Questions et Réponses

SÉNAT DE BELGIQUE


Bulletin 3-60

SESSION DE 2005-2006

Questions posées par les Sénateurs et réponses données par les Ministres (Art. 70 du règlement du Sénat)

(Fr.): Question posée en français - (N.): Question posée en néerlandais


Vice-premier ministre et ministre de l'Intérieur

Question nº 3-3946 de Mme Nyssens du 16 décembre 2005 (Fr.) :
Police. — Formation de base des policiers.

Dans votre note de politique générale (doc. Chambre 51-2045/010), vous mentionnez avoir pris connaissance des constats du colloque EVA 2003 qui relève différents dysfonctionnements dans le cadre de la formation du policier.

Cette formation appelle les observations suivantes :

1. L'évaluation relève le manque de base théorique de la formation. Les élèves ont de ce fait des difficultés à consolider les éléments fragmentaires et à replacer la matière non structurée dans une perspective plus large et à la mettre en rapport avec les textes légaux réglementant l'intervention policière. Comptez-vous remédier à ce manque de formation théorique ? Si oui, par quels moyens ?

2. La session intermédiaire d'examen a été supprimée, or elle permettait d'opérer une première sélection. En outre, l'aspect probatoire du stage en unité a malheureusement disparu.

Actuellement, on arrête in fine des personnes déjà formées comme policiers. Néanmoins, rien dans la législation actuelle ne permet de mettre un aspirant en échec avant l'issue de sa formation. Les aspirants concernés qui ont introduit un recours au Conseil d'État ont d'ailleurs eu gain de cause. N'estimez-vous pas pertinent d'instaurer une sélection plus rapide dans le processus de formation, en sachant que le taux de réussite aux épreuves de sélection n'est que de 16 % ?

3. Il n'y a pas, au niveau de la sélection, d'enquête systématique de moralité. On trouve alors en formation « des personnes connues des services de police ». Vous indiquez dans votre note de politique générale que vous allez soumettre le recrutement des policiers de base à une enquête de moralité plus rigoureuse. Comment comptez-vous organiser cette enquête ? Quels seront les critères pris en compte pour conclure à une enquête négative ?

4. Les aspirants arrivent en formation en mauvaise condition physique. Ceci devrait pouvoir être amélioré par un entraînement dispensé pendant la période entre l'inscription et la formation. Serait-il possible d'intégrer à la formation un entraînement sportif de ce type ? Pourrait-on imaginer que ce programme sportif soit en lien avec le métier ?

5. Les tests de langue préliminaires arrêtent un grand nombre d'aspirants. Ne pourrait-on pas imaginer l'organisation de cours de promotion sociale avec des orientations précises telles que l'amélioration de la syntaxe, du vocabulaire ? Une post-évaluation porterait alors sur l'acquisition de ces différentes bases ?

6. Une uniformisation de la formation des policiers est essentielle. Or, actuellement, des disparités entre les différentes écoles de police ont été constatées. Ces disparités concernent le contenu, les supports, l'organisation des examens, la qualification du personnel enseignant, les méthodes pédagogiques, l'encadrement, les stages, ... Comptez-vous prendre des mesures afin d'uniformiser la formation ? Des brochures uniques et communes devraient aussi être utilisées dans toutes les écoles de police.

7. L'évaluation met en évidence un certain nombre de cours pratiques et théoriques qu'il serait intéressant d'intégrer dans le cadre de la formation : conduite d'un véhicule, procédure radio, gestion des interventions, des constatations, des rédactions de PV, maîtrise de la loi sur la fonction de police. Serait-ce possible d'en organiser un maximum ?

Réponse : Suite aux différents constats posés au sujet de la formation policière, un plan d'action a été développé et s'articule autour des principaux axes suivants :

— l'amélioration du fonctionnement des écoles,

— le renforcement de la synergie entre les corps et les écoles de police,

— l'amélioration de la formation de base,

— la poursuite d'une intégration plus grande de la formation dans la réalité du terrain.

Des groupes de travail ont été institués autour de ces thématiques. Leurs conclusions sont, pour certaines, déjà mises en œuvre et pour d'autres, supposent l'une ou l'autre adaptation réglementaire en cours.

