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Sénat de Belgique

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2003

19 SEPTEMBRE 2003


Proposition de loi organisant l'indemnisation des accidents médicaux sans faute médicale

(Déposée par M. Alain Destexhe)


RÉSUMÉ


Cette proposition vise à indemniser les accidents médicaux graves sans faute médicale. Le régime actuel, basé sur la notion de faute, n'est satisfaisant ni pour les patients, ni pour les médecins. La majorité des pays européens dispose désormais d'une telle législation. Une « Commission de conciliation et d'arbitrage » oriente la plainte du patient, soit vers l'indemnisation par l'assurance médicale (en cas de faute), soit vers un Fonds d'indemnisation des accidents thérapeutiques. La possibilité de recourir à la justice est préservée.

DÉVELOPPEMENTS

La déclaration gouvernementale propose « d'introduire un système pour la couverture des dommages anormaux résultant des soins de santé ». Sous la législature précédente, le premier ministre s'était déjà engagé à concrétiser cet objectif. C'est le but de cette proposition de loi qui reprend, avec quelques modifications et avec une extension des développements, le texte d'une proposition qui a déjà été déposée au Sénat le 27 février 2003 (doc. Sénat, nº 2-1508/1 ­ 2002/2003).

1. Introduction

L'application du régime traditionnel de la responsabilité civile au domaine médical ne paraît entièrement satisfaisant ni pour les patients, ni pour les professionnels de la santé, ni pour les assureurs.

Dans notre pays, l'indemnisation des dommages liés aux soins de santé ne peut avoir lieu que si le patient parvient à apporter la preuve d'un lien de causalité entre la faute dans le chef du prestataire de soins et le dommage qu'il a subi. En effet, la responsabilité des prestataires de soins est soumise au droit commun de la responsabilité civile, contractuelle et extra-contractuelle. Les tribunaux ordinaires de l'ordre judiciaire sont compétents.

Dans la mesure où le médecin n'est tenu qu'à une obligation de moyens ­ et ce au niveau des obligations de diagnostic et thérapeutiques ­ la preuve de la faute est difficile à apporter pour le patient, d'autant plus que toute erreur ne constitue pas nécessairement une faute car il faut la replacer dans son cadre concret en tenant compte des circonstances de temps et de lieu.

La plupart des médecins sont couverts par une assurance en responsabilité civile médicale, bien qu'il n'existe aucune obligation légale en la matière (1). Les médecins, surtout dans quelques spécialités, sont confrontés à des plaintes plus nombreuses et à une augmentation des primes d'assurances ainsi qu'au refus de certaines compagnies d'assurance de couvrir la réparation intégrale du dommage, celui-ci pouvant atteindre des montants très élevés.

Cette situation soulève des critiques et réflexions en matière de droit médical. Depuis plusieurs années, un débat a lieu autour du système de la responsabilité médicale. La question essentielle dans ce débat est de savoir si la Belgique doit évoluer d'un système « avec faute » vers un système « sans faute » ou encore évoluer vers une voie médiane qui combinerait les deux approches. Des propositions de réforme s'inspirant de l'exemple des pays scandinaves ont été apportées par le groupe de travail interuniversitaire des professeurs Fagnart et Vansweevelt (2).

Le débat sur la réparation des accidents thérapeutiques en Belgique n'est donc pas neuf. En 1993, un rapport très détaillé accompagné de propositions concrètes était déjà remis au ministre des Affaires sociales (3). Dix ans plus tard, il n'y a toujours pas de réparation des accidents thérapeutiques alors que un nombre croissant de pays ont adopté des législations dans ce sens.

Le gouvernement du premier ministre Verhofstadt s'était engagé à avancer dans cette voie. Une note du ministre de l'économie et de la recherche scientifique du 15 mai 2002 proposait une formule basée sur l'assurance privée avec un complément sous la forme d'un fonds de solidarité (4). Mais le financement proposé était mis entièrement à la charge de prestataires de soins ce qui a provoqué l'opposition de ceux-ci et, en Conseil des ministres, la note n'a pas été adoptée.

Un droit de plainte est déjà reconnu aux patients par la toute nouvelle loi du 22 août 2002 sur les droits du patient (qui est entrée en vigueur le 6 octobre 2002) mais cet aspect n'est pas abordé ici. Lors de ce débat, le premier ministre s'est à nouveau engagé à déposer un projet de la loi à la Chambre des représentants sous cette législature.

Cette proposition de loi traite de la question de l'indemnisation des accidents thérapeutiques et ne s'étend dès lors pas aux différents aspects de la responsabilité médicale. Elle n'aborde pas non plus la question de l'indemnisation d'un préjudice de naissance (arrêt Perruche). Son objectif est de proposer un nouveau modèle concret d'indemnisation des accidents thérapeutiques.

Après avoir abordé la responsabilité médicale en Belgique sous l'angle statistique et juridique, nous aborderons la définition de l'accident thérapeutique et les exemples européens de son indemnisation avant d'élaborer une proposition spécifique pour notre pays.

2. Les sinistres en responsabilité médicale en Belgique

2.1. Données disponibles

D'après les rares données disponibles, il est impossible de procéder à une évaluation précise du nombre de sinistres médicaux ou d'accidents thérapeutiques qui surviennent chaque année en Belgique.

­ En 1994, un groupe de travail estimait à 1 900 par an le nombre de déclarations de sinistres dans le cadre de la responsabilité médicale. En raison de la sous-déclaration, les auteurs estimaient le nombre d'accidents thérapeutiques à 4 000 environ.

­ Dans le cadre du colloque « Fault, no fault, or ... ? » (5), une série d'enquêtes ont été réalisées par le ministère des Affaires sociales sur la responsabilité médicale en Belgique.

Une enquête auprès des hôpitaux

125 établissement sur 240 ont répondu à l'enquête.

De 1995 à 1998, 510 plaintes en moyenne ont été introduites par an. 60 % de ces plaintes visaient les hôpitaux et 40 % des prestataires de soins. En quatre ans, le nombre de plaintes a augmenté de 74 % ce qui signifie que le nombre de plaintes aurait doublé en 5 ans.

Les plaintes sont concentrées dans quelques spécialités. Seuls six spécialités représentaient plus de 5 % des plaintes : la gynécologie (16 %), l'anesthésie (14 %), la chirurgie et l'orthopédie (12 %), la gériatrie (6 %), l'ophtalmologie (5 %), les urgences (5 %) et la stomatologie (5 %).

Le nombre de plaintes avec des suites judiciaires est passé de 58 en 1995 à 108 en 1998 (+ 86 %). Environ 87 plaintes sur 501 ont débouché sur un dédommagement judiciaire. Le rapport des plaintes par rapport au nombre de dédommagements reste constant : environ 17 %.

Une enquête auprès des médecins

L'enquête auprès des médecins a montré sans surprise que ce sont surtout les spécialistes travaillant en hôpital qui sont confrontés à une hausse des primes qu'ils jugent « arbitraire et exagérée » (6).

Une enquête auprès des entreprises d'assurances

Trois contrats d'assurances différents peuvent couvrir la responsabilité civile (RC) des médecins :

­ un contrat individuel;

­ un contrat collectif;

­ la police RC des hôpitaux.

