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Belgische Senaat

Handelingen

DONDERDAG 8 JUNI 2006 - NAMIDDAGVERGADERING

(Vervolg)

Mondelinge vraag van mevrouw Sfia Bouarfa aan de minister van Ambtenarenzaken, Maatschappelijke Integratie, Grootstedenbeleid en Gelijke Kansen over «de uitvoering van de praktijktests om racistische handelingen en uitlatingen op te sporen» (nr. 3-1160)

Mme Sfia Bouarfa (PS). - Le lundi 29 mai dernier, une enquête d'opinion, réalisée par Belga/iVox, sur le racisme au sein de notre société est parue dans un quotidien francophone. Elle fait notamment suite aux événements tragiques que la Belgique a connus voici quelques semaines à Anvers.

S'il ne s'agit que d'une photographie instantanée de l'état de l'opinion, cette enquête apporte quelques enseignements intéressants notamment sur l'opinion des Belges concernant la sanction d'attitudes racistes.

Ces derniers estiment à 55% que les actes racistes ne sont pas suffisamment poursuivis en Belgique.

Ceux-ci sont pourtant sanctionnés depuis 1981 par la loi réprimant les actes ou propos racistes, xénophobes ou discriminants, plus communément appelée « la loi Moureaux ».

De même, le principe d'un renforcement de cette loi par l'utilisation du testing ou tests de situation est prévu dans la loi du 25 février 2003 venant compléter celle du 30 juillet 1981.

Je souhaiterais savoir ce qu'il en est de la publication de l'arrêté royal qui donnera la possibilité d'utiliser le testing pour « dépister » des discriminations dans la vie quotidienne. Ces discriminations sont malheureusement bien nombreuses - je suis bien placée pour le savoir.

L'application de ce dispositif légal permettra, je pense, de répondre en partie au souhait de nos concitoyens de voir les comportements racistes plus facilement punis car détectés plus aisément.

M. Christian Dupont, ministre de la Fonction publique, de l'Intégration sociale, de la Politique des grandes villes et de l'Égalité des chances. - Je vous remercie de votre question à laquelle les dramatiques incidents d'Anvers donnent évidemment une acuité particulière.

Ces événements constituent la part visible, horrible d'un mal répandu dans notre société : le racisme et le rejet de l'autre en fonction de sa prétendue race.

Le législateur belge a pris, il y a 25 ans, la mesure de ce mal en votant la première loi contre le racisme. Depuis, des dispositions sont venues compléter ce texte de base, tandis que l'on a incriminé également la discrimination fondée sur d'autres critères que la race.

Les discriminations pourtant subsistent partout et, particulièrement, dans l'accès à l'emploi. De multiples enquêtes montrent la réalité de la discrimination dans ce domaine. Le magazine Trends-Tendances révélait au mois de mai 2005 que la moitié des entreprises préféraient engager, à compétences égales, des personnes d'origine européenne. Et bien sûr, la discrimination poursuit les personnes d'origine non européenne dans leur vie privée, pour l'accès au logement, aux loisirs, ...

Une part de notre société continue donc à barrer la route à certains de ces citoyens, pour la plupart nés sur son territoire, issus de parents ou de grands-parents venus travailler à la prospérité de la Belgique. Comment donc ne pas comprendre la frustration, voire la colère de ces citoyens ? Comment ne pas voir qu'elle est le plus grand danger de dislocation de la cohésion sociale que court notre société ?

Interdire ces pratiques et permettre aux victimes de poursuivre de tels actes devant les cours et tribunaux est essentiel. C'est l'objet des diverses législations que j'ai évoquées, ainsi que de plusieurs directives européennes. Vous savez qu'un texte essentiel de cet édifice législatif antidiscrimination, à savoir la loi du 25 février 2003, a été attaqué devant la Cour d'arbitrage l'année dernière. La Cour d'arbitrage a rendu un arrêt qui préserve l'intégrité de la loi, imposant cependant au législateur une refonte partielle de celle-ci.

