préalablement une femme à consentir à l'adoption de l'enfant qu'elle a porté et fait naître.

Enfin, en considérant, à l'instar du Comité de bioéthique, que la maternité pour autrui entre dans le champ de la procréation médicalement assistée, le texte de la présente proposition tend à s'aligner sur le texte de la loi du 6 juillet 2007 relative à la procréation médicalement assistée et à la destination des embryons surnuméraires et des gamètes (« loi PMA »).

La proposition prévoit ainsi:

1º) qu'une personne seule peut recourir à la maternité pour autrui;

2º) que la maternité pour autrui ne peut avoir lieu que sur avis motivé d'un gynécologue (soit en cas d'incapacité physiologique à porter la grossesse dans le chef du ou des parents commanditaires, soit si la grossesse pourrait faire courir un risque disproportionné à la mère ou à l'enfant à naître);

3º) qu'elle doit en outre être mise en œuvre sous l'égide d'un centre de fécondation, tel que défini par la loi PMA précitée;

4º) que, conformément à la loi PMA, ces centres doivent remplir le même type d'obligations en matière d'information loyale préalable à l'égard des parties concernées et disposent des mêmes droits, notamment en matière de clause de conscience leur permettant de refuser une demande alors même que les conditions légales pour y donner suite sont réunies; il faut noter que l'intervention de ces centres est préférable à celles d'organismes d'adoption, d'une part parce qu'il ne peut être question d'adoption préalable à l'accouchement, en sorte que l'intervention de ces derniers ne se justifie pas avant ce moment et d'autre part, parce que ces centres de fécondation sont à même d'offrir un suivi psychologique aux personnes concernées et à leur famille;

5º) que, comme dans le cadre d'une procréation médicalement assistée, une convention est signée entre le ou les parents commanditaires, la mère porteuse et, éventuellement, le mari de cette dernière, fixant les obligations de chacune des parties au cours du processus, sans que cette convention puisse contenir un consentement préalable de la mère porteuse à l'adoption de l'enfant à naître.

Le texte prévoit également des conditions propres aux mères porteuses et au(x) parent(s) commanditaire(s) qui rappellent à certains égards les conditions de la loi de 2007, en matière d'âge principalement.

Enfin, la proposition aborde la question de la présomption de paternité du mari de la mère porteuse.

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 2

Cet article définit les différents concepts de la proposition.

La maternité pour autrui est ici considérée comme une technique de procréation médicalement assistée et non comme un contrat ou un accord.

La mère porteuse peut être « gestatrix » ou « génitrix ». Le choix fait par l'auteur est d'inclure, dans les définitions qu'il en donne, la notion de lien biologique entre au moins l'un des parents commanditaires et l'enfant à naître.

Ainsi, dans le cas d'une mère « gestatrix », la mère porteuse accepte de se faire implanter un embryon conçu au départ des gamètes des parents ou d'un parent commanditaire et d'un/une donneur/donneuse de gamètes. Autrement dit, la mère porteuse ne présente ici aucun lien biologique avec l'embryon qu'elle porte, alors qu'au moins un des parents commanditaires est parent biologique de l'enfant à naître.

Dans le cas d'une mère « génitrix », la mère porteuse est la mère biologique de l'enfant à naître conçu au départ d'un de ses ovocytes et des gamètes du père commanditaire — qui est lui-même le père biologique de l'enfant —, et ce, que l'insémination ait été artificielle ou naturelle.

Le texte de la proposition souligne que la maternité pour autrui est ouverte à un ou des parents commanditaires et ce, conformément à la loi PMA, qui vise l'auteur du projet parental (article 2, f)), soit toute personne ayant pris la décision de devenir parent par le biais d'une procréation médicalement assistée.

Enfin, le texte de la proposition se réfère explicitement aux centres de fécondation tels que définis par la loi PMA (article 2, g)), soit les programmes de soins de médecine reproductive au sens de l'arrêté royal du 15 février 1999 fixant les normes auxquelles les programmes de soins « médecine de la reproduction » doivent répondre pour être agréés.

Comme indiqué dans les développements, l'auteur considère que la maternité pour autrui entre dans le champ de la procréation médicalement assistée dès lors qu'elle répond à un problème d'ordre médical.

