3-2424/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2006-2007

19 AVRIL 2007


Proposition de loi visant à instaurer la peine d'injonction de soins dès que la décision de condamnation est définitive pour les auteurs d'infractions sexuelles et celle du placement sous surveillance électronique mobile, par le biais d'un bracelet électronique, à leur libération

(Déposée par Mme Christine Defraigne et M. Alain Destexhe)


DÉVELOPPEMENTS


En Belgique, avant les années 1990, les 3/4 des viols et autres agressions sexuelles ne donnaient lieu à aucune plainte. Depuis les meurtres fort médiatisés de l' « affaire Dutroux », les victimes d'agression sexuelle font l'objet d'une plus grande attention.

La direction générale judiciaire de la police fédérale révélait dans un rapport de 2004 que, entre 1996 et 2002, 36 675 PV avaient été dressés du chef des trois types d'infractions à caractère sexuel que sont le viol, l'attentat à la pudeur et l'exhibitionnisme. Parmi ces infractions, 13 722 viols étaient recensés.

Ce rapport établissait encore qu'en novembre 2003, la population carcérale belge était composée d'environ 17 % d'auteurs d'infraction sexuelle, soit 1 610 personnes à l'époque.

Entre 2002 et 2004, nous savons qu'un total de 8 709 viols ont été déclarés (1) .

Cependant, le nombre de viols déclarés est une partie infime de l'iceberg. Les spécialistes (2) s'accordent à considérer que les victimes d'agression sexuelle sont nombreuses: 25 % des femmes adultes et 15 % des hommes ont subi au moins une agression sexuelle, allant du harcèlement ou de l'exhibitionnisme au viol, au cours de leur croissance.

La monstruosité des actes perpétrés sur les deux petites liégeoises Stacy et Nathalie ont à nouveau mis en évidence l'horreur extrême.

Qui sont les délinquants sexuels ?

Le portrait-type de l'abuseur n'existe pas. Selon les études du psychanalyste français André Ciavaldini, spécialiste du sujet, les agresseurs sexuels se rencontrent dans toutes les couches de la société. Ni la classe ni le milieu social ne sont déterminants.

Dans Le Soir du 17 juin 2006, le Professeur Jean-Yves Hayez établit une typologie de la délinquance sexuelle pédophilique. Même si la présente proposition de loi vise les délinquants sexuels, quel que soit l'âge de leur victime, cette typologie est très instructive.

« Il y a d'abord les personnes immatures, dont l'affectivité n'a jamais grandi. Eternel Peter Pan, hélas devenus « vicieux sur les bords », ils ne sont pas désireux d'entretenir des relations sentimentales et sexuelles avec des gens de leur âge.

Ensuite il y a des personnes mal dans leur peau, incapable de s'imaginer qu'elles ont une valeur en tant qu'adultes, et qui se consolent sur des enfants.

Ces deux catégories qui forment environ une bonne moitié des pédophiles, sont les plus en mesure d'évoluer positivement.

Troisième catégorie, les pervers qui mettent au centre de leur projet de vie le désir de jouir: via des sensations sexuelles et aussi en salissant, en détruisant. Le pervers traite l'enfant comme s'il prenait une poupée sexuelle: son être et sa souffrance ne l'intéressent pas.

Enfin, il y a les psychopathes, qui se sentent au-dessus des lois, comme les pervers. Ils veulent soumettre l'autre, moralement ou sexuellement. Et si ce sont des enfants qu'ils violent ou tuent parmi mille autres actes antisociaux, tant pis pour eux !

Pour ces deux dernières catégories, les pronostics d'évolution sont peu favorables, car leur projet de vie est centré sur des « antivaleurs »: la toute-puissance et la négation de l'autre. »

Dans la suite de cette interview, le Professeur Hayez explique qu'il est important de poser un bon diagnostic afin de déterminer à qui l'on a affaire afin, par la suite, de prendre les mesures qui s'imposent pour éviter la récidive.

Ainsi, constatant que la majorité des pervers et psychopathes sortent de prison dans la même situation d'esprit que lors de leur entrée, il préconise, afin de se protéger de cette dangerosité rémanente, d'appliquer les peines lourdes prévues par la loi, sans libération anticipée. Par ailleurs, il constate que les prisons devraient être dotées de possibilités psychothérapeutiques qualifiées. L'exemple qu'il prend est évidement le Canada. À la sortie de prison, il prône une surveillance renforcée comprenant, pourquoi pas, le bracelet électronique si l'on démontre qu'il peut être efficace. Mais surtout de proposer inlassablement des soins (psychothérapies, médicaments).

Dispositions pénales relatives aux infractions sexuelles ?

Les infractions de nature sexuelle sont visées aux articles 372 et suivants du Code pénal.

La présente proposition de loi s'applique aux auteurs des infractions sexuelles visées aux articles 372 à 377 du Code pénal et ceux visés aux articles 379 à 387 du même Code, si ces dernières infractions ont été commises sur des mineurs ou avec leur participation.

Les articles 372 à 377 visent l'attentat à la pudeur et le viol.

Le Code pénal méconnaît les termes « inceste » ou « pédophilie ». Il opère deux distinctions:

— S'il n'y a pas eu pénétration sexuelle, on retient la qualification d'attentat à la pudeur (attouchements d'ordre sexuel, exhibitionnisme, ...) (article 372 du Code pénal — attentats commis sans violence/article 373 du Code pénal — attentats commis avec violences ou menaces).

