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Sénat de Belgique

Annales

MERCREDI 26 MAI 2004 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Demande d'explications de Mme Clotilde Nyssens à la vice-première ministre et ministre de la Justice sur «le délai de prescription applicable aux faits d'attentat à la pudeur et viol de mineur visés à l'article 21bis du Code d'instruction criminelle» (nº 3-274)

Mme Clotilde Nyssens (CDH). - Ma demande d'explications trouve sa source dans plusieurs courriers qui m'ont été adressés et ont retenu mon attention. La loi du 13 avril 1995 et, à sa suite, la loi du 28 novembre 2000 ont modifié le délai de prescription applicable aux faits d'attentat à la pudeur et de viol sur la personne d'un mineur. Ce délai ne commence à courir qu'à partir du jour où la victime a atteint l'âge de dix-huit ans.

Par ailleurs, le délai de prescription, même en cas de correctionnalisation d'un crime, reste celui prévu pour un crime. Il s'agit donc d'un délai de prescription de dix ans.

Il semblerait toutefois que certains corps de police soutiennent qu'il y a également lieu de tenir compte du moment où les faits ont été commis de sorte que les faits visés, en l'espèce ceux-ci ont été commis avant 1986, seraient prescrits.

Il me semble que cette interprétation, outre qu'elle serait totalement contraire à l'esprit de la loi, ne repose ni sur les lois précitées, ni sur les travaux préparatoires de celles-ci.

Confirmez-vous mon interprétation de l'article 21bis du Code d'instruction criminelle, selon laquelle il n'y a lieu de tenir compte, en ce qui concerne le point de départ du délai de prescription, que de l'âge de la victime et que le moment de la commission des faits n'importe pas ?

Pouvez-vous me confirmer, madame la ministre, qu'un procès-verbal d'audition auprès d'un corps de police ayant été rédigé dans le premier délai de prescription de dix ans après la majorité de la victime, interrompt effectivement la prescription de dix ans et fait courir un nouveau délai d'égale durée ?

La question peut paraître technique mais elle est de grande importance pour les personnes qui, ayant atteint l'âge de la majorité, ont le courage de demander l'ouverture d'un dossier comme la loi le leur permet.

Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre de la Justice. - Apporter une réponse à ce genre de question est toujours délicat car il est d'usage qu'un ministre ne donne pas de consultation juridique. Je vous répondrai néanmoins mais en prenant toutes les précautions.

Je partage votre interprétation, à savoir qu'il n'y a lieu de tenir compte que de l'âge de la victime en vertu de l'article 21bis du titre préliminaire au Code d'instruction criminelle. J'attire toutefois votre attention sur le fait que la loi du 13 avril 1995, que vous avez évoquée et qui a modifié cet article en vue de consacrer le principe selon lequel le délai de prescription de l'action publique ne commence à courir qu'à partir du moment où la victime a atteint l'âge de dix-huit ans, est entrée en vigueur le 5 mai 1995 et qu'aucun régime transitoire n'avait été prévu. Dès lors, l'article 21bis s'applique aux infractions commises qui n'étaient pas prescrites au moment de l'entrée en vigueur de la loi. Par contre, il ne s'appliquera pas à un crime commis en mars 1985 et dont le délai de prescription n'a jamais été interrompu ni suspendu. En effet, un tel crime est irrémédiablement prescrit depuis mars 1995.

En ce qui concerne votre seconde question, je vous confirme qu'un procès-verbal d'audition d'une victime rédigé par la police après une plainte ou d'office est considéré comme un acte interruptif de la prescription de l'action publique. Pour la Cour de cassation, doit être considéré comme un acte d'instruction visé à l'article 22 du titre préliminaire au Code d'instruction criminelle tout acte d'une autorité compétente tendant à rassembler des preuves ou à mettre la cause en état. Je vous renvoie par exemple à un arrêt de la Cour de cassation du 27 novembre 1979.

Mme Clotilde Nyssens (CDH). - Je reçois votre réponse avec toutes les précautions d'usage.

M. le président. - L'ordre du jour de la présente séance est ainsi épuisé.

Les prochaines séances auront lieu le jeudi 27 mai 2004 à 10 h et à 15 h.

(La séance est levée à 15 h 45.)