Partant, il convient de rester cohérent et de confier le suivi de cette pratique aux centres, dont la compétence est déjà réservée via la loi PMA. Comme souligné également, la procréation médicalement assistée constitue une démarche difficile requérant un soutien d'ordre psychologique particulier. Ce soutien est déjà garanti par les centres de fécondation au terme de la loi PMA (article 6 de la loi: « [...] le centre de fécondation consulté doit obligatoirement: [...], 2º fournir aux parties intéressées un accompagnement psychologique avant et au cours du processus de procréation médicalement assistée »).

Enfin, l'auteur considère, contrairement à d'autres, que l'intervention des organismes d'adoption ne se justifie pas dans le cadre de cette pratique, dès lors que les faire intervenir de prime abord dans le processus serait comme une reconnaissance, dès le départ, de l'obligation faite à la mère porteuse de consentir à l'adoption. Pour l'auteur, la mère porteuse reste libre de consentir — ou non — à l'adoption de l'enfant, une fois qu'il est né et seulement à ce moment là.

Article 3

Pour l'auteur, il ne saurait être question de contraindre contractuellement la mère porteuse à consentir préalablement à l'adoption de l'enfant qu'elle porte, en sorte que le texte pose une interdiction de principe au consentement à l'adoption de l'enfant à naître préalable au délai légal fixé pour ce consentement.

Si ce principe semble évident dans le cadre d'une maternité pour autrui « génitrix » (la mère porteuse est la mère biologique de l'enfant), il peut sembler plus complexe dans le cas d'une maternité « gestatrix » (la mère porteuse ne présente aucun lien biologique avec l'enfant).

L'auteur considère, à l'instar d'une procréation médicalement assistée au départ d'ovocytes qui ne sont pas propres à l'auteur du projet parental, que le lien qui se développe entre la mère porteuse et l'enfant peut être sujet à discussion. Dans cette hypothèse, si la mère commanditaire conteste le refus de consentir à adoption de la mère porteuse, il lui est loisible d'entamer une contestation de maternité sur base de l'article 312 du Code civil, lequel prévoit:

« § 1er. L'enfant a pour mère la personne qui est désignée comme telle dans l'acte de naissance.

§ 2. À moins que l'enfant n'ait la possession d'état à l'égard de la mère, la filiation maternelle ainsi établie peut être contestée par toutes voies de droit, dans l'année de la découverte du caractère mensonger de la filiation maternelle, par le père, l'enfant, la femme à l'égard de laquelle la filiation est établie et par la personne qui revendique la maternité de l'enfant ».

Articles 4, 5 et 6

Ces articles posent un système d'interdiction de rémunération de la mère porteuse, de publicité pour la maternité pour autrui et d'intervention d'intermédiaires autres que les centres de fécondation, ainsi que les sanctions pénales y afférentes.

Articles 7 à 11

Ces articles posent les conditions de légalité de la maternité pour autrui.

a) Une indication médicale motivée par écrit par un gynécologue (article 7).

Le texte prévoit deux hypothèses dans lesquelles une indication médicale peut ouvrir la voie à une maternité pour autrui.

Il s'agit:

1º du cas où il existe une incapacité physiologique à porter la grossesse dans le chef du ou des parents commanditaires, étant entendu que cette hypothèse couvre la situation d'un couple homosexuel masculin;

2º du cas où une grossesse ferait encourir un risque disproportionné à la femme et à l'enfant à naître, ou à l'un d'eux seulement. Ce risque doit être disproportionné par rapport au risque habituel auquel s'exposerait une femme enceinte dans la tranche d'âge de la femme commanditaire.

b) La nécessité d'un lien biologique entre au moins un des parents commanditaires et l'enfant à naître (article 8).

La nécessité de cette condition et sa justification ont été explicitées supra.

c) Les conditions pour être mère porteuse (article 9).