— S'il y a eu pénétration sexuelle, on retient la qualification de viol. La loi ajoute que la pénétration sexuelle peut être de n'importe quelle nature. Il peut donc s'agir de pénétrations anales ou vaginales ou de fellations, et la pénétration peut avoir été effectuée par quelque moyen que ce soit: sexe, doigt, objet.

Les articles 379 à 387 visent la corruption de la jeunesse, la prostitution et certains outrages publics aux bonnes mœurs. La présente proposition vise les infractions qui ont été commises sur des mineurs ou avec leur participation, soit:

— la facilitation, la participation, la provocation ou l'exploitation de la débauche, de la corruption ou de la prostitution d'un mineur;

— la publicité pour une offre de services à caractère sexuel lorsqu'elle s'adresse à des mineurs;

— la vente, l'exposition ou la distribution de chansons ou écrits contraires aux bonnes mœurs lorsqu'ils concernent des mineurs;

— la vente, exposition, location, etc. d'objets, films, photos ou autres supports visuels qui représentent des positions ou actes sexuels à caractère pornographique, impliquant ou représentant des mineurs;

— l'outrage aux mœurs par des actions qui blessent la pudeur.

Parcours du délinquant sexuel confronté à la justice ?

Situation actuelle

L'analyse de la situation actuelle nous permet de dégager l'idée que durant le parcours de l'individu confronté à la justice, cinq moments particuliers se succèdent:

1. La révélation: lorsqu'elle a lieu dans le cadre judiciaire, elle débouche immédiatement sur la période de l'intervalle entre la révélation et le jugement.

2. L'intervalle révélation/jugement: cet intervalle peut être très long (de quelques mois à plusieurs années).

— la détention préventive: aucun traitement n'est actuellement prévu.

— les mesures alternatives à la détention préventive: une prise en charge thérapeutique peut être prévue dans les conditions imposées par le juge pour une période de trois mois parfois renouvelable.

3. Le jugement

4. La 1ère période d'après jugement: période pendant laquelle il y a des contraintes:

4.1. l'incarcération (exécution de la peine ferme): aucun traitement spécifique n'est réellement dispensé. Les conditions de détention en prison des délinquants sexuels sont plus difficiles que pour d'autres détenus: cellule de 9m sur 5m, 12 à 17 lits dans une même cellule, une seule toilette ouverte, un seul évier. Ces détenus ne sortent jamais au préau en raison du regard des autres.

4.2. la libération qui, dans la plupart des cas, est:

Conditionnelle:

La loi du 5 mars 1998 relative à la libération conditionnelle prévoit, en son article 4, § 5, alinéa 3, que la libération conditionnelle d'un condamné pour une infraction d'attentat à la pudeur ou de viol (articles 372 à 378 du Code pénal) doit être « subordonnée à la condition de suivre une guidance ou un traitement, dont la décision de libération détermine les modalités et la durée ».

Le suivi est imposé selon les règles suivantes (article 8 de la loi sur la libération conditionnelle):

— le délai d'épreuve est égal à la durée de la peine privative que le condamné devait encore subir au jour où la décision de libération conditionnelle est devenue exécutoire. Toutefois, ce délai ne peut être inférieur à deux ans.

— Si le total des peines excède 5 ans ou en cas de condamnation à une peine criminelle à temps, le délai est d'au moins 5 ans et de maximum 10 ans.

— Le délai d'épreuve est de 10 ans en cas de condamnation à une peine privative de liberté à perpétuité.

Dans les faits, on constate trop souvent que des abuseurs sexuels préfèrent purger l'entièreté de leur peine afin d'éviter un suivi thérapeutique à leur sortie de prison (3) . Prenons l'exemple d'un condamné à 9 ans de prison, la libération conditionnelle peut lui être accordée au bout de 6 ans. Le détenu choisit de continuer sa peine plutôt que de devoir se soumettre à un suivi après sa sortie de prison (9 ans de prison plutôt que 6 ans et 5 ans de suivi).

L'article 3, § 3, 4º, de cette même loi impose que la proposition de libération conditionnelle d'un condamné qui subit « une peine pour des faits visés aux articles 372 à 378 du Code pénal ou pour des faits visé aux articles 379 à 386ter du même code lorsque ceux-ci ont été commis sur des mineurs ou ont impliqué leur participation » comprenne « l'avis motivé d'un service spécialisé dans la guidance ou le traitement de délinquants sexuels ».

Dans le cadre d'une suspension probatoire ou d'un sursis probatoire

La loi du 29 juin 1964 concernant la suspension, le sursis et la probation prévoit en son article 9bis qu'avant d'ordonner une mesure probatoire à des personnes inculpées ou condamnées pour un fait visé aux articles 372 à 377 du Code pénal ou pour un fait visés aux articles 379 à 387 du même code lorsque ceux-ci ont été commis sur des mineurs ou avec leur participation, les juridictions compétentes doivent prendre un avis motivé d'un service spécialisé dans la guidance ou le traitement des délinquants sexuels.

Si la mesure de probation consiste dans le suivi d'une guidance ou d'un traitement, la commission de probation invite l'intéressé à choisir une équipe de santé spécialisée (ESS) qui transmettra à la commission de probation au moins tous les 6 mois un rapport de suivi sur la guidance ou le traitement.

5. La 2e période d'après jugement: période pendant laquelle il n'y aurait plus de contrainte:

Il s'agit d'auteurs d'infractions à caractère sexuel (AICS) qui ont été jugés responsables de leurs actes. Il faut savoir que la population des AICS traduits en justice (étant donné leur responsabilité) n'est pas une population homogène sur le plan de la structure de personnalité, pas plus d'ailleurs que pour l'ensemble des variables bio-psycho-sociologiques. Ceci nous amène à postuler que, si pour certains types de structures de personnalité il est raisonnable d'espérer un changement à terme, il est déraisonnable de l'espérer pour d'autres. Dans ces situations, alors que nous sommes face à des individus qualifiés de responsables (pour qui, une fois la peine purgée, la société ne peut plus imposer un quelconque encadrement), des thérapeutes s'interrogent sur l'adéquation de l'interruption abrupte (du jour au lendemain), de tout accompagnement.

