3-781/2

3-781/2

Sénat de Belgique

SESSION DE 2004-2005

2 NOVEMBRE 2004


Projet de loi modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne la médiation


Procédure d'évocation


AMENDEMENTS


Nº 1 DE MME NYSSENS

Art. 10

Apporter à l'article 1726 proposé, les modifications suivantes :

A. Compléter le § 1er par un nouvel alinéa, rédigé comme suit :

« Les médiateurs sont soumis en tout état de cause au Code de bonne conduite établi par la Commission visée à l'article 1727. »

B. Au § 2, supprimer le 3º.

Justification

Comme il a été souligné lors des discussions à la Chambre, « l'indépendance, la neutralité, la probité et le respect de la confidentialité sont des caractéristiques que tout médiateur doit avoir ». Tel qu'il est rédigé, l'article 10 du projet de loi laisse supposer que certaines de ces qualités ne viseraient que les médiateurs agréés pour exercer la médiation dans le cadre d'une procédure judiciaire (cf. Le 3º de l'article 1726, § 2, proposé indique que les garanties d'indépendance et d'impartialité ne concerneraient que les médiateurs agréés pour la médiation judiciaire). Cette distinction médiateur judiciaire/extra judiciaire est d'ailleurs artificielle dans la mesure où un accord de médiation « volontaire » entre nécessairement dans le processus judiciaire lorsque les parties en demandent l'homologation au tribunal.

L'article 1728 qui traite de la confidentialité vise d'ailleurs tout médiateur, tant celui qui intervient dans le cadre extrajudiciaire que le médiateur agréé qui intervient au cours d'une procédure judiciaire.

En faisant référence au respect du Code de bonne conduite (ou code de déontologie) dans son ensemble, l'amendement proposé vise à soumettre tout médiateur aux garanties essentielles auxquelles doivent répondre toute personne souhaitant pratiquer la médiation, à savoir notamment l'indépendance, l'impartialité, la transparence, l'efficacité et le respect du droit.

À défaut, le risque existe de créer une médiation et partant une justice à deux vitesses.

Le Livre vert de la Commission des CE sur les modes alternatifs de résolution des conflits relevant du droit civil et commercial souligne les normes minimales de qualité auxquelles doit répondre tout ADR : « Les ADR (Alternative dispute resolution) sont flexibles mais doivent reposer sur des normes minimales de qualité parmi lesquelles certains principes directeurs de procédure. Les ADR dans le cadre des procédures judiciaires sont encadrés par les pouvoirs publics, et se déroulent sous le contrôle du juge. Les ADR conventionnels reposent quant à eux sur des principes de procédure que les parties ont librement choisis, adhérant par exemple aux règlements de procédure qui leur sont proposés comme modèles par des associations professionnelles ou bien à travers des codes déontologiques auxquels ils souscrivent. La question qui se pose alors est de savoir comment assurer au mieux la mise en oeuvre de ces principes directeurs de procédure (...).

Comme il a été indiqué précédemment, dans le domaine des conflits de consommation, la Commission a adopté deux recommandations sur les principes applicables aux organes extra judiciaires chargés de la résolution des litiges de consommation, tant nationaux que transnationaux. Ces recommandations visent essentiellement à assurer que les ADR offrent aux parties un minimum de garanties de qualité telles que l'indépendance ou l'impartialité, la transparence, l'efficacité et le respect du droit. La crédibilité des organes qui répondent à ces critères s'en trouve ainsi renforcée.

Pour établir ces principes, la Commission a distingué suivant que le tiers prend formellement position sur la solution qui pourrait être apportée au litige ou qu'il aide seulement les parties à trouver un accord. Lorsque le tiers intervient de façon formelle dans les négociations, il doit alors répondre notamment à des exigences particulières en ce qui concerne son indépendance, et la procédure doit reposer sur le principe du débat contradictoire, au sens où chaque partie doit pouvoir faire connaître son point de vue, et toute démarche, présentation d'une pièce, d'un document, d'une preuve par l'adversaire doit être portée à la connaissance de l'autre partie et librement discutée. Lorsque le tiers a un rôle moins interventionniste, ces mêmes exigences peuvent être assouplies. La première recommandation énonce sept principes : les principes d'indépendance, de transparence, du contradictoire, de l'efficacité, de la légalité, de liberté et de représentation. La seconde recommandation s'appuie quant à elle sur les principes d'impartialité, de transparence, d'efficacité et d'équité.

