3-1604/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2005-2006

14 MARS 2006


Proposition visant à instituer une commission spéciale chargée d'étudier les relations entre les autorités politiques nationales, la recherche historique et les demandes de la société en matière d'histoire et de mémoire

(Déposée par M. Alain Destexhe et Mme Isabelle Durant)


DÉVELOPPEMENTS


Cette proposition vise à la constitution d'une commission spéciale au sens de l'article 31 du règlement du Sénat (1) . Sauf décision contraire du Sénat, les articles 21 à 29 du règlement s'appliquent mutatis mutandis aux commissions spéciales.

La Commission parlementaire spéciale sera chargée d'évaluer les relations entre les autorités politiques nationales, la recherche historique et les demandes de la société en matière d'histoire et de mémoire.

Pour faciliter le travail et le rendre efficace, la commission articulera ses initiatives sur base des questions: 1) Le bilan de la loi condamnant le négationnisme. 2) La responsabilité des autorités belges dans l'identification, les persécutions et les déportations des juifs en Belgique: quels conclusions le Parlement peut-il tirer du travail demandé aux historiens du CEGES ? 3) La commémoration et le « devoir de mémoire »: Que doit-on entendre par devoir de mémoire ? Quelles doivent être les implications des historiens et des pouvoirs publics en la matière, et dans l'expression commémorative ? 4) La problématique des archives en Belgique. Quelles sont les améliorations à apporter à la politique archivistique en Belgique ?

L'objectif est de créer une plate-forme, lieu de rencontres et de débats, afin de réfléchir sur la présence du passé dans la cité. Il ne s'agit pas d'institutionnaliser une intervention du politique dans l'élaboration d'un discours historique ou dans la construction d'une mémoire collective, L'histoire n'est pas au service du politique. L'instauration d'une commission parlementaire spéciale n'a en aucun cas pour objectif de s'immiscer dans le travail des historiens.

Si l'histoire est une discipline critique et indépendante des usages politiques du souvenir la commémoration, elle, est une action tout à fait légitime des pouvoirs publics. La présente proposition a pour ambition de jeter les bases d'un débat sur les enjeux politiques de la mémoire. Elle n'est pas un répertoire exhaustif des questions qui se soulèveront lors des travaux de la dite Commission.

Cette commission spéciale pourra ponctuellement faire appel à des experts et aura pour fonction de recueillir les différentes positions, d'en faire un cadastre, de proposer en synthèse des pistes de réflexions et des recommandations.

1. Pourquoi constituer une commission spéciale ?

1.1. Rassembler les initiatives autour d'un débat de fond commun

À plusieurs reprises, les parlementaires, au Sénat et à la Chambre, se sont questionnés sur les leçons à tirer de l'histoire. Les grandes tragédies du vingtième siècle parmi lesquelles le génocide arménien et le génocide rwandais; la déportation et l'exécution des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale; le phénomène du négationnisme ou encore le passé colonial de la Belgique (commission Lumumba) ont fait l'objet de débats, qui ont parfois débouché sur des propositions législatives ou des gestes politiques.

La Belgique s'est dotée en mars 1995 d'une loi tendant à réprimer la négation, la minimisation, la justification ou l'approbation du génocide commis par le régime national-socialiste allemand pendant la Seconde Guerre mondiale. Au mois de février 2002, suite aux travaux de la commission d'enquête sur l'assassinat de Patrice Lumumba, le gouvernement belge présenta ses regrets et ses excuses aux familles et au peuple congolais. La Belgique a également présenté ses excuses dans le cadre du génocide des Tutsis au Rwanda. Le 13 mars 2003, fut adoptée au Sénat, sur l'initiative des sénateurs Alain Destexhe et Philippe Mahoux, une proposition de résolution visant à l'établissement des faits et des responsabilités éventuelles d'autorités belges dans les persécutions et la déportation des juifs de Belgique au cours de la seconde guerre mondiale (2) . Enfin, la question d'une reconnaissance du génocide arménien a parfois été soulevée (3) .

Le souci de « mémoire » est commun à ce travail parlementaire, c'est-à-dire, un souci de se souvenir et de transmettre des leçons du passé. La constitution d'une commission spéciale chargée spécifiquement d'une réflexion sur les enjeux de la mémoire permettra non seulement d'approfondir l'étude de questions déjà soulevées mais aussi de mener une réflexion plus large sur l'importance et les limites du rôle des pouvoirs publics dans la transmission de la mémoire du passé.