Au vu de ce qui précède, il apparaît clairement qu'aucune réelle prise en charge thérapeutique n'est prodiguée en prison.

Les accords de coopération

Comme nous venons de le signaler, la loi du 5 mars 1998 sur la libération conditionnelle et celle du 29 juin 1964 sur la suspension, le sursis et la probation prévoient une obligation de traitement pour tous les délinquants sexuels.

La question qui se pose est de savoir quel type de coopération faut-il envisager entre les thérapeutes et les magistrats ?

Les deux catégories professionnelles ne partagent pas toujours les mêmes objectifs ni la même conception de l'éthique. Comme le disait le procureur du Roi de Charleroi, Thierry Marchandise, « d'un côté, la justice a tendance à simplifier les choses. De l'autre, les psychologues renvoient à la complexité des êtres ».

Malgré cette incompatibilité, il fallait établir un dialogue entre la justice et les thérapeutes.

C'est ainsi qu'en 1998 des accords de coopération définissant ce que doit être la prise en charge des auteurs d'infractions à caractère sexuel ont été signés entre les autorités fédérales et les régions (Moniteur belge 11 septembre 1999 pour la Région Wallonne et la Région Flamande et Moniteur belge 12 mars 2000 pour la Région de Bruxelles-Capitale).

En pratique, avant 1998, lorsqu'ils bénéficiaient d'une libération conditionnelle ou d'un sursis probatoire lors du prononcé de la peine, les délinquants sexuels étaient envoyés par les magistrats chez un psychiatre de leur choix et il n'y avait pas de contrôle. Les traitements n'étaient pas toujours d'une grande efficacité.

Depuis les accords de coopération, il y a eu des changements. Les Équipes de Santé Spécialisées (ÉSS) assurent des traitements et rendent des avis pour les tribunaux, quant à l'adéquation d'un traitement, lorsqu'un sursis probatoire est envisagé par le juge. Ces ÉSS rendent aussi des avis pour les commissions de libération conditionnelle par exemple.

L'article 9 des accords de coopération prévoit spécifiquement les exigences du contenu du rapport que doit transmettre l'Equipe de Santé Spécialisée (qui a le délinquant en traitement) aux autorités quant à la teneur du suivi (fréquentation, situations de risque grave de récidive, etc.).

Avant chaque traitement, une convention est signée entre le patient, l'assistant de justice et le thérapeute. Ce contrat permet, par exemple, au thérapeute d'informer la justice en cas d'absence du patient aux séances ou en cas de cessation de la thérapie par l'intéressé.

En Flandre et en Wallonie, les instances judiciaires sont en contact direct avec les équipes thérapeutiques qui réalisent les traitements et les évaluations. Les centres d'appui (UPPL à Tournai et l'UFC à Anvers) sont des centres qui assurent un appui aux équipes pluridisciplinaires spécialisées dans la guidance et/ou le traitement des auteurs d'infractions à caractère sexuel. En Wallonie, des équipes de santé spécialisées prennent en charge des délinquants sexuels. En Wallonie, les services de santé mentale dépendent de la Région wallonne.

À Bruxelles, le CABS, centre d'appui bruxellois, jouait le rôle d'interface entre l'aspect justice et la santé ce qui protégeait le thérapeute. Ce centre a été fermé par le ministre Verwilghen en 2001 et ses compétences ont été transférées à l'UPPL à Tournai pour les cas francophones et à Anvers pour les cas néerlandophones.

Conclusion: quels problèmes, quelles solutions ?

Comme nous venons de le décrire, en Belgique, un système de traitement et de guidance extra-pénitentiaire est aujourd'hui prévu. Que ce soit dans le cadre des mesures alternatives à la détention préventive, la libération conditionnelle, la libération à l'essai (internés), voire la « mise à disposition du gouvernement », un système d'avis et de guidance ou traitement spécialisé est organisé.

Pendant la détention, des équipes psychosociales mènent l'enquête sur la personnalité du détenu et donnent un avis sur une éventuelle libération conditionnelle. Pour la libération conditionnelle, le détenu doit signer son engagement à subir un traitement qui se fera obligatoirement auprès d'une ÉSS. Il existe une liste des ÉSS (environ 15) qui est jointe aux accords de coopération en Belgique. Ces dernières organisent le suivi thérapeutique des délinquants.

Il est toutefois important de souligner que la libération conditionnelle est une faveur et pas un droit. Vu la tendance à garder longtemps les délinquants sexuels en prison, un nombre non négligeable de délinquants semblent préférer aller « à fond de la peine », évitant ainsi de devoir supporter un suivi pendant le minimum de deux ans prescrit par la loi. Ces personnes sortiront de prison sans avoir fait l'objet du moindre traitement.

Dans l'état actuel des choses, l'individu est placé en prison et aucun suivi thérapeutique n'est prévu. Rien n'est donc proposé pour éviter l'état « d'hibernation psychologique » de celui-ci. Bien plus grave, cet individu risque dans sa léthargie, de connaître une aggravation de son état psychologique qui peut avoir des conséquences graves à sa sortie de prison (récidive).

Cependant, le temps carcéral pourrait être mis à profit pour amorcer le traitement.

