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Mme la présidente. - M. Vincent Van Quickenborne, secrétaire d'État à la Simplification administrative, adjoint au premier ministre, répondra.
Mme Clotilde Nyssens (CDH). - Je me réjouis d'avoir introduit cette demande d'explications il y a huit jours puisque ce matin la ministre a fait des déclarations à propos du projet Phénix dans la presse. Il était donc temps d'interroger la ministre.
Lors du super-conseil des ministres des 30 et 31 mars 2004, le premier ministre avait déclaré qu'avant la fin de la législature, le projet Phénix devait garantir une informatisation complète de la Justice. En 2004 et 2005, tous les tribunaux de police et du travail seraient informatisés. Puis, ce serait le tour des autres tribunaux pour terminer en 2007, par la Cour de cassation et les tribunaux de commerce. Avant la fin de la législature, l'ensemble des cours et tribunaux seraient reliés entre eux par un intranet sécurisé et une plate-forme compatible avec tous les systèmes d'information. Des dossiers électroniques verraient le jour.
Il semble qu'en septembre 2005, le test du système au parquet de police de Turnhout, qui devait être opérationnel en 2004, s'est soldé par un échec.
Le fournisseur, Unisys, n'aurait pas respecté les dispositions contractuelles et le plan d'exécution n'aurait pas été suivi. Aujourd'hui il semble que les problèmes restent entiers. Le système ne peut être testé.
Cela a notamment eu des conséquences pour les justices de paix, qui ont été contraintes d'acheter de coûteuses machines de seconde main.
Mes questions à Mme la ministre sont les suivantes. Combien le projet Phénix a-t-il coûté jusqu'à présent ? Quels sont les engagements financiers ? Où en est la situation avec le fournisseur du système ? Est-il vrai que la situation est bloquée ? Le gouvernement est-il condamné - comme on le laisse souvent entendre - à continuer à travailler avec le même fournisseur de services sous peine de payer de considérables indemnités de dédit ? Comment la ministre envisage-t-elle de débloquer la situation ?
J'ai appris ce matin qu'un conseil des ministres restreint a confirmé la rupture du contrat avec la firme Unisys vu le retard accumulé par cette firme et le manque manifeste de qualité des prestations fournies. La ministre a ajouté qu'elle a reçu le soutien de l'Ordre judiciaire et de l'administration Fedict chargée de l'informatisation des services de l'État, ainsi que l'accord de l'inspection des Finances.
Pour sa part, Unisys évoque des manquements graves du département de la Justice qui serait dans l'incapacité de déployer le cadre indispensable à la réussite du projet et déplore que ses nombreuses propositions constructives soient restées sans suite.
Selon le communiqué de la ministre de ce matin, le gouvernement prendra toutes les mesures utiles afin d'obtenir le dédommagement de l'important préjudice subi par l'État. Peut-on déjà estimer ce préjudice lié à un marché qui semble atteindre 22 millions d'euros ? Cependant Unisys a décidé aussi de demander des dommages en justice à cause du choix de la ministre et de la communication qu'elle a faite sur le sujet. Les suites de cette affaire sont donc incertaines et ne connaîtront pas de sitôt un aboutissement en justice.
Déjà en 2003, le gouvernement parlait de dénoncer ce contrat. Pourquoi un tel retard dans la prise de décision si les manquements évoqués étaient déjà connus et avérés ? Quels efforts ont-ils été entrepris par la ministre dès le début pour que ce projet aboutisse ? Qu'en est-il désormais de l'informatisation de la Justice ? Il semble que ce projet soit remis à 2008, c'est-à-dire durant la prochaine législature. La ministre a parlé dans la presse de créer un groupe d'experts pour débroussailler le terrain et proposer un nouveau calendrier des travaux. La ministre peut-elle nous donner de plus amples informations à ce sujet ?
Voilà les questions que j'aurais voulu poser à Mme Onkelinx. C'eût été plus facile si elle avait été présente plutôt que de demander des explications complètes au secrétaire d'État.