Le texte de la proposition impose que la mère porteuse soit majeure et entend limiter à 36 ans l'âge auquel elle peut agir comme telle. Cette restriction se fonde essentiellement sur deux arguments:

— d'une part, la volonté de l'auteur de limiter les facteurs de risque d'une grossesse effectuée dans le cadre d'une maternité pour autrui, dans la mesure où les grossesses tardives s'avèrent souvent dangereuses, tant pour la santé de la mère porteuse que pour celle de l'enfant à naître;

— d'autre part, sur un facteur psychologique qui repose sur l'idée qu'il est sans doute plus simple pour une mère porteuse de consentir à l'adoption si elle sait qu'elle aura encore l'opportunité de faire un enfant après la maternité pour autrui.

L'auteur fait également le choix de considérer que la mère porteuse doit avoir déjà mis au monde un enfant né vivant et toujours en vie.

Outre l'aspect émotionnel qui est lié à la naissance d'un premier enfant, l'objectif poursuivi par cette condition est de s'assurer que la mère porteuse puisse plus facilement percevoir toutes les dimensions du projet dans lequel elle s'engage. D'aucuns soulignent que cette condition peut avoir un impact sur le ou les enfants de la mère porteuse, lesquels peuvent souffrir de ce processus. C'est une raison supplémentaire pour laquelle l'auteur considère comme fondamental l'accompagnement psychologique que le centre de fécondation doit garantir à la mère porteuse et à sa famille, en sorte que le ou les enfants en question puissent être préparés à cette situation particulière.

La mère porteuse doit enfin présenter un bilan de santé excluant tout risque disproportionné lors de la grossesse, tant pour elle-même que pour l'enfant à naître.

Cette condition paraît évidente et rejoint l'obligation qui est faite aux donneurs d'embryons surnuméraires ou de gamètes, au travers de la loi PMA, de se soumettre à tout examen et de fournir toutes les informations médicales nécessaires à la mise en œuvre de la loi, afin de permettre au centre de fécondation de s'assurer du respect de la sécurité sanitaire des embryons donnés (articles 30 et 59).

Enfin, le caractère disproportionné du risque rejoint la même notion que celle visée à l'article 7 du présent texte.

d) Les conditions pour être parent commanditaire (article 10).

Outre les conditions médicales posées à l'article 7, le ou les parents commanditaires doivent être majeurs et âgés de 47 ans maximum. Cette dernière limitation est fixée conformément à la loi PMA qui fixe à 47 ans l'âge limite auquel il peut être procédé à une implantation d'embryons ou à une insémination de gamètes.

Enfin, l'auteur considère que le ou les parents commanditaires doivent être domiciliés en Belgique et ce, depuis au moins deux ans. Cette condition vise à éviter une forme de « shopping » sur le territoire belge et à garantir que la procédure de maternité pour autrui s'effectuera sous l'égide d'un centre de fécondation.

e) L'obligation de procéder sous l'égide d'un centre de fécondation (article 11).

Conformément à toute méthode de procréation médicalement assistée, la maternité pour autrui doit être suivie par un centre, tant sur le plan technique que psychologique.

Le texte prévoit un système de sanctions pénales identique à celui prévu par la loi PMA en cas d'infraction à cette règle (cf. article 73 de la loi PMA).

Articles 12 à 17

Ces articles développent la procédure à suivre dans le cas d'une maternité pour autrui, laquelle suit le canevas de la procédure prévue pour toute procédure de procréation médicalement assistée, telle qu'énoncée par la loi PMA.

a) La demande (articles 12 et 13).

Le texte prévoit que la demande d'encadrement pour une maternité pour autrui est introduite par lettre recommandée adressée conjointement par le ou les parents commanditaires et la mère porteuse au centre de fécondation. Le caractère formel de cette condition s'explique par l'application de l'article 7 du présent texte: il ne peut y avoir demande de maternité pour autrui que s'il existe une indication médicale pour ce faire, dûment motivée par un gynécologue. Cet avis doit donc être transmis de manière officielle au centre.

Les parties concernées doivent donc adresser leur demande au centre de fécondation de leur choix, accompagnée de cette attestation et des différentes pièces prouvant que les conditions énoncées aux articles 9 et 10 du présent texte sont remplies. Cette démarche constitue la première condition de recevabilité de leur demande.