A. En ce qui concerne les contrats individuels et collectifs

­ en 1998, le montant d'encaissements des contrats individuels et collectifs RC des professionnels, à l'exception des dentistes s'élevait à 250 millions d'euros environ.

­ il faut plusieurs années avant que tous les sinistres d'une année soient connus, mais le nombre de sinistres déclarés a augmenté de 1995 à 1999 à moins qu'il ne s'agisse d'une déclaration plus rapide. Ainsi fin 1999, 730 sinistres ont été déclarés pour 1995. Fin 1999, 835 sinistres ont été déclarés pour 1996.

­ En 1999, parmi les sinistres de 1995 déjà clôturés, soit 498 sur 730 :

· 43 % l'étaient sans frais ou indemnités,

· 21 % uniquement avec des frais externes (sans indemnités),

· et 36 % avec des indemnités.

­ Parmi les sinistres déclarés

· 97,4 % représentent une indemnisation de moins de 2 millions de francs belge,

· 1,5 % une indemnisation de 2 à 5 millions de francs belge,

· 1 % une indemnisation de plus de 5 millions de francs belge,

· et 0,4 % plus de 10 millions de francs belge.

B. En ce qui concerne la RC des hôpitaux

Seules 4 entreprises d'assurances (représentant 60 à 70 % du marché) avaient répondu à l'enquête, mais il apparaît que fin 1999, 2 643 sinistres ont été déclarés pour 1995, 2 961 pour 1996 et 2 896 en 1999.

Les sinistres sont beaucoup plus importants puisque 50 % se clôturent avec des indemnités et que celles-ci sont souvent plus importantes (7).

C. Les sinistres majeurs

L'enquête a aussi porté sur une centaine de sinistres représentant plus de 2 millions de francs belge.

Elle a montré que la procédure judiciaire reste l'option la plus courante (38 %), le règlement à l'amiable intervenant dans 28 % des cas et pour 34 % on ne savait toujours pas si le règlement allait se faire à l'amiable ou devant le juge.

2.2. Quelques comparaisons avec d'autres pays

En France, 50 000 personnes chaque année seraient victimes d'un accident thérapeutique grave (8), soit 150 par jour. Ramené à la population belge, cela donne un peu moins de 10 000 accidents graves par an.

D'autres sources pour la France mentionnent 9 000 cas d'accidents médicaux annuels dont le montant est estimé à 6 milliards de francs belge.

Au Royaume-Uni, selon le docteur David Pickersgill, président du comité juridique de la BMA (9), 800 « erreurs médicales » sont commises chaque jour. Plus de 15 000 plaintes sont actuellement en cours dans le système judiciaire (10). Un médecin généraliste a treize fois plus de chance d'être l'objet d'une plainte que 10 ans plus tôt. Dans nombre de cas, il n'y a pas de faute caractérisée, mais une erreur, un geste malheureux ou des circonstances imprévues.

En 1999, au Danemark (5,3 millions d'habitants), 2 900 patients ont bénéficié du régime d'indemnisations des accidents thérapeutiques. Il y a environ 10 000 plaintes chaque année en Suède et 7 000 en Finlande (11). Ces chiffres couvrent l'ensemble du contentieux médical puisque la distinction « faute » et « sans faute » n'est pas appliquée dans ces pays.

Pays
­
Landen
Population
­
Bevolking
Nombre de plaintes
­
Aantal klachten
Indemnisés
­
Vergoeding
Coût total
­
Totale kosten
Suède. ­ Sweden 9 millions/miljoen 9 000 45 % - 4 050 37,5 millions d'euros/miljoen euro
Finlande. ­ Finland 5,1 millions/miljoen 7 000 35 % - 2 450 15,6 millions d'euros/miljoen euro (1999)
Danemark. ­ Denemarken 5,3 millions/miljoen 2 900 38 % - 920 23,4 millions d'euros/miljoen euro (1999)

Le coût par patient indemnisé est en moyenne de 9 260 euros en Suède, 6 370 euros en Finlande et 25 434 euros au Danemark. À noter qu'en Suède, le maximum qu'un patient peut recevoir s'élève à environ un million d'euros. En Belgique, un accident grave peut être indemnisé jusqu'à des montants de 6 à 8 millions d'euros (12).

Ramené à la population belge, les chiffres scandinaves donneraient une fourchette de 5 500 à 14 000 plaintes par an et de 1 700 à 4 800 personnes indemnisées.

2.3. Conclusion

Les chiffres disponibles ne donnent pas une vision globale du problème en Belgique.

Les données recueillies l'ont été dans le cadre des enquêtes précitées. Elles ne sont pas collectées de façon systématique sur une base annuelle ni par les ministères concernés, ni par l'OCA (Office de contrôle des assurances), ni par l'UPEA (Union professionnelle des entreprises d'assurances). Il n'est donc pas possible de se faire une idée précise de l'ampleur du problème.

Si l'on compare le nombre d'accidents (même non déclarés) par rapport au nombre de prestations de soins, on doit constater, selon certaines études, qu'il n'y a qu'une erreur commise pour vingt mille actes accomplis. Le risque d'erreur médicale est de 0,005 %, ce qui permet de dire que la sécurité médicale est, dans l'ensemble, remarquable (13).

Cependant tous les indicateurs confortent l'impression empirique des praticiens à savoir :

­ une augmentation du nombre de plaintes;

­ une augmentation des plaintes avec des suites judiciaires;

­ une augmentation importante des primes dans quelques spécialités particulièrement exposées.

En revanche, il n'y a pas de preuves indiscutables :

­ d'une augmentation du montant des indemnités par sinistre accordées par les assureurs ou la justice;

­ d'une augmentation du nombre de décisions judiciaires favorables aux plaignants.

Avec une indemnisation des accidents thérapeutiques, compte tenu des données belges et des comparaisons internationales, du fait qu'un système sans faute augmente le nombre de plaintes au fil du temps, on peut raisonnablement estimer que l'ensemble du contentieux médical en Belgique (avec et sans faute) ne dépasserait pas au maximum 5 000 dossiers par an, du moins au cours des premières années après la mise en place du système.

Si l'on tient compte d'une indemnisation moyenne de 25 000 euros et 3 000 dossiers indemnisés par an dans la procédure sans faute (60 % des cas), le budget s'élève à 75 millions d'euros la première année, soit 3 milliards de francs belge, somme qui constituera notre estimation moyenne (à défaut d'autres) des ressources complémentaires à dégager pour financer un nouveau système (14).

3. Le droit applicable en Belgique

Nous nous limiterons à un bref rappel des grands principes de la responsabilité médicale dans notre pays.

Le droit belge règle la question de la responsabilité contractuelle sur la base de la notion de faute. La preuve de la faute du débiteur est une première condition de la responsabilité indispensable, du moins lorsqu'il s'agit d'une obligation de moyens du débiteur. En ce qui concerne les obligations de résultat, la preuve que le résultat promis n'est pas atteint suffit (15).

Pour les deux sortes d'obligations le créancier doit prouver de surcroît le dommage subi et l'existence du lien de causalité entre la faute ou le résultat non atteint et le dommage. En d'autres termes, la responsabilité contractuelle du médecin/de l'hôpital en matière d'obligations de moyens ­ qui constituent la grande majorité des obligations du médecin/de l'hôpital ­ est soumise à l'existence et à la preuve de trois conditions : une faute, un dommage et un lien de causalité entre les deux.