1.2. Provoquer un débat sur les enjeux politiques de la mémoire

Mémoire et histoire

La notion de « devoir de mémoire » ne fait pas l'unanimité. Devient-elle une injonction vide de sens ? Simone Weill invite, par exemple, à préférer le terme de « devoir d'éducation ». Il apparaît nécessaire de prendre le temps d'une réflexion sur le rapport entre la mémoire et l'histoire.

Les historiens ont une conscience aiguë d'une coupure radicale entre le présent et le passé. La société, quant à elle, leur demande de ressaisir la couleur de ces évènements perdus. L'histoire et la mémoire semblent dès lors par nature antagonistes (4) : « La mémoire est la vie, toujours portée par des groupes vivants et, à ce titre, elle est en évolution permanente, ouverte à la dialectique du souvenir et de l'amnésie, inconsciente de ses déformations successives, vulnérables à toutes utilisations et manipulations, susceptibles de longues latences et de soudaines revitalisations. » alors que « l'histoire est la reconstruction toujours problématique et incomplète de ce qui n'est plus » (5) . « L'histoire revendique un statut de scientificité, tandis que la mémoire mobilise le passé dans un projet politique du civique au présent » (6) . L'histoire actuelle doit-elle se mettre au service de la mémoire ? Certains dénoncent une « commémorativite » qui nous atteint, et qui requiert des historiens une « contribution à la fois experte et légitimante » (7) D'autres considèrent que « l'air du temps est plutôt à l'amnésie au désintérêt pour les « vieilleries » du passé. » Ce débat pose la question du sens d'un mouvement commémoratif, mais aussi celle du rôle de l'historien dans la Cité (8) . Existe-t-il une confusion entre mémoire et histoire, entre commémoration et promotion de la recherche historique ? (9)

Par ailleurs, l'histoire nationale n'a plus la fonction d'un mythe porteur du destin national. Le temps de l'enseignement quasi-récitatif d'une histoire parcourue de figures consacrées et de points de passages obligés est révolu. Le rapport au passé n'est plus le même. Quelles sont les conséquences pour la mémoire nationale ?

Ensuite, l'écriture de l'histoire est en perpétuelle évolution. Des sources inédites permettent la relecture de certains évènements. Les historiens tiennent leur rôle en produisant des ouvrages de plus en plus critiques, nuancés et fouillés. Il reste une question: que doivent faire les pouvoirs publics de ces expertises ? Quelle peut être la nature des relations entre les pouvoirs publics et l'expertise historienne ?

La commémoration

Qu'est-ce qu'un pays comme la Belgique peut commémorer au nom de sa mémoire nationale ? Quel évènement est intégrable de plein droit à une mémoire nationale unitaire ?

Le modèle classique de la commémoration nationale, lequel participait au sentiment d'appartenance à l'État nation, est aujourd'hui anachronique. La vie commémorative vient de moins en moins d'en haut, elle est investie par des langages commémoratifs disparates et une multiplicité d'initiatives décentrées. Le code et la signification de la commémoration sont passés aux mains de groupes particuliers, d'associations diverses. Il en découle d'inévitables controverses et des logiques identitaires se confrontent (10) .

La mémoire nationale n'est donc plus ni un acquis définitif ni un répertoire fermé. Quel est le rôle des pouvoirs publics face à ce constat ? Les jours de commémoration officielle en Belgique sont repris dans l'arrêté royal du 5 juillet 1974 concernant le pavoisement des édifices publics, modifié le 4 avril 1998 pour inclure le 7 avril, journée d'hommage aux soldats belges décédés lors des opérations de paix en ce compris les opérations humanitaires, depuis 1945. Qu'est-ce qui justifie le passage d'une commémoration privée à une commémoration nationale ? Considérant la présence en Belgique de groupes de citoyens belges originaires de pays étrangers, serait-il opportun de commémorer certaines tragédies appartenant à leur histoire ?

Poser la question de l'objet des commémorations c'est inévitablement s'interroger sur les moyens de transmettre la mémoire. La commission « Mémoire » pourra également se pencher sur cette question: la nécessité de jours de commémoration; l'importance des édifices publics rappelant des évènements tragiques.

2. Mission de la commission

À côté d'un débat de fond sur les enjeux politiques de la mémoire, nous proposons de canaliser les activités de la commission autour de quatre grands thèmes.

2.1. Le négationnisme

Dix ans se sont écoulés depuis l'entrée en vigueur de la loi tendant à réprimer la négation, la minimisation, la justification ou l'approbation du génocide commis par le régime national-socialiste allemand pendant la Seconde Guerre mondiale. La loi a donné lieu à deux condamnations. Au mois de juin, les débats au sein de la commission de la Justice du Sénat visant à élargir la portée de cette loi à tous les génocides reconnus n'ont pas abouti. N'est-il pas temps de faire un bilan ?

