Questions et Réponses

SÉNAT DE BELGIQUE


Bulletin 3-90

SESSION DE 2006-2007

Questions posées par les Sénateurs et réponses données par les Ministres (Art. 70 du règlement du Sénat)

(Fr.): Question posée en français - (N.): Question posée en néerlandais


Ministre des Affaires sociales et de la Santé publique

Question nº 3-6580 de M. Beke du 19 janvier 2007 (N.) :
Maisons de repos et de soins. — Utilisation des médicaments.

Fin décembre, le Centre fédéral d'expertise a publié son rapport concernant l'utilisation des médicaments dans les maisons de repos et les maisons de repos et de soins belges. L'objectif de cette étude était d'examiner la qualité de l'utilisation des médicaments et le comportement des prescripteurs dans les maisons de repos et de soins, ainsi que de vérifier l'influence éventuelle des caractéristiques organisationnelles des institutions. La qualité des médicaments utilisés par les personnes âgées dans les soins résidentiels, doit constituer une préoccupation importante pour la politique à mener, étant donné que ce segment de la population augmente et consomme beaucoup de médicaments.

Les dépenses totales pour les spécialités pharmaceutiques délivrées par les pharmacies locales pour les personnes âgées en soins résidentiels ont grimpé jusqu'à plus de 130 millions d'euros en 2004. 82 % ont été payés par l'assurance maladie et 18 % par les résidants eux-mêmes. Les antidépresseurs, les antipsychotiques et des antitrombotiques coûtent le plus à l'assurance maladie.

Une série de constatations frappantes sont formulées dans cette étude. La qualité du système de gestion des médicaments est influencée par l'emplacement de l'institution, les activités de la pharmacie locale et surtout par la qualité du personnel infirmier. La consommation des médicaments était plus faible chez les personnes très âgées, chez les personnes souffrant de démence ainsi que chez les personnes en phase terminale de soins palliatifs. Au niveau de l'institution, la quantité des médicaments utilisés était dans une large mesure influencée par la contribution de la pharmacie locale. La consommation était la plus faible dans les grandes maisons de repos et de soins relevant du CPAS. Les caractéristiques institutionnelles ont une influence importante sur les dépenses pour médicaments chroniques. Le pourcentage des médicaments bon marché a été influencé par l'emplacement de la maison de repos et de soins, l'utilisation d'un formulaire des médicaments, les activités du médecin coordinateur et du pharmacien local, ainsi que par l'existence d'un système de concurrence des prix pour la délivrance des médicaments. Bien que depuis 2004, il existe un formulaire (Formulaire MRS) pour aider les maisons de repos et de soins à adopter un comportement prescripteur rationnel, l'introduction de ce formulaire et son impact sur le choix des médicaments par les médecins visiteurs semblent limités.

Les maisons de repos et de soins dirigées par le service social de la commune (CPAS) disposent plus souvent d'un pharmacien hospitalier qui est responsable de l'approvisionnement de l'institution en médicaments, d'un médecin coordinateur qui traite un grand nombre de résidants au sein de l'institution et également d'un système de gestion des médicaments plus poussé. L'étude montre également que l'on utilise encore divers médicaments anciens ou des médicaments dont l'effectivité clinique et le rapport coût-effectivité doivent être remis en question.

Quelle est la réaction de l'honorable ministre face à ces constatations ?

Le Centre d'expertise formule également une série de recommandations pour la politique à mener.

Le Centre insiste ainsi sur le fait que des mesures doivent être prises afin d'améliorer l'implémentation du formulaire pour un comportement prescripteur rationnel et de renforcer l'impact dans les maisons de repos et de soins et dans les maisons de repos. À cet égard, un rôle important doit être attribué au médecin coordinateur.

En outre, d'après le Centre, des accords locaux entre les institutions, les médecins prescripteurs et les pharmaciens au sujet du choix concret des médicaments génériques peuvent en stimuler l'utilisation. Les possibilités de présentation unitaire des médicaments (emballés par patient individuel) devraient également être examinées.