Par ailleurs, les diverses directives européennes touchant à la prohibition du racisme en toute situation, à l'interdiction de tout type de discrimination dans l'emploi, ou à la promotion de l'égalité homme/femme souffraient de plusieurs imperfections dans leur transposition en droit belge.

La Commission européenne a donc adressé à la Belgique plusieurs questions et une mise en demeure pour non-conformité. Il appartenait donc au gouvernement de proposer une réponse juridique pour conforter l'interdiction de la discrimination en droit belge.

Dès que fut rendu l'arrêt de la Cour d'arbitrage, j'ai chargé un groupe d'experts universitaires et d'avocats de rédiger des propositions visant à revoir l'ensemble de l'édifice législatif « antidiscrimination » en droit belge.

Après un long travail impliquant de très nombreuses consultations informelles, ceux-ci ont rendu un rapport détaillé au gouvernement. Je m'empresse de préciser que la composition de ce groupe de travail respectait l'équilibre Nord-Sud toutes universités confondues, et qu'il comptait des avocats de terrain et autres ainsi que des avocats nationaux et internationaux.

Après des discussions intercabinets, le gouvernement a approuvé le 24 mai trois avant-projets de loi qui ont pour objectif de répondre à la fois à l'arrêt de la Cour d'arbitrage et aux problèmes de transposition de l'ensemble des directives européennes prises à ce jour en cette matière.

J'espère donc pouvoir venir exposer rapidement devant votre assemblée toute l'économie de ces dispositions.

Cependant, nous savons vous et moi que l'un des problèmes essentiels que rencontre la victime de discrimination pour faire valoir ses droits en justice est de faire la preuve de la discrimination subie. Le législateur, tant européen que belge, avait aperçu cette difficulté et prévu d'y répondre en prévoyant un mécanisme de renversement de la charge de la preuve en cas de présomption de discrimination. Le législateur belge a estimé que cette présomption pouvait être basée soit sur un test de situation, soit sur la production de statistiques.

Le législateur belge a confié au Roi le soin de fixer le cadre dans lequel doit se dérouler le test de situation. Le gouvernement cherche encore à atteindre un accord sur ce cadre. Si les tests de situation doivent être exécutés sérieusement pour être recevables par un juge, les conditions fixées pour l'exécution ne doivent pas être restrictives au point de rendre très coûteux voire quasiment impossibles l'accès à ces tests, sous peine de passer totalement à côté de l'objectif des législations dont nous parlons. Sensible à ces risques, le législateur avait d'ailleurs prévu que le recours aux constats d'huissiers ne devait être que facultatif.

Pour ma part, si le gouvernement n'arrivait pas à se mettre d'accord à court terme sur le contenu d'un arrêté royal, je préconiserais de confier au juge l'appréciation du caractère loyal et méticuleux de l'exécution du test qui lui est soumis, sachant que le juge apprécie évidemment souverainement, dans tous les cas, le caractère probant du test. C'est l'essence de la tâche du juge : tous les jours il examine la validité des preuves présentées devant lui.

C'est donc une solution possible, qui implique une modification de la loi supprimant la référence à un arrêté royal fixant le contenu du test mais ne supprimant pas les tests.

Quelle que soit la solution finalement retenue, je pense comme vous qu'il est urgent qu'elle intervienne. Je ferai donc tout ce qui est en mon pouvoir pour que ce dossier aboutisse au plus vite. Plus que jamais nous devons lutter contre la discrimination pratiquée quotidiennement à l'égard de milliers de nos concitoyens, pour ce qu'ils sont. Il importe de garder son calme et de ne pas diaboliser les propositions qui sont faites. D'ailleurs, certains esprits me paraissent évoluer. Je pourrais marquer mon accord sur un grand nombre de ces propositions, d'où qu'elles viennent.

Mme Sfia Bouarfa (PS). - Nous sommes tous d'accord pour dénoncer les dégâts divers et parfois mortels causés par ce fléau qu'est le racisme. Je fais entièrement confiance au ministre pour apporter les réponses permettant à chacun et à chacune de s'émanciper et de s'épanouir dans ce pays si accueillant.