La commission « Mémoire » sera chargée d'évaluer la pertinence de la nature et du champ d'application de la loi de 1995 à la lumière des évolutions technologiques, de la répression de ce délit dans d'autres pays, de la position des associations de victimes et de la liberté d'expression.

La commission « Mémoire » pourra faire des recommandations au Sénat sur la pertinence et la faisabilité de la répression du négationnisme, ainsi que sur le phénomène du négationnisme concernant d'autres massacres du XXe siècle.

2.2. La responsabilité des autorités belges dans l'identification, les persécutions et les déportations des juifs en Belgique

Pour rappel, le 13 mars 2003, fut adoptée au Sénat une proposition de résolution visant à l'établissement des faits et des responsabilités éventuelles d'autorités belges dans les persécutions et la déportation des juifs de Belgique au cours de la Seconde Guerre mondiale (11) . Dans cette résolution, le Sénat demandait au gouvernement de confier au Centre d'Études et de Documentation Guerre et Sociétés contemporaines (CEGES) la réalisation d'une étude scientifique sur cette question. À cette fin, il a été demandé d'établir les principaux faits susceptibles d'éclairer l'attitude des autorités belges concernant:

a) le déplacement des le 10 mai 1940 d'un nombre important de juifs étrangers vers la France;

b) l'application des ordonnances de l'autorité occupante concernant des juifs;

c) la constitution d'un registre de juifs;

d) la distribution et le port de l'étoile jaune;

e) les concentrations et déportations de juifs;

f) la manière dont cette participation éventuelle a été prise en compte durant la répression d'après-guerre.

Il était demandé que cette étude porte autant sur l'attitude du gouvernement en exil à Londres, que sur celle des secrétaires généraux, des services de l'administration centrale, des autorités judiciaires et des autorités provinciales et communales.

Le CEGES a récemment présenté l'état d'avancement de ses recherches. Grâce à cette étude et éventuellement à d'autres, cette tranche de l'histoire de Belgique sera mieux connue. L'historien peut se prononcer sur la responsabilité d'actes d'hommes du passé, mais sans être juge. « L'histoire est explicative, et c'est ainsi qu'elle s'empare de la notion de responsabilité en limitant les risques d'anachronisme ». Sur base d'une étude d'experts, il appartient à une commission parlementaire d'en tirer les conclusions politiques (12) .

Sur la base des rapports du CEGES et d'autres investigations, la commission spéciale « Mémoire » mènera un débat sur les responsabilités éventuelles d'autorités belges dans l'identification, les persécutions et les déportations des juifs en Belgique.

Le rapport du CEGES a été rendu public le mercredi 19 octobre et confirme l'utilité que le Sénat mène un débat sur cette question. Le Sénat n'entamera cette partie des travaux qu'après la publication du rapport définit du CEGES, probablement en septembre 2006.

2.3. La Commémoration et le « devoir de mémoire »

Que doit-on entendre par « devoir de mémoire » ? La commission pourra évaluer la pertinence d'un traitement national de la mémoire des grandes tragédies du XXe siècle. Pour beaucoup de citoyens, l'enjeu de la mémoire d'un génocide ne réside pas tant dans le passé que dans le présent. Pour certains, le sens du « devoir de mémoire » concernant des évènements tragiques est une réflexion vigilante sur le passé pour montrer les dangers de la passivité citoyenne. Quelles doivent être les implications des historiens et des pouvoirs publics en la matière, et dans l'expression commémorative ?

Par ailleurs, la Belgique compte parmi ses citoyens des personnes d'origines diverses. Ces Belges portent en eux une double identité. Des Arméniens, des Juifs, des Rwandais ont une nationalité belge mais la commémoration de tragédies vécues par les leur constitue aussi leur identité. La commission « Mémoire » aura pour mission d'évaluer si la présence en Belgique de groupes de citoyens originaires de pays étrangers justifie un traitement spécifique de la mémoire de certaines tragédies. La commémoration des uns peut-elle devenir la commémoration de tous ?

La commémoration ne doit pas amener une communauté à se refermer sur elle-même dans un contexte de polémiques ou de controverses. Les pouvoirs publics ont-ils un rôle à jouer pour éviter la communautarisation de la « mémoire » ? La commémoration est une épreuve de deuil qui doit participer à la réconciliation. La mémoire des génocides arménien et tutsi ne s'exprime pas contre les Turcs et les Hutus — de même que la mémoire de la Shoah ne s'exprime pas contre les Allemands (13) .