Concrètement et pour en revenir à vos questions précises :

1. Pour le manque de base théorique de la formation, le contenu des programmes de formation est actuellement revu. L'objectif est notamment de renforcer l'apprentissage de certaines matières abordées de manière transversale dans différents modules, en leur donnant une existence autonome, plus propice à leur assimilation par les aspirants.

2. La possibilité de mettre un terme prématuré à la formation d'un aspirant vient d'être restaurée, comme l'y autorise la loi (connue sous le nom de loi Vésale) modifiant certains aspects du statut policier adoptée le 3 juillet 2005. Elle n'est plus associée à un examen intermédiaire mais est proposée par le Directeur d'école lorsque le fonctionnement professionnel ou le travail journalier défaillant de l'aspirant justifie qu'une décision d'échec définitif soit adoptée à son encontre.

3. En ce qui concerne l'enquête de moralité, tout candidat en fait actuellement l'objet. Il est par contre exact que jusqu'à présent, elle n'était approfondie que s'il apparaissait que le candidat était connu, au moment où elle était effectuée, par la documentation policière automatisée. Désormais, une enquête approfondie sera conduite pour tout candidat et le sera par des policiers qui seront à terme spécialement formés à cet effet. L'enquête sera menée avant la dernière épreuve de sélection de façon telle que le jury puisse confronter le candidat aux résultats de l'enquête. Lors de son admission en formation, l'aspirant devra par ailleurs certifier qu'il a bien fait part de l'ensemble des faits qu'il aurait commis et de ses contacts éventuels avec les services de police ou la justice. S'il devait s'avérer que tel n'a pas été le cas, il pourrait être mis fin à sa formation.

4. L'entraînement physique adapté que vous évoquez existe, il est dispensé, durant la formation, aux aspirants souffrant d'une mauvaise condition physique. On n'envisage toutefois pas un tel entraînement et investissement pour des personnes qui ne seraient encore que candidates à la fonction policière.

5. Des préformations existent et préparent les candidats à la présentation des épreuves de sélection. La maîtrise de la langue maternelle y reçoit une place de choix. Il est toutefois clair que ces cours ne pourront compenser que partiellement les carences du candidat. De la même façon d'ailleurs que les cours dispensés en formation de base qui ont naturellement une orientation plus policière. D'où le maintien d'une certaine sévérité en la matière pour l'accès à une profession où l'écrit revêt une importance prépondérante.

6. L'uniformisation de la formation a toujours retenu une attention particulière. C'est l'équilibre à atteindre entre l'autonomie pédagogique, sans laquelle il n'y pas de bons formateurs, et la certitude qu'indépendamment des choix posés dans le cadre de cette autonomie, le profil de formation attendu de l'inspecteur est atteint, d'où qu'il vienne. Je ne vais pas prétendre ici qu'il n'y a aucune disparité entre les écoles de ce point de vue. Mais je ne vais pas non plus affirmer que la seule voie permettant d'atteindre l'uniformité passe par la suppression de toute autonomie. Il y a une place pour une voie médiane. L'autorité fédérale met des moyens à la disposition des écoles pour y former les policiers. Il me semble en conséquence normal qu'elle contrôle si ces moyens sont utilisés à bon escient, qu'elle fixe des normes, des standards de qualité pour que ce soit le cas, qu'elle propose des outils associés aux programmes. Il y a des textes réglementaires en préparation pour le permettre et des mécanismes de contrôle en développement, soit au sein même des écoles, soit au niveau fédéral.

7. Comme je l'ai précisé, les programmes sont en train d'être revus et la place accordée aux matières essentielles que vous évoquez sera sans doute revue. Je voudrais conclure à ce sujet en rappelant que la formation dont il est ici question est une formation de base qui ne pourra jamais, en 12 mois, former un aspirant à toutes les facettes d'une fonction aussi diverse que celle de policier. L'aspirant en fin de formation n'est et ne sera donc jamais un « produit fini ». La formation n'est donc pas une finalité mais bien le point de départ d'un processus de construction professionnelle, dans lequel chaque membre de la structure policière a aussi son rôle à jouer.