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Mme la présidente. - M. Didier Donfut, secrétaire d'État aux Affaires européennes, adjoint au ministre des Affaires étrangères, répondra.
M. Philippe Mahoux (PS). - Cette question concerne le premier ministre, puisqu'elle porte sur la future déclaration de Berlin, annoncée par la présidence allemande, plus particulièrement par la chancelière, Mme Merkel. Cette dernière a écrit aux dirigeants des vingt-sept membres de l'Union européenne, les invitant à envoyer leurs conseillers à Berlin pour des consultations bilatérales portant sur cette déclaration solennelle, qui devrait avoir lieu le 25 mars à Berlin, à l'occasion du cinquantième anniversaire du Traité de Rome.
Ces consultations bilatérales seraient à présent terminées. En tout cas, les informations diffusées au sein de la COSAC par le fonctionnaire représentant Mme Merkel, d'une part, faisaient état de la procédure suivie et, d'autre part, revêtaient un caractère extrêmement sibyllin, comme s'il s'agissait d'une surprise réservée à ceux qui participeraient au sommet européen des 8 et 9 mars. Tout cela semble entouré du plus grand secret, alors qu'il s'agit d'une déclaration importante, même si elle revêt un caractère symbolique.
À ce stade, il n'y a guère de consensus que sur la forme : le texte devrait être court - deux ou trois pages maximum - et ne contenir ni jargon ni subtilités diplomatiques. On s'accorderait pour que cette déclaration célèbre la paix et la prospérité apportées par la construction européenne. Mais dès que l'on entre dans les détails, les contentieux apparaissent, comme l'illustre le différend entre Londres et Luxembourg concernant l'opportunité de mentionner l'euro. Par ailleurs, la mention aux accords de Schengen montre que les États membres qui ne font pas partie de cette zone ont quelques réserves en matière de coopération renforcée.
Je voudrais aussi soulever une interrogation liée au lobbying réalisé par certaines parties d'États membres et qui concerne la référence à l'héritage et aux valeurs judéo-chrétiennes de l'Europe. Certains souhaitaient intégrer cette référence dans le traité constitutionnel, mais nombreux sont ceux qui s'y sont opposés. D'aucuns auraient l'intention de réinscrire dans la future déclaration de Berlin ce qui ne figurait pas dans le traité constitutionnel ni dans son préambule. À l'époque, la Belgique s'était clairement prononcée en faveur du retrait de l'article 51 du traité constitutionnel, qui faisait référence à ces valeurs. On avait trouvé un compromis : l'inscription dans le préambule d'une référence à des valeurs de manière générale. Nous souhaitons vivement que l'on s'en tienne à la teneur du traité constitutionnel, mais nous nous interrogeons évidemment sur la position de la Belgique lors du sommet européen des 8 et 9 mars et, bien entendu, sur le contenu de la future déclaration de Berlin, qui sera prononcée par Mme Merkel mais qui doit être le résultat d'un consensus, y compris sur les questions de la laïcité et des valeurs qui président à l'Union européenne.
M. Didier Donfut, secrétaire d'État aux Affaires européennes, adjoint au ministre des Affaires étrangères. - Je vous prie d'abord de bien vouloir excuser l'absence de M. le premier ministre qui est dans l'impossibilité de venir répondre à cette importante question de M. Mahoux.
Permettez-moi de donner quelques éléments de réponse partagés par l'ensemble du gouvernement. Par rapport au débat européen, la Belgique a une position relativement forte et homogène.
Le calendrier étant ce qu'il est, certains aimeraient profiter de la déclaration du cinquantième anniversaire pour remettre sur la table la question du Traité. Certaines échéances politiques vont être dépassées dans certains États qui ont bloqué le processus par un référendum. Un nouveau gouvernement vient de s'installer aux Pays-Bas et les élections françaises sont proches.
Je pense qu'une réouverture rapide du débat serait une erreur majeure. En Belgique comme dans bon nombre d'États, on a estimé qu'il fallait saisir toutes les occasions pour parler de l'Europe aux citoyens, en termes objectifs. Comme vous l'avez souligné, nous sommes face à une opportunité symbolique de remettre en évidence des éléments forts de l'histoire européenne et de sa construction. Évitons de faire de ce moment une occasion de rouvrir la polémique sur un sujet qui ne fait pas encore l'objet d'un consensus suffisant.
Dans le cadre de la déclaration de Berlin, une discussion sera présentée par Mme Merkel, lors du conseil européen du 8 mars. La présidente entend présenter au Conseil un canevas qui donnerait la structure et quelques éléments de contenu de la déclaration. De plus, avec quelques experts et acteurs politiques européens importants nous aurons sans doute l'occasion d'élaborer un texte définitif qui serait présenté entre le moment de la déclaration et le Conseil européen.
Cette déclaration devra évidemment - et je pense qu'il y a aura un consensus en la matière après les consultations bilatérales - être un élément relativement clair, précis, avec différentes parties, notamment sur les réalisations de cette intégration européenne qui se construit depuis de nombreuses années. Il faudra également rappeler les valeurs européennes. N'oublions pas que cette déclaration sera lue dans le monde entier et que beaucoup d'acteurs internationaux y seront attentifs. Il est donc essentiel de rappeler les valeurs de l'Union européenne qui sont celles que défend, depuis longtemps, cette partie du monde à laquelle nous appartenons. Nous ne pouvons manquer de saisir cette occasion symbolique.
Il serait par ailleurs intéressant de sensibiliser nos concitoyens aux nouveaux défis que l'Europe devra rencontrer, nouveaux défis qui appellent, sans aucun doute, une nouvelle mobilisation de l'ensemble des États et des citoyens.
Nous pourrions terminer par un engagement pris par les chefs d'État à l'égard de cette déclaration.
En ce qui concerne la référence à la valeur judéo-chrétienne, la position du gouvernement belge est très simple. Le débat a eu lieu lors de la convention européenne. La question a été clairement posée, analysée et débattue de manière pleine et entière par l'ensemble des partenaires. Nous pensons, comme le projet de Traité le soulignait, que cette référence serait de nature à compliquer les choses, dans une Europe qui, dans ses valeurs, a aussi inclus beaucoup de tolérance et une volonté d'accepter la diversité culturelle.
Il serait évidemment difficile, dans tout ce travail d'intégration, d'apporter des éléments de réponse sur les liens à établir entre les nouveaux défis et la construction européenne qui doit absolument se renforcer pour pouvoir relever ces nouveaux défis.
Enfin, le gouvernement espère que la déclaration, tout en étant courte, permettra d'obtenir des États membres un engagement à trouver le nouveau cadre européen qui permettra d'aller de l'avant. Nous aurions souhaité une référence plus explicite à la relance du traité constitutionnel. Nous sommes cependant conscients que si nous mettons de telles propositions sur la table, nous créerons davantage de problèmes et nous ne contribuerons nullement à la relance du processus qui, comme l'a annoncé la présidence allemande, sera abordée au Conseil européen de juin.
Je conclurai donc en disant « chaque chose en son temps » et en rappelant que ce traité est aussi un signal adressé à nos concitoyens et à l'ensemble du monde.
M. Philippe Mahoux (PS). - Il est sage, raisonnable et tolérant de s'en tenir précisément au préambule de l'ancien traité constitutionnel qui, après tout, pourrait bien devenir celui du futur traité constitutionnel.
Mme la présidente. - Je vous rappelle que, le 16 mars prochain, un grand débat européen avec Jacques Delors aura lieu dans cet hémicycle.