À travers la littérature internationale disponible, l'intérêt de la prise en charge à visée de traitement et/ou de guidance, n'est plus à démontrer. Tout le monde s'accorde à penser qu'une peine de prison, si longue soit-elle, n'est pas suffisante pour dissuader les pédophiles de récidiver.

Tribunal d'application des peines

Début 2006, le Parlement a adopté la loi relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d'exécution de la peine. Cette loi, dite loi sur le statut juridique externe des détenus, donne enfin une assise légale aux différentes modalités d'exécution des peines privatives de liberté. D'après les explications du représentant de la ministre de la Justice, on peut espérer qu'une partie de cette loi entre en vigueur dans le courant de l'année 2007.

Sur base de cette loi, il revient au juge d'application des peines — pour les peines privatives de liberté inférieures ou égales à trois ans — et au tribunal d'application des peines — pour les peines supérieures à trois ans — d'accorder quasiment toutes les modalités d'exécution des peines. En effet, seuls la permission de sortie et le congé pénitentiaire restent encore de la compétence du pouvoir exécutif. L'idée sous-jacente est que le pouvoir judiciaire doit intervenir lorsque l'aménagement de la peine qui a été initialement prononcée entraîne une modification substantielle de sa nature.

Cette loi prévoit encore que, si le condamné subit une peine pour des faits de mœurs, que cette peine d'emprisonnement atteigne ou non trois ans, les demandes de détention limitée, de surveillance électronique, de libération conditionnelle ou une mise en liberté provisoire en vue de l'éloignement du territoire ou de la remise, doivent être introduites accompagnées d'un avis motivé des services spécialisés dans la guidance ou le traitement des délinquants sexuels. Cet avis contient une appréciation de la nécessité d'imposer un traitement.

Les faits de mœurs sont ceux visés aux articles 372 à 378 du Code pénal et ceux visés aux articles 379 à 387 du même Code, si ces derniers ont été commis sur des mineurs ou avec leur participation.

Ce faisant, la loi sur le statut juridique externe des détenus reprend une exigence déjà prévue dans la loi de 1998 sur la libération conditionnelle qui reste en application tant que la loi sur le statut juridique externe des détenus n'entre pas en vigueur.

Là où les deux lois diffèrent, à part bien sur l'extension de l'exigence de cet avis à d'autres modalités d'application de la peine privative de liberté que la libération conditionnelle, c'est que la loi sur la libération conditionnelle impose une guidance ou un traitement dans un service spécialisé « si le condamné subit une peine pour les infractions visées aux articles 372 à 386ter du Code pénal » (art 4, § 5, al 4) alors que la loi sur le statut juridique externe des détenus laisse toute latitude au juge d'application des peines qui « peut » assortir l'octroi de la modalité d'exécution de la peine de l'obligation de suivre une telle guidance ou un tel traitement (art 42 et 56).

Le fait de ne plus limiter l'avis obligatoire aux seules libérations conditionnelles est certainement une bonne chose. La décision d'octroi de toute modalité d'exécution d'une peine encourue pour un fait de moeurs se fera nécessairement sur base d'un avis médical indiquant spécifiquement si il est nécessaire ou non d'imposer un traitement. Il est à espérer que les centres spécialisés nécessaires pour établir de tels avis mais également et surtout pour réaliser ces traitement et guidance seront suffisants et en mesure de répondre à chaque pathologie spécifique. Si c'est le cas, il s'agira d'une collaboration Justice/Santé très constructive pour, d'une part, le condamné qui se verra soigner et guérir, ce qui lui permettra une meilleure réinsertion, et, d'autre part, la société qui n'aura plus à craindre un risque de récidive.

Par ailleurs, ne pas imposer d'office une guidance ou un traitement à tout condamné à une infraction à caractère sexuel semble être souhaité par les services spécialisés dans la guidance ou le traitement des délinquants sexuels. En effet, cela évite d'être noyé par des patients qui ne sont pas aptes à être soignés, n'ont pas besoin d'être soignés, ne coopèrent pas aux soins, etc.


Malheureusement, tous les condamnés pour des faits de mœurs ne bénéficient pas de ces traitement et guidance.

En effet, cette exigence ne s'applique qu'aux modalités d'exécution des peines privatives de liberté. En d'autres termes, le traitement ou la guidance sont le passage obligé pour bénéficier d'une libération plus rapide.

Deux remarques s'imposent.

D'une part, ils ne s'appliquent que lorsque le condamné retrouve sa liberté. Ce traitement ou cette guidance fait partie des conditions indispensables à cette remise en liberté. Par ailleurs, il s'applique pendant cette mise à l'épreuve. Or, pour qu'un traitement ou une guidance soit bénéfique, le délai pendant lequel la libération conditionnelle est accordée peut être trop court comme plus long.

D'autre part, beaucoup de condamnés préfèrent accomplir leur peine de prison jusqu'au bout (aller à fond de peine) plutôt que de sortir plus rapidement collé d'une guidance ou d'un traitement une fois sorti.

Situation au Canada

Au Québec, l'Institut Pinel de Montréal a créé en 1979 une unité pour délinquants sexuels. Fin 1996, l'unité accueillait 21 « prisonniers-patients ». Quand ils arrivent, les pensionnaires sont soumis à une phallométrie (4) afin de définir leurs pulsions déviantes. Le principe consiste à dégoûter le détenu des pratiques pour lesquelles il a été condamné en associant à ses pulsions des sensations désagréables comme des chocs électriques ou des bouffées d'ammoniaque.