Il est nécessaire de réorienter la formation traditionnelle des infirmières et des pharmaciens, en collaboration avec le médecin coordinateur, en fonction du nouveau rôle que ces professionnels exerceront dans les systèmes de gestion des médicaments dans les institutions de soins, en vue d'arriver à une meilleure qualité des soins pharmaceutiques dans les maisons de repos et de soins.

Outre le système « fee-for-service » qui est utilisé pour payer le pharmacien local pour les médicaments délivrés, le Centre d'expertise propose également d'examiner d'autres systèmes de financement. Dans le but de combiner les incitants pour augmenter la qualité et maîtriser les coûts, ils proposent comme solutions de rechange la budgétisation case-mix et les prix de référence.

Enfin, le Centre d'expertise énumère aussi une série d'éléments concrets qui devraient encore être examinés plus avant.

L'honorable ministre suivra-t-il ces recommandations concrètes en matière de politique à suivre ? Quelles mesures prendra-t-il à cet effet ?

Réponse : J'ai l'honneur de donner la réponse suivante à la question de l'honorable membre.

Tous les recommandations auxquels vous faites référence dans votre question sont en effet importantes et seront prises en considération dans la politique future en matière promotion de l'usage rationnel et efficace de médicaments tant dans les maisons de repos et de soins que dans les maisons de repos pour les personnes âgées.

Naturellement, cela prendra du temps et de nombreuses concertations avec tous les acteurs concernés seront nécessaires avant de pouvoir les réaliser.

L'arrêté royal du 21 septembre 2004 fixant les normes pour la reconnaissance particulière des maisons de repos et de soins (MRS) décrit les tâches du médecin coordinateur et conseiller (MCC) en MRS. Pour ce qui est des médicaments une des tâches de ce médecin est au moins de rédiger et d'utiliser un formulaire thérapeutique. L'arrêté royal précise aussi que tous les médecins qui traitent un ou plusieurs résidents s'engagent à contribuer à la rédaction et à l'utilisation du formulaire thérapeutique.

Dans ce contexte, grâce au soutien financier de l'INAMI, différents partenaires du monde de la médecine générale ont pris l'initiative d'élaborer un formulaire national mis à la disposition des MRS depuis 2004. Ce formulaire est régulièrement mis à jour. Il est conçu pour être un outil de référence pour la prescription des médicaments chez les personnes âgées.

La pratique montre cependant que l'implémentation de ce formulaire est difficile et souvent il n'est pas vraiment employé. Une des pistes pour en inciter l'utilisation serait de l'informatiser en le liant dossier infirmier. Ceci devra bien entendu être discuté avec les médecins prescripteur en MRS_MRPA et ce sous la coordination du médecin-coordinateur et conseiller.

De l'étude mentionnée, il ressort que la présence du médecin coordinateur et conseiller liée à la MRS a une influence positive sur la qualité de la prescription des médicaments. Il est donc important de renforcer la position du MCC.

À ce propos, je souhaite faire référence à un document en cours de discussion au sein de l'INAMI. En effet, la commission de conventions entre les maisons de repos et les organismes assureurs a chargé un groupe de travail d'évaluer le rôle et les missions du médecin coordinateur en maisons de repos et de soins. Sur la base d'un grand nombre de réunions de consultations des différents acteurs concernés (médecins coordinateurs et conseillés, médecins généralistes, pouvoir de tutelle, personnel soignant des MRS, ...), des recommandations ont été mises sur papier en vue de clarifier les missions du médecin coordinateur et conseiller en MRS. De ces travaux, il apparaît que la mission du médecin coordinateur en matière de médication est difficile, certains médecins traitants se sentant menacé dans leur liberté thérapeutique. Il a donc été suggéré que la concertation entre le médecin coordinateur et les médecins traitants dans le but d'améliorer la qualité des soins, de rédiger et d'utiliser un formulaire pharmaceutique devrait avoir lieu à l'échelon de zones de manière à coordonner les habitudes des différents médecins traitants et en collaboration avec les responsables du formulaire MRS ainsi qu'avec les associations wallonne, bruxelloises et flamande de MCC, les sociétés scientifiques de médecine générale et les cercles de médecins généralistes.

