Questions et Réponses

SÉNAT DE BELGIQUE


Bulletin 3-90

SESSION DE 2006-2007

Questions posées par les Sénateurs et réponses données par les Ministres (Art. 70 du règlement du Sénat)

(Fr.): Question posée en français - (N.): Question posée en néerlandais


Vice-première ministre et ministre de la Justice

Question nº 3-7200 de M. Destexhe du 21 février 2007 (Fr.) :
Hissène Habré. — Jugement. — Participation au procès de la Belgique.

L'ancien président tchadien Hissène Habré est poursuivi pour crimes contre l'humanité et est détenu au Sénégal, le pays mandaté par l'Union africaine en juillet 2006 pour mettre en place ce procès.

Lors du dernier sommet de l'Union africaine, fin janvier 2007, le ministre des Affaires étrangères du Sénégal a déclaré qu'Hissène Habré ne serait pas jugé avant 3 ans, le temps pour le Sénégal d'organiser ce procès. La question du financement de ce procès pose également question.

Malgré la plainte déposée par des victimes sénégalaises en Belgique, notre pays aura fort à faire pour obtenir l'extradition d'Hissène Habré et l'organisation de son procès chez nous. Et cela malgré les démarches de l'honorable ministre.

Faut-il dès lors se résigner à assister à son procès au Sénégal ? La Belgique n'a-t-elle plus aucun moyen de recours pour obtenir l'extradition d'Hissène Habré ? Pouvons-nous faire confiance au président sénégalais ?

Comment participer activement, sur le plan financier et technique, à la tenue de ce procès au Sénégal ? Quelles sont les intentions de l'honorable ministre en la matière et quels sont ses contacts avec le gouvernement sénégalais actuellement ? Comment créer un consensus international, et d'abord européen, autour de nos démarches vis-à-vis du gouvernement sénégalais afin de l'aider activement à ouvrir rapidement ce procès ?

Sachant que ce procès doit être exemplaire, l'Afrique prenant ces responsabilités dans la lutte contre l'impunité, nous devons aider le Sénégal à tenir ce procès qui doit être un signal clair pour les autres dictateurs, comme Charles Taylor.

Réponse : En préalable à la réponse aux questions posées par Monsieur le Sénateur Destexhe, il convient de préciser que le gouvernement reste activement saisi du dossier relatif aux poursuites pour crimes contre l'humanité en cause de l'ancien président tchadien Hissène Habré.

En ce qui concerne l'aspect belgo-sénégalais de ce dossier, les informations suivantes peuvent être apportées.

Tout d'abord, le Parlement sénégalais a adopté le 31 janvier 2007, a l'initiative du président sénégalais et de son gouvernement, deux nouvelles lois modifiant à la fois le Code pénal et le Code de procédure pénale. Ces deux législations ont pour objet d'intégrer dans le Code pénal les infractions de crimes de guerre, crimes contre l'humanité et de crimes de génocide. En outre, le Code de procédure pénale est amendé pour établir la compétence universelle des juridictions sénégalaises pour connaître de telles infractions lorsqu'elles sont présumées commises par une personne se trouvant sur le territoire sénégalais. D'autres dispositions prévoient que ces crimes sont imprescriptibles et qu'ils peuvent être poursuivis, même s'ils ont été commis à l'étranger, dès lors qu'ils étaient constitutifs de crimes en droit international au moment de leur commission.

En ce qui concerne plus précisément les poursuites à l'encontre de l'ancien président tchadien Hissène Habré, la Belgique va maintenant chercher à obtenir une série d'éclaircissements quant au lien pouvant exister entre ce dossier et les nouvelles législations en voie de mise en œuvre. Étant donné que ces éléments sont directement liés au différend existant actuellement entre le Sénégal et la Belgique au sujet du respect de la Convention des Nations unies contre la torture, et que cette procédure pourrait mener la Belgique à introduire un recours unilatéral contre le Sénégal devant la Cour internationale de Justice, il est essentiel, à ce stade du dossier, de faire preuve de beaucoup de précautions dans la manière dont des informations ou la position de la Belgique sont exposés en public.

Il est toutefois important de souligner également que l'Union africaine a confirmé, lors de son dernier Sommet des 29 et 30 janvier, son souhait ferme de voir le Sénégal assurer lui-même les poursuites judiciaires à l'encontre de l'ancien président tchadien. En outre, l'Union africaine a appelé tout État intéressé à apporter son aide, y compris financière, pour permettre au Sénégal de mener à bien cette tâche.

Dans ce cadre, la Belgique a saisi le Comité compétent de l'Union européenne, qui examine le suivi de ce dossier, pour obtenir de nos partenaires européens une réaction quant à la demande formulée par l'Union africaine en faveur du Sénégal.

En conclusion, il peut être, une fois de plus, confirmé que le gouvernement belge est très attentif à tous les développements de ce dossier et prend toutes les mesures utiles dans l'objectif de faire en sorte qu'il n'y ait aucune impunité dans ce dossier judiciaire.