(Fr.): Question posée en français - (N.): Question posée en néerlandais
Le 16 novembre 1996, le Comité des ministres du Conseil de l'Europe a adopté la Convention pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine, plus couramment appelée la Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine. Cette convention a pour objectif de protéger l'être humain, la dignité humaine et l'identité de la personne humaine à l'égard des applications médicales et de la biologie. Elle vise également à promouvoir l'harmonisation des législations nationales et européennes en la matière.
Lors du vote de cette convention, la Belgique s'est abstenue et n'a jusqu'à présent ni signé ni ratifié cette convention. Cette non-ratification a longtemps été motivée par le fait que plusieurs principes énoncés par la convention ne faisaient pas nécessairement l'objet en Belgique d'un consensus assez large. Cette absence de consensus se manifestait par le fait qu'à l'époque, plusieurs de ces questions n'étaient pas réglées par des textes de loi interne. C'était le cas notamment des questions liées à la recherche médicale sur les êtres humains, et notamment celles du consentement; c'était le cas aussi des questions liées aux interventions sur le génome humain, et notamment sur les embryons, etc.
Le 9 juillet 1998, le Sénat de Belgique adoptait cependant une résolution invitant le gouvernement à prendre toutes les mesures légales nécessaires en vue de permettre à la Belgique de ratifier la convention dans les meilleurs délais (doc. Sénat, 1997-1998, nº 1055-1). Cette invitation impliquait d'une part la nécessité d'adapter notre droit interne, après un large débat démocratique, sur les questions jusque là non réglées et d'autre part de formuler d'éventuelles réserves, comme prévu dans l'article 36 de la convention, sur les points de désaccord éventuels.
Depuis lors, beaucoup a été fait sur le plan législatif. En effet, les lois suivantes ont été adoptées :
— la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient;
— la loi du 11 mai 2003 relative à la recherche sur les embryons in vitro;
— la loi du 13 juin 1986 sur le prélèvement et la transplantation d'organes;
— la loi du 7 mai 2004 relative aux expérimentations sur la personne humaine.
Il nous semble dès lors qu'aujourd'hui plus rien ne s'oppose à ce que la Belgique ratifie la convention, comme le Sénat l'avait recommandé en 1998.
Les principes de base énoncés par la convention restent d'une grande actualité : il s'agit de protéger l'être humain, dans sa dignité et de garantir à toute personne, sans discrimination, le respect de son intégrité et de ses autres droits et libertés fondamentales à l'égard des applications de la médecine et de la biologie. De plus, l'adoption des protocoles additionnels, dont celui interdisant le clonage reproductif, augmente encore la pertinence d'une ratification.
À l'heure actuelle, 19 pays ont signé et ratifié la convention. La ratification permettrait à la Belgique de confirmer son adhésion aux principes de base visant à protéger l'être humain dans sa dignité et son identité. Elle permettrait aussi de clarifier certains points non encore résolus.
Les craintes formulées à l'époque quant au caractère restrictif de certaines dispositions de la convention mettant en danger les avancées de la recherche scientifique nous semblent aujourd'hui dépassées, car notre droit est aujourd'hui plus complet qu'en 1996 : il est plus clair sur nombre de points; quant aux autres, l'article 36 de la convention autorise les États à formuler des réserves.
Vu l'importance que continue de revêtir aujourd'hui les règles de protection minimale contenues la Convention sur les droits de l'Homme et la biomédecine;
Vu la résolution du Sénat du 9 juillet 1998 en la matière;
Vu l'évolution législative qu'a connu la Belgique depuis l'adoption de la résolution précitée;
Le gouvernement belge a-t-il l'intention de procéder à la signature de la Convention et à sa ratification, moyennant l'adoption éventuelle des réserves qui s'imposent en fonction du droit belge et autorisées par la Convention elle-même ? Si oui, dans quel délai ?
Si non, pour quelles raisons ?
Réponse : La question de la signature et la ratification de la Convention du Conseil de I'Europe sur les droits de l'homme et la biomédecine a été posée à l'époque de l'ouverture de la convention à signature, en 1997. Elle était d'autant plus pertinente que la Belgique était à l'époque très en retard en ce qui concerne les aspects de bioéthique. Néanmoins, la Convention est un texte à la fois très (peut-être trop ?) ambitieux et qui ne correspondait pas toujours aux sensibilités de notre pays, comme par exemple sur les points que vous évoquez dans votre demande d'explication.
Le choix de la Belgique a plutôt été, depuis plusieurs années, de développer un arsenal légal et procédural qui lui est propre, avec des textes sur l'organisation de la fécondation in vitro, la recherche sur l'embryon humain in vitro, le choix du sexe, la thérapie génique germinale, l'expérimentation sur l'homme, la réglementation de l'utilisation des tests génétiques dans le monde du travail et des assurances, l'euthanasie. Nous nous sommes aussi dotés d'un Comité Consultatif de Bioéthique actif seulement depuis le milieu des années 1990.
Dans ce contexte, signer un texte très général comme la Convention sur la Biomédecine perdait beaucoup de son sens, d'autant plus qu'il a été surtout conçu pour remplir les lacunes d'encadrement des questions bioéthiques des pays du Conseil de l'Europe qui n'avaient aucun cadre propre, comme certains pays de l'ancien bloc de l'est par exemple. Il faut souligner que plusieurs grands pays de l'Union européenne ne l'ont pas ratifié, comme la France, le Royaume-Uni ou la république fédérale d'Allemagne.
Sur plusieurs points en outre, comme vous le soulignez, les choix de la Convention ne sont pas conformes à des décisions du législateur belge. Il est exact que la convention prévoit la possibilité de prendre une réserve pour faire prévaloir une loi nationale préexistante à la convention. Cependant, comme dans chaque traité, ces réserves ne sont pas acceptées pour n'importe quel article (par exemple on ne peut prétendre signer la convention universelle des droits de l'homme et prendre de réserve sur l'article premier de cette convention). Or la convention sur la biomedecine prévoit à l'article 26 que certains articles sont plus fondamentaux et, par exemple, ne peuvent faire l'objet d'une restriction à l'exercice des droits. Pour le secrétaire général du Comité directeur pour la Bioéthique du Conseil de l'Europe, cet article pourrait servir de base pour définir les articles de la convention sur la biomédecine ne pouvant faire l'objet d'une réserve. Il y aurait donc lieu, si la question de la signature de la convention venait à l'ordre du jour (et je viens de vous expliquer pourquoi ce n'est pas aujourd'hui le cas) de faire preuve de grande prudence sur les conséquences d'une telle signature.