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Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 23 FÉVRIER 2006 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Demande d'explications de Mme Clotilde Nyssens à la vice-première ministre et ministre de la Justice sur «les missions des greffiers» (nº 3-1388)

Mme la présidente. - M. Hervé Jamar, secrétaire d'État à la Modernisation des finances et à la Lutte contre la fraude fiscale, adjoint au ministre des Finances, répondra.

Mme Clotilde Nyssens (CDH). - Mon attention a été attirée par une recommandation du Conseil supérieur de la Justice relative aux missions des greffiers.

Il me revient que de nombreux justiciables se plaindraient du fait que des greffiers refusent de les orienter dans certaines démarches simples de procédure en invoquant le prescrit de l'article 297 du Code judiciaire. Cet article dispose que « les membres des cours, tribunaux, parquets et greffes ne peuvent, soit verbalement, soit par écrit, assurer la défense des parties ni donner à celles-ci des consultations ».

Néanmoins, la commission d'avis et d'enquêtes du Conseil supérieur de la Justice, citant MM. de Leval et Erdman dans les « Dialogues de justice », considère que cet article n'exclut pas que les greffiers puissent donner des informations d'ordre procédural aux justiciables. Cette interprétation large serait certainement de nature à rendre l'accès à la justice plus aisé et plus compréhensible pour les justiciables.

Dès lors, le personnel des greffes peut-il orienter les justiciables dans des démarches simples de procédure eu égard à l'article 297 du Code judiciaire ?

Il semble également que la pratique consistant à afficher le contenu de cet article dans les locaux où sont accueillis les justiciables soit courante au sein des greffes. Ne serait-il pas temps de mettre fin à cette pratique ? Comment y parvenir ?

(M. Hugo Vandenberghe, vice-président, prend place au fauteuil présidentiel.)

M. Hervé Jamar, secrétaire d'État à la Modernisation des finances et à la Lutte contre la fraude fiscale, adjoint au ministre des Finances. - Je vous lis la réponse de la vice-première ministre Onkelinx.

Auparavant, le greffier de l'ordre judiciaire était censé noter et se taire. Sa devise était « Travaille et tais-toi ». L'interdiction légale de donner des informations était prioritaire.

Dans les années 70, le greffier estimait que le fait de donner des renseignements et l'information aux justiciables était un devoir social d'assistance de première ligne. On parlait de plus en plus de l'accueil réservé aux justiciables qui a peu à peu cédé la place à l'interdiction de consultation.

Depuis la loi du 17 juillet 1997, le greffier assure l'accès du greffe au public, c'est-à-dire qu'il a un devoir d'information en ce qui concerne l'organisation judiciaire et la procédure. Il a non seulement la compétence mais aussi le devoir de renseigner le justiciable sur l'organisation judiciaire, les services, la procédure, les délais d'opposition et d'appel, etc. Cette tâche fait partie des devoirs de sa fonction.

Le greffier ne se comporte pas comme le gardien dans Le Procès de Kafka mais comme le guide compétent, expérimenté et aimable.

Il convient de faire une distinction entre les notions d'information et de consultation.

La consultation, c'est l'action de donner un avis sur quelqu'un ou quelque chose, spécialement en parlant d'un avocat, d'un juriste ou d'un médecin.

Selon l'article 297 du Code judiciaire, le terme « consultation » signifie : donner un conseil juridique, rémunéré ou non.

L'interdiction de prendre la défense ou de donner des consultations a pour but de garantir l'indépendance effective et l'impartialité des magistrats et des autres membres de l'Ordre judiciaire et d'éviter, dans le chef du public, une crainte légitime de partialité.

Donner une consultation c'est, par exemple, conseiller d'entamer ou non une procédure, suggérer la procédure qu'il est préférable de choisir, conseiller d'interjeter ou non appel. C'est aussi interpréter la loi et recommander tel ou tel avocat, notaire ou huissier de justice.

En bref, donner des consultations, c'est donner un conseil juridique, rémunéré ou pas, et conseiller la meilleure procédure.

Donner des informations c'est, notamment, donner des explications sur les structures et les missions des cours, tribunaux, parquets et greffes, communiquer les heures d'ouverture des greffes au public, les différentes possibilités d'introduire une affaire, la manière de procéder en pratique ; c'est indiquer la manière d'interjeter appel, informer du montant des droits de greffe et remettre une brochure explicative ou un formulaire modèle.

En résumé, informer, c'est indiquer « comment on peut ou doit agir conformément à la loi sans faire état d'une quelconque préférence ». Donner des consultations est interdit par l'article 297 du Code judiciaire. Donner des informations est un devoir professionnel pour le greffier.

Il est recommandé d'apposer, sur la porte donnant accès au greffe, un texte compréhensible et clair mentionnant la possibilité de recevoir des informations et l'interdiction des consultations.

Ce message peut être joint au panneau mentionnant les heures d'ouverture du greffe au public.

Afficher « seulement » le texte de l'article 297 du Code judiciaire à l'entrée du greffe, à savoir « Les membres des cours, tribunaux, parquets et greffes ne peuvent soit verbalement, soit par écrit assumer la défense des parties ni donner à celles-ci des consultations » est trompeur.

Le citoyen connaît-il la différence entre renseignement, information, conseil ou consultation ?

L'expression d'une mentalité négative doit être remplacée par un message positif.

Le justiciable est en premier lieu une « personne qui cherche ».

Dans un souci de transparence et d'information, de plus en plus de renseignements et de formulaires standardisés sont mis à la disposition du justiciable dans les greffes et sur l'internet, en l'occurrence, sur le site www.juridat.be qui évolue tous les jours.

Mme Clotilde Nyssens (CDH). - Je constate que la réponse de la vice-première ministre rejoint les recommandations du Conseil supérieur de la Justice et je m'en réjouis.