Dans la mesure où le médecin n'est tenu qu'à une obligation de moyens ­ et ce au niveau des obligations de diagnostic et thérapeutiques ­ la preuve de la faute est difficile à apporter pour le patient, d'autant plus que toute erreur ne constitue pas nécessairement une faute car il faut la replacer dans son cadre concret en tenant compte des circonstances de temps et de lieu.

Un nombre de cas sont résolus par l'intervention de l'assureur du médecin. Mais si l'assurance refuse d'indemniser, le patient n'a d'autre choix que de s'adresser à la justice.

4. Pourquoi indemniser l'accident thérapeutique ?

4.1. L'augmentation du nombre de plaintes

Plusieurs raisons expliquent l'augmentation constante du nombre de plaintes (16) :

1) L'évolution du risque médical

L'évolution technologique fait reculer les limites de la médecine et crée des risques souvent imputables à des défauts de maîtrise de produits nouveaux, de technologies nouvelles ou de matériels sophistiqués.

2) Une meilleure information des patients

Grâce aux médias et à internet, le patient est de mieux en mieux informé des risques médicaux qu'il consent. De ce fait, il sera plus enclin à considérer que le médecin a commis une faute lorsqu'une intervention donne lieu à problème.

3) L'évolution de la jurisprudence

La jurisprudence, autrefois très favorable au point de vue du médecin (en l'absence de preuve formelle de la faute et de lien de causalité), évolue dans le sens d'une obligation de résultats plus que de moyens. Cette évolution est tout à faite nette en France plus encore qu'en Belgique.

4) La couverture par les assurances

Le fait que la RC médicale se soit généralisée, de même que l'augmentation des assurances de protection juridique des particuliers et des mutuelles joue aussi un rôle dans l'augmentation du contentieux.

5) Le rôle des avocats et des associations de patients

De plus en plus souvent des patients se regroupent en associations, comme en Belgique, l'ASBL « Erreurs médicales ». Cette organisation, qui bénéficie d'une certaine notoriété auprès du public, est à la base d'un nombre important de plaintes. Enfin, les avocats jouent aussi un rôle et conseillent parfois à leur clients d'entamer une action en justice, même si elle a peu de chances d'aboutir.

4.2. Le caractère aléatoire des procès

La mission du médecin est d'aider le malade autant que de le guérir alors que la machinerie thérapeutique qui s'interpose entre eux contribue souvent à altérer le caractère affectif de la relation pour en faire une relation assez éloignée de l'idéal du colloque singulier.

Selon Thierry Vansweevelt, la victime qui entend obtenir réparation doit s'attendre à devoir agir par la voie d'un procès, qui sera long et incertain. « Plus les montants en jeu sont importants, plus les « responsables » (ou leurs assureurs) mettent de l'énergie à se défendre et à épuiser les voies de recours dont ils disposent. En d'autres termes, plus la situation des victimes est digne de pitié, plus elles ont des difficultés à se faire indemniser ... » (17).

Une réclamation de la victime implique la nécessité pour celle-ci de prouver la faute et le lien de causalité entre la faute et le dommage.

Le contentieux médical est l'un de ceux pour lesquels les investigations liées à la charge de la preuve s'avèrent particulièrement difficiles. L'exercice de la médecine compte parmi les secteurs d'activité dont les risques sont inhérents à la fonction; l'indétermination et l'imprévisibilité d'un certain nombre d'effets issus d'interventions médicales contribuent à mettre la victime en position difficile en cas d'accident. Comment prouver avec certitude une erreur de dosage d'un produit anesthésiant chez des patients souffrant de troubles cardiaques ? Comment distinguer entre la négligence du médecin et la réaction particulière statistiquement inévitable dans le cas d'interventions risquées ?

Selon Thierry Vansweevelt, le patient devenu victime est appelé à lutter seul contre un appareil médical puissant et secret et de surcroît relayé par une compagnie d'assurance dotée de services juridiques performants. Le procès est générateur d'injustices : des victimes ayant subi un préjudice mineur seront parfois largement indemnisées, notamment en raison de la réparation du dommage moral, parce qu'elles ont pu apporter la preuve d'une faute, tandis que d'autres, gravement handicapées, ne parviendront pas à établir la faute ou à convaincre le juge et dès lors n'obtiendront aucune réparation.

Il faut encore souligner les difficultés liées à l'identification du responsable, notamment lorsque les prestations sont effectuées en hôpital. La responsabilité de l'hôpital est-elle engagée en dépit de l'absence de faute prouvée dans le chef des médecins concernés ? Peut-on concevoir une responsabilité partagée de plusieurs prestataires impliqués dans une intervention ? Comment estimer l'importance de leur responsabilité propre ?

Dans le même ordre d'idées, on évoque l'incertitude de la réparation lorsque les dommages sont imputables au défaut d'organisation d'une unité de soins, sans qu'une faute puisse être établie dans le chef des prestataires.

Le système actuel d'indemnisation liée à l'existence d'une faute conduit donc inévitablement à laisser sans réparation les victimes de dommages occasionnés par une intervention sans qu'une faute soit prouvée.

On peut encore citer d'autres inconvénients d'un recours en justice :

­ La durée : la procédure prend toujours plusieurs années. Entre les différentes expertises et les appels, elle peut prendre plus de quinze ans, sans qu'aucun remboursement n'intervienne (18).

­ Les coûts : les frais d'avocats et d'expertise qui sont à la charge de la victime. Ils peuvent s'élever à plusieurs dizaines de milliers d'euros.

­ La discrimination selon les moyens financiers : ce sont les plus favorisés qui peuvent entreprendre un procès, mais même pour eux, le « procès reste une loterie (19) ». Avec un peu de chance, ils pourront obtenir une indemnisation très généreuse.

­ Le caractère aléatoire et l'insécurité juridique : au bout de longues années, la procédure se solde souvent par un non lieu car il est très difficile pour le patient d'apporter la preuve de la faute. Les décisions ne résultent pas toujours d'une approche cohérente, mais des décisions individuelles des cours et des tribunaux qui peuvent varier considérablement d'une juridiction à l'autre.

­ L'atteinte à la réputation du médecin : la procédure est aussi délicate pour les médecins obligés de venir s'expliquer et se justifier devant des confrères, et qui vivent aussi dans l'incertitude pendant la durée du procès (voir plus loin).

4.3. Un régime insatisfaisant pour tous

L'application du régime traditionnel de la responsabilité civile au domaine médical, ne paraît entièrement satisfaisant ni pour les patients, ni pour les professionnels de la santé, ni pour les assureurs.

a) pour le patient victime d'un accident thérapeutique

La majorité des victimes d'accidents thérapeutiques renoncent à faire valoir leurs droits considérant à tort ou à raison qu'elles n'ont aucune chance de démontrer que le médecin est coupable d'une faute.

Parmi les victimes qui se hasardent à entreprendre une réclamation, la déception est grande car 75 % au moins des réclamations sont classées sans suite ou abandonnées (20).

