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M. le président. - La proposition de résolution est ainsi libellée :
Le Sénat,
A. rappelant le génocide de 1994 au Rwanda, l'assassinat de nos compatriotes militaires ou civils ;
B. rappelant les travaux de la commission d'enquête de notre Assemblée, le rapport de la mission d'information de l'Assemblée nationale française et les rapports de l'ONU ;
C. rappelant notamment que l'ONU et plusieurs pays, dont la Belgique, n'ont pas fait suffisamment attention aux signaux indiquant la préparation de massacres à grande échelle ;
D. rappelant aussi la décision de retirer les troupes belges de l'ONU après l'assassinat de dix casques bleus belges et des autres contingents de l'ONU alors que tout le monde avait connaissance des massacres en cours ;
E. rappelant le génocide des Tutsis et le massacre de nombreux démocrates Hutus ;
F. rappelant la définition et la signification d'un génocide ;
G. rappelant l'assassinat de nos compatriotes, de dix commandos en mission pour l'ONU et de dix civils, lâchement massacrés parce qu'ils étaient belges.
Invite les citoyens, à l'occasion du 10ème anniversaire du génocide au Rwanda, à respecter une minute de silence le 7 avril à midi, suivant l'invitation du secrétaire général des Nations unies, et à méditer les leçons que nous enseignent ces tragiques événements pour que plus jamais ils ne se reproduisent.
Demande au gouvernement belge de continuer à oeuvrer de par sa politique à la justice et à la réconciliation au Rwanda.
À cette proposition de résolution, Mme Durant propose l'amendement nº 20 (voir document 3-580/5) ainsi libellé :
Insérer un nouveau dispositif, rédigé comme suit :
« Appelle le gouvernement à oeuvrer pour la création, sous l'égide de la communauté internationale, d'un fonds de réparation pour les victimes survivantes, et en particulier pour les femmes. »
À cette même proposition de résolution, Mme de Bethune et consorts proposent l'amendement nº 21 (voir document 3-580/5) ainsi libellé :
Insérer un nouveau dispositif, rédigé comme suit :
« Demande au gouvernement d'insister au niveau bilatéral comme au niveau international pour que :
1. les Nations unies réalisent une enquête approfondie sur l'origine et les conséquences du génocide au Rwanda, de manière à donner suite au droit des proches des victimes à la vérité ;
2. la communauté internationale et les autorités rwandaises mettent tout en oeuvre pour que soient jugés sans retard et équitablement les crimes contre l'humanité perpétrés par l'ensemble des parties impliquées dans le conflit au cours du génocide et de la période qui a suivi ;
3. les efforts qui s'imposent soient entrepris pour parvenir enfin à une réconciliation durable des divers groupes ethniques. »
À cette même proposition de résolution, Mme de Bethune et consorts proposent également l'amendement nº 22 (voir document 3-580/5) ainsi libellé :
Dans le dispositif, insérer, entre les mots « à respecter » et les mots « une minute de silence », les mots « ..., par égard pour toutes les victimes et par solidarité avec les proches de nos compatriotes, militaires et civils, assassinés, ... »
M. Louis Michel, vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères. - Je soutiens évidemment cette résolution mais je ne soutiendrai l'amendement de Mme Durant que si on remplace le mot « réparation » par le mot « soutien ». En effet, réparation a une implication précise en droit et peut conduire à des jugements qui pourraient être très lourds pour certains États.
J'ai été confronté à cette question à la conférence de Durban où le sujet a été traité pendant des heures. À un moment donné, comme je défendais aussi ce concept, je me suis retrouvé quasiment seul au niveau européen pour défendre l'utilisation de ce mot. En effet, aux États-Unis, par exemple, il y a toute une jurisprudence de procès ayant été intentés vis-à-vis de certaines entreprises par des descendants de personnes qui avaient été victimes. Cela ouvrirait - et je pense que nous ne pouvons le faire maintenant dans l'improvisation - la voie à un risque de responsabilité financière exorbitante, en tout cas pour un pays comme la Belgique. Si nous voulons avoir l'appui de la communauté internationale pour créer un tel fonds - que je crois utile - il convient d'utiliser le terme « soutien », faute de quoi je peux vous garantir que notre pays sera le seul à appuyer cet amendement.
Mme Isabelle Durant (ECOLO). - D'une certaine manière, je peux comprendre les réflexions du ministre des Affaires étrangères. J'entends en effet que le terme « réparation » a une autre signification. Dès lors, il pourrait entraîner des charges importantes et surtout, ce qui me paraît plus important, un isolement. Or, ce que je demande dans mon amendement, c'est d'appeler le gouvernement à être pionnier sur la question de la réparation du dédommagement dans le cadre international. Il ne s'agit évidemment pas que la Belgique prenne tout en charge, mais qu'elle puisse oeuvrer.
Je ne connais pas encore très bien les procédures, monsieur le président, mais est-il possible, le cas échéant, de commencer par des actions de soutien ? Nous pourrions reprendre cette discussion de manière approfondie avec M. Michel pour que nous puissions mesurer les impacts de ce que nous votons ou de ce que nous demandons, mais je ne veux pas non plus bloquer l'avancement de ce texte qui est important pour aujourd'hui.
Telle est ma proposition de sous-amendement à mon propre amendement sur la base du sous-amendement proposé par le ministre des Affaires étrangères.
M. le président. - Soyons clairs. Soit vous soutenez la proposition du ministre des Affaires étrangères et vous déposez un sous-amendement qui préconise la création d'un fonds de soutien aux victimes survivantes et, en particulier, aux femmes...
M. Louis Michel, vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères. - Je propose que l'amendement de Mme Durant soit simplement amendé en remplaçant le terme « réparation » par le terme « soutien ».
M. le président. - C'est bien ce que je propose. Il conviendrait alors de remplacer « pour » par « au ».
M. Pierre Galand (PS). - Nous pourrions encore discuter longtemps. Le génocide du Rwanda est quelque chose de tragique. C'est un crime contre l'humanité qui mérite effectivement réparation. Nous en avons discuté en commission. Nous avons l'occasion de prendre position et de commémorer le génocide. C'est bien l'acte que nous voulons poser aujourd'hui.
Je suis extrêmement sensible aux propositions émises par Mme de Bethune et par Mme Durant et je souhaiterais que la commission des Affaires étrangères, qui prépare actuellement un rapport sur le Rwanda, le Burundi et le Congo, traite de ces questions qui sont des questions d'actualité.
Nous parlons aujourd'hui de la commémoration d'un événement qui s'est produit il y a dix ans. Restons-en à un texte qui pourrait faire l'unanimité et traitons de ces questions dans le rapport qui sera fait par la commission quant à la question globale de l'Afrique centrale.
M. le président. - Vous proposez de garder le texte initial, de ne pas l'amender et d'aborder la suggestion de Mme Durant et de Mme de Bethune dans un rapport ultérieur.
M. Alain Destexhe (MR). - Si Mme Durant acceptait de soutenir la proposition du ministre des Affaires étrangères visant à remplacer les termes « de réparation » par les termes « de soutien », ce serait un pas en avant dans la ligne de la réparation et dans la perspective de la commémoration.
M. le président. - Le texte se lirait donc comme suit : « Appelle le gouvernement à oeuvrer pour la création, sous l'égide de la communauté internationale, d'un fonds de soutien aux victimes survivantes et, en particulier, aux femmes ».
-Le vote sur les amendements est réservé.
-Il sera procédé ultérieurement aux votes réservés ainsi qu'au vote sur l'ensemble de la proposition de résolution.