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Mme la présidente. - M. Hervé Jamar, secrétaire d'État à la Modernisation des finances et à la Lutte contre la fraude fiscale, adjoint au ministre des Finances, répondra.
Mme Clotilde Nyssens (CDH). - Dans une émission datant du 9 mai 2006, la RTBF est revenue sur une dramatique affaire de trafics de documents. Une fonctionnaire, à l'époque première secrétaire à l'ambassade de Belgique en Bulgarie, découvre en 1995 que des visas sont délivrés à des gens liés à des organisations criminelles. Accepter ce trafic de documents consisterait à contribuer notamment aux trafics d'armes vers l'Afrique, à détruire des femmes dans des réseaux de prostitution, etc. Témoin de ces fraudes répétées, elle n'a pourtant pas été entendue, a subi de nombreuses pressions de la part de sa hiérarchie à Sofia et à Bruxelles et n'a jamais reçu la protection qu'elle demandait. Plus de dix ans de loi du silence se sont écoulés et aucune enquête judiciaire n'a été menée à ce sujet.
La conséquence de ces trafics de documents auxquels ont participé l'ambassadeur, d'autres fonctionnaires et des ministres des Affaires étrangères, est que des délinquants ont pu entrer sur notre territoire grâce à ces visas qui leur ouvraient la porte de tout l'espace Schengen. Ils constituent non seulement une menace pour la sécurité de chacun, mais une trahison de la volonté des parlements des États de l'Union européenne et, dès lors, des citoyens, de régler les conditions d'accès des étrangers à nos pays. Il en résulte des difficultés d'intégration pour une population étrangère introduite à l'insu et contre le gré de nos populations qui alimentent la xénophobie et la montée de l'extrême-droite.
Les visas trafiqués par nos institutions facilitent une certaine forme de criminalité très dangereuse. Les délinquants se procurant ces papiers font souvent partie d'organisations actives dans les secteurs de la traite des êtres humains, des trafics d'armes et des déchets toxiques ou radioactifs, de drogues et d'autres produits de contrebande et du recyclage d'argent d'origine criminelle. Ces organisations opèrent en collaboration avec d'autres organisations présentes dans le reste de l'Europe, ainsi qu'avec des organisations terroristes.
Le trafic de visas est un instrument indispensable à la poursuite de ces activités illicites puisqu'il permet à un grand nombre de personnes recherchées par les autorités judiciaires, aux trafiquants, aux terroristes, aux prostituées, d'entrer dans les pays d'Europe occidentale avec des conséquences extrêmement graves pour l'ordre public et la sécurité des citoyens. Un exemple parmi d'autres : un réseau de blanchiment et de traite des êtres humains fut mis sur pied en 1995 avec l'aide des services secrets bulgares et d'un contact avec un Belge familier de l'ambassade de Belgique à Sofia.
Dans de nombreux États de l'Union européenne, de telles violations des décisions démocratiques ne sont pas restées sans conséquence. En Belgique, depuis 1997, des milliers de visas ont été délivrés par plusieurs ambassades à l'étranger sans que les coupables n'aient jamais été sanctionnés, inculpés ni arrêtés et ce, malgré un nombre considérable de rapports officiels à l'initiative de multiples institutions belges, notamment de la Commission de suivi du Comité R qui, dans son rapport du 16 juillet 2004, énonçait que : « Ni la Sûreté de l'État, ni les instances judiciaires, ni le ministère des Affaires étrangères ne sont intervenus... Cette situation est inacceptable. »
Où en sont les procédures judiciaires ouvertes dans le cadre de ce trafic ? Il semblerait que les informations et les instructions ne soient toujours pas clôturées. Pourquoi accusent-elles du retard ? Des sanctions administratives et disciplinaires ont-elles été prises à l'égard des personnes qui ont participé à ce trafic de visas ? La procédure de délivrance des visas a-t-elle été modifiée afin d'empêcher la criminalité organisée de s'infiltrer ?
M. Hervé Jamar, secrétaire d'État à la Modernisation des finances et à la Lutte contre la fraude fiscale, adjoint au ministre des Finances. - Je vous lis la réponse du ministre de l'Intérieur et du ministre des Affaires étrangères.
Après avoir constaté les faits, le département a mené une inspection approfondie et a pris certaines mesures vis-à-vis du personnel présent sur place. Certaines personnes ont notamment été rappelées à l'administration centrale, en attendant la suite de l'examen et d'autres mesures, lesquelles vont jusqu'au licenciement. Des plaintes ont également été déposées auprès du parquet belge.
Étant donné les conséquences éventuelles de telles mesures pour la vie privée et pour la carrière des personnes concernées, et eu égard aux lois sur la protection de la vie privée ainsi qu'à la règle selon laquelle on est innocent jusqu'à ce que la culpabilité soit établie, mon département ne donne pas d'informations détaillées concernant ce dossier.
En réponse à la seconde question, j'ai l'honneur de vous décrire brièvement ci-après la procédure suivie en cas de demande de visa.
La personne traitant le dossier introduit la demande dans le système électronique VisaNet, qui relie les ambassades, les consulats généraux, le SPF Affaires étrangères et le SPF Intérieur. Elle réclame le « handling fee » et vérifie si toutes les conditions requises sont réunies. Si nécessaire, elle demande au demandeur de visa de compléter le dossier ; les listes de signalements sont automatiquement contrôlées. Si, conformément aux instructions, le visa peut être délivré, l'ambassadeur, le Consul général - en général, le Consul -, marque son accord. En cas de doute, le dossier sera transmis au SPF Intérieur. En effet, c'est au ministre de l'Intérieur qu'appartient la compétence exclusive en matière d'accès au territoire, de séjour, d'établissement et d'éloignement des étrangers. En cas de consultation obligatoire d'un ou de plusieurs partenaires Schengen, celle-ci aura lieu via le SPF Intérieur moyennant le système Vision.
En 1998, la fonction d'agent visa a été créée. Ces agents sont formés et recyclés afin de mieux pouvoir suivre les dossiers visa dans les postes dits « sensibles ».
Chaque année, le directeur général des Affaires consulaires de mon département et son collègue de l'Office des Étrangers sont invités par la commission du Sénat et répondent aux recommandations formulées par celle-ci sur les mesures prises dans la lutte contre la fraude des visas.
Un service monitoring a été créé en 2003 au sein de la direction des Affaires consulaires. Il permet une évaluation approfondie et la réalisation de coups de sonde ponctuels, plus transversaux, visant tous les postes.
La Belgique s'inscrit dans le système d'information visa européen - « Visa Information System » - et est partie prenante, par le biais de mon département, d'une expérience financée pour l'essentiel par la Commission européenne et nommée Biodev : biométrie - enregistrement des empreintes digitales et délivrance de visa. Ces résultats seront très utiles dans le cadre du développement du VIS.
Depuis avril 2001, la Bulgarie ne figure plus sur la liste européenne reprenant les pays dont les ressortissants sont soumis aux visas.