De heer Hugo Vandenberghe (CD&V). - CD&V heeft sinds 2001 in de commissie voor de Justitie meermaals zijn bezorgdheid over het Phenixproject geuit. Blijkbaar hebben de maatregelen om de informatica binnen Justitie te vereenvoudigen een omgekeerd effect. Kafka neemt enkel maar toe. Waarom raakt dit `grootse' project niet van grond?
M. Vincent Van Quickenborne, secrétaire d'État à la Simplification administrative, adjoint au premier ministre. - Je vous lis la réponse de Mme Onkelinx.
Comme vous l'avez sans doute appris, j'ai rompu hier, avec l'accord du gouvernement, le contrat conclu avec la société Unisys, laquelle était chargée de développer l'application informatique Phénix.
Cette décision était inévitable vu les retards accumulés par la firme et le manque manifeste de qualité des prestations fournies. J'ai reçu le soutien de l'Ordre judiciaire et de Fedict. L'inspection des Finances a également marqué son accord sur cette décision.
Pour rappel, les principes du projet Phénix avaient été adoptés en 2000. Ce projet visait à uniformiser les outils informatiques mis à la disposition de l'Ordre judiciaire, à instaurer le dossier judiciaire électronique, à accélérer et à simplifier ainsi le travail du personnel judiciaire, et également à faciliter les échanges entre l'Ordre judiciaire et les auxiliaires de la Justice - les avocats, huissiers, notaires, experts judiciaires - de même qu'avec le justiciable.
En décembre 2001, le gouvernement a accordé le marché Phénix à la firme Unisys suite à un appel d'offres général.
Après une première phase d'analyse fonctionnelle, Unisys a entamé la phase clé « développement » au milieu de l'année 2003.
Tout au long des quatre années écoulées, le projet a fait l'objet d'un suivi attentif, tant par Fedict que par un comité de pilotage composé du président de la Cour de cassation, du président du comité de direction du SPF Justice et du chef de cabinet de la ministre de la Justice.
Lors de la première concrétisation tangible de Phénix, c'est-à-dire le lancement d'un site pilote au parquet de police de Turnhout en avril 2005, des défauts de qualité importants sont apparus.
Ce premier échec à Turnhout a été pris très au sérieux par la firme Unisys elle-même : la maison mère américaine est intervenue et, en juin 2005, Unisys a présenté un plan de remédiation. Ce dernier a été validé par Fedict et a débouché sur la conclusion d'un avenant au contrat en octobre 2005, avec un planning adapté et des garanties supplémentaires pour l'État.
Les équipes Unisys ont été renforcées en conséquence et le travail s'est poursuivi, certes avec des retards mais ceux-ci n'ont pas été jugés anormaux, vu l'ampleur et la complexité du projet.
En outre, plus aucune facture n'a été payée par l'État depuis décembre 2004.
À l'automne 2006, la situation est redevenue préoccupante. Rien de ce qui devait être délivré ne l'était à temps et le seul délivrable disponible - application limitée au règlement collectif de dettes - était loin de répondre aux attentes des utilisateurs de l'Ordre judiciaire appelés à le tester. En outre, les équipes d'Unisys avaient été réduites.
Compte tenu de ces nouveaux signaux alarmants, Unisys a été formellement mise en demeure de respecter ses engagements contractuels, en ce compris le calendrier.
Des pourparlers ont eu lieu pour essayer de sortir de l'impasse, mais en vain.
Au terme d'une analyse méthodique, Fedict a en effet estimé que les réponses apportées par Unisys étaient très insuffisantes et que les chances de succès étaient très minces.
Cet avis était partagé par le pouvoir judiciaire.
La décision de mettre un terme au contrat m'est donc apparue comme étant la seule responsable pour préserver au mieux les intérêts de l'État.
Le projet d'informatisation de la Justice n'est pas pour autant abandonné. Le gouvernement réaffirme sa volonté d'aller de l'avant.
