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Sénat de Belgique

SESSION DE 2003-2004

3 JUIN 2004


Proposition de loi visant à organiser un enregistrement national obligatoire des mélanomes cutanés

(Déposée par M. Alain Destexhe et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


En Belgique, l'incidence du mélanome est nettement sous-estimée en raison d'un sous-enregistrement. Cette proposition vise à corriger cette situation. Plusieurs pays ont institué une obligation d'enregistrement qui permet d'améliorer la prévention et la prise en charge.

La surexposition solaire, notamment chez les enfants avant l'âge de 12 ans, est un facteur de risque majeur de développer un mélanome. Chez nous, l'incidence augmente de 5 à 10 % par an. Les personnes nées en 2000 auraient un risque de 1/70 de développer un mélanome dans leur vie.

Le mélanome est le cancer cutané le plus redoutable et se développe au départ des mélanocytes (cellules pigmentées de la peau) sous l'influence, démontrée, des rayons ultraviolets.

Ces dernières décennies, on observe une croissance continue de ce cancer à mettre en relation avec une modification des moeurs solaires (expositions solaires intenses de courte durée favorisées par l'apparition des congés payés, mode, ...) et une modification de notre irradiation par les rayons ultraviolets solaires (modification de la couche d'ozone).

Le mélanome touche en outre des adultes de plus en plus jeunes. Le traitement de la maladie disséminée (cancer métastatique) étant actuellement peu efficace, le traitement précoce et surtout le dépistage restent, aujourd'hui, nos armes les plus sûres.

Il est à noter que, en Belgique, l'incidence du mélanome est nettement sous-estimée en raison d'un enregistrement actuel non adapté. La présente proposition vise à enregistrer de façon adéquate et fiable ce cancer afin de mieux cibler et évaluer un programme de prévention précoce, notamment chez les enfants. En effet, la surexposition solaire de ceux-ci (coups de soleil) avant l'âge de 12 ans est actuellement reconnue comme étant un facteur de risque majeur de développer un mélanome à l'âge adulte.

A. Qu'est-ce que le mélanome cutané ?

1) Introduction

Le mélanome cutané provient de la transformation cancéreuse des mélanocytes, cellules de la peau responsables de la pigmentation de celle-ci.

Lorsqu'ils sont stimulés, par les rayons solaires par exemple, ils produisent un pigment brun noir, appelé mélanine, chargée de protéger les cellules de notre corps contre les rayons néfastes. C'est le bronzage.

La qualité de la mélanine dépend d'une personne à l'autre, d'une population à l'autre. Certains (peau naturellement pigmentée, yeux et cheveux foncés) sont bien protégés, d'autres beaucoup moins (peau et yeux clairs, cheveux blonds ou roux). Il ne faut pas confondre le mélanome avec les naevus communément appelés grains de beauté qui sont eux tout à fait bénins.

2) Épidémiologie

Ce qui est inquiétant dans le cas du mélanome, c'est que son incidence (nombre de nouveaux cas déclarés par an et par 100 000 habitants) ne cesse d'augmenter. Rare en 1930 aux États-Unis d'Amérique (incidence de 1/100 000 à cette époque), il atteignait 13/100 000 en 1990!

En Australie, avec un taux de 40/100 000, il représente la première cause de mortalité par cancer chez les jeunes de 20 à 40 ans et est le troisième cancer en fréquence pour chaque sexe.

En Belgique, on estime l'incidence à 1 000 nouveaux cas par an (incidence 10/100 000 habitants).

L'incidence du mélanome augmente de 5 à 10 % par an et rien ne semble indiquer que dans nos pays la courbe puisse s'infléchir prochainement. On estime que les personnes nées en l'an 2000 auraient un risque de 1/70 de développer un mélanome pendant leur vie. La situation est d'autant plus préoccupante que ce cancer frappe l'adulte jeune (la majorité des patients ont entre 30 et 50 ans).

