3-723/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2003-2004

28 MAI 2004


Proposition de loi modifiant l'arrêté royal nº 38 du 27 juillet 1967 organisant le statut social des travailleurs indépendants et l'arrêté royal du 20 juillet 1971 instituant une assurance indemnités et une assurance maternité en faveur des travailleurs indépendants et des conjoints aidants, en ce qui concerne la réglementation en matière d'incapacité de travail pour les travailleurs indépendants

(Déposée par Mme Annemie Van de Casteele)


DÉVELOPPEMENTS


Selon les chiffres les plus récents de l'Institut national d'assurances sociales pour travailleurs indépendants, il y avait 751 168 travailleurs indépendants et 44 089 aidants en Belgique au 1er janvier 2003. Cela signifie que 795 257 personnes relevaient du statut social des indépendants.

Les indépendants sont l'un des principaux leviers de notre économie. Ils sont leur propre employeur et l'employeur d'autres personnes. Voilà pourquoi l'entreprise indépendante doit être encouragée.

Il ressort néanmoins d'une enquête sur les raisons pour lesquelles les jeunes n'osent pas lancer leur propre entreprise que la moitié des personnes interrogées redoute les risques qu'entraîne l'entreprise indépendante.

Un certain nombre de risques peuvent être neutralisés par le renforcement du statut social des indépendants qui a été longtemps traité en parent pauvre. Ce statut présente, à plusieurs égards, de grandes différences avec le régime des travailleurs salariés. Une harmonisation du statut social des travailleurs indépendants avec celui des travailleurs salariés, qui ne porte pas atteinte à la spécificité du premier et qui tienne compte des véritables desiderata des indépendants eux-mêmes, s'impose.

Si le gouvernement précédent avait déjà pris une série de mesures pour remédier à cet état de choses, on a décidé récemment, en exécution de l'accord de gouvernement, de dresser un plan pluriannuel comprenant des mesures concrètes en vue d'améliorer le statut en ce qui concerne l'assurance maladie (intégration des petits risques), le relèvement des pensions et l'augmentation des indemnités d'invalidité et d'incapacité de travail.

L'auteur de la présente proposition de loi estime qu'il s'agit d'une étape importante, mais il constate qu'une série de discriminations injustes subsiste. C'est surtout quand il a dû suspendre son activité par suite de maladie que le travailleur indépendant court un risque important. Il en résulte généralement une perte de revenu immédiate et la pérennité de son travail (et donc de son futur revenu) s'en trouve compromise. Dans certains cas, il doit faire face à des conditions de vie qui le placent en marge de la société parce qu'elles sont trop éloignées des normes qui doivent être respectées pour que la dignité humaine soit préservée. Il perd son revenu d'un jour à l'autre, alors qu'il doit continuer à faire face à une grande partie de ses frais forfaitaires.

C'est ainsi qu'il doit payer chaque trimestre, à sa caisse d'assurances sociales, des cotisations sociales qui représentent un pourcentage des revenus professionnels (plafonnés) qu'il a touchés en tant que travailleur indépendant au cours de la troisième année civile précédant immédiatement celle pour laquelle les cotisations sont dues. Il ne peut demander qu'au bout d'un mois le bénéfice d'une allocation d'incapacité de travail forfaitaire (non proportionnelle au revenu antérieur) inférieure au minimum de moyens d'existence. Les allocations d'invalidité forfaitaires sont octroyées après un délai d'un an.

Les travailleurs salariés conservent en principe leur emploi. Ils paient des cotisations sociales qui sont prélevées chaque mois directement de leur salaire. Lorsqu'ils sont frappés d'incapacité de travail par suite d'un accident ou d'une maladie, ils ne paient pas de cotisations et reçoivent une allocation d'incapacité de travail (ex. allocation d'invalidité) qui constitue un pourcentage de leur revenu antérieur. Après un délai d'un an, ils ont droit à une allocation d'invalidité qui est liée dans une certaine mesure au revenu.