À court terme, il a été décidé de poursuivre, avec d'autres fournisseurs, la modernisation des applications informatiques existantes au sein des justices de paix, tribunaux et parquets de police, ainsi qu'en ce qui concerne le règlement collectif de dettes. Ces applications seront centralisées sur un serveur unique, et un module d'impression centralisée des plis judiciaires pour ces trois entités devrait être opérationnel dans les prochains mois.
Le prochain ministre de la Justice sera amené à prendre les décisions qui s'imposent pour relancer la procédure judiciaire électronique. Il devra pouvoir le faire en connaissance de cause. Pour l'aider dans cette tâche, un groupe d'experts composé d'informaticiens, de juristes et de représentants de l'Ordre judiciaire sera chargé de faire des propositions concrètes pour la mise en oeuvre de la réorientation de ce projet.
Par ailleurs, le matériel informatique acquis dans le cadre du projet Phénix sera bien rentabilisé tant pour le portail de l'Ordre judiciaire que pour la modernisation et la centralisation des applications existantes.
Grâce au projet JustScan - scanning des dossiers judiciaires - qui vient d'être lancé et à la banque de jurisprudence en ligne - Juridat-bis - qui sera prochainement opérationnelle, des progrès importants ont été réalisés en matière d'informatisation de l'Ordre judiciaire.
Une somme de 8.967.087 euros a été payée à Unisys avant l'avenant d'octobre 2005, soit environ 6.700.000 euros au cours de la précédente législature et 2.260.000 euros au début de l'actuelle législature. Cette somme fera l'objet d'une demande de dommages et intérêts à charge d'Unisys par voie judiciaire si nécessaire.
Par ailleurs, une somme d'environ 11.000.000 d'euros doit être considérée comme ayant été consacrée à des investissements totalement ou en très grande partie récupérables. Il s'agit essentiellement de l'achat du hardware, en l'espèce les serveurs Bull - 10.945.923 euros - et du marché relatif à l'impression centralisée - 432.000 euros.
Le coût des mesures à prendre à très court terme pour assurer la pérennité de l'outil informatique des juridictions qui en ont le plus besoin est actuellement en cours d'évaluation et sera mis à charge des crédits 2007 initialement prévus pour les paiements de la firme Unisys. Cela concerne les justices de paix, les parquets et tribunaux de police et les tribunaux du travail pour le traitement du contentieux du règlement collectif de dettes. Je pourrai vous en dire plus à l'issue du contrôle budgétaire.
Pour les deux premières, il s'agit de moderniser les applications existantes et de les centraliser sur les serveurs Bull. Pour les juridictions du travail, il s'agit de développer une application standard pour le règlement collectif de dettes.
En tout état de cause, tout est actuellement mis en oeuvre pour que l'ambitieux projet d'informatisation de la Justice puisse se poursuivre sur des bases saines.
Mme Clotilde Nyssens (CDH). - Je suis catastrophée à l'idée que ce projet Phénix se termine de cette manière, même si les éléments positifs mis en avant tentent de minimaliser.
Je ne sais pas qui est en faute. La firme Unisys dit que Mme Onkelinx minimalise ses propres fautes. De toute façon, la collaboration n'a pas marché. Unisys est indignée par la réaction du gouvernement et de Mme Onkelinx en disant qu'aucune suite n'a été donnée à de nombreuses propositions constructives de la firme. Je n'en sais rien. Je ne connais rien en informatique et encore moins dans le suivi de Phénix pratiquement.
Ce qui me désole, c'est que l'on attend depuis longtemps l'informatisation de la justice. C'est ce qui fait la lenteur de la justice. Nous avions fait confiance. On parlait du projet Phénix comme étant le projet que l'on attendait. Aujourd'hui, nous en sommes là : à des actions en justice pour récupérer des dommages et intérêts et couper le contrat.
Je trouve cela désolant, en fin de législature. La qualité de la justice passe par l'informatisation. Les projets boulimiques que Mme Onkelinx nous a fait voter contiennent sans doute beaucoup de choses positives, mais l'informatisation est un préalable. Je suis très inquiète pour l'avenir de la Justice et je suivrai attentivement ce dossier.