Questions et Réponses

SÉNAT DE BELGIQUE


Bulletin 3-90

SESSION DE 2006-2007

Questions posées par les Sénateurs et réponses données par les Ministres (Art. 70 du règlement du Sénat)

(Fr.): Question posée en français - (N.): Question posée en néerlandais


Ministre des Affaires étrangères

Question nº 3-1987 de M. Destexhe du 7 janvier 2005 (Fr.) :
Rwanda. — Génocide de 1994. — Assassinat d'un ressortissant belge.

Selon Le Soir du 4 décembre 2004, l'instigateur du meurtre d'un ressortissant belge, exécuté au Rwanda lors du génocide de 1994 par des soldats de la garde présidentielle, a été arrêté il y a quelques jours.

Le ressortissant concerné aurait été abattu par des soldats auxquels il fut contraint de montrer sa carte d'identité belge. Ses assassins l'auraient tué parce qu'il était belge.

Les autorités judiciaires rwandaises ont arrêté un employé de l'Unicef. Ce suspect aurait dénoncé aux soldats de la garde présidentielle le ressortissant précité, taxé d'être « le complice des Tutsis ».

L'assassinat en question n'a jamais fait l'objet d'une instruction judiciaire en Belgique.

1. Disposez-vous davantage d'information sur les accusations qui pèsent contre la personne arrêtée ?

2. La Belgique prévoit-elle d'ouvrir une instruction judiciaire à l'encontre de l'instigateur du meurtre ?

3. Le ministère public prévoit-il de se constituer partie civile lors du procès ?

Réponse : D'après les informations obtenues par notre ambassade à Kigali les autorités judiciaries de Kigali ont en effet arrêté fin 2004 un employé de l'UNICEF, qui n'était autre que le propriétaire du défunt au moment des tragiques évènements de 1994.

D'après les informations publiées dans les medias le suspect aurait appelé la garde présidentielle le 7 avril 1994 pour tuer notre compatriote, accusé de conspirer avec les Tutsis. Après la mort de celui-ci il aurait enterré le corps dans son jardin avec l'aide de son cuisinier, dont il aurait acheté le silence. Celui-ci l'aurait dénoncé récemment parce que son silence n'aurait plus été rétribué.

Il y a lieu de relever que notre ambassade fut alertée dès le 8 avril 1994 par le suspect quant à l'assassinat de notre compatriote la veille par les FAR, et que lui fut demandé de prendre soin de la dépouille. Par la suite notre ambassade fut informée par le suspect que celui-ci avait enterré la dépouille du défunt dans son jardin, étant donné la situation sécuritaire prevalant à l'époque. Ces éléments d'information ont été communiqués au Procureur adjoint en charge de l'enquête.

Sans préjuger de l'issue de l'enquête on ne peut néanmoins que s'interroger sur une dénonciation aussi tardive, qui peut être inspirée par des motifs peu avouables à l'encontre d'un employé de l'Unicef, donc bénéficiaire d'une position privilégiée et enviable, qui s'avère de surcroit être un Hutu. Le fait d'avoir averti l'ambassade dès le 8 avril 1994 plaide également en faveur de l'intéressé, à moins de lui prêter des intentions manipulatrices, ce qui semble invraissemblable au moment du genocide.

Je n'ai pas connaissance d'une instruction judiciaire belge à rencontre du suspect, ni d'une constitution de partie civile par le ministère Public. Ces questions sont de la compétence de ma collègue de la justice.