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Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 22 JANVIER 2004 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Demande d'explications de Mme Clotilde Nyssens à la vice-première ministre et ministre de la Justice et à la ministre de la Fonction publique, de l'Intégration sociale, de la Politique des grandes villes et de l'Égalité des chances sur «la lutte contre la traite des êtres humains» (nº 3-102)

Mme Clotilde Nyssens (CDH). - J'ai lu avec attention le dernier rapport qui a été publié par le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme et qui s'intitule « Plaidoyer pour une approche intégrée - Analyse de la législation et de la jurisprudence ». Nous avons entendu en commission une représentante de ce centre. Des questions politiques ont surgi, que j'aimerais poser ici.

J'ai lu dans le rapport qu'il existait jadis une cellule interdépartementale de coordination de la traite des être humains dont le centre assurait le secrétariat. Il existait aussi une task force près le cabinet du premier ministre. Ces lieux de coordination semblent ne plus exister, ce qui nuit à la mission de coordination du Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme. Une nouvelle cellule est-elle prévue et dans quel délai ?

Il existe trois centres spécialisés pour accueillir les victimes de la traite des êtres humains. À ce jour, le financement structurel de ces centres n'est pas assuré. D'année en année, on parvient à trouver un financement mais les centres demandent une solution définitive structurelle. Quels sont les engagements du pouvoir fédéral à long terme pour assurer ce financement ?

D'autres questions ont trait à la Justice. Pour quelle raison n'est-il pas fait mention du parquet fédéral dans ce rapport sur la traite des être humains ? J'avais cru comprendre que cette matière si sensible de la traite des êtres humains est, par définition, liée à la criminalité organisée. J'aimerais donc savoir si le parquet fédéral se préoccupe vraiment de la question et quel rôle de politique criminelle il y joue.

Un procureur général chargé de cette problématique a-t-il été associé à la rédaction du rapport ?

Il ressort clairement des conclusions du rapport que la Belgique est tenue d'adopter des mesures pour le 1er août 2004 pour se conformer à la décision cadre du Conseil européen relative à la lutte contre la traite des êtres humains. Le rapport plaide pour une actualisation des lois de 1995 à la suite de cette décision cadre. Un projet est-il en préparation ? Ce projet prévoira-t-il de donner des définitions sur ce qu'il faut entendre par traite et trafic des êtres humains ? En 1995, ces deux notions avaient été arrêtées explicitement dans notre code pénal. Curieusement, le rapport plaide pour leur redéfinition. Le phénomène aurait-il évolué au point que ces notions doivent être revues ? Je suis d'autant plus étonnée que le rapport plaide pour une actualisation des textes que j'entends de tous côtés, particulièrement à l'étranger, que la Belgique est considérée comme pionnière en matière de législation visant à lutter contre la traite des êtres humains et constitue un modèle pour les pays voisins. Quelles sont les mesures qui manquent encore pour que les acteurs judiciaires et policiers puissent mener à bien leur mission ?

Mme Marie Arena, ministre de la Fonction publique, de l'Intégration sociale, de la Politique des grandes villes et de l'Égalité des chances. - La question s'adressait tant à Mme la ministre Onkelinx qu'à moi-même en tant que ministre de l'Intégration sociale. Je reprendrai donc les différents points en commençant par ceux qui s'adressaient à ma collègue.

Comme vous, madame Nyssens, la ministre de la Justice s'étonne que le Centre pour l'égalité des chances n'ait pas fait mention du Parquet fédéral dans son rapport. Interrogé à ce sujet, le procureur fédéral lui a confirmé n'avoir jamais été consulté par le centre dans le cadre de l'élaboration du rapport annuel. Il en a été de même pour le procureur général chargé de cette matière. La ministre de la Justice et moi-même interrogerons le Centre pour l'égalité des chances afin de pouvoir en comprendre la raison.

La regrettable absence de mention du parquet fédéral dans ce rapport ne signifie nullement son inaction dans la lutte contre la traite des êtres humains. Trois magistrats fédéraux ont cette matière dans leurs attributions ; ils sont saisis de nombreux dossiers dans le cadre tant de l'exercice de l'action publique que de la coordination de l'action publique.

Un magistrat du Parquet fédéral est membre du team de coordination du réseau d'expertise « Traite des êtres humains ». Il a donc participé aux travaux et notamment à l'élaboration de la nouvelle directive ministérielle qui modifiera la circulaire COL 12/99 qui sera prochainement publiée.

Enfin, le Parquet fédéral a également participé aux réunions de la task force mise en place par le premier ministre durant la législature précédente.

Laurette Onkelinx tient aussi à vous informer de son intention de rénover la loi du 13 avril 1995, afin d'y intégrer les tendances lourdes de la jurisprudence qui s'est développée au cours de ces dernières années.

Pour ce faire, le cabinet de la ministre de la Justice a constitué un groupe de travail composé des différents acteurs judiciaires, du service de politique criminelle et de représentants du département. Ce groupe de travail commencera ses travaux début février. Il sera également mandaté pour procéder aux adaptations de la loi nationale nécessaires pour une mise en conformité à la décision-cadre du Conseil européen.

En ce qui concerne les trois centres spécialisés pour l'accueil des victimes de la traite des êtres humains, le contexte est compliqué dans la mesure où les compétences en la matière sont partagées entre le fédéral et les communautés. Ces centres jouent un rôle essentiel dans la politique de protection de ces personnes.

Il est vrai qu'en raison de ces différentes compétences et donc de l'arrivée de divers niveaux de pouvoir, ces centres connaissent une insécurité financière étant donné qu'ils doivent composer avec plusieurs interlocuteurs. Nous souhaitons remédier à cette situation dans la mesure où nous mettons en place une conférence interministérielle avec les communautés et les régions pour travailler sur la politique des jeunes étrangers sur notre territoire. Cela pourrait également être pris en considération.

C'est dans le cadre d'une concertation avec les régions et les communautés que la discussion pourra avoir lieu.