En Belgique, il faut signaler qu'un nombre significatif de plaintes sont introduites par les mutuelles car elles sont subrogées.

b) pour les médecins

Confrontés à des plaintes et à des procès de plus en plus nombreux, les médecins ont tendance à recourir à une médecine défensive et à multiplier les actes médicaux pour se prémunir contre des reproches éventuels. Certaines spécialités sont confrontées à une explosion des primes qui pèsent sur les revenus de leurs activités.

Les médecins et les autres professionnels de la santé ressentent souvent comme une profonde injustice la mise en cause de leur responsabilité.

Dans l'exercice de l'art de guérir, tout praticien agit de bonne foi et avec toute l'attention dont il est capable. Lorsqu'un accident survient, il ne se sent pas moralement responsable d'une situation qu'il n'a pu éviter.

Les professionnels de la santé n'ont jamais compris ni admis que, pour les juristes, la faute s'apprécie in abstracto. Faut-il rappeler que la cour d'appel de Bruxelles, par exemple, a condamné un chirurgien en énonçant « que le fait que d'autres chirurgiens, même nombreux, placés dans les mêmes circonstances, agiraient de manière identique, ne confère pas aux actes que le prévenu a posés, le caractère de prudence qui leur fait défaut » (21).

Ce sentiment d'injustice ressenti par les médecins est aggravé par la circonstance que, dans notre pays, l'opinion publique continue à assimiler la faute civile à la faute pénale.

Lorsqu'ils commettent une erreur dans l'exercice de leur profession, les architectes, les avocats, les banquiers, les comptables, les courtiers d'assurances, les déménageurs, les journalistes, les notaires ou les professeurs de violon, se retrouvent rarement devant un tribunal correctionnel. Notre système juridique accorde aux professionnels de la santé un privilège dont ils se seraient bien passés.

c) pour les assureurs

L'insatisfaction des assureurs trouve sa cause dans l'augmentation du nombre de sinistres, la faible rentabilité de la branche comparée à d'autres, l'incertitude sur le montant des indemnisations qui seront accordées des années après le sinistre par la justice, l'obligation de provisionner des réserves importantes avec un taux d'intérêt légal (7 % aujourd'hui) supérieur aux taux des marchés financiers. Quelques compagnies n'acceptent plus de couvrir ce risque. À cause du phénomène de concentration dans le secteur de l'assurance, il n'y a plus que huit intervenants en assurances médicales dans notre pays, ce qui diminue la concurrence.

Selon l'UPEA, la branche aurait été déficitaire jusqu'en 1995 et serait devenue bénéficiaire depuis (avec une marge d'environ 10 %) à la suite du relèvement des primes (22).

Il faut noter que le problème de la couverture assurance est encore plus aigu en France que chez nous car la jurisprudence est plus favorable au patient, le médecins se retrouvant souvent devant une quasi-obligation de résultat.

Ainsi par exemple en France, les infections nosocomiales sont à charge des hôpitaux, alors qu'en Belgique, elles sont prises en charge par la sécurité sociale.

4.4. Conclusion

Le législateur doit-il intervenir dans la réparation des accidents thérapeutiques ?

Nous allons vers une société où l'on demande aux pouvoirs publics de nous prémunir contre tous les risques de l'existence. Si un skieur, indépendamment de toute imprudence de sa part est surpris par une avalanche, faut-il prévoir un fonds d'indemnisation qui l'indemniserait, ou sa famille, en cas de décès ? Nos sociétés deviennent de plus en plus allergiques au risque, quel qu'il soit.

Rapporté au nombre d'actes médicaux commis chaque année en Belgique, les accidents sont rares, mais peuvent avoir des conséquences dramatiques. La victime le supporte d'autant moins qu'elle n'admet pas qu'un acte censé améliorer son sort puisse l'aggraver et, parfois, briser une vie.

Paradoxalement, cette assurance est aujourd'hui davantage réclamée par les médecins que par les patients. Les premiers sont confrontés à la multiplication de plaintes qu'ils trouvent parfois injustes, alors que les seconds, en majorité, ne sont pas conscients du risque réel qui est objectivement très faible mais dont les conséquences peuvent être gravissimes. Et lorsqu'ils se retrouvent dans cette situation, ils se retrouvent seuls et atomisés face au corps médical, les médecins qui les ont traités mais peut-être aussi les experts ?

Dans de nombreux pays, le législateur a développé des cas d'indemnisation sans faute des dommages d'origine accidentelle : accidents de la circulation automobile, responsabilité des transporteurs aériens, la responsabilité du fait des produits défectueux, etc. Dans un tel environnement, il est logique d'indemniser d'une façon identique ou voisine les dommages accidentels qui résultent de la survenance d'un aléa thérapeutique.

Cependant, s'il est vrai que l'on a multiplié l'indemnisation sans faute de plusieurs sortes de dommages d'origine accidentelle, il serait faux de croire que tous les dommages d'origine accidentelle sont indemnisés sans qu'il soit nécessaire de faire appel à la faute. Il n'existe pas, en droit belge, de principe général d'indemnisation sans faute des dommages accidentels. Il n'y a que des régimes particuliers ayant consacré ce type de réparation et, dans des situations nombreuses, des dommages d'origine accidentelle ne seront pas indemnisés parce qu'il n'est pas possible de retenir la responsabilité, avec ou sans faute, de celui qui en apparaît comme l'auteur. Dans de telles situations, la seule indemnisation possible est celle qui résulte d'une assurance de personnes contre les accidents.

En second lieu, l'indemnisation de l'aléa thérapeutique est fondée sur le risque de la médecine, risque lié, du côté du médecin, à sa pratique et, du côté du patient, au recours à celle-ci. Si la médecine a pour objet de détecter les maladies et de les soigner, il est vrai qu'elle n'est pas toujours inoffensive. Elle comporte des risques, les aléas ne pouvant toujours être maîtrisés. Or, ces aléas ne peuvent se réaliser en dehors de faute commise par un praticien. Ce n'est pas une raison suffisante pour mettre à la charge du médecin la réparation du dommage résultant de la réalisation d'un aléa, mais elle est suffisante, nous semble-t-il, pour justifier une indemnisation dans le cadre de la solidarité nationale.

En conclusion, il s'agit d'un choix politique et d'un choix de société. Il n'appartient ni aux médecins, ni aux patients en tant que tels de décider si l'aléa thérapeutique doit faire l'objet d'une indemnisation. C'est à la société et à ses représentants de choisir parmi les accidents de la vie ceux qui entrent dans la cadre de la solidarité nationale.

5. La définition du dommage thérapeutique

La définition du dommage thérapeutique par rapport à la complication possible est particulièrement difficile. Aucune définition n'est parfaitement satisfaisante et une marge importante d'interprétation sera toujours possible.

Qu'est-ce qui est indemnisable ? Un accident lié à des prestations de soins. La notion d'accident implique la survenance d'un événement anormal, non prévisible. Un accident doit être pris en charge s'il présente un lien avec une prestation de soins, mais ce lien doit être compris de façon assez large.

Nous reprenons différentes définitions de dommage thérapeutique dans des contextes juridiques parfois très différents.

5.1. La définition du professeur Fagnart

Le professeur Fagnart propose une définition reprise dans la proposition de loi de Mme Lizin (23).