La première recommandation de la Commission a d'ores et déjà été suivie et mise en oeuvre dans les États membres, en témoigne le nombre des organes censés répondre aux principes de cette recommandation, notifiés par les États membres et réunis au sein de l'EEJ-Net. L'efficacité et la crédibilité du réseau FIN-NET se basent sur cette recommandation et le respect de ses principes. Cette recommandation tend par ailleurs à se voir accorder un rôle privilégié dans la législation communautaire. Quant à la seconde recommandation, tous les observateurs rendent compte de son utilité. S'il importe donc de laisser à ces recommandations le temps de faire leurs preuves, il conviendrait de recueillir d'ores et déjà, dans le cadre de l'exercice de consultation mené par le présent Livre vert, des réactions des milieux intéressés sur l'efficacité de ces instruments.

À l'occasion de ce renforcement de l'action communautaire, et au vu du succès rencontré sur le terrain par les principes énoncés dans les recommandations, on pourrait s'interroger sur de nouvelles initiatives, pouvant alors dépasser le droit de la consommation et couvrir d'autres domaines du droit. Ces principes consacrés dans le domaine du droit de la consommation pourraient en effet bénéficier, sous réserve des adaptations nécessaires, aux ADR en général. Le Conseil dans sa décision du 29 mai 2000 précitée avait en effet souhaité que la priorité dans le Livre vert et les travaux ultérieurs éventuels sur les ADR soit « accordée à la possibilité d'établir des principes fondamentaux, soit en général, soit dans des domaines spécifiques, qui donnent les garanties nécessaires pour que le règlement des conflits par des instances extrajudiciaires offre le niveau de sécurité requis dans l'administration de la justice ».

Si les ADR reposent sur un certain nombre de garanties minimales de procédures, ils peuvent se présenter sous forme de principes généraux édictés à un niveau législatif et peuvent alors être mis en oeuvre et développés à un niveau infra législatif dans des codes de déontologie. Les principes directeurs de procédure peuvent ainsi prendre la forme de règles déontologiques.

Les codes de déontologie occupent en réalité une place privilégiée dans le fonctionnement des ADR. Leur développement témoigne des efforts des praticiens pour garantir la qualité des ADR. Les règles de procédure qu'ils consacrent visent ainsi à garantir l'impartialité des tiers, à définir avec précision le rôle exact des tiers au cours de la procédure, à déterminer les délais dans lesquels une solution doit pouvoir être trouvée, à encadrer la conclusion des accords. Ces codes pourraient ainsi être les instruments privilégiés au service de la qualité des ADR » (Livre vert pp. 29 à 31).

Nº 2 DE MME NYSSENS

Art. 17

Remplacer l'alinéa 2 de l'article 1733 proposé par ce qui suit :

« Le juge vérifie si l'accord de médiation respecte les droits de la défense, les droits des tiers, si les renonciations à des droits sont éclairées, et si l'accord est conforme à l'ordre public.

Il vérifie, en outre, si les intérêts des enfants sont respectés, après avoir, le cas échéant, recueilli l'avis du procureur du Roi en application des dispositions légales. »

Justification

La déjudiciarisation de certains contentieux n'est pas en soi négative. Toutefois, il faut éviter que l'on retrouve en justice ces contentieux. Cette condition semble difficile à remplir :

­ D'une part, si l'on veut demander au juge de rendre exécutoire l'accord de médiation conclu par la voie extrajudiciaire, il y a une « rejudiciarisation » minimale car le juge se doit de vérifier le respect de certaines garanties.

