3-139

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Belgische Senaat

Handelingen

DONDERDAG 8 DECEMBER 2005 - NAMIDDAGVERGADERING

(Vervolg)

Vraag om uitleg van mevrouw Sfia Bouarfa aan de staatssecretaris voor Modernisering van de Financiën en de Strijd tegen de fiscale fraude over «de nadere regels volgens welke de hoofdlijnen worden vastgelegd van het beleid tot bestrijding van fiscale en sociale fraude» (nr. 3-1186)

De voorzitter. - Mevrouw Els Van Weert, staatssecretaris voor Duurzame Ontwikkeling en Sociale Economie, toegevoegd aan de minister van Begroting en Overheidsbedrijven, antwoordt namens de heer Hervé Jamar, staatssecretaris voor Modernisering van de Financiën en de Strijd tegen de fiscale fraude, toegevoegd aan de minister van Financiën.

Mme Sfia Bouarfa (PS). - Je regrette que M. Jamar ne soit pas là car nous aurions pu avoir des échanges beaucoup plus constructifs. Ces derniers temps, le secrétaire d'État Jamar a organisé, avec le soutien de différents services fédéraux, des opérations de contrôle dans différents secteurs d'activités. Durant les quinze derniers mois, il a lancé six opérations Tam-tam mobilisant près de 1.500 agents. Ces opérations se sont essentiellement déroulées à Bruxelles et visaient particulièrement les night shops et les phone shops. Je suis d'ailleurs déjà intervenue deux fois à ce sujet, si je ne m'abuse.

Au mois d'octobre de cette année, M. Jamar a lancé l'opération Jaguar, dont l'objectif était de faire cesser les fraudes à grande échelle dans le domaine de la vente et de l'achat des voitures d'occasion par les particuliers.

Je précise tout d'abord que mon propos ne vise certainement pas à banaliser les agissements frauduleux qui se produisent dans ces secteurs, agissements condamnables, qui doivent être poursuivis avec la plus grande fermeté. Cependant, mon expérience de terrain me laisse également percevoir que ces opérations sont de plus en plus ressenties comme infamantes, voire discriminantes, par ceux qui les subissent ainsi que par les habitants des quartiers dans lesquels elles ont lieu. Actuellement, ceux qui essaient d'exercer, de manière consciencieuse et légitime, ce genre d'activité font l'objet d'une stigmatisation dont on peut se demander si elle est vraiment proportionnée. Cette débauche de moyens renforce le sentiment d'un traitement différencié, en particulier auprès des populations d'origine étrangère.

La question du deux poids, deux mesures se pose également. Aucune action nécessitant autant de moyens que ceux coordonnés dans le cadre des opérations Tam-tam et Jaguar, ne semble être actuellement mise en oeuvre par vos services pour contrôler des secteurs comme celui de la construction ou de l'hôtellerie. En ce qui concerne le secteur horeca, la seule initiative qui a été envisagée pour vérifier le respect de la réglementation, est d'engager des discussions avec les représentants du secteur afin d'aboutir à la conclusion d'un code de bonne conduite qui, selon le secrétaire d'État, permettrait d'offrir une sécurité juridique aux établissements en règle avec le fisc.

Mes questions sont les suivantes :

Pouvez-vous chiffrer le coût exact des opérations Tam-tam et Jaguar qui ont été réalisées ? Ce coût est-il proportionnel aux résultats obtenus ? N'y a-t-il pas deux poids, deux mesures lorsque, pour certains secteurs, la lutte contre la fraude se limite à l'élaboration d'un code de bonne conduite alors que pour d'autres, des moyens exceptionnels, sans commune mesure avec les résultats obtenus, sont employés ?

Ces moyens exceptionnels ne seraient-ils pas mieux employés s'ils étaient affectés à la lutte contre la fraude dans des secteurs comme la construction ou l'hôtellerie où le travail au noir et le non-respect de la réglementation sont souvent dénoncés ?

Les lignes directrices de la politique de lutte contre la fraude fiscale et sociale du gouvernement que le secrétaire d'État met en oeuvre sont-elles déterminées de manière collégiale ?

Mme Els Van Weert, secrétaire d'État au Développement durable et à l'Économie sociale, adjointe au ministre du Budget et des Entreprises publiques. - Je vous livre la réponse communiquée par le secrétaire d'État Jamar.

Ma politique de lutte contre la fraude fiscale pour l'année 2005 a donné des résultats plus que significatifs avec près de 456,4 millions d'euros - situation au 30 septembre 2005 - de recettes fiscales récupérées alors que le gouvernement comptait sur 325 millions d'euros. J'ai toutes les raisons d'être satisfait même si je ne peux m'empêcher de déplorer l'ampleur de cette fraude.