Ces dernières années, nous avons été interpellés par la recrudescence du nombre de cas survenant avant l'âge de 30 ans.

Le mélanome ne représente que le 16e cancer en fréquence dans notre pays mais, si l'on tient compte du nombre d'années de vie perdues suite au décès du au cancer, il arrive en seconde position!

3) Causes

De nombreuses études ont montré que le comportement vis-à-vis du soleil jouait un rôle primordial dans cette augmentation.

Dans le courant du 20e siècle, avec l'avènement des congés payés et l'amélioration des conditions de vie, le soleil et le bronzage sont devenus synonymes de beauté, de richesse et de santé.

90 % des mélanomes sont dus à une exposition excessive au soleil!

Ce qui est dangereux, c'est l'exposition solaire aiguë intermittente, par « flash », c'est à dire typiquement l'exposition des vacanciers qui partent 15 jours ou un mois par an au soleil.

De plus en plus, les rayons ultraviolets (UVA et UVB) contenus dans la lumière solaire ou artificielle (bancs solaires) sont reconnus comme une des causes principales du mélanome.

Les UV agissent en endommageant le matériel génétique des cellules de la peau et en diminuant les réactions locales de défenses.

Les rayons UVA

­ s'attaquent aux fibres élastiques cutanées et provoquent des rides et un vieillissement prématuré de la peau;

­ affectent le système immunitaire. Les cellules anormales ne sont plus détruites et peuvent se multiplier en toute quiétude, ce qui peut aboutir à un cancer cutané.

Les rayons UVB

­ font rougir la peau et la brûlent, endommageant ainsi le matériel génétique des cellules cutanées. Lors de la restauration de ces cellules, il peut se produire des mutations qui peuvent déboucher sur un cancer.

Ce qui est dangereux, ce n'est pas tant l'exposition chronique rencontrée chez les travailleurs extérieurs (agriculteurs par exemple) mais l'exposition solaire aiguë intermittente typique du vacancier à peau claire qui expose quelques semaines par an des zones normalement couvertes (jambes, tronc).

4) Facteurs de risque

Sont particulièrement à risque : les personnes à peau et cheveux clairs, ceux qui ont des antécédents personnels ou familiaux de mélanome, ceux qui ont été exposés aux coups de soleil avant l'âge de 12 ans ou qui sont porteurs de nombreux naevus.

­ Type de peau

La manière la plus commode de décrire le type de peau est d'utiliser la notion de phototype qui est défini en fonction de la réaction de la peau lors de l'exposition solaire.

Phototype 1 : rougit toujours, ne bronze jamais, peau claire, taches de rousseur, cheveux roux ou blonds, yeux clairs

Phototype 2 : rougit toujours, bronze difficilement, peau claire, cheveux blonds ou châtains clairs, yeux clairs

Phototype 3 : rougit parfois, bronze toujours, peau plus mate, cheveux châtains ou bruns, yeux généralement foncés

Phototype 4 : bronze sans rougir, peau naturellement pigmentée, habitant des pays ensoleillés (pourtour de la Méditerranée, par exemple).

Certains distinguent encore les phototypes 5 (métisses, asiatiques) et 6 (peaux noires).

Les phototypes 1 et 2 qui représentent la majorité de notre population se défendent mal contre le soleil et présentent beaucoup plus de mélanomes.

Les phototypes 3 et 4 sont naturellement mieux adaptés mais ont tendance à être moins prudents et peuvent aussi développer des cancers cutanés.

­ Exposition solaire

Le mélanome se prépare avant l'âge de 12 ans !

Les adultes nés en Australie ou qui y ont émigré avant l'âge de 12 ans ont un risque de mélanome beaucoup plus important que ceux qui y sont arrivés plus tardivement.

Il est maintenant établi que l'exposition solaire d'une peau immature (avant l'âge de 12 ans et peut-être même avant l'âge de 6 ans) est un facteur de risque très important pour l'apparition d'un mélanome à l'âge adulte.