­ Lorsque la médiation intervient en cours de procédure judiciaire, elle sera soumise automatiquement à ces garanties minimales.

Pour éviter de « tromper » ceux qui se tournent vers cette alternative à la voie judiciaire contentieuse, il importe que cette phase de « judiciarisation minimale » soit explicitée. A défaut, la médiation risque d'y perdre son crédit.

Les garanties minimales destinées à garantir que « l'alternative au procès » sera équitable au sens de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme nous paraissent être les suivantes :

­ vérification du respect des droits de la défense

­ vérification du respect des droits des tiers (administration fiscale, sécurité sociale, enfants...)

­ vérification que les renonciations à certains droits sont éclairées (on n'a pas renoncé à des droits dont on ignorait l'existence ou l'étendue)

­ vérification de la conformité des accords à l'ordre public.

Par ailleurs, ce projet étant destiné à régler également la matière de la médiation familiale, il y a lieu de prévoir une disposition spécifique visant à garantir le contrôle des intérêts de l'enfant. L'avis du procureur du Roi sera, le cas échéant, recueilli selon les dispositions légales. Cette formulation est reprise de la loi du 19 février 2001 relative à la médiation en matière familiale dans le cadre d'une procédure judiciaire (art. 734bis § 5 alinéa 3 du Code judiciaire). Dans la mesure où l'ordonnance d'homologation a les effets d'un jugement au sens de l'article 1043 du Code judiciaire, il importe de vérifier la conformité de l'accord avec les intérêts de l'enfant.

Ces vérifications sont indispensables si l'on souhaite éviter que les règlements amiables soient trop souvent attaqués judiciairement par la suite.

Sur la validité des consentements donnés à un accord de médiation, le livre vert de la Commission des CE sur les modes alternatifs de résolution des conflits relevant du droit civil et commercial souligne ce qui suit : « L'accord entre les parties constitue l'étape essentielle de la procédure et d'un certain point de vue la plus sensible. Il convient en effet de s'assurer que l'accord conclu est un véritable accord.

Si l'accord final ne reflète pas la réelle volonté des parties, le compromis effectif que les parties sont disposées à accepter, avec tout ce que cela implique de renonciation par rapport à leurs souhaits originels, l'ADR (Alternative Dispute Resolution) n'aura pas atteint ses objectifs premiers, à savoir la véritable résolution des conflits et la pacification sociale qui s'ensuit.

De nouveaux problèmes sont ainsi à craindre, telle la contestation juridique de la validité de l'accord, la mise en cause de la responsabilité du tiers pour avoir « arraché » à l'une des parties un compromis inéquitable, etc. En particulier, lorsqu'il y a déséquilibre économique entre les parties, s'impose l'idée d'un certain formalisme protecteur concernant la conclusion et la signature de l'accord.

Il convient de tout mettre en oeuvre pour garantir la validité des consentements exprimés. Un délai de réflexion semblerait ainsi devoir alors être ménagé avant la signature, ou un délai de rétractation introduit après signature.

Il reste aussi à analyser la possibilité de prévoir une phase d'homologation au cours de laquelle la validité de l'accord pourrait être contrôlée et à l'issue de laquelle cet accord pourrait se voir conférer la valeur d'un titre exécutoire. Cette phase se déroulerait devant un juge ou un notaire mais pourrait aussi avoir lieu devant les organismes qualifiés pour certaines matières, par exemple les chambres de commerce » (Livre vert, p. 33).

Nº 3 DE MME NYSSENS

Art. 20

Remplacer l'alinéa 4 de l'article 1736 proposé, comme suit :

« Le juge ne peut accorder l'homologation qu'après avoir vérifié que l'accord de médiation respecte les droits de la défense, les droits des tiers, que les renonciations à des droits sont éclairées, et que l'accord est conforme à l'ordre public.