Comme dans le cadre de la PMA, dans le mois de la demande, le centre de fécondation consulté est contraint de répondre aux parties concernées par courrier recommandé, lequel indique:

— l'acceptation du centre d'encadrer la maternité pour autrui;

— le refus du centre parce que les conditions prescrites par la loi ne sont pas rencontrées;

— le refus du centre pour des conditions médicales;

— le refus du centre d'encadrer la maternité pour autrui au nom de la clause de conscience prévue par le texte; dans cette dernière hypothèse, et comme dans l'article 5 de la loi PMA, dans le cas où les parties concernées en ont exprimé le souhait, le centre consulté renseigne les coordonnées d'un autre centre de fécondation auquel ils peuvent s'adresser.

b) L'information préalable (article 14).

Ici encore, le parallèle doit être fait avec la loi PMA: on parle d'information loyale au sens de la loi de 2007, c'est-à-dire qu'elle doit être « suffisamment significative que pour permettre aux parties concernées de donner — ou de refuser — leur consentement de manière libre et éclairée. L'information transmise doit donc éclairer les parties intéressées sur les différents aspects médicaux, psychologiques et juridiques de la démarche qu'ils comptent entamer ».

Ce même article 14 rappelle l'obligation faite aux centres de fécondation de garantir un accompagnement psychologique tout au long du processus de la maternité pour autrui. Compte tenu de la spécificité de la pratique, le présent texte étend cette obligation à la famille proche des personnes concernées (époux/épouse, cohabitant/cohabitante et enfants du ou des parents commanditaires et de la mère porteuse).

c) La convention (article 15).

À l'instar, une fois encore, de la loi PMA, la maternité de substitution suppose la conclusion d'une convention qui lie les différentes parties à l'opération.

Cette convention indique bien entendu l'ensemble des coordonnées des personnes concernées et du centre de fécondation, mais désigne également, dans l'hypothèse où la mère porteuse consentirait à adoption, conformément aux règles de l'article 348-4 du Code civil, la personne qui peut prioritairement adopter l'enfant.

Enfin, si la mère porteuse est mariée, le texte de la proposition prévoit que la signature de cette convention par le mari lève la présomption de paternité créée par l'article 315 du Code civil (voir l'article 18 de la proposition).

D'un point de vue des obligations, la convention acte l'engagement des parties concernées de recourir à une maternité pour autrui au sens du présent texte.

La convention rappelle dans un premier temps l'interdiction posée par l'article 4 (interdiction de rémunération de la mère porteuse), la raison médicale (article 7) pour laquelle il est fait usage de la maternité pour autrui, la technique qui sera utilisée et le lien biologique liant l'enfant à naître au ou aux parents commanditaires (article 8).

La convention prévoit également différents points qui doivent être impérativement réglés préalablement à toute démarche liée à la maternité pour autrui:

— l'attitude des parties sur les questions médicales (interruption de grossesse, DPI, ...);

— l'engagement des parties à respecter le processus médical et le suivi psychologique;

— le renoncement de la mère porteuse à réclamer toute somme pour elle-même, cette précision excluant bien entendu toute démarche que la mère porteuse pourrait entamer en faveur de l'enfant dans l'hypothèse où elle déciderait de ne pas consentir à l'adoption;

— l'engagement du ou des parents commanditaires de supporter tous les frais médicaux (en ce compris les frais non remboursés), juridiques et administratifs inhérents à la grossesse, à l'accouchement et à l'adoption éventuelle, ainsi que la conclusion d'une assurance en faveur de ou des personnes désignées par la mère porteuse en cas de décès ou d'invalidité permanente du fait de la grossesse ou de l'accouchement;

— la renonciation du ou des parents commanditaires de réclamer les sommes payées en application des points précédents dans le cas où la mère porteuse refuserait de consentir à adoption, cette dernière obligation visant à éviter que la mère porteuse ne soit contrainte de consentir à adoption pour des raisons strictement financières.

d) Compétence (article 17).

La proposition fixe la compétence matérielle et territoriale du tribunal de première instance pour l'application de cette loi.

Article 18

L'article 18 prévoit une disposition modificative du Code civil.