Une étude effectuée en Belgique, en France et en Allemagne a montré qu'une personne qui a été exposée de manière importante pendant l'enfance et qui se protégeait bien à l'âge adulte gardait un risque plus élevé de mélanome qu'une personne peu exposée pendant l'enfance, même si celle-ci s'exposait à l'âge adulte !

­ Les naevus (grains de beauté)

Les naevus sont constitués d'amas de cellules pigmentées et forment ce que l'on appelle communément les grains de beauté. Les personnes qui présentent de nombreux naevus (+ de 20 par segment de corps) ont plus de risque de développer un mélanome.

Or, contrairement à ce que l'on pourrait croire, la plupart des mélanomes ne se développent pas à partir d'un naevus. À l'analyse microscopique on ne retrouve un naevus préexistant associé au mélanome que dans 30 % des cas.

Nous savons actuellement que le nombre de naevus dépend bien sûr de l'hérédité (si vos parents en ont beaucoup, vous en aurez beaucoup), mais aussi de l'exposition solaire pendant l'enfance. Le nombre de naevus est un bon marqueur de l'exposition solaire pendant l'enfance et donc du risque de mélanome.

­ Antécédents

Les personnes qui ont des antécédents personnels ou familiaux de mélanome sont à risque.

Même s'il existe de rares familles où l'on retrouve un facteur de sensibilité (certains gènes peuvent favoriser l'apparition du mélanome), on ne peut pas pour autant dire qu'il y ait une vraie transmission génétique. Si parmi nos patients, nous retrouvons une histoire familiale dans 10 % des cas, cela reflète plus probablement le partage familial d'un type de peau (phototype) et d'un mode de vie commune (vacances au soleil pendant l'enfance par exemple).

Cinq pour cent des patients qui ont déjà eu un mélanome en développeront un second qui n'a rien à voir avec le premier. Pour cette raison, même des années après le traitement initial, nous leur proposons un suivi cutané régulier.

5) Aspects cliniques

Le mélanome est le plus souvent une lésion pigmentée dont l'aspect change (taille, couleur, épaisseur). Il peut être le siège de démangeaisons, de saignements ou d'ulcération.

La plupart répondent à la règle ABCDE :

A pour Asymétrie;

B pour Bords irrégulier, les contours font penser à une carte géographique;

C pour Couleurs hétérogènes. On retrouve souvent plusieurs couleurs allant du rouge au noir en passant par différentes nuances de brun.

D pour Diamètre, généralement supérieur à 0,6 cm; pour Différent : il ne ressemble pas aux autres naevus.

E pour Évolution. Son aspect change au cours du temps; pour Élévation : son épaisseur augmente.

6) La prise en charge ­ biopsie

Si une lésion suspecte est décelée une consultation chez le médecin s'impose. Si cela s'avère nécessaire celui-ci peut proposer, une « exérèse-biopsie ».

Il s'agit d'une intervention très simple réalisée sous anesthésie locale au cours de laquelle la lésion est ôtée en totalité. Celle-ci est alors envoyée à un laboratoire spécialisé pour analyse microscopique.

Contrairement à une idée largement répandue, cette petite intervention ne provoque pas l'apparition ou l'aggravation du cancer !

Cette analyse permettra de confirmer (ou d'infirmer) le diagnostic de mélanome et de prévoir le traitement adéquat (intervention chirurgicale plus importante, traitement médicamenteux, ...).

B. Quelle est l'incidence connue du mélanome malin en Belgique et dans le monde :

1) Incidences

Les mélanomes cutanés constituent environ 1,2 % des nouveaux cas de cancer dans le monde avec un nombre total annuel estimé à 105 000 nouveaux cas.

L'incidence représente le nombre de nouveaux cas pour 100 000 habitants par an.

