3-97 | 3-97 |
M. le président. - M. Johan Vande Lanotte, vice-premier ministre et ministre du Budget et des Entreprises publiques, répondra au nom de Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre de la Justice.
Mme Clotilde Nyssens (CDH). - La Belgique accorde de plus en plus régulièrement la nationalité belge à des étrangers, sans leur imposer de renoncer à leur nationalité d'origine. En revanche, les Belges qui acquièrent volontairement une nationalité étrangère se voient retirer automatiquement leur nationalité d'origine, en vertu de l'article 22, paragraphe 1er, 1º du Code de la nationalité belge.
Cette conception, qui envisage la multipatridie comme une tare, n'est plus d'actualité aujourd'hui. Mon groupe, parmi d'autres, a déposé à la Chambre comme au Sénat une proposition de loi visant à permettre aux Belges qui acquièrent une autre nationalité de conserver leur nationalité d'origine. Depuis, plusieurs propositions de loi ont été déposées ou redéposées dans le même sens par des parlementaires, tous partis confondus.
Un premier débat sur la question a eu lieu en commission de la Justice du Sénat, le 14 janvier 2004. Il a été constaté que la Belgique est malheureusement toujours tenue par la convention du Conseil de l'Europe sur la réduction des cas de pluralité de nationalités et sur les obligations militaires en cas de pluralité de nationalités du 6 mai 1963, convention qu'elle devrait dénoncer. Celle-ci impose en effet aux ressortissants des États parties, dont la Belgique, la perte automatique de la nationalité d'origine pour les cas où le ressortissant acquiert volontairement une nationalité d'un des États parties à la convention.
Par ailleurs, la Belgique n'a toujours pas ratifié la convention européenne sur la nationalité du 6 novembre 1997, qui laisse aux États la faculté, dans leur droit interne, de prévoir soit l'abandon de la nationalité d'origine, soit le maintien de celle-ci.
Il conviendrait donc, à mon sens, que la Belgique dénonce la convention du 6 mai 1963 avant de pouvoir ratifier la convention européenne sur la nationalité du 6 novembre 1997, et de pouvoir ensuite prendre une initiative législative visant à adapter en conséquence le Code de la nationalité belge.
De plus, si la Belgique veut progresser en ce domaine et prévoir la double nationalité, elle pourrait, selon moi, dénoncer la convention de 1963, sans attendre la ratification de la convention de 1997, et prendre une initiative législative.
Je constate que la situation n'évolue guère et je vous adresse les questions suivantes :
Depuis des années, des associations de Belges à l'étranger nous demandent d'avancer dans ce dossier. De nombreux pays permettent la double nationalité et je ne comprends pas pourquoi des obstacles subsistent. J'espère que le gouvernement est favorable, du moins sur le principe.
M. Johan Vande Lanotte, vice-premier ministre et ministre du Budget et des Entreprises publiques. - Comme l'a déjà indiqué Mme Onkelinx lors d'une précédente question parlementaire, la ratification de la convention de 1997 - et l'éventuelle dénonciation de celle de 1963 - doit s'apprécier dans sa globalité. Il ne faut pas oublier que cette convention porte sur différents aspects de la nationalité et la problématique de la perte de la nationalité d'origine en cas d'acquisition d'une nationalité étrangère n'est qu'une des questions qu'elle aborde.
Or, comme vous le savez, la signature et la ratification d'une convention internationale, quel que soit son objet, implique préalablement une évaluation de son impact et de ses conséquences sur notre législation nationale. Les services de Mme Onkelinx ont évidemment pris soin d'étudier cette question. Il apparaît que la ratification de cette convention requiert un certain nombre de modifications substantielles à notre Code de nationalité et ce, indépendamment de la problématique de la perte de la nationalité belge en cas d'acquisition d'une nationalité étrangère.
Il s'agit tout d'abord de l'obligation de motivation des décisions de naturalisation. Dans la législation belge actuelle, la naturalisation est traditionnellement analysée comme une faveur, une simple possibilité octroyée discrétionnairement et souverainement par la Chambre des représentants.
Même si, en pratique, la Chambre des représentants s'est donnée des fils conducteurs - je pense notamment aux critères généraux édictés le 10 février 2004 par la Commission des naturalisations -, ses décisions ne doivent pas être motivées par écrit. Cette absence de motivation obligatoire des décisions distingue nettement la procédure de naturalisation des autres procédures d'acquisition de la nationalité belge. Modifier cela nécessiterait à tout le moins un premier bouleversement législatif important. Le parlement doit en effet motiver sa décision. Le nouveau code et la convention de 1997 l'imposent. C'est déjà le cas dans de nombreux pays et le système belge de décision parlementaire concernant la naturalisation fait ici figure d'exception.
Ensuite, la convention de 1997 impose l'obligation de prévoir un recours contre les décisions de naturalisation. Là aussi, respecter cette obligation justifierait que l'on instaure expressément un mécanisme de recours de type judiciaire ou administratif allant à l'encontre du principe même de souveraineté des décisions de la Chambre des représentants en ce qui concerne la naturalisation. Ce serait un deuxième bouleversement législatif important puisque l'autonomie du parlement à cet égard est assez importante.
Par ailleurs, l'article 5 de la convention de 1997 consacre le principe de non-discrimination entre les personnes qui, à leur naissance, sont des ressortissants de l'État et celles qui acquièrent cette nationalité ultérieurement.
Or, l'article 23 du Code de la nationalité distingue actuellement, d'une part, les Belges qui ne tiennent pas leur nationalité d'un auteur belge au jour de leur naissance, ainsi que les Belges dits de la troisième génération (enfant né en Belgique d'un(e) auteur belge né(e) lui(elle)-même en Belgique) et, d'autre part, les autres Belges. En effet, il est prévu un mécanisme de déchéance qui est exclusivement applicable à la première catégorie. Il convient donc de vérifier aussi dans quelle mesure ce système est compatible avec le principe de non-discrimination énoncé dans la convention.
C'est la raison pour laquelle Mme Onkelinx a demandé une évaluation plus complète des implications de la ratification de la convention de 1997 dans notre législation, afin d'en analyser objectivement les conséquences sur le plan interne et, plus spécialement, sur notre Code de la nationalité.
Mme Clotilde Nyssens (CDH). - La réponse ne me convainc qu'à moitié. Je me demande si nous ne pouvons pas simplement dénoncer la convention de 1963 et modifier notre législation afin d'y inscrire le principe de la double nationalité. Faisons ensuite le nécessaire pour ratifier la nouvelle convention de 1997.
Je reviendrai sur le sujet en commission en présence de la ministre, mais dénonçons à tout le moins la convention qui nous empêche d'avancer et envisageons ensuite la ratification de la convention de 1997.
Par ailleurs, j'ai lu attentivement la convention de 1997 et toutes les objections juridiques pertinentes que vous formulez. Il me semble qu'il est possible d'exprimer des réserves sur certains points, ne fût-ce qu'à titre transitoire. En effet, les pays qui permettent de conserver deux nationalités sont plus ou moins dans la même situation juridique que nous et je regrette donc la lenteur avec laquelle le gouvernement traite ce dossier.