Il s'agit du cas où la mère porteuse est mariée: en application de l'article 315 du Code civil, le mari est donc considéré comme le père. Pour éviter des procédures inutiles en contestation de paternité, le texte de la proposition prévoit de créer un article 315bis, qui fait tomber la présomption de paternité née du mariage dès lors que le mari signe la convention visée à l'article 15 du présent texte.

Philippe MAHOUX.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

Pour l'application de la présente loi, on entend par:

1º « maternité pour autrui »: technique de procréation faisant appel à l'intervention d'une mère porteuse, au sens de la présente loi;

2º « mère porteuse »: soit:

a. « la mère porteuse (gestatrix) »: la femme qui accepte de se faire implanter un embryon in vitro, conçu à partir des gamètes des parents commanditaires ou d'un parent commanditaire et d'un donneur ou d'une donneuse de gamètes, de le porter jusqu'au terme de la grossesse, avec l'intention de consentir ensuite à l'adoption, par le ou les parents commanditaires, de l'enfant ainsi né, et ce, conformément aux conditions posées par l'article 348-4 du Code civil;

b. « la mère de substitution (génitrix) »: la femme qui accepte d'être inséminée naturellement ou artificiellement par les gamètes du père commanditaire, de porter l'embryon conçu jusqu'au terme de la grossesse, avec l'intention de consentir ensuite à l'adoption, de l'enfant ainsi né, et ce, conformément aux conditions posées par l'article 348-4 du Code civil;

3º « parent commanditaire »: toute personne ayant pris la décision de devenir parent par le biais d'une maternité pour autrui;

4º « centres de fécondation »: les programmes de soins de médecine reproductive au sens de l'arrêté royal du 15 février 1999 fixant les normes auxquelles les programmes de soins « médecine de la reproduction » doivent répondre pour être agréées.

Art. 3

Toute convention ayant pour objet d'engager, de quelque manière que ce soit, une femme à consentir à l'adoption de l'enfant qu'elle a porté dans le cadre d'une maternité pour autrui préalablement au délai fixé par l'article 348-4 du Code civil, est nulle et contraire à l'ordre public.

Art. 4

Il est interdit de rétribuer une femme, sous quelque forme que ce soit, afin qu'elle réalise une maternité pour autrui.

Sera puni d'un emprisonnement de cinq ans à dix ans et d'une amende de 500 euros à 25 000 euros, quiconque aura incité une femme à réaliser une maternité pour autrui et à consentir à l'adoption de l'enfant né ou à naître, soit dans un but lucratif, soit par don, promesse, menace ou abus d'autorité.

Art. 5

Il est interdit de faire de la publicité pour la maternité pour autrui, d'en vanter les mérites ou de la promouvoir publiquement, par quelque moyen que ce soit.

Toute infraction à l'alinéa 1er du présent article sera punie d'un emprisonnement de un an à cinq ans et d'une amende de 500 euros à 10 000 euros.

Art. 6

Sous réserve de l'intervention des centres de fécondation, tels que définis à l'article 2, 4º, de la présente loi, il est interdit de servir d'intermédiaire ou de faire appel à un intermédiaire, sous quelque forme que ce soit et dans quelques conditions que ce soit, en vue de négocier ou de conclure une convention, telle que visée à l'article 3 de la présente loi.

Toute infraction à l'alinéa 1er du présent article sera punie d'un emprisonnement de trois ans à cinq ans et d'une amende de 500 euros à 20 000 euros.

Art. 7

La maternité pour autrui, telle que définie à l'article 2, 1º, de la présente loi, ne peut être réalisée que dans les hypothèses suivantes:

1º si un médecin gynécologue constate par un écrit motivé, daté et signé qu'il existe une incapacité physiologique à porter la grossesse dans le chef du ou des parents commanditaires;

2º si un médecin gynécologue constate par un écrit motivé, daté et signé qu'une grossesse ferait encourir un risque disproportionné à la femme et à l'enfant à naître, ou à l'un d'eux seulement. Ce risque doit être disproportionné par rapport au risque habituel auquel s'exposerait une femme enceinte dans la tranche d'âge de la femme commanditaire.

Art. 8

Le recours à une maternité pour autrui ne sera cependant autorisé que si l'enfant à naître présente un lien de filiation biologique avec au moins l'un des parents commanditaires.