­ En Europe, les incidences estimées pour la France, la Hollande, l'Allemagne, la Suisse, la Grande-Bretagne, l'Ecosse, l'Italie et les pays scandinaves, varient entre 6 et 15 cas par 100 000 habitants et par an.

­ En Belgique, l'incidence annuelle devrait se situer aux alentours de 10 nouveaux cas par 100 000 habitants, ce qui correspond aussi à une moyenne des valeurs européennes mais qui représenterait plus du double des valeurs actuellement enregistrées.

­ L'Australie détient le triste record de l'incidence la plus élevée de la planète (40 à 60 cas par 100 000 habitants par an) devançant sa voisine la Nouvelle-Zélande (26 à 30 cas). Ces taux très élevés s'expliquent par l'immigration de nombreux britanniques et autres européens à peau claire sous des latitudes inondées de soleil.

­ L'incidence aux États-Unis représente environ le double de celle des pays européens (17 à 25 cas). Cela pourrait s'expliquer par des méthodes d'enregistrement différentes, un mélange de populations de types de peaux très différents en fonction des États et une exposition au soleil plus importante.

­ Le Canada enregistre des valeurs proches de celles de l'Europe.

­ Les pays asiatiques (Chine, Inde, Singapour et Japon) et l'Afrique noire enregistrent des incidences beaucoup plus basses (0,2 à 0,6 cas), ceci étant lié à leur type de peau qui développe d'ailleurs un type de mélanome moins fréquent en Europe.

2) Méthodes d'enregistrement

Les incidences dans ces différents pays sont estimées sur base d'un enregistrement régional ou national, obligatoire ou volontaire.

­ L'Australie et la Nouvelle-Zélande ont organisé un enregistrement obligatoire par les anatomo-pathologistes depuis 1994 avec un registre régional.

­ Les pays scandinaves ont organisé un enregistrement obligatoire avec un registre régional en Suède et national en Norvège.

­ La France a instauré des registres régionaux (par exemple : Île-de-France : 11 000 000 habitants, ce qui est comparable à la population belge) sur base de courriers aux anatomo-pathologistes.

­ L'Allemagne, la Hollande, la Suisse, la Grande-Bretagne, l'Ecosse, les États-Unis utilisent des registres régionaux.

­ L'Autriche a un registre national récent.

Les pays qui ont adopté un enregistrement obligatoire et qui grâce à cela ont pu mieux évaluer et cibler leurs programmes de prévention, ont vu leur taux de mortalité par mélanome diminuer (Australie) ou se stabiliser (Scandinavie), selon la précocité de mise en place d'un programme de prévention.

Pour les autres pays européens, le taux de mortalité continue d'augmenter faute de programme de prévention bien défini.

C. L'intérêt d'un registre de population sur le mélanome en Belgique

1) Généralités

L'enregistrement systématique des cancers permet d'apprécier l'importance de la maladie à un moment donné et son évolution dans le temps. Les données recueillies sur la distribution de la maladie contribuent à générer des hypothèses étiologiques et à cibler les groupes à risque. Ces informations sont cruciales pour entreprendre des actions de prévention. L'efficacité de ces actions peut être à son tour évaluée au travers des modifications observées dans la distribution de la maladie et des améliorations peuvent ainsi être apportées. L'étude coût-bénéfice de telles actions est rendue possible.

Des statistiques fiables sont donc indispensables pour évaluer le poids du mélanome et pour tenter de mieux contrôler ce cancer.

Or, en Belgique, on observe un important sous-enregistrement des données (cf. supra).

2) Pourquoi un registre national ?

Des variations internationales existent dans l'épidémiologie du mélanome. Elles sont attribuées à plusieurs facteurs :

­ des différences de sensibilité cutanée au soleil : un méditerranéen n'a pas la même peau qu'un nordique;

­ des doses de rayons ultraviolets ambiants différentes;

­ le caractère plus ou moins intermittent de l'exposition au soleil des populations concernées. Des pays à niveau socio-économique plus élevé (présentant une population qui part en vacances dans des pays ensoleillés) sont plus à risque.