Plusieurs mesures de lutte contre la fraude fiscale et sociale ont été mises en oeuvre et sont en cours. Toutes génèrent une efficacité grandissante grâce aux outils informatiques et technologiques toujours plus performants et qui s'inscrivent dans le cadre de la modernisation du SPF Finances.

Une bonne politique de lutte contre la fraude fiscale et sociale doit prendre en compte les avancées substantielles en matière d'informatisation de l'échange de données entre les administrations du SPF Finances et l'échange électronique de données entre le SPF Finances et ses partenaires extérieurs, tant publics que privés. La lutte contre la fraude fiscale et sociale implique des contacts réguliers et constructifs avec ces partenaires extérieurs.

Un échange d'informations entre la Banque carrefour de la sécurité sociale et le SPF Finances est actuellement en cours d'élaboration. Le groupe de travail « modernisation de la gestion de la sécurité sociale » coordonne les travaux. Les matières traitées vont du recouvrement de dettes, fiscales ou autres, à une réflexion sur les différences de conceptions salariales entre le secteur social et fiscal, en passant par l'échange de données entre la Banque carrefour de la sécurité sociale et les organismes de sécurité sociale vers le fichier de données du SPF Finances. Le tout est coordonné afin de garantir une utilisation sûre.

Une meilleure perception de l'impôt grâce à la connexion de banques de données au sein du SPF Finances, un dialogue constructif et plus efficace entre l'administration fiscale et les contribuables, des contrôles fiscaux rationalisés par un système de clignotants dans le cadre de l'analyse de risques sous le nom de projet data mining, sur le chemin du dossier fiscal unique, sont autant d'objectifs spécifiques en matière de lutte contre la fraude fiscale.

Pour peaufiner le travail, je table aussi sur la collaboration des secteurs économiques. Nous avons déjà conclu plusieurs partenariats, notamment avec FEDERAUTO, et nous négocions avec le secteur Horeca et les notaires.

J'effectue régulièrement des descentes sur le terrain lors des enquêtes spécifiques. Il s'agit principalement d'opérations multidisciplinaires de contrôle avec la collaboration, entre autres, des administrations fiscales du SPF Finances et la police fédérale. Dans le secteur des télécommunications, nous avons mené six opérations Tam-tam dans les phone shops des grandes villes du pays en 20 mois. Leurs résultats ont été surprenants puisque tous les opérateurs contrôlés ont été mis sur la brèche.

Par ailleurs, des contrôles ont été effectués sur les marchés de véhicules automobiles d'occasion. Il s'agit de l'opération Jaguar qui, elle aussi, a été fructueuse. Enfin, nous venons d'entamer une enquête dans le secteur de la viande, plus précisément dans les abattoirs. Il s'agit de l'opération Steak.

Début 2006, des contrôles multidisciplinaires, associant notamment l'Inspection sociale et fiscale et l'Office des étrangers, auront lieu dans le secteur de la construction, qui enregistre en 2005 une progression annuelle de 12% par rapport à 2004 alors que le nombre d'ouvriers déclarés stagne. D'autres opérations seront encore menées, comme le contrôle de la pratique de vente de tickets de concert « au noir » - opération U2 - et le secteur des casinos.

Par souci de transparence, je présente tous les trimestres le suivi de ma politique de lutte contre la fraude fiscale en exposant les nouvelles initiatives et les résultats les plus significatifs. Le prochain aura lieu dans le courant du mois de janvier 2006.

Mme Sfia Bouarfa (PS). - Le ministre n'a pas répondu à toutes mes questions. Je me réserve donc le droit de revenir sur certains aspects du problème, la collégialité et la transversalité par exemple.

M. Jamar s'attelle à la lutte contre la fraude fiscale mais qu'en est-il de la coordination avec l'Inspection du travail ? Quid de l'accompagnement social ? Il ne s'agit pas simplement de mettre sur la brèche ou, plutôt, sur la paille, certains phone shops ou certains night shops. Je ne cautionne évidemment pas les pratiques frauduleuses mais il faut savoir que les tenanciers de ces établissements sont souvent des personnes en situation précaire.

Il faudrait réguler un certain nombre de secteurs de l'économie pour que les gens puissent travailler de manière légale mais j'ai la fâcheuse impression que M. Jamar et certains membres du gouvernement préfèrent traquer les plus faibles, en particulier étrangers. Il faut mettre en place des structures sociales pour aider ces personnes à vivre dans la dignité. Sinon, ces opérations sont des opérations honteuses. Je le dis et je le redirai.