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Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 5 FÉVRIER 2004 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Demande d'explications de Mme Clotilde Nyssens au ministre des Finances sur «les nouvelles dispositions en matière d'anti-blanchiment des capitaux» (nº 3-120)

M. le président. - Mme Fientje Moerman, ministre de l'Économie, de l'Énergie, du Commerce extérieur et de la Politique scientifique, répondra au nom de M. Didier Reynders, ministre des Finances.

Mme Clotilde Nyssens (CDH). - Il me revient que les nouvelles dispositions de la loi du 12 janvier 2004 modifiant la loi du 11 janvier 1993 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment des capitaux posent certaines difficultés d'interprétation. En effet, l'article 10ter nouveau prévoit que « le prix de la vente par un commerçant d'un article dont la valeur atteint ou excède 15.000 euros ne peut être acquitté en espèces ». En cas de non-respect de cette disposition, une sanction est prévue à l'article 23 de la loi du 11 janvier 1993.

Retenons à cet égard que l'inspection économique, chargée du contrôle du respect de la loi, peut proposer au ministre des Affaires économiques d'infliger une amende administrative dont le montant ne peut excéder 10% des sommes indûment réglées en espèces, ni être supérieur à 1.250.000 euros.

Á quelle date cette disposition entre-t-elle en vigueur ? En d'autres termes, faut-il considérer que, par application du droit commun et en l'absence de dispositions transitoires dans la loi du 12 janvier dernier, l'entrée en vigueur est fixée au 2 février de cette année, soit le 10ème jour suivant la publication ? Ou faut-il considérer que l'article 25 de la loi du 11 janvier 1993 prévoyant que le Roi fixe l'entrée en vigueur de la loi trouve à s'appliquer ?

La limitation à 15.000 euros contenue dans l'article 10ter nouveau inclut-elle la TVA ? Dans l'affirmative, votre réponse ne doit-elle pas être modulée lorsqu'un bien est vendu à un assujetti à la TVA ?

Un commerçant qui vend plusieurs biens différents, dont le montant total excède 15.000 euros, peut-il continuer à accepter un paiement en liquide pour le tout ? N'estimez-vous pas qu'il convient de répondre par l'affirmative dès lors que le texte de loi doit être interprété de manière restrictive et qu'il vise « un article dont la valeur atteint ou excède... », et non « des articles dont la valeur (cumulée) atteint ou excède ... » ?

Je suis consciente que cette question est très technique mais les avocats doivent pouvoir conseiller correctement leurs clients. En outre, comme il s'agit à l'évidence d'une question d'actualité, je me suis permis d'en faire une demande d'explications et non, ce qui aurait été logique dans cette matière technique, une question écrite.

Mme Fientje Moerman, ministre de l'Économie, de l'Énergie, du Commerce extérieur et de la Politique scientifique. - La loi du 12 janvier 2004 modifiant notamment la loi du 11 janvier 1993 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux a été publiée au Moniteur belge du 23 janvier 2004. Comme elle ne contient pas de dispositions dérogeant explicitement à la règle de droit commun, elle suit cette règle. L'intégralité de ses dispositions, y compris le nouvel article 10ter, sont entrés en vigueur le dixième jour suivant sa publication, soit le 2 février 2004. En effet, l'article 25 de la loi du 11 janvier 1993, qui dispose que « le Roi fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi », ne concerne que cette loi et non celles qui l'ont modifiée.

Le texte de l'article 10ter de la loi du 11 janvier 1993 a pour objectif de limiter les paiements en espèces pour un montant de 15.000 euros ou plus. Afin de déterminer s'il y a lieu d'appliquer cette disposition, il importe de considérer le prix dont l'acheteur du bien devra s'acquitter. Si le montant total de cette somme atteint ou excède 15.000 euros, son paiement ne pourra être acquitté en espèces.

L'article 10ter ne fait pas de distinction selon que l'acheteur du bien est assujetti ou non à la TVA. Ce qui importe c'est le montant qui doit effectivement être payé par l'acquéreur.

L'article 10ter de la loi du 11 janvier 1993 s'inspire des normes internationales en matière de lutte contre le blanchiment d'argent. Ainsi, tant la directive 2001/97/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 décembre 2001 modifiant la directive 91/308/CEE du 10 juin 1991 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux, que les nouvelles 40 Recommandations du Groupe d'Action Financière visent les articles de grande valeur, ceux-ci étant plus particulièrement susceptibles de servir à des fins de blanchiment.

En conséquence, la limitation des paiements en espèces dont question à l'article 10ter ne vise que ces mêmes biens de grande valeur, c'est-à-dire ceux dont le prix atteint ou excède 15.000 euros. En cas de vente de plusieurs articles dont le prix est inférieur à 15.000 euros pour chacun d'eux, mais dont le montant global s'élève à 15.000 euros ou plus, l'article 10ter ne sera donc pas d'application.

Mme Clotilde Nyssens (CDH). - Je remercie la ministre de ces précisions extrêmement techniques. Celles-ci sont d'une grande utilité pour mettre en oeuvre la loi qui s'applique depuis le 2 février, comme la ministre vient de le confirmer.