« Il y a accident thérapeutique (...) lorsqu'un dommage anormal subi par une personne trouve sa cause ou l'une de ses causes soit dans une prestation de soins de santé effectuée par un prestataire de soins, soit dans l'absence d'une prestation de soins que le patient pouvait légitimement attendre.

II y a également accident thérapeutique lorsqu'un dommage anormal subi par un patient trouve sa cause ou l'une de ses causes dans un événement quelconque se produisant, pour quelque motif que ce soit, dans un établissement ou un véhicule visé à l'article 5, § 2 (24).

Est anormal, le dommage qui :

1º soit est évitable, compte tenu de l'état du patient et des données acquises de la science au moment de la prestation de soins ou au moment de l'événement qui s'est produit dans l'établissement de soins;

2º soit est inévitable, mais inconnu du patient ou, si celui-ci est physiquement ou psychiquement inapte à être informé des risques de la maladie ou du traitement, inconnu des personnes ayant le pouvoir d'accepter en son nom la prestation de soins;

3º soit est inévitable et connu du patient, mais présente un caractère d'extrême gravité sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de cet état.

En cas d'absolue nécessité, le prestataire de soins peut se considérer comme la personne investie du pouvoir d'accepter au nom du patient, la prestation de soins.

Sauf exception thérapeutique, le dommage est considéré comme inconnu du patient lorsque celui-ci n'a pas reçu, en termes compréhensibles pour lui, une information portant notamment sur :

1º son état de santé;

2º le diagnostic posé par le prestataire de soins de santé;

3º le traitement envisagé et les autres traitements envisageables;

4º les risques significatifs résultant de l'application du traitement envisagé et les autres traitements envisageables;

5º les risques résultant de l'absence de traitement envisagé. »

5.2. La loi suédoise

Dans le cadre d'un système qui ne reconnaît pas la faute, l'article 6 de la loi suédoise (25), relative au droit à indemnisation du préjudice subi par les patients, énonce :

« L'indemnisation du préjudice subi par les patients couvre les dommages corporels subis par les patients à condition qu'il existe une forte probabilité que le dommage ait été causé par :

1. un examen médical, des soins, un traitement ou tout autre acte comparable, dans la mesure où le dommage aurait pu être évité soit en exécutant différemment la méthode choisie, soit en choisissant une autre méthode disponible et pour laquelle une expertise médicale postérieure aurait conclu qu'elle aurait satisfait aux besoins d'une manière moins risquée pour la santé;

2. un défaut dans l'instrument technique ou le matériel médical utilisé pour l'examen, pour les soins, pour le traitement ou pour tout autre acte comparable, ou dans l'utilisation incorrecte de cet instrument ou matériel;

3. un diagnostic incorrect;

4. la transmission de germes qui provoquent une infection à la suite d'un examen, des soins, d'un traitement ou de tout autre acte analogue;

5. un accident survenu dans le cadre d'un examen, de soins, d'un traitement ou de tout autre acte comparable, ou lors du transport du malade ou d'un incendie ou de tout autre dommage survenu dans l'utilisation de l'équipement médical ou sur les lieux des soins;

6. la prescription ou la délivrance de médicaments contraire à des indications ou instructions.

Lors de l'examen du droit à indemnisation dans les cas prévus aux points 1 et 3 ci-dessus, les critères de référence en vigueur doivent être ceux appliqués par un spécialiste expérimenté ou par tout autre professionnel expert dans ce domaine.

Le droit à l'indemnisation dans le cas prévu au point 4 du même alinéa ne s'applique pas dans les cas où les circonstances sont telles que l'infection aurait normalement dû être tolérée. Il faut dans ce cas prendre en compte la nature et la gravité de la maladie ou de la blessure sur laquelle porte la mesure incriminée, l'état général de santé du patient, ainsi que les possibilités de prévoir l'infection. »

5.3. La loi danoise

Egalement dans le cadre d'un système sans faute, la loi danoise (26) énumère les quatre critères susceptibles de justifier une demande d'indemnisation :

« ­ un médecin expérimenté dans le domaine considéré aurait agi autrement, ce qui aurait évité le préjudice;

­ le préjudice résulte d'un défaut dans l'équipement utilisé;

­ le recours à d'autres méthodes ou d'autres techniques aurait évité le préjudice;

­ la complication qui est survenue est très rare ou d'une ampleur beaucoup plus grande que celle à laquelle on aurait pu raisonnablement s'attendre, compte tenu de l'état général du patient. »

Les trois premiers critères correspondent aux préjudices qui auraient pu être évités, et le quatrième aux aléas thérapeutiques.

La victime n'a besoin de prouver ni la faute ni le lien de causalité. Il suffit que l'Association pour l'assurance des patients établisse que le préjudice subi résulte, selon toute probabilité, de l'un des motifs prévus par la loi.

En revanche, si aucun de ces quatre critères ne peut s'appliquer, le patient est soumis au droit commun de la responsabilité.

5.4. La loi française

Extrait du code de la santé publique (article L. 1142-1) (27) :

« Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.

Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables, des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère.

Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'incapacité permanente ou de la durée de l'incapacité temporaire de travail.

Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'incapacité permanente supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret ».

On signalera pour mémoire que des « grilles d'analyse » ont été proposées pour établir la distinction entre aléa et faute (28).

5.5. Commentaires

La définition du professeur Fagnart est très large puisqu'elle inclut des « dommages inévitables mais inconnus du patient » ainsi que le dommage inévitable mais résultant d'un défaut d'information.

Elle peut prêter lieu à d'éternelles discussions juridiques et scientifiques, par exemple sur l'état de la science, une notion particulièrement difficile à cerner comme on a pu le voir en France dans l'affaire du sang contaminé par le virus du sida.

La définition suédoise, dans le cadre d'un système qui ne connaît pas la notion de faute, résulte de l'énumération d'une liste de situations concrètes rencontrées dans la pratique.

Si l'on se place du point de vue d'un collège d'experts, elle est assez claire pour voir si le cas traité entre dans le champ de la loi. De ce point de vue, la définition du professeur Fagnart est plus difficile à interpréter.

Même dans le cadre d'un système avec faute, on pourrait très bien retenir les définitions suédoise ou danoise, précédée de « sauf si le dommage résulte d'une faute médicale, ... ».

Il nous semble que la définition doit être la plus précise possible, afin de diminuer la marge d'interprétation d'un comité d'experts.

5.6. Notre définition

Nous inspirant des différentes définitions et anticipant sur notre justification du maintien de la notion de faute, nous proposons pour la Belgique la définition suivante de l'accident médical ouvrant droit à indemnisation.

« Hors des cas de faute commise par le praticien de l'art de guérir, il y a lieu à indemnisation si le dommage résulte d'un défaut d'un produit de santé, d'un accident médical, directement imputable à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins ou à une absence d'actes dans les mêmes domaines, si ces actes ont eu des conséquences anormales et graves par rapport à l'état de santé du patient.

Le critère d'anormalité est défini comme une complication qui est rare et/ou d'une ampleur beaucoup plus grande que celle à laquelle on aurait pu raisonnablement s'attendre, compte tenu de l'état général du patient.

Le critère de gravité est défini par un seuil d'invalidité fonctionnelle et/ou d'incapacité économique.