Art. 9

Pour pouvoir être mère porteuse au sens de la présente loi, il faut impérativement:

1º être une femme majeure, âgée de 36 ans maximum;

2º avoir mis au monde au moins un enfant né vivant et toujours en vie;

3º présenter un bilan de santé excluant tout risque disproportionné lors de la grossesse, tant pour elle-même que pour l'enfant à naître.

Art. 10

Pour pouvoir être parent commanditaire au sens de la présente loi, il faut impérativement:

1º être majeur et âgé de 47 ans maximum;

2º être domicilié en Belgique depuis au moins deux ans.

Art. 11

La maternité pour autrui doit nécessairement être réalisée sous l'égide d'un centre de fécondation, tel que défini à l'article 2, 4º, de la présente loi.

Sera puni d'un emprisonnement de un an à cinq ans et d'une interdiction d'exercer toute activité médicale ou de recherche pendant cinq ans, ou de l'une de ces peines seulement, celui qui, médecin ou non, procède, par un moyen quelconque, à une insémination artificielle ou à un transfert d'embryon humain chez une femme, alors même qu'il a ou aurait dû avoir connaissance de l'intention de cette femme de réaliser une maternité pour autrui en dehors du cadre fixé par l'alinéa 1er du présent article.

Art. 12

La demande d'encadrement de maternité pour autrui doit être introduite conjointement par le ou les parents commanditaires et la mère porteuse auprès du centre de fécondation de leur choix.

Cette demande est formulée par lettre recommandée et comprend:

1º le document rédigé par le médecin gynécologue, visé à l'article 7 de la présente loi;

2º les coordonnées de la mère porteuse et du ou des parents commanditaires, ainsi que toutes les pièces attestant du respect des conditions qui leur sont imposées par les articles 9 et 10 de la présente loi.

Art. 13

§ 1er. Dans le mois de la réception de la lettre visée à l'article 12, après vérification du respect des conditions prescrites, et sous réserve de toute information complémentaire qu'il estimerait nécessaire d'obtenir pour l'examen de la demande, le centre de fécondation fait part aux parties intéressées de sa décision de donner ou non suite à la demande.

§ 2. Si les conditions prescrites par la présente loi ne sont pas respectées, le centre de fécondation doit refuser d'office de donner suite à la demande de maternité pour autrui.

§ 3. Les centres de fécondation ont la liberté d'invoquer une clause de conscience à l'égard des demandes de maternité pour autrui qui leur sont adressées.

§ 4. La décision du centre de fécondation est communiquée par lettre recommandée aux parties intéressées et indique obligatoirement:

1º soit l'acceptation du centre de fécondation d'encadrer la maternité pour autrui;

2º soit le refus du centre de fécondation d'encadrer la maternité pour autrui et ce, en raison du manque de respect des conditions prescrites par la loi;

3º soit le refus du centre de fécondation d'encadrer la maternité pour autrui pour des raisons médicales;

4º soit le refus du centre de fécondation d'encadrer la maternité pour autrui au nom de la clause de conscience prévue au § 3 du présent article; dans le cas où les parties concernées en ont exprimé le souhait, le centre consulté renseigne les coordonnées d'un autre centre de fécondation auquel ils peuvent s'adresser.

Art. 14

Dans l'hypothèse où le centre de fécondation a accepté d'encadrer la maternité pour autrui, elle doit alors, préalablement à toute autre démarche, fournir une information loyale à toutes les personnes concernées, en ce compris l'éventuel mari de la mère porteuse, s'il la sollicite.

Lors de cette phase d'information, le centre de fécondation offre aux personnes concernées et à leurs familles un accompagnement psychologique et ce, tout au long du processus de maternité pour autrui.

Art. 15

§ 1er. Préalablement à toute maternité pour autrui, telle que définie à l'article 2, 1º, de la présente loi, le ou les parents commanditaires, la mère porteuse et le centre de fécondation établissent une convention.