Des associations se sont données pour but de veiller à la transmission de la mémoire de certaines tragédies. Comment éventuellement renforcer le dialogue entre ces associations de la société civile et les pouvoirs publics ? Parmi d'autres — et la commission pourrait avoir pour tâche de dresser un inventaire — citons l'ASBL « Les Territoires de la Mémoire, Centre d'Éducation à la Tolérance et à la Résistance » qui met à la disposition du public un ensemble d'outils d'éducation pour rappeler les évènements horribles qui ont eu lieu en Europe pendant la Seconde Guerre mondiale.

Des communautés se sont aussi dotées d'associations spécifiques. Ainsi, IBUKA-Mémoire et Justice, association rassemblant des rescapés et des familles des victimes du génocide rwandais, en appelle régulièrement dans ses publications au maintien du souvenir des crimes contre l'humanité commis au Rwanda en 1994, afin de prévenir tout acte génocidaire (14) . Cette association a été au cœur de l'organisation d'une commémoration privée pour le dixième anniversaire des massacres au Rwanda, en 2005. Concernant cette tragédie, l'attitude de la Belgique a été d'une part de présenter ses excuses, en 2000, et, d'autre part, de « donner de la visibilité à son engagement dans la commémoration de ce 10e anniversaire. » Des hommes politiques belges, emmenés par le premier ministre, ont participé à la commémoration officielle du génocide sur place, au Rwanda (15) . En s'interrogeant, par exemple, sur la façon dont sont perçus ces actes politiques par les citoyens d'origine rwandaise du pays et en évaluant le rôle de ces manifestations dans la transmission de la mémoire, la commission « Mémoire » fera des recommandations au Sénat sur la transmission de la mémoire des grandes tragédies du XXe siècle.

2.4. La problématique des archives en Belgique

La connaissance du passé n'est possible qu'à travers le travail des historiens. La Commission se penchera sur les moyens à mettre en œuvre pour encourager l'histoire et le savoir et permettre aux historiens de faire leur travail dans les meilleures conditions. Le travail des historiens dépendant largement des conditions d'accès aux sources, il apparaît nécessaire de se pencher en particulier sur le fonctionnement et les dysfonctionnements de la politique archivistique en Belgique.

Dans son rapport du 16 novembre 2004, la commission d'enquête parlementaire chargée de déterminer les circonstances de l'assassinat de Patrice Lumumba estimait que « d'importantes archives officielles, dont celles du chef de l'État » risquaient « de se perdre » si l'on ne prenait pas « les mesures qui s'imposent ». Par ailleurs, le rapport intermédiaire des historiens du CEGES sur la responsabilité des autorités belges dans l'identification, les persécutions et les déportations des juifs en Belgique, présenté en octobre dernier, soulignait les problèmes méthodologiques rencontrés par les historiens dus à l'inexistence d'un classement inventorié de certaines archives, à des difficultés d'accès à certains fonds, voir à la disparition de dossiers.

S'agît-il de problèmes de gestion ponctuels ou faut-il envisager une solution structurelle, notamment en révisant la loi sur les archives, inchangée depuis 1955 ? Les problèmes en suspens dans la politique archivistique de la Belgique sont entre autres: Les organismes publics soumis à la loi de 1955, le délai de transfert des archives, les conditions d'accès aux archives des pouvoirs publics, la conservation des archives dites de cabinets des ministres fédéraux, les conditions de conservation des documents, la qualité de l'inventaire, l'élimination d'archives sans l'autorisation de l'archiviste général du Royaume.

De plus, de nouveaux moyens technologiques pourraient permettre un accès de meilleure qualité à des archives au profit de la recherche. Où en est la Belgique dans ce domaine par rapport à ses partenaires européens ?

3. Calendrier des travaux

Afin d'assurer une efficacité immédiate à la Commission et tenant compte d'un calendrier réaliste des travaux encore réalisables sous la présente législature, nous recommandons que les travaux de la Commission commencent par l'évaluation de la loi sur le négationnisme, qui fête cette année son dixième anniversaire. Dans quelques mois, le rapport final présenté par les historiens du CEGES, permettra à la Commission d'aborder la question de la responsabilité des autorités belges dans l'identification, les persécutions et les déportations des juifs en Belgique.

Les deux autres domaines d'actions de la Commission, à savoir la réflexion autour du « devoir de mémoire » et de la commémoration, ainsi que l'évaluation de la politique archivistique de la Belgique, devraient commencer sous la présente législature.

Alain DESTEXHE.