Le défaut ou l'insuffisance d'information du patient ou une absence de consentement n'ouvre pas droit à indemnisation dans le cadre du sans faute.

Le patient n'a pas droit à indemnisation pour des dommages causés par des soins qui s'ils n'avaient pas été entrepris auraient pu entraîner la mort ou une invalidité sévère (par exemple dans les cas d'urgence). »

6. La situation en Europe

Plusieurs pays européens ont mis en place des procédures spécifiques permettant aux victimes d'accidents thérapeutiques d'obtenir une indemnisation sans devoir recourir aux tribunaux. Les solutions retenues, très diverses, présentent toutefois quelques caractéristiques communes : souci de faciliter l'indemnisation des victimes par des procédures simples et peu coûteuses, et recherche de célérité dans le règlement des dossiers.

Nous passerons d'abord en revue les pays scandinaves, pionniers en la matière, avant d'aborder des pays plus proches du nôtre.

6.1. Les exemples scandinaves

Dans les pays scandinaves, on constate une séparation entre les notions de responsabilité médicale et de droit à compensation pour les victimes d'accidents médicaux : il est en effet possible d'obtenir une indemnisation sans devoir prouver la faute du médecin.

En Suède, au Danemark et en Finlande, l'indemnisation des victimes d'erreurs médicales repose sur un système d'« assurance patients » qui doit obligatoirement être souscrite par les prestataires de soins médicaux. Ce système permet, sous certaines conditions propres à chacun de ces pays, d'obtenir une indemnisation pour le dommage subi par la victime indépendamment de toute faute médicale.

Dans ces pays, la loi dispense les victimes d'accidents thérapeutiques de prouver l'existence d'une faute.

Il suffit d'établir que le préjudice subi aurait pu être évité (si le médecin avait appliqué la règle de l'art, si l'équipement n'avait pas été défectueux ou si d'autres méthodes avaient été mises en oeuvre) ou qu'il constitue la conséquence d'un réel aléa thérapeutique (c'est-à-dire d'une complication très rare ou d'une ampleur beaucoup plus grave que celle à laquelle il est raisonnable de s'attendre).

6.1.3. L'exemple du Danemark (29)

Nous étudierons en détail l'exemple du Danemark car il a été plusieurs fois adapté en tenant compte des expériences de la Suède et de la Finlande.

En mai 1991, le Parlement a adopté la loi sur l'assurance des patients, qui est entrée en vigueur le 1er juillet 1992. Plusieurs fois modifiées sans que leurs principes soient remis en cause, ses dispositions font actuellement l'objet de la loi de 1999.

Dans certains cas, la loi reconnaît un droit à indemnisation aux victimes d'accidents médicaux survenus dans un hôpital public (ou dans un hôpital privé signataire d'une convention de gestion avec les pouvoirs publics). La loi oblige les gestionnaires de ces établissements, à l'exception de l'État et des collectivités locales, qui sont leur propre assureur, à souscrire une assurance spéciale. Elle oblige par ailleurs les assureurs concernés à obtenir un agrément ministériel et à se regrouper en une association, l'Association pour l'assurance des patients. Celle-ci traite toutes les demandes d'indemnisation, y compris celles qui se rapportent à des accidents survenus dans des établissements de l'État ou des collectivités locales.

Si la loi sur l'assurance des patients permet que la plupart des accidents médicaux survenus en milieu hospitalier soient indemnisés indépendamment de toute notion de faute et de responsabilité, il n'en va pas de même pour ceux qui trouvent leur origine dans un acte réalisé par un médecin qui exerce à titre libéral ou dans une clinique privée.

Le droit commun de la responsabilité s'applique alors, et la victime doit prouver l'existence :

­ d'un dommage;

­ d'une erreur ou d'une omission de la part du professionnel;

­ d'un lien de causalité entre les deux.

a) Dans le cadre de la responsabilité médicale, la loi sur la réparation des dommages précise lesquels peuvent donner lieu à réparation. Les principaux sont les suivants :

­ dépenses de santé;

­ perte du revenu du travail;

­ perte de la capacité de travail;

­ coups et blessures;

­ perte du soutien de famille pour le conjoint et les enfants en cas de décès.

Chaque année, un texte réglementaire détermine le barème applicable aux différentes catégories de dommages et intérêts. Certains sont versés en capital et d'autres sous forme de rente.

b) La loi sur l'assurance des patients, initialement limitée aux hôpitaux publics et aux hôpitaux privés signataires d'une convention de gestion avec les pouvoirs publics (30) elle a été étendue en juin 1999 aux établissements privés et aux spécialistes qui exercent en libéral lorsqu'ils traitent des patients qui leur ont été adressés par le secteur public et qui sont financièrement pris en charge par ce dernier.

La loi concerne non seulement les personnes qui font l'objet d'examens ou de traitements, mais aussi celles qui participent à des expériences, ainsi que les donneurs de sang, de tissus, d'organes ... Dans ces différents cas, la loi s'applique également, depuis une modification adoptée en 1995, aux médecins qui exercent en libéral.

Seuls, les préjudices physiques sont susceptibles d'être indemnisés. Les préjudices psychiques sont exclus, à moins d'être la conséquence de préjudices physiques et d'atteindre la même personne. Le fait que le médecin n'a pas obtenu le consentement du patient avant un traitement, n'est pas couvert : ce n'est pas considéré comme un dommage physique.

De plus, deux lois spécifiques couvrent respectivement les dommages consécutifs à une vaccination et à l'utilisation de produits pharmaceutiques.

Seuls, les préjudices supérieurs à 10 000 couronnes (c'est-à-dire environ 1 340 euros) sont indemnisables.

c) Tous les assureurs des prestataires de soins couverts par la loi doivent être agréés par le ministère de la Santé. Ils sont réunis en une association de droit privé, l'Association pour l'assurance des patients.

L'arrêté relatif aux statuts de l'association précise que son conseil d'administration comporte sept membres. L'un d'eux est désigné par le ministère de la Santé et les autres sont choisis, d'une part, par les compagnies d'assurances et, d'autre part, par les collectivités locales et l'État, qui sont leur propre assureur.

L'association dispose d'un personnel essentiellement composé de juristes et de médecins représentant les différentes spécialités. Au 31 décembre 1999, elle employait une cinquantaine de personnes.

L'association est financée par les assureurs qui en font partie et par les entités qui sont leur propre assureur.

d) L'examen des dossiers d'indemnisation

Le patient adresse sa demande à l'Association pour l'assurance des patients au plus tard cinq ans après avoir eu connaissance du préjudice subi et dix ans après la survenue de ce dernier (31). L'hôpital envoie également un dossier à l'association.

L'association statue sur tous les éléments du dossier. Elle procède d'abord à une évaluation juridique de l'affaire, ce qui lui permet d'éliminer les demandes non fondées (parce que ne relevant pas du champ d'application de la loi ou parce que l'indemnité serait inférieure à 10 000 couronnes), puis à une évaluation médicale.

Au cours des cinq dernières années, le délai nécessaire à l'examen des dossiers a varié entre 150 et 200 jours.