La situation du Dr Kenens fut un exemple criant de cette injustice sociale. Bien qu'atteint d'une maladie incurable, ce médecin généraliste fut contraint de continuer à travailler jusqu'à la veille de sa mort parce que sa famille ne pouvait pas survivre avec le revenu de remplacement dont il bénéficiait en tant que travailleur indépendant. Il a demandé l'attention des médias pour cette situation, dans laquelle beaucoup de travailleurs indépendants peuvent se retrouver.

Le gouvernement a prévu d'augmenter progressivement le montant de ces allocations. Par la présente proposition, l'auteur entend s'attaquer au problème de la cotisation trimestrielle des travailleurs indépendants. Elle propose de calculer les cotisations sociales des travailleurs indépendants qui sont atteints d'une incapacité de travail d'au moins une semaine au prorata du nombre de jours prestés tant pour le semestre au cours duquel l'incapacité de travail a commencé que pour le semestre au cours duquel elle aura cessé.

Elle veut éliminer en même temps une seconde discrimination injustifiée. Le statut social du travailleur indépendant n'ouvre un droit à une allocation d'incapacité de travail ou d'invalidité que si l'intéressé est atteint d'une incapacité de travail de 100 %. Un travailleur salarié peut déjà bénéficier quant à lui d'une allocation s'il est atteint d'une incapacité de travail d'au moins 66 %. Il y a donc également lieu d'harmoniser les choses à cet égard.


COMMENTAIRE DES ARTICLES


Article 2

L'article 2 règle la révision du mode de calcul des cotisations d'assurance maladie-invalidité des travailleurs indépendants. Lorsqu'un indépendant est frappé d'une incapacité de travail durant plus d'une semaine au cours d'un même trimestre, la cotisation est calculée au prorata du nombre de jours d'activité.

Le Roi détermine la manière dont sera effectué le calcul au prorata de l'activité exercée au cours du trimestre.

Article 3

Dans cet article, l'état d'incapacité de travail des indépendants est harmonisé avec celui des travailleurs salariés. Les indépendants ont droit à une allocation lorsqu'ils sont frappés d'une incapacité de travail d'au moins 66 %, comme les travailleurs salariés. Cet article reprend la terminologie de l'article 56 de la loi du 9 août 1963, qui prévoit un régime d'assurance obligatoire soins de santé et indemnités pour les travailleurs salariés. De ce fait, l'état d'invalidité commence également, pour les indépendants, dès que leur incapacité de travail atteint 66 %.

Annemie VAN de CASTEELE.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

À l'article 15 de l'arrêté royal nº 38 du 27 juillet 1967 organisant le statut social des travailleurs indépendants, modifié en dernier lieu par la loi du 2 août 2002, sont apportées les modifications suivantes :

A) il est inséré un § 2bis rédigé comme suit :

« § 2bis. Pour le trimestre au cours duquel l'assujetti est reconnu se trouver en état d'incapacité de travail pour une durée d'une semaine au moins, conformément aux articles 19 et 20 et aux articles 59 et 60 de l'arrêté royal du 20 juillet 1971 instituant une assurance indemnités et une assurance maternité en faveur des travailleurs indépendants et des conjoints aidants, la cotisation n'est due qu'au prorata du nombre de jours pendant lesquels une activité professionnelle a effectivement été exercée. »

B) il est inséré un § 3bis, rédigé comme suit :

« § 3bis. Le Roi détermine le mode de calcul au prorata, tel que visé au § 2bis. »

Art. 3

À l'article 19, alinéa premier, de l'arrêté royal du 20 juillet 1971 instituant une assurance indemnités et une assurance maternité en faveur des travailleurs indépendants et des conjoints aidants, modifié par l'arrêté royal du 24 janvier 1990, les mots « en raison de lésions ou de troubles fonctionnels » sont remplacés par les mots « en raison de lésions ou de troubles fonctionnels, dont il est reconnu qu'ils réduisent sa capacité à un tiers ou à moins d'un tiers de ce qu'elle était avant le début de son incapacité de travail ».

8 avril 2004.

Annemie VAN de CASTEELE.