PROPOSITION


Article 1er

Il est institué une commission spéciale Mémoire du passé, ci-après dénommée « la commission », qui a pour mission:

1. de mener une réflexion sur le rôle des pouvoirs publics dans la transmission de la mémoire du passé, en tenant compte des rapports complexes entre la mémoire et l'histoire;

2. d'évaluer la pertinence de la nature et du champ d'application de la loi de 1995 tendant à réprimer la négation, la minimisation, la justification ou l'approbation du génocide commis par le régime national-socialiste allemand pendant la Seconde Guerre mondiale à la lumière des évolutions technologiques, de la répression de ce délit dans d'autres pays, de la position des associations de victimes, de la liberté d'expression et des impératifs de la recherche académique;

3. de faire des recommandations au Sénat sur la pertinence et la faisabilité de la répression du négationnisme ainsi que sur le phénomène du négationnisme concernant d'autres massacres du XXe siècle;

4. de mener une réflexion sur la notion de « devoir de mémoire », les implications respectives des historiens et des pouvoir publics en la matière, et dans l'expression commémorative.

5. de faire des recommandations au Sénat sur la transmission de la mémoire des grandes tragédies du XXe siècle;

6. d'évaluer si la présence en Belgique de groupes de citoyens originaires de pays étrangers justifie un traitement spécifique de la mémoire de certaines tragédies;

7. de mener sur la base du rapport du Centre d'Études et de Documentation Guerre et Sociétés contemporaines (CEGES) un débat sur les responsabilités éventuelles d'autorités belges dans l'identification, les persécutions et les déportations des juifs en Belgique.

8. d'évaluer la politique archivistique en Belgique et de faire des recommandations sur les moyens de l'améliorer.

Art. 3

La commission est composée de dix membres désignés conformément aux règles de la représentation proportionnelle des groupes politiques.

Art. 4

La commission peut, dans les limites budgétaires fixées par le Bureau, prendre toutes les mesures utiles à l'exécution de ses missions.

Art. 5

La commission détermine toutes les modalités de son fonctionnement non prévues par les présentes dispositions.

25 novembre 2005.

Alain DESTEXHE
Isabelle DURANT.

(1) Conformément à l'article 60 de la Constitution, chaque Chambre détermine, par son règlement, le mode suivant lequel elle exerce ses attributions.

(2) Documents du Sénat, publié le 11 février 2003, 2-1311/4.

(3) Question orale de M. Lionel Vandenberghe au premier ministre et au ministre des Affaires étrangères sur « la reconnaissance, par le gouvernement fédéral, du génocide commis contre le peuple arménien dans l'Empire turco-ottoman (1915-1918) (no 3-671), 21 mars 2005.

(4) Prost, Antoine, Douze leçon sur l'histoire, Editions du Seuil, Paris, 1996, p. 300-301.

(5) Nora, Pierre, Les Lieux de mémoire, la République, t. 1, p. XIX.

(6) Pléthore d'histoire, Quand l'État se mêle d'histoire, texte d'une pétition signée par des historiens, publié dans La Libre Belgique et Le Soir, mercredi 25 janvier 2006.

(7) Prost, Antoine, op. cit, p. 302.

(8) Raxhon, Philippe, Le débat Lumumba, histoire d'une expertise, éditions Labor, 2002. Historien lors de la commission d'enquête parlementaire sur l'assassinat de Patrice Lumumba, l'auteur ouvre la voie à une réflexion, plus générale, sur la rôle de l'historien dans la Cité.

(9) Décryptage d'un manifeste d'historiens, Opinion de Philippe Raxhon dans La Libre Belgique, vendredi 27 janvier 2006.

(10) Voir, pour la France, l'analyse de Nora, P., L'ère de la commémoration, in Les lieux de mémoire. Les France. De l'Archive à l'emblème, t. 3, Paris, Gallimard, 1992, p. 977-1012.

(11) Documents du Sénat, publié le 11 février 2003, 2-1311/4.

(12) Nous reprenons ici les réflexions à ce sujet de Philippe Raxhon, historien de la commission d'enquête sur l'assassinat de Patrice Lumumba: Raxhon, Philippe, Le débat Lumumba, histoire d'une expertise, éditions Labor, 2002, p. 84-85.

(13) Frères arméniens, frères tutsis, frères humaines, dossier génocides, l'Arche no 554, avril 2004, p. 44.

(14) IBUKA-Mémoire et Justice, 58 rue de la Prévoyance 1000 Bruxelles.

(15) Le Conseil des ministres du 2 avril 2004 avait décidé de donner de la visibilité à son engagement dans la commémoration du ce 10e anniversaire. Communiqué sur le site du SPF Chancellerie du premier ministre, 6 avril 2004.