Les pharmaciens qui délivrent les médicaments pour les MRS doivent aussi être concernés par le processus. Ce n'est que dans 10 % des cas qu'un pharmacien hospitalier est responsable. Dans les autres cas, il s'agit de pharmaciens d'officines ouvertes au public. Du point de vue légal, l'article 26bis, § 2, 4º, de l'arrêté royal du 31 mai 1885 approuvant les nouvelles instructions pour les médecins, pour les pharmaciens et pour les droguistes précise que « Le pharmacien qui délivre des médicaments destinés à des personnes vivant en communauté est tenu d'indiquer le nom du malade sur chaque médicament, en outre de délivrer plusieurs médicaments destinés au même résident (ou la personne traitée) dans un emballage individualisé. ».

L'Ordre des pharmaciens s'est également préoccupé de la question. C'est ainsi que le Code de déontologie pharmaceutique de l'Ordre des pharmaciens prévoit à l'article 44 : » Lors de dispensation de médicaments à des personnes vivant en communauté, au sens de la législation en vigueur, le pharmacien doit veiller à la qualité de cette dispensation jusqu'au niveau de chaque patient individuellement. Ceci demande une évaluation permanente des modalités de dispensation et de distribution de médicaments au sein de la communauté. ».

En ce qui concerne les ristournes, l'article 111 du Code de déontologie pharmaceutique précise : « La ristourne, quelles qu'en soient les modalités, doit bénéficier au patient. ».

Par ailleurs, l'article 10, § 1er, de la loi du 25 mars 1964 sur les médicaments, stipule : « Il est interdit, dans le cadre de la fourniture, de la prescription, de la délivrance ou de l'administration de médicaments, de promettre, d'offrir ou d'octroyer, directement ou indirectement, des primes, des avantages pécuniaires ou des avantages en nature ... aux institutions dans lesquelles ont lieu la prescription, la délivrance ou l'administration de médicaments. ». Ceci veut dire que le pharmacien peut accorder des ristournes aux patients mais pas, de manière directe ou indirecte, aux gestionnaires des MRS.

Je terminerai ma réponse par trois éléments :

1. L'arrêté royal du 21 septembre 2004 est, à ma demande en cours de révision, un accent particulier y sera mis sur les dispositions supplémentaires à prendre pour l'amélioration de la qualité des soins. Il est évident que la gestion des médicaments en est un aspect important. Dans ce cadre toutes les recommandations visée plus haut seront prises en considération et soumises au groupe de travail permanent MRS du CNEH (Conseil national des établissements hospitalier).

2. La proposition d'étendre la mission du médecin coordinateur aux institutions qui n'ont qu'un agrément de maison de repos pour personnes âgées sera discuté dans le groupe de travail intercabinet « politique de la santé à mener en faveur des personnes âgées » de la Conférence interministérielle Santé publique dont je suis président.

3. Grâce à l'initiation d'une collaboration soutenue entre le centre belge d'information pharmacothérapeutique et les associations de pharmaciens hospitaliers, nous pouvons espérer qu'un formulaire électronique de base, issu de la concertation avec les parties concernées, pourra être mis à la disposition des prescripteurs et distributeurs de médicaments.

Les initiatives que nous avons prises afin d'améliorer les aspects quantitatifs des prescriptions médicamenteuses sont d'application pour les maisons de repos et de soins.

Les procédures d'homologations de logiciels de gestion de dossiers patients étant abouties, dans le domaine de la pratique ambulatoire pour les secteurs de médecin générale, dentisterie, kinésithérapie, art infirmier et prochainement logopédie, nous devons certainement veiller à ce que les résultats acquis soient consolidés au service de l'informatisation des maisons de repos et de soins.

La systématisation électronique du formulaire des médicaments et du dossier pharmaceutique du patient, ainsi qu'une bonne préparation des prestataires concernés à l'usage optimal de ces outils d'amélioration de la qualité requièrent des initiatives qui doivent être étudiées à l'aune des incitants mobilisables et d'un calendrier réaliste d'implémentation.