L'évaluation du préjudice est faite à l'aide des barèmes relatifs à la loi générale sur la réparation des dommages, dont les principes ont été exposés plus haut. L'application de ces barèmes se traduit par un plafonnement de l'indemnité versée. Ainsi, depuis le 1er janvier 2000, le salaire annuel susceptible d'être indemnisé est plafonné à 581 000 couronnes (soit environ 77 342 euros). Les autres chefs d'indemnisation sont également plafonnés. De plus, si le dommage trouve son origine dans un acte volontaire ou une négligence grossière de la victime, l'indemnité peut être réduite, voire supprimée.

Entre le 1er juillet 1992 et le 31 décembre 1999, l'association a rendu environ 12 000 décisions :

­ 1 978 (16,42 %) ont conclu à l'irrecevabilité des demandes;

­ 4 958 (41,32 %) ont fait droit aux demandes;

­ 5 070 (42,26 %) ont rejeté les demandes.

Presque 40 % des décisions positives se fondent sur le premier critère (non-application de la règle de l'art) et environ un tiers sur le quatrième (aléa thérapeutique).

Lorsqu'un patient ou un assureur n'est pas satisfait de la décision rendue par l'association, il peut, dans les trois mois, déposer un recours auprès de la Commission d'appel pour les dommages causés au patient. En revanche, les hôpitaux ne disposent pas de ce droit de recours. Cette commission est placée sous l'autorité du ministre de la Santé, mais elle exerce son activité en toute indépendance. Son président et son vice-président doivent, aux termes de la loi, être des magistrats professionnels. Ils sont nommés par le ministre de la Santé. La loi précise également le mode de désignation des huit autres membres (un par le ministre de la Santé, deux par les associations de handicapés, ...).

Alors que l'Association pour l'assurance des patients rend ses décisions assez rapidement, la commission d'appel, qui est de plus en plus souvent saisie, a besoin d'un délai moyen d'un an et demi. Les décisions de la commission d'appel peuvent, dans les six mois, être soumises aux tribunaux de droit commun, qui les infirment, les confirment ou les modifient.

e) Conclusion

Le dispositif institué en 1992 a rempli son double objectif : amélioration des possibilités d'indemnisation et traitement plus rapide des demandes.

Le traitement des dommages et les plaintes contre le personnel sont traités par deux systèmes administratifs différents qui n'ont pas connaissance de ce que fait l'autre. Les plaintes contre le staff médical sont traitées par le « Patient Complaints Board » qui n'est pas au courant des réclamations pour dédommagements.

Grâce à cette séparation, tous les hôpitaux sont désormais dotés d'un « conseiller des patients » qui informe et aide les patients à faire valoir leurs droits.

Répartition des indemnités en fonction de leur montant :

Montant de l'indemnité Pourcentage
Inférieure à 10 000 couronnes, soit 1 348 euros 3,7 %
Compris entre 10 000 et 50 000 couronnes, soit de 1 348 à 6 739 euros 57,8 %
Compris entre 50 000 et 100 000 couronnes, soit de 6 739 à 13 477 euros 15,2 %
Compris entre 100 000 et 250 000 couronnes, soit de 13 477 à 33 693 euros 8,8 %
Compris entre 250 000 et 500 000 couronnes, soit de 33 693 à 67 385 euros 6,7 %
Compris entre 500 000 et 1 000 000 couronnes, soit de 67 385 à 134 771 euros 5,2 %
Supérieure à 1 000 000 couronnes, soit supérieure à 134 771 euros 2,6 %

Dans environ 75 % des cas, l'indemnisation est inférieure à 100 000 couronnes (soit environ 13 477 euros).

Le coût du système représente trois pour mille du budget de hôpitaux. Il est admis qu'il a considérablement amélioré les relations entre les patients et les hôpitaux au Danemark. Le coût par habitant est inférieur à 5 euros par an.

6.1.4. La Suède (32)

Les systèmes danois et suédois étant très proches et l'exemple danois ayant été analysé de façon assez détaillée, on ne trouvera ici que les dispositions législatives essentielles du système suédois.

La Suède fut, dès 1975, le premier pays européen à séparer les notions de responsabilité médicale et de droit à compensation. La loi actuellement en vigueur est le « Patient Injury Act » du 1er janvier 1997.

Le régime suédois d'indemnisation des victimes d'accidents thérapeutiques est, dans une large mesure, comparable au régime danois. Cependant, la loi suédoise oblige tous les prestataires de soins, y compris ceux du secteur privé, à contracter une assurance ad hoc. De plus, les critères de recevabilité des demandes d'indemnisation ne sont pas tout à fait les mêmes.

La loi indique ce qui doit obligatoirement être couvert. Toutefois, les compagnies d'assurances peuvent offrir des conditions complémentaires plus favorables pour les patients.

Les assureurs agissent solidairement dans le cadre de la « Patient Insurance Association ». Un patient qui a subi un dommage causé par un acte médical d'un praticien non assuré est également couvert selon un système similaire à celui de l'assurance automobile en Belgique.

Le dommage couvert peut être aussi bien physique que mental.

Le patient n'a pas droit à indemnisation pour des dommages causés par des soins qui s'ils n'avaient pas été entrepris auraient pu entraîner la mort ou une invalidité sévère (par exemple dans les cas d'urgence).

Les dommages liés à une insuffisance d'information ou une absence de consentement ne sont pas couverts. Un patient qui s'estime lésé à ce titre peut demander une compensation selon les règles du « Tort law ».

Le dédommagement couvre les dommages économiques et non économiques.

Il existe une Basic National Amount de 1 830 SEK, soit 200 euros.

Le dédommagement maximum pour une personne est de 7,3 millions de SEK, soit 801 317 euros.

De 1975 à 1999, 140 000 dossiers ont été traités, environ 9 500 cas sont désormais introduits chaque année. Dans environ 45 % des dossiers un dédommagement est payé.

Le coût annuel total est estimé à 300 millions SEK, soit 32 930 845 euros (1999), soit environ moins de 4 euros par an et par habitant.

6.1.5. La Finlande (33)

En 1986, le « Finish Patient Injury Act » a introduit le principe du dédommagement pour les accidents médicaux selon le principe de la responsabilité sans faute.

Tous les prestataires de soins de santé sont tenus de souscrire une assurance obligatoire qui finance le système.

Le patient lésé peut s'adresser directement auprès de la « Patient Insurance Association » qui regroupe les compagnies d'assurances. Un « Patient Injury Board » agit comme comité d'experts afin d'unifier les pratiques de dédommagements et de formuler des recommandations.

Le patient a droit à la réparation de l'ensemble du dommage : coûts divers (médicaux ou autres), invalidité, perte de revenus, douleur et dommage moral.

Environ 2 000 plaintes sont déposées chaque année.

En 1999, le montant des dédommagements s'est élevé à 15,6 millions d'euros. Le coût des frais administratifs était de 2,9 millions d'euros.

Le système fonctionne de façon totalement transparente. Les litiges sont très rares et les poursuites en justice de médecins ont pratiquement cessé. Les Finlandais se réjouissent d'avoir évité le « syndrôme américain ».

Le système est généralement considéré comme performant par les différentes parties impliquées : les patients, les médecins, les assureurs et le gouvernement.

Le prix total est considéré comme faible : 3,4 euros en 1999 par habitant.

