4-16

4-16

Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 14 FÉVRIER 2008 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Question orale de M. Jacques Brotchi à la ministre des Affaires sociales et de la Santé publique sur «le manque de médecins» (nº 4-132)

M. Jacques Brotchi (MR). - Dans La Libre Belgique du 25 janvier, la ministre-présidente de la Communauté française, Marie Arena, expliquait la nécessité de supprimer le numerus clausus. Dans La Dernière Heure du 30 janvier, vous-même estimiez qu'il fallait garder ce système, tandis que l'ancien ministre de la Santé publique, M. Rudy Demotte, dit aujourd'hui regretter « de ne pas avoir pu réformer le système ». Trois ministres socialistes qui s'expriment sur un même thème de manière opposée : j'en perds mon latin !

Pourriez-vous nous expliquer ces divergences de vues dans ce dossier qui, plus que tout autre, nécessite une concertation entre les politiques communautaires et fédérales ?

Ma collègue Mme Bertieaux a en substance posé la même question à Mme Arena hier à la Communauté française mais n'a pas obtenu de réponse claire de sa part.

Je voudrais également vous demander si vous avez reçu le courrier qui vous a été adressé par la Communauté française et qui concerne les étudiants surnuméraires, la fixation de quotas fédéraux pour les années 2014 et 2015, et qui reprend ma demande d'un cadastre actualisé et réaliste des médecins qui exercent réellement une activité.

Avez-vous l'intention d'y répondre et, dans l'affirmative, quelle est votre position en la matière ? Est-elle définitive et, surtout, sera-t-elle relayée par votre parti à tous les niveaux de pouvoir ?

Mme Laurette Onkelinx, ministre des Affaires sociales et de la Santé publique. - Nous n'avons pas encore reçu le courrier de la Communauté française auquel M. Brotchi a fait allusion.

Cette question est suffisamment importante en termes de santé publique pour dépasser le petit jeu politique qui consiste à relever les contradictions entre les uns et les autres.

Il est essentiel de rappeler que le contingentement n'est qu'une des facettes de la planification médicale. Quand on a compris cela, on admet aisément qu'il n'y a pas nécessairement de contradiction entre les propos des uns et des autres. La planification comprend l'étude approfondie de l'offre et de la demande de soins de santé et tente de prévoir à court et moyen termes les réels besoins à satisfaire pour maintenir la qualité de notre médecine.

Si la planification médicale vient de fêter ses dix ans, le contingentement, lui, n'est appliqué à la fin des études de médecine que depuis trois ans. La récente étude du KCE apporte certaines réponses à nos interrogations et complète de nombreuses autres études analysées régulièrement depuis dix ans par la commission de planification.

Il sera essentiel de confronter ces études avec le cadastre des médecins qui est actuellement en cours d'élaboration. Les données enregistrées par la Santé publique seront confrontées avec celles de l'INAMI permettant de mieux cerner la réalité sur le terrain. Ce cadastre devrait être prêt pour la fin de cette année.

Il faudra également intégrer dans notre réflexion des données telles que la féminisation de la profession et le vieillissement de la population.

Les quotas ont été régulièrement rehaussés - ce qui montre bien qu'il faut toujours adapter la planification - passant de 757 en 2008 à 975 en 2013. Le chiffre de 1.025 pour 2014 est actuellement proposé par la commission de planification, qui nous fera également des propositions pour 2015 et 2016.

Il faut également rappeler que 1.100 étudiants hors quota seront diplômés dans les six prochaines années. Une solution leur permettant d'obtenir également un numéro INAMI est à l'étude, en concertation avec les deux communautés.

Compte tenu des données actuelles, la commission de planification, composée de représentants des universités, des syndicats médicaux, des mutuelles et d'experts nommés par le ministre n'a pas, jusqu'à présent, proposé de supprimer le contingentement.

La planification médicale est essentielle pour répondre correctement aux besoins de notre système de santé. Elle doit aussi mettre en évidence les besoins par spécialité et assurer une répartition géographique aussi homogène que possible. Ainsi, à la suite de différentes analyses de la commission, des mesures ont été prises pour revaloriser la médecine générale ou, encore, pour favoriser l'installation dans les zones à faible densité médicale au moyen du système Impulseo.

Il faudra donc intégrer dans les prochains mois les solutions concernant les étudiants excédentaires, les données du cadastre, les différentes études sur la planification, y compris celle du KCE, et les besoins spécifiques constatés sur le terrain afin d'assurer une planification optimale. Ce n'est finalement que sur la base de ces différents éléments qu'une décision pourra être prise, dans le cadre de la planification, concernant le système de contingentement.

Je crois en la planification. Tous les professionnels de la santé s'accordent pour dire que ce système de planification est nécessaire. Il est trop tôt pour voir concrètement les éléments de la planification, notamment le contingentement. Il faut attendre ce cadastre mais aussi le résultat de toutes les analyses actuellement en cours.

M. Jacques Brotchi (MR). - Je vous remercie, madame la ministre, de prendre ce sujet à bras-le-corps. Contingentement et planification ne peuvent être dissociés puisque l'un et l'autre ont une influence sur la situation.

Je me permets d'insister sur la nécessité de disposer le plus rapidement possible de ce cadastre, faute de quoi nous entendrons encore des discours qui, d'une part, affirmeront qu'il y a pléthore et, d'autre part, qu'il y a pénurie. Il est évident qu'il faut tenir compte de la féminisation de la profession et du vieillissement de la population, mais aussi des changements d'habitudes des médecins. Aujourd'hui, les jeunes médecins, y compris les médecins masculins, veulent avoir une vie de famille et ne sont plus disposés à mener la vie que nous avons connue à l'époque des médecins généralistes corvéables jour et nuit, tous les jours de la semaine. Ce cadastre est réellement indispensable pour nous permettre de discuter sur des bases solides.