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Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 1er JUIN 2006 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Demande d'explications de Mme Clotilde Nyssens au ministre des Affaires étrangères sur «les relations entre la Belgique et la Colombie» (nº 3-1658)

Mme la présidente. - M. Vincent Van Quickenborne, secrétaire d'État à la Simplification administrative, adjoint au premier ministre, répondra.

Mme Clotilde Nyssens (CDH). - Cette demande d'explications tombe à point nommé, vu que les élections ont eu lieu voici quelques jours en Colombie et que le président Álvaro Uribe a été réélu.

La Colombie est l'une des sociétés les plus violentes au monde. De façon générale, toutes les parties du conflit armé interne en Colombie - forces de sécurité, paramilitaires et guérillas - violent systématiquement les droits humains et le droit international humanitaire.

Le 15 juillet 2003, le gouvernement colombien et la plupart des groupes paramilitaires liés aux milices d'autodéfense unies de Colombie ont signé un accord prévoyant la démobilisation, pour fin 2005, des combattants paramilitaires. Le 21 juin 2005, le congrès colombien a approuvé le texte de loi « Justice et paix », qui vise à faciliter la démobilisation des paramilitaires soutenus par l'armée.

De nombreuses critiques ont cependant été émises à l'encontre de ce texte, notamment à propos des réductions de peines de prison accordées aux membres des groupes armés illégaux impliqués dans des atteintes aux droits humains, qui ont accepté d'être démobilisés, et à propos des délais réduits desquels disposent les enquêteurs pour inculper des suspects - même en cas de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité -, ce qui revient à accorder des amnisties de fait à de nombreux guérilleros ou paramilitaires démobilisés.

On notera en particulier que le Conseil de l'Union européenne a estimé, au mois d'octobre dernier, qu'il partageait un grand nombre de craintes exprimées par le Haut commissariat des Nations unies aux droits de l'homme, notamment le peu de temps disponible pour les enquêtes, les possibilités limitées de demander réparation, les peines maximales limitées pour les délits les plus graves, etc.

Le secrétaire général des Nations unies, quant à lui, a rappelé que le droit à la vérité, à la justice et aux réparations pour les victimes devait être pleinement respecté.

Le 25 avril dernier, suite au débat relatif à la mise en oeuvre de la loi « Justice et paix », le ministre a annoncé qu'il apporterait son soutien à une série de projets d'ONG pour l'année 2006. La Belgique soutiendra cinq projets en Colombie, pour un montant de 828.000 euros.

À cette occasion, il a expliqué que le gouvernement belge souhaitait contribuer, dans la ligne de la déclaration européenne précitée, à « apporter un soutien aux initiatives qui pallient les insuffisances de cette loi, en tenant compte, notamment, des victimes du conflit ». Il a également rappelé qu'en 2005 la Belgique avait financé l'activité du CICR en Colombie, pour un montant de 500.000 euros.

Pourriez-vous m'éclairer sur les points suivants ?

La Belgique a-t-elle entrepris des démarches visant à indiquer au gouvernement colombien l'importance qu'elle accordait au respect des exigences internationales en matière de droit des victimes à la vérité, à la justice et à des réparations ? Si oui, quelles furent-elles ?

Est-il exact que la Belgique envisage la fermeture de son ambassade à Bogota ? Si oui, quelles sont les raisons de cette fermeture ? La symbolique attachée à cette décision ne contredit-elle pas la volonté affichée par le gouvernement belge de soutenir la société civile colombienne, ainsi que « l'entière solidarité de l'Union européenne avec le peuple colombien [...] », une solidarité rappelée par le Conseil dans ses conclusions sur la Colombie.

M. Vincent Van Quickenborne, secrétaire d'État à la Simplification administrative, adjoint au premier ministre. - Je vous donne lecture de la réponse du ministre De Gucht.

Vu le contexte budgétaire difficile, le SPF Affaires étrangères s'est trouvé dans l'obligation de réexaminer son réseau diplomatique dans le monde. À cette occasion, il a constaté l'importance et la qualité des relations entre la Belgique et la Colombie. L'Ambassade de Belgique à Bogota demeure donc ouverte.

Lors des élections présidentielles du 28 mai dernier, la population colombienne a réaffirmé son soutien au Président Uribe. Celui-ci a été élu il y a quatre ans sur base de la promesse de rétablir la sécurité et l'autorité de l'État sur le territoire national et ce, à travers sa politique de « sécurité démocratique ». Aujourd'hui, les violations des droits de l'homme et la violence sont en relative diminution et la confiance générée par cette politique musclée a bénéficié à l'économie colombienne.

La Belgique a toujours encouragé les efforts du gouvernement colombien pour résoudre pacifiquement le conflit interne et elle a soutenu la population colombienne dans sa recherche de la paix.

J'ai ainsi décidé d'octroyer, en 2006, le montant non négligeable de 828.510 euros dans le cadre de la prévention des conflits et de la diplomatie préventive.

Par l'entremise de l'ambassade de Belgique à Bogota, je suis attentivement l'évolution de la situation en Colombie, notamment la mise en oeuvre de la loi « Justice et Paix » mais vous comprendrez que je me garde d'intervenir dans les affaires intérieures de ce pays.

La récente visite d'une haute délégation colombienne, conduite par la vice-ministre de la Justice, a permis d'exprimer nos préoccupations et d'obtenir des clarifications sur différents points.

Dès que j'en ai l'opportunité, au niveau européen notamment, je souligne toute l'importance que la Belgique accorde au respect des exigences internationales en matière de droit des victimes à la vérité, à la justice, et à obtenir des réparations.

Mme Clotilde Nyssens (CDH). - Je me réjouis que l'ambassade reste ouverte.