Pinel est un laboratoire d'observation et l'expérience est limitée puisque le centre dispose d'une vingtaine de lits et de 100 à 150 places en externe.

L'expérience montre que quelques 25 % des patients Pinel récidivent contre 49 % des agresseurs sexuels condamnés au Canada mais non soignés.

L'administration pénitentiaire canadienne a dû fermer l'unité car le coût par patient était trop élevé.

En revanche, le Canada est un exemple de mesure de la dangerosité. Il y existe en vertu de la loi du 18 juin 1992 une série de programmes correctionnels.

L'article 3 de la loi du 18 juin 1992 du Canada régissant le système correctionnel (scc) stipule que le scc « vise à contribuer au maintien d'une société juste, vivant en paix et en sécurité, d'une part, en assurant l'exécution des peines par des mesures de garde et de surveillance sécuritaires et humaines, et d'autre part, en aidant au moyen de programmes appropriés dans les pénitenciers ou dans la collectivité, à la réadaptation des délinquants et à leur réinsertion sociale à titre de citoyens respectueux des lois ».

Le système correctionnel du Canada a mis en place une offre variée de programmes.

Il existe une douzaine de grands programmes fédéraux, notamment pour les femmes, les victimes, les familles des délinquants ou en matière correctionnelle. Si l'on s'intéresse plus particulièrement à ces derniers, ils consistent en une intervention structurée qui agit sur les facteurs liés directement au comportement criminel du délinquant. Les programmes correctionnels se déclinent donc par « spécialité criminelle » et concernent: la prévention de la violence, la toxicomanie, les délinquants sexuels ou l'acquisition de compétences psychosociale, éducative ou professionnelle. Le processus d'élaboration et de mise en œuvre d'un programme est particulièrement précis et méthodique.

Il existe des programmes spécifiques pour les délinquants sexuels.

Le principal objectif de ces programmes est d'évaluer la personnalité des délinquants sexuels afin d'élaborer des stratégies susceptibles de réduire le risque de récidive.

Le condamné est ainsi soumis à une évaluation spécifiquement conçue pour les délinquants sexuels qui embrasse les points suivants:

— l'historique et le développement du comportement sexuel;

— les préférences sexuelles;

— les attitudes et les distorsions cognitives;

— les aptitudes sociales;

— les antécédents médicaux;

— la psychopathologie et les résultats des évaluations et des programmes antérieurs.

À l'issue de cette évaluation, un traitement du délinquant sexuel est entrepris dont le but est de réduire le risque de récidive au moyen d'une maîtrise de soi efficace. Il porte sur les distorsions cognitives, l'excitation et les fantasmes sexuels déviants, les compétences sociales, la gestion de la colère et des émotions.

Ces traitements sont en général conçus selon une approche cognitivo-comportementale et mis en œuvre en groupe avec, le cas échéant, des interventions individuelles. Ils obligent le délinquant à assumer la responsabilité de ses actes, à reconnaître la progression du comportement avant et après les infractions sexuelles et à identifier les situations où il risque de récidiver. À cette fin, ils abordent les attitudes face à la sexualité et aux relations interpersonnelles, l'amélioration de l'empathie et la sensibilisation aux traumatismes des victimes, la gestion de la colère et des émotions, les techniques de réduction ou de maîtrise des pulsions sexuelles déviantes. Les délinquants ayant des besoins modérés ou élevés se trouvant généralement incarcérés, les programmes les concernant sont intensifs et de longue durée. Les délinquants ayant peu de besoins, ou qui présentent un risque de récidive moindre, suivent des programmes d'intensité faible et de courte durée dans des établissements à sécurité minimale, voire même au sein d'une collectivité locale.

Enfin, il convient de souligner que tous les condamnés qui ont participé à un programme pour délinquants sexuels ont l'occasion de participer à un programme de maintien des acquis et des gains thérapeutiques suivi dans les établissements et dans les collectivités locales.

Justification de la proposition de loi

Au regard des différentes mises au point ci-dessus, les auteurs de la proposition concluent que la garantie, en Belgique, qu'un délinquant sexuel ayant commis un acte irréparable soit soigné afin de ne plus être un danger pour la société, n'est pas suffisante.

Dès lors, ils proposent d'élargir la palette des peines que le juge du fond peut prononcer lorsqu'il juge un délinquant qui a commis un crime ou un délit à caractère sexuel.

Il s'agit, d'une part, de pouvoir prononcer une injonction de soins dès que la décision de condamnation (1ère instance ou appel) est définitive. Cette injonction de soins débutera donc en prison.

Et d'autre part, de pouvoir prononcer, dès la remise en liberté du condamné, un placement sous surveillance électronique mobile.

La nécessité de recourir à une injonction de soins pour les auteurs d'infractions sexuelles fait aujourd'hui l'unanimité. Le Sénateur Jean-Marie Cheffert a d'ailleurs concrétisé cette idée dans une proposition de loi le 25 mai 2005. Le Sénateur Brotchi, quant à lui, a déposé une proposition de loi visant un traitement spécifique, la castration chimique, le 10 juillet 2006.

La présente proposition complète la réflexion déjà réalisée par ces deux sénateurs en proposant différentes pistes qui pourraient assurer une meilleure réinsertion sociale du délinquant sexuel et également participer à diminuer les risques de récidive, objectifs prioritaires du groupe MR dans la lutte contre la délinquance sexuelle.


La proposition de loi instaure donc deux nouvelles peines qui pourront être prononcées par le juge du fond à l'encontre d'une personne condamnée pour avoir commis une infraction visée aux articles 372 à 377 du Code pénal et aux articles 379 à 387 du même Code lorsque celles-ci ont été commises sur des mineurs ou ont impliqué leur participation. Ces peines sont complémentaires à la peine principale encourue pour avoir commis l'infraction.