L'élaboration et l'évaluation de campagne de lutte contre le mélanome nécessitent donc la connaissance précise de son épidémiologie à un niveau national.

3) Apport des différentes données

a) Incidence annuelle (nombre de nouveaux cas par an)

L'étude de l'incidence réelle du mélanome et sa variation au cours du temps est essentielle pour évaluer l'importance du mélanome, étudier l'impact éventuel des actions de prévention et relier des changements de la distribution de maladie aux facteurs de risque. Le sous-enregistrement actuel ne permet pas ces analyses de façon précise.

b) Age et sexe du patient

Ces données permettent d'identifier les groupes à risques et contribuent à évaluer le poids du mélanome en terme de santé publique. Le mélanome n'est pas parmi les cancers les plus fréquents sous nos latitudes mais frappe des gens plus jeunes que la plupart des autres cancers. Ceci entraîne un nombre d'années de vie potentielle perdues considérable. En prenant cette mesure, une étude réalisée sur une sous-région belge place le mélanome en deuxième place, devancé seulement par les tumeurs cérébrales.

c) L'épaisseur de la tumeur

Elle est mesurée en mm par l'indice de Breslow sur les coupes histologiques.

L'épaisseur selon Breslow est le facteur pronostic indépendant le plus important pour le mélanome : plus la tumeur est épaisse au moment du diagnostic, plus le risque de complication est grand. Dans de nombreux pays possédant des registres basés sur la population, on a observé une diminution du Breslow médian au cours du temps. Cette observation a été associée à une meilleure prise de conscience du public conduisant à un diagnostic plus précoce. L'enregistrement basé uniquement sur les hôpitaux entraîne un biais de recrutement important, avec un sous-enregistrement plus marqué pour les tumeurs de faible épaisseur, plus souvent traitées en ambulatoire, hors des hôpitaux. Ce qui rend des analyses de ce type impossible.

d) Le site anatomique

La distribution anatomique de la tumeur a contribué à générer des hypothèses étiologiques du mélanome. Elle a été reliée à l'exposition solaire, et son évolution, au changement de comportement d'exposition solaire : plus de vacances au soleil, moins de vêtements. L'exposition aux rayons ultraviolets a été identifiée comme le principal facteur de risque pour les cancers de la peau pour les populations caucasiennes (Agence internationale pour la recherche contre le cancer 1992).

e) Analyse croisée des données

Une analyse plus fine des données est possible en recoupant les données. Par exemple la constatation que l'incidence des mélanomes sur les jambes des femmes a augmenté à une certaine période pour certaines tranches d'âges après l'apparition des jupes courtes permet à la fois d'élaborer des hypothèses étiologiques sur l'importance de l'exposition solaire intermittente et de cibler des groupes pour des actions de prévention visant à modifier les comportements.

D. La situation actuelle d'enregistrement en Belgique

Le diagnostic du mélanome relève d'un examen histologique au départ d'une biopsie-exérèse de la lésion. Cet examen est réalisé au microscope par un anatomopathologiste dans le cadre d'un service hospitalier ou d'un laboratoire privé.

Depuis 1983, les organismes assureurs (médecins conseils des mutuelles) enregistrent les cas de mélanomes diagnostiqués chez leurs membres. Ils reçoivent ces données des médecins traitants hospitaliers (cas de mélanomes malins hospitalisés).

Les organismes assureurs transmettent ensuite ces données à l'OEuvre belge du cancer (établissement d'utilité publique financé par les Affaires sociales, la Santé publique et l'Environnement qui gèrent le Registre national du cancer).

Or, contrairement à la plupart des cancers, le mélanome est très souvent diagnostiqué, traité et suivi en ambulatoire.

C'est pourquoi, l'incidence évaluée par l'enregistrement national à savoir actuellement 500 nouveaux cas par an est tout à fait sous-estimée si on la compare aux pays limitrophes.