Il vérifie, en outre, si les intérêts des enfants sont respectés après avoir, le cas échéant, recueilli l'avis du procureur du Roi en application des dispositions légales. »

Justification

La déjudiciarisation de certains contentieux n'est pas en soi négative. Toutefois, il faut éviter que l'on retrouve en justice ces contentieux. Cette condition semble difficile à remplir :

­ D'une part, si l'on veut demander au juge de rendre exécutoire l'accord de médiation conclu par la voie extrajudiciaire, il y a une « rejudiciarisation » minimale car le juge se doit de vérifier le respect de certaines garanties.

­ Lorsque la médiation intervient en cours de procédure judiciaire, elle sera soumise automatiquement à ces garanties minimales.

Pour éviter de « tromper » ceux qui se tournent vers cette alternative à la voie judiciaire contentieuse, il importe que cette phase de « judiciarisation minimale » soit explicitée. A défaut, la médiation risque d'y perdre son crédit.

Les garanties minimales destinées à garantir que « l'alternative au procès » sera équitable au sens de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme nous paraissent être les suivantes;

­ vérification du respect des droits de la défense

­ vérification du respect des droits des tiers (administration fiscale, sécurité sociale, enfants ...)

­ vérification que les renonciations à certains droits sont éclairées (on n'a pas renoncé à des droits dont on ignorait l'existence ou l'étendue)

­ vérification de la conformité des accords à l'ordre public.

Par ailleurs, ce projet étant destiné à régler également la matière de la médiation familiale, il y a lieu de prévoir une disposition spécifique visant à garantir le contrôle des intérêts de l'enfant. L'avis du procureur du Roi sera, le cas échéant, recueilli selon les dispositions légales. Cette formulation est reprise de la loi du 19 février 2001 relative à la médiation en matière familiale dans le cadre d'une procédure judiciaire (article 734bis § 5 alinéa 3 du Code judiciaire). Dans la mesure où l'ordonnance d'homologation a les effets d'un jugement au sens de l'article 1043 du Code judiciaire, il importe de vérifier la conformité de l'accord avec les intérêts de l'enfant.

Ces vérifications sont indispensables si l'on souhaite éviter que les règlements amiables soient trop souvent attaqués judiciairement par la suite.

Sur la validité des consentements donnés à un accord de médiation, le livre vert de la Commission des CE sur les modes alternatifs de résolution des conflits relevant du droit civil et commercial souligne ce qui suit : « L'accord entre les parties constitue l'étape essentielle de la procédure et d'un certain point de vue la plus sensible. Il convient en effet de s'assurer que l'accord conclu est un véritable accord.

Si l'accord final ne reflète pas la réelle volonté des parties, le compromis effectif que les parties sont disposées à accepter, avec tout ce que cela implique de renonciation par rapport à leurs souhaits originels, l'ADR (Alternative Dispute Resolution) n'aura pas atteint ses objectifs premiers, à savoir la véritable résolution des conflits et la pacification sociale qui s'ensuit.

De nouveaux problèmes sont ainsi à craindre, telle la contestation juridique de la validité de l'accord, la mise en cause de la responsabilité du tiers pour avoir « arraché » à l'une des parties un compromis inéquitable, etc. En particulier, lorsqu'il y a déséquilibre économique entre les parties, s'impose l'idée d'un certain formalisme protecteur concernant la conclusion et la signature de l'accord.

Il convient de tout mettre en oeuvre pour garantir la validité des consentements exprimés. Un délai de réflexion semblerait ainsi devoir alors être ménagé avant la signature, ou un délai de rétractation introduit après signature.

Il reste aussi à analyser la possibilité de prévoir une phase d'homologation au cours de laquelle la validité de l'accord pourrait être contrôlée et à l'issue de laquelle cet accord pourrait se voir conférer la valeur d'un titre exécutoire. Cette phase se déroulerait devant un juge ou un notaire mais pourrait aussi avoir lieu devant les organismes qualifiés pour certaines matières, par exemple les chambres de commerce ». (Livre vert, p. 33).

Clotilde NYSSENS.