Sont donc visés l'attentat à la pudeur, le viol, que ces actes soient perpétrés sur un mineur ou un adulte, la corruption de la jeunesse mais également la prostitution et certains outrages publics aux bonnes mœurs lorsqu'ils se rapportent à des enfants.

Ces peines sont, d'une part, l'injonction de soins dès que la décision de condamnation est définitive et, d'autre part, le placement sous bracelet électronique mobile à la sortie de prison.

Il s'agit de nouvelles peines dont le champ d'application est strictement défini. Il est bien entendu que pour les infractions qui n'entrent pas dans le champ d'application de ces peines — comme, par exemple, les infractions visées aux articles 379 à 387 du Code pénal commises sur des majeurs —, si le condamné désire, de son plein gré, se faire soigner, tout doit être mis en place pour lui assurer une offre de soins.

Ces peines peuvent — mais ne doivent pas — être prononcées par le juge du fond. Il bénéficie de sa latitude d'appréciation.

Par ailleurs, rien n'empêche le juge du fond de prononcer une injonction de soins alors que le délinquant sexuel n'est pas condamné à une peine d'emprisonnement effectif (sursis). Le traitement ou la guidance débutera alors dès que la décision de condamnation sera définitive et le délinquant sexuel ne sera jamais en contact avec le milieu carcéral qui peut être plus nocif qu'autre chose.

Par contre, une mise sous placement sous surveillance électronique mobile est corrélative à une peine d'emprisonnement. En effet, cette dernière est réservée aux délinquants sexuels qui ont commis une infraction sexuelle ayant conduit à une condamnation d'emprisonnement d'au moins 7 ans.

De l'injonction de soins

En ce qui concerne la peine d'injonction de soins, elle sera décidée sur base d'une expertise médicale. Il est en effet important que dans la problématique du traitement des délinquants sexuels un dialogue constructif soit engagé entre la Justice et la Santé.

Cette expertise médicale a pour objectif de déterminer la pathologie qui est à l'origine de l'infraction commise par le délinquant sexuel.

Ce diagnostic est essentiel pour, d'une part, déterminer s'il est opportun de prononcer une injonction de soins. En effet, pour certains, le passage par les tribunaux et/ou la prison sera suffisant pour les empêcher de récidiver. Il est, dès lors, inutile « d'engorger » les équipes soignantes. Certains autres ne sont pas aptes à suivre un traitement. D'autres encore sont de tels psychopathes qu'il n'y a aucune chance de guérison. Dans ces deux derniers cas, il relève de la responsabilité du ministre de la Justice de décider de la mise à la disposition du gouvernement de ces personnes à la fin de leur peine d'emprisonnement. Cette disposition existe, il faut l'utiliser lorsqu'elle s'avère nécessaire pour protéger la société.

Ce diagnostic permettra, d'autre part, de déterminer le type de traitement ou de guidance le mieux adapté à la pathologie. C'est la pathologie et non le type d'infraction qui doit être à la base du cadre thérapeutique. Par injonction de soins, les auteurs de la proposition de loi visent tous types de traitement ou guidance: thérapie de groupe, éducation sexuelle, médicaments, etc.

Cependant, il est évident que, même pour des spécialistes, la détermination du type de traitement ou de guidance, voire même de la pathologie dans certains cas, n'est pas toujours aisée. Par ailleurs, le traitement ou la guidance devront être modifiés en fonction de l'évolution du patient. Il est également impossible de déterminer, au moment de la condamnation, la durée précise du traitement ou de la guidance qui sera nécessaire pour arriver à « une guérison ». Toutes ces modalités varieront au cours de la prise en charge du délinquant sexuel.

Dès lors, une fois la décision de condamnation prononcée par le juge du fond sur base de l'expertise médicale — et que cette décision est définitive —, la proposition de loi prévoit que l'injonction de soins est mise en œuvre par le juge (peines de moins de trois ans) ou le tribunal (peines de plus de trois ans) d'application des peines. Conformément à la philosophie de la loi sur le tribunal d'application des peines, c'est le pouvoir judiciaire qui doit intervenir lorsque l'aménagement de la peine qui a été initialement prononcée entraîne une modification substantielle de sa nature.

Cependant, cette mise en œuvre réalisée sous l'égide du juge ou du tribunal d'application des peines se fera en concertation étroite avec l'équipe soignante.

Les auteurs de la proposition de loi proposent qu'un arrêté royal détermine la manière dont cette concertation sera réalisée mais il leur paraît évident que l'équipe soignante conserve son autonomie décisionnelle quant au traitement ou la guidance le/la mieux adapté(e) pour le délinquant sexuel au cours de son parcours. Le but n'est pas, comme expliqué précédemment, de se coller au contenu de l'injonction de soins qui sera appliquée au début de l'incarcération mais bien de trouver le traitement ou la guidance le/la plus adéquat(e) pour guérir le délinquant. Il en va de même quant à la durée de l'injonction de soins. Si l'équipe soignante décide qu'il n'est plus nécessaire de soigner le délinquant, elle devra en référer au juge d'application des peines qui doit, cependant, conserver le pouvoir décisionnel final. L'injonction de soins est et reste une peine. De même, l'injonction de soins doit pouvoir se poursuivre, si l'équipe soignante l'estime nécessaire, à la sortie de prison. En effet, il faut éviter une interruption abrupte d'un traitement comme cela se produit actuellement dans le cadre des libérations conditionnelles.