Des études réalisées dans certaines sous-régions de notre pays utilisant d'autres moyens d'enregistrement (rapport direct par les médecins confrontés au mélanome, laboratoire d'anatomo-pathologie) sont en faveur d'un sous-enregistrement par la méthode actuelle allant jusqu'à 43 % des cas. La comparaison avec les autres pays européens confirme cette observation.

Il existe cependant des différences communautaires : depuis 1995, le ministère de la Communauté flamande finance un enregistrement systématique des mélanomes au départ des laboratoires d'anatomie pathologique.

Il s'agit d'un réseau articulé autour du Registre national du cancer et qui regroupe des anatomopathologistes, cliniciens et 2 registres provinciaux à savoir le réseau provincial d'Anvers : « AKR » et le réseau « LIKAS » de la province du Limbourg.

D'autres registres régionaux existent parallèlement qu'il y aurait lieu de mettre en réseaux intégrés comme le Groupe Mosan des tumeurs pigmentaires et les données de l'Institut de santé publique Pasteur.

E. Les actions à entreprendre :

Le Registre national enregistre actuellement des données incomplètes concernant le mélanome à savoir : l'âge, le sexe, le type de mélanome, la date de diagnostic, l'évolution en matière de traitement-survie-décès.

Il importe pour le mélanome d'enregistrer un minimum d'informations pronostiques complémentaires : type histogénétique précis, épaisseur en mm de la lésion (facteur pronostique majeur) et localisation de la lésion.

Les mélanomes débutants dits in situ devraient être également enregistrés.

Enfin, les statistiques générées par l'enregistrement national devraient être analysées séparément pour le mélanome et non globalement avec les autres cancers cutanés qui sont beaucoup plus fréquents et qui ont un bien meilleur pronostic (epithélioma basocellulaires et spinocellulaires).

Le Registre national dispose déjà actuellement d'un système informatique de cryptage accessible aux laboratoires d'anatomie pathologique, les modalités d'intégration des données ayant déjà fait l'objet d'une approbation par le Conseil national de l'Ordre des médecins et par la Commission de la protection de la vie privée.

Les hôpitaux et laboratoires d'anatomie pathologique peuvent donc accéder à ce réseau moyennant la signature d'une convention mutuelle.

Il y a actuellement en Belgique 260 anatomopathologistes pour une fréquence estimée de 1 000 cas par an. Chaque anatomopathologiste devrait donc enregistrer en moyenne 4 cas par an.

Il est donc clair que les mélanomes doivent être enregistrès sur des bases histologiques et donc au départ des laboratoires d'anatomie pathologique et non au départ de cliniciens hospitaliers exclusivement.

Par ailleurs, il nous semble utile d'imposer une obligation à l'enregistrement afin d'obtenir des données nationales fiables.

Proposition de modalités pratiques :

­ Enregistrement au départ des laboratoires d'anatomie pathologique privés et publics.

­ Obligation d'enregistrement par les pathologistes.

­ Recensement prospectif et rétrospectif des 5 dernières années.

­ En collaboration avec le Registre national du cancer sur leur logiciel avec amélioration (données insuffisantes), budgétiser le coût, évaluer les données déjà disponibles en Flandre.

­ Fournir aux différents laboratoires :

­ une garantie de confidentialité pour les patients.

­ les données statistiques obtenues par année.

­ une garantie d'absence d'impact médico-légal (pas de contrôle diagnostique).

Alain DESTEXHE.
Philippe MAHOUX.
Jacques GERMEAUX.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

Les laboratoires d'anatomie pathologique privés ou hospitaliers doivent déclarer chaque année au Registre national belge du cancer, sur un support informatique crypté et protégé, chaque cas de diagnostic histologique confirmé de mélanome in situ ou invasif selon les critères établis par la convention avec le Registre national.

30 mars 2004.

Alain DESTEXHE.
Philippe MAHOUX.
Jacques GERMEAUX.