§ 2. La convention mentionne impérativement:

1º les coordonnées et renseignements relatifs à la mère porteuse, ces informations devant être conformes à l'article 9 de la présente loi;

2º les coordonnées du ou des parents commanditaires, ces informations devant être conformes à l'article 10 de la présente loi;

3º si la mère porteuse est mariée, les nom, prénom, date de naissance et domicile de son mari;

4º les coordonnées du centre de fécondation consulté;

5º la désignation précise du parent adoptant en cas de consentement ultérieur de la mère porteuse à l'adoption de l'enfant né, conformément à l'article 348.4 du Code civil.

§ 3. Si la mère porteuse est mariée, son mari est invité, par lettre recommandée, à signer la convention visée au § 1er, étant entendu que seule cette signature donne lieu à l'application de l'article 315bis du Code civil.

§ 4. La convention est rédigée en autant d'exemplaires que de parties signataires.

Art. 16

§ 1er. La convention acte l'engagement pris par le ou les parents commanditaires et la mère porteuse de procéder à une maternité pour autrui, telle que définie à l'article 2, 1º, de la présente loi.

§ 2. La convention mentionne impérativement:

1º l'article 4 de la présente loi;

2º la raison pour laquelle il est fait appel à cette méthode, conformément à l'une des hypothèses visées à l'article 7;

3º la technique de maternité pour autrui qui sera utilisée;

4º le lien biologique liant l'enfant à naître au ou aux parents commanditaires, conformément à l'article 8;

§ 3. Sous réserve de toute autre mention conforme à l'ordre public que les parties estimeraient utiles, la convention mentionne en toute hypothèse:

1º l'accord intervenu entre la mère porteuse et le ou les parents commanditaires sur l'opportunité de réaliser un diagnostic anténatal, sur l'attitude des parties en cas d'indication médicale d'interruption de grossesse et sur l'indication médicale de césarienne;

2º l'engagement des parties concernées de respecter la procédure de suivi médical et psychologique définie par le centre de fécondation et l'engagement pris par ce dernier d'assurer ledit suivi;

3º la déclaration expresse faite par la mère porteuse de renoncer à toute demande d'ordre financier auprès du ou des parents commanditaires pour elle-même, autre que celle relative aux frais exposés en cours de grossesse ou pour l'accouchement, telle que prévue au 4º du présent article;

4º l'engagement pris par le ou les parents commanditaires de supporter:

a) tous les frais médicaux généralement quelconques, consécutifs à la fécondation de la mère porteuse, à la grossesse, à l'accouchement et à toutes leurs conséquences médicales, en ce compris les frais médicaux non remboursés;

b) tous les frais juridiques et administratifs liés à la grossesse, l'accouchement et l'adoption éventuelle de l'enfant né;

c) tous les frais relatifs à la conclusion d'une assurance dont la mère porteuse désigne le ou les bénéficiaires, couvrant son décès ou l'invalidité permanente dont elle souffrirait du fait d'accident, de complication médicale ou de maladie liés à la grossesse ou à l'accouchement;

5º la renonciation du ou des parents commanditaires d'entamer une action en récupération des sommes payées en application du point précédent si la mère porteuse refusait ultérieurement de consentir à l'adoption.

§ 4. Sont impérativement annexées à la convention les pièces suivantes:

1º l'attestation écrite du médecin gynécologue, visée à l'article 7 de la présente loi;

2º le bilan médical de la mère porteuse, tel qu'indiqué à l'article 9 de la présente loi, daté et signé par un médecin, et ne pouvant être antérieur de plus de trois mois à la signature de la convention;

3º Un exemplaire de la convention d'assurance visé au point 4º, c), du présent article.

Art. 17

L'article 569 du Code judiciaire est complété comme suit:

« 35º des demandes introduites en vertu de la loi du ... relative à la maternité pour autrui; »

Art. 18

Un article 315bis, rédigé comme suit est inséré dans le Code civil:

« Art. 315bis. — La présomption créée à l'article 315 du Code civil n'est pas d'application lorsque le mari de la mère porteuse a signé la convention de maternité pour autrui stipulée à l'article 15 de la loi du (...) relative à la maternité pour autrui. ».

20 février 2008.

Philippe MAHOUX.

(1) Avis no 30 du 5 juillet 2004 relatif à la gestation pour autrui.