Il est à noter que les auteurs de la proposition de loi ont fait le choix, à l'instar de la loi applicable en France, de ne pas contraindre un délinquant sexuel à un traitement. Cependant, dans l'hypothèse où le délinquant sexuel refuse de suivre l'injonction de soins, que ce soit dès le début de la mise en œuvre de l'injonction de soins ou en cours de route (refus de coopération, par exemple) la peine d'emprisonnement prévue par le jugement ou l'arrêt dans cette hypothèse sera alors mise à exécution sous le contrôle du juge ou du tribunal d'application des peines. Cette peine s'ajoutera à la peine principale encourue pour l'infraction. Elle s'élèvera à maximum trois ans d'emprisonnement en cas de condamnation pour un délit et sept ans dans l'hypothèse d'un crime.

Contrairement à la libération conditionnelle où le refus de suivre un traitement empêche une hypothétique libération anticipée et n'est, dès lors, pas une motivation suffisante à éviter d'aller « à fond de peine », la présente proposition de loi allonge la période d'incarcération — et de manière très conséquente — en cas de refus du condamné de se soigner. Cela aura certainement un côté très incitatif à accepter l'injonction de soins.

Il est évident qu'un tel système de soins nécessitera un réel investissement en moyens humains et matériels.

Pour être efficaces, les équipes soignantes doivent être en nombre suffisant pour ne pas être noyées sous le travail et, dès lors, inévitablement le « bâcler ». Elles doivent se composer de personnel qualifié (psychiatres, psychologues, assistants de justice ...), pouvant suivre des formations continues, bénéficiant d'un encadrement (lieu de discussions et de supervision entre praticiens, etc.) et qui pour s'investir dans ce type de créneau doivent être correctement payés par la justice. Les auteurs de la proposition de loi proposent de conserver, évidemment, l'expertise qu'ont acquis les services spécialisés dans la guidance ou le traitement des délinquants sexuels mis en place par les accords de coopération de 1998. Cependant, pour faire face à l'importance de la charge de travail, ils prévoient également de permettre à des centres et médecins de réaliser ces nouvelles fonctions moyennant une agréation dont les modalités seront déterminées par le Roi. Cela permettra, par ailleurs, au patient d'avoir un choix de spécialistes plus large.

Les moyens matériels doivent également suivre: créer à l'intérieur des prisons des antennes des services spécialisés dans la guidance ou le traitement des délinquants sexuels. Le délinquant sexuel pris en charge en prison par une équipe pourra, dès lors, si cela est opportun, continuer à être suivi par la même équipe lorsqu'il sortira de prison.

Du placement sous surveillance électronique mobile

La proposition de loi prévoit que lorsque le délinquant sexuel a été condamné à une peine de prison de plus de sept ans — qu'il a dès lors commis un acte particulièrement grave vu le taux de la peine — le juge du fond peut le condamner à un placement sous surveillance électronique mobile.

La personne placée sous surveillance électronique mobile est astreinte au port d'un bracelet intégrant un émetteur permettant à tout moment de déterminer à distance sa localisation sur l'ensemble du territoire national. Ce dispositif devra garantir le respect de la dignité, de l'intégrité et de la vie privée de la personne.

Ce dispositif aura certainement un caractère dissuasif envers la personne qui le porte. Par crainte d'être confondue, cette personne réfléchira à deux fois avant de commettre à nouveau un acte irréparable. Par ailleurs, ce dispositif permettra une répression plus efficace en cas de récidive. Mais il ne faut pas se leurrer. Malgré une offre de soins complète et variée, le risque zéro n'existe pas.

Cette surveillance électronique débutera dès la sortie de prison du délinquant sexuel. Elle sera mise en œuvre par le tribunal d'application des peines — il s'agit, en effet, d'office de peines d'emprisonnement de plus de trois ans — qui devra, au moins un an avant la sortie de prison, faire évaluer la dangerosité ainsi que le risque de récidive du délinquant sexuel.

Cet examen sera réalisé par les mêmes spécialistes que pour l'injonction de soins.

Sur base de cet examen, le juge d'application des peines déterminera la durée du placement sous surveillance électronique. On peut également concevoir qu'il décide de ne pas mettre en place cette surveillance électronique mobile.

Comme pour l'injonction de soins, les auteurs de la proposition de loi ont décidé, à l'instar de la France, de laisser le libre choix au délinquant sexuel d'accepter ou non cette mesure de sûreté. Si il la refuse ou si il contrevient aux obligations corrélatives à cette surveillance, l'emprisonnement prévu par le juge du fond dans cette hypothèse sera mis à exécution. Cet emprisonnement ne peut excéder trois ans en cas de condamnation pour un délit et sept ans pour un crime.


Les auteurs de la proposition de loi sont conscients des apports humains et matériels nécessaires à une bonne prise en charge de la délinquance sexuelle. Ils estiment que la lutte contre la délinquance sexuelle doit être une priorité. Les dégâts qu'elle cause doivent à tout prix être évités.

Si les peines prévues par la proposition de loi ne garantiront pas un monde sans agressions sexuelles, elles pourront certainement participer à une meilleure réinsertion de certains délinquants sexuels et à diminuer la récidive.

Christine DEFRAIGNE
Alain DESTEXHE.

PROPOSITION DE LOI


Article 1

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

À l'article 7 du Code pénal, la rubrique intitulée « En matière criminelle et correctionnelle » est complétée par un 2º, rédigé comme suit:

« 2º pour les infractions visées aux articles 372 à 377 et aux articles 379 à 387 lorsque celles-ci ont été commises sur des mineurs ou ont impliqué leur participation:

a) l'injonction de soins

b) le placement sous surveillance électronique mobile. »

Art. 3

Dans la section 5 du chapitre II du livre 1er du même code, est inséré une sous-section Ibis, contenant un article 34bis, rédigée comme suit:

« Sous-section 1bis. De l'injonction de soins

Art. 34bis. Dans les cas prévus à l'article 7, « En matière criminelle et correctionnelle », 2º, le juge peut ordonner, complémentairement à la peine principale, une injonction de soins.

L'injonction de soins est ordonnée sur base d'une expertise médicale établie par un service spécialisé dans la guidance ou le traitement des délinquants sexuels ou tout autre service ou médecin agréé par le Roi qui détermine:

— la pathologie à l'origine de la déviance sexuelle

— si une injonction de soins s'avère opportune, le type de traitement ou guidance le mieux adapté.

Le juge qui ordonne une injonction de soins fixe dans la décision de condamnation la durée maximum de l'emprisonnement encouru par le condamné en cas d'inobservation des obligations qui lui sont imposées par l'injonction de soins. Cet emprisonnement ne peut excéder trois ans en cas de condamnation pour délit et sept ans en cas de condamnation pour crime.

Le juge mentionne également dans sa décision qu'aucun traitement ou guidance ne pourra être entrepris sans le consentement du condamné, mais que, s'il refuse les soins qui lui sont proposés, l'emprisonnement prononcé en application de l'alinéa 3 pourra être mis à exécution par le juge ou le tribunal d'application des peines.

L'injonction de soins est mise en œuvre sous le contrôle du juge ou du tribunal d'application des peines dès que la décision de condamnation est devenue définitive et ce, en concertation avec le service spécialisé dans la guidance ou le traitement des délinquants sexuels ou tout autre service ou médecin agréés par le Roi. Le Roi détermine les modalités de cette concertation.

Art. 4

Dans la section 5 du chapitre II du livre 1er du même code, est inséré une sous-section Iter, contenant un article 34ter, rédigée comme suit:

« Sous-section 1ter. Du placement sous surveillance électronique mobile

Article 34ter. Dans les cas prévus à l'article 7, « En matière criminelle et correctionnelle », 2º, le juge peut ordonner, complémentairement à la peine principale, le placement sous surveillance électronique mobile à compter du jour où la privation de liberté prend fin.

Le placement sous surveillance électronique mobile emporte pour le condamné l'obligation de porter un bracelet-émetteur permettant à tout moment de déterminer à distance sa localisation sur l'ensemble du territoire national.

Le placement sous surveillance électronique mobile ne peut être ordonné qu'à l'encontre d'une personne majeure condamnée à une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à sept ans.

Le juge qui ordonne un placement sous surveillance électronique mobile fixe la durée maximum de l'emprisonnement encouru par le condamné en cas d'inobservation des obligations qui lui sont imposées par ce placement. Cet emprisonnement ne peut excéder trois ans en cas de condamnation pour délit et sept ans en cas de condamnation pour crime.

Le juge mentionne également dans sa décision que le placement sous surveillance électronique mobile ne pourra être mis en œuvre sans le consentement du condamné, mais que, à défaut ou s'il manque à ses obligations, l'emprisonnement prononcé en application de l'alinéa 4 sera mis à exécution.

Le placement sous surveillance électronique mobile est mis en œuvre par le tribunal d'application des peines. Un an au moins avant la date prévue de sa libération, la personne condamnée au placement sous surveillance électronique mobile fait l'objet d'un examen destiné à évaluer sa dangerosité ainsi que le risque de récidive. Cet examen est réalisé par un service spécialisé dans la guidance ou le traitement des délinquants sexuels ou tout autre service ou médecin agréés par le Roi.

Sur base de cet examen, le juge d'application des peines détermine la durée du placement sous surveillance électronique mobile. Celle-ci ne peut excéder deux ans, renouvelable une fois en matière délictuelle et deux fois en matière criminelle. »

Art. 5

À l'exception du présent article, qui entre en vigueur le jour de la publication de la présente loi au Moniteur belge, chacun des articles de la présente loi entre en vigueur à la date fixée par le Roi, et au plus tard, le premier jour du vingt-quatrième mois qui suit celui au cours duquel la présente loi aura été publiée au Moniteur belge.

11 décembre 2006.

Christine DEFRAIGNE
Alain DESTEXHE.

(1) Question n° 12217 posée à la commission de la justice de la Chambre des représentants du 28 juin 2006, CRIV 51, COM 1025, p. 11.

(2) Chiffres cités dans Le Soir du vendredi 30 juin 2006 par le Dr. Depauw, psychiatre qui mène depuis 1996 un programme de thérapie des délinquants sexuels à la prison de Jamioulx et à l'hôpital psychiatrique V. Van Gogh.

(3) C'est ce que nous expliquent Mmes I. Carton et L. Defrasnes, psychologues au Service Psycho-social de la prison de Jamioulx dans « Le travail de prise en charge des délinquants sexuels par l'équipe du Service Psycho-social de la prison de Jamioulx », dans le dossier « Magistrats, thérapeute, acteurs de la prise en charge globale de délinquants sexuels » paru dans l'Observatoire, no 36, sept-oct-nov 2002.

(4) Dans un laboratoire équipé d'ordinateurs, le patient est confronté à des scénarios pornographiques, sous forme de diapositives ou de cassettes audio, impliquant des enfants, des femmes adultes, consentants ou non, avec ou sans actes de violence. Un anneau de caoutchouc autour du pénis mesure les érections du patient. Le technicien recueille la courbe qui permettra de classer le nouvel arrivant.