6.2. L'Italie, l'Allemagne et la Suisse

Contrairement aux pays scandinaves, ces pays n'ont pas adopté intégralement le sans faute, chacun a suivi une solution propre en tenant compte de son histoire, de son système juridique et de l'organisation du système de santé.

En Italie, les dossiers d'indemnisation des accidents thérapeutiques continuent à être réglés par les tribunaux de droit commun. Le droit commun de la responsabilité s'applique et les juges apprécient le montant des dommages et intérêts au vu des rapports des experts médicaux.

En Allemagne et en Suisse, les médecins ont institué des procédures extrajudiciaires.

En Suisse, la Fédération des médecins helvétiques a créé deux bureaux d'expertises extrajudiciaires en 1982. Ces instances peuvent être saisies par les patients qui s'estiment victimes d'erreurs médicales. Elles conduisent des expertises et se prononcent sur l'existence d'une erreur médicale.

En Allemagne, les ordres régionaux des médecins ont institué des instances de médiation à partir de 1975. Le statut des instances de médiation varie d'une région à l'autre, certaines se prononcent même sur le montant des dommages et intérêts à accorder. En revanche, les bureaux suisses d'expertises extrajudiciaires n'évaluent jamais le préjudice, mais leurs conclusions fournissent généralement la base d'un arrangement amiable entre les parties.

Dans les deux pays, le système est pratiquement gratuit pour les patients. Bien que les instances allemandes soient critiquées, notamment parce que certaines d'entre elles n'associent pas du tout les patients à leur procédure, elles semblent fonctionner de manière satisfaisante, puisque les procès en responsabilité civile contre les médecins ont pratiquement disparu. En revanche, en Suisse, les bureaux d'expertises extrajudiciaires ont une activité plus limitée : ils ont traité 2000 dossiers entre 1982 et 1998.

Dans les deux pays, les parties, même si elles ont accepté de recourir à une procédure extrajudiciaire, restent libres de saisir ultérieurement les tribunaux, car les conclusions des instances de médiation ne sont pas exécutoires.

6.3. Au Royaume-Uni

Les parties sont encouragées à rechercher un règlement amiable avant toute action en justice.

La réforme de la procédure civile, entrée en vigueur le 26 avril 1999, a institué un protocole préjudiciaire pour la résolution du contentieux médical. Ce protocole incite les parties, d'une part, à rechercher un règlement amiable avant toute action en justice et, d'autre part, à respecter un calendrier très précis. L'inobservation du protocole les expose à des sanctions ultérieures de la part du juge. En effet, en cas d'échec de la procédure amiable, le conflit est porté devant les juridictions civiles selon les règles du droit commun.

Un patient traité par un médecin du National Health Service (NHS) n'a aucune relation contractuelle avec ce dernier. Aussi, les demandes en réparation des dommages causés par un médecin sont traitées selon les dispositions relatives à la responsabilité délictuelle. En effet, comme toute personne qui a violé son obligation de diligence et causé un dommage involontaire, le médecin peut être poursuivi pour négligence.

Le patient qui poursuit le médecin sur ce fondement doit établir que ce dernier a commis une faute en ne faisant pas preuve de la diligence requise : le niveau de diligence attendu est celui d'un médecin normalement qualifié et expérimenté, et exerçant la même spécialité. En outre, le patient doit prouver qu'il y a un lien de causalité entre cette faute et le dommage subi.

Selon la jurisprudence « Bolam versus Friern Hospital Management Committee » du 26 février 1957, le médecin peut s'exonérer de sa responsabilité en établissant « qu'il a agi conformément à une pratique jugée adéquate par un corps médical compétent d'experts dans ce domaine particulier de la médecine ». À l'inverse, la faute manifeste entraîne un renversement de la charge de la preuve. C'est alors au médecin défendeur de prouver qu'il n'a commis aucune faute.

En ce qui concerne l'indemnisation, l'action en justice est le seul moyen pour le patient d'obtenir la réparation financière de son préjudice.

Cependant, comme la procédure judiciaire est longue, onéreuse et relativement incertaine, la plupart des affaires ne parviennent pas devant les tribunaux. En outre, le contentieux médical est un domaine extrêmement complexe. Aussi, depuis juillet 1999, les patients bénéficiant de l'aide judiciaire ne peuvent recourir qu'à un avocat spécialisé et agréé par la commission qui gère les services de l'aide judiciaire.

Pour pallier ces inconvénients, la réforme de la procédure civile, qui est entrée en vigueur le 26 avril 1999, a mis en place un protocole préjudiciaire pour la résolution du contentieux médical.

Ce protocole tend à faciliter très tôt l'échange d'informations entre les parties, à encourager un règlement transactionnel et à permettre une gestion plus efficace des éventuelles suites judiciaires. Il expose les grandes étapes que les parties doivent suivre :

­ délai de quarante jours pour obtenir la copie du dossier médical;

­ rédaction d'une lettre détaillée exposant la plainte et contenant éventuellement une proposition de transaction;

­ ouverture d'un délai de trois mois à partir de la réception de cette lettre, au cours duquel aucune action en justice ne peut être intentée, la partie adverse devant apporter une réponse motivée et éventuellement offrir un règlement amiable.

De plus, ce protocole contient une série de recommandations à l'intention des parties, qui constitue, en quelque sorte, un code de bonne conduite. Ainsi, les professions de santé doivent disposer de personnes formées pour répondre à ces situations. Elles doivent également mettre en place des procédures de contrôle de la qualité des soins, de gestion des risques médicaux, et de compte rendu de tous les incidents survenus. Les patients et leurs conseillers, quant à eux, doivent faire état de leurs problèmes le plus rapidement possible, prendre le temps d'envisager toutes les solutions et faire savoir quand ils estiment la question réglée.

Les parties qui ne se soumettent pas aux exigences du protocole peuvent être sanctionnées par le juge (imputation des frais, refus d'un délai supplémentaire, etc ...) dans la phase judiciaire. En effet, si le règlement amiable échoue, l'affaire est portée devant les juridictions civiles et le juge apprécie le montant du dommage en se fondant sur les rapports des experts médicaux. Il indemnise le préjudice matériel présent et futur (perte de gains, frais supplémentaires, etc.), ainsi que le préjudice moral. Les indemnités versées en réparation de ce dernier sont critiquées depuis plusieurs années pour la faiblesse de leur montant.

6.4. La France

En France, l'indemnisation des victimes d'accidents thérapeutiques repose en principe sur la mise en évidence de la responsabilité médicale. Or, celle-ci n'est pas régie par les mêmes règles selon qu'elle relève du droit public ou du droit privé, c'est-à-dire selon que les actes médicaux ont été réalisés dans le cadre du service public hospitalier ou dans celui de la médecine libérale.

Dans le premier cas, le médecin n'est pas personnellement responsable des dommages qu'il cause dans l'exercice de son activité, à moins de commettre une faute personnelle détachable. En principe, c'est donc la responsabilité de l'hôpital qui est engagée et, depuis 1992, la justice administrative retient toute faute simple. De plus, depuis 1993, elle admet la responsabilité sans faute de l'hôpital en cas d'« aléa thérapeutique ». En effet, dans l'arrêt Bianchi, le Conseil d'État a affirmé que, « lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l'existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité » (34).

En revanche, dans le second cas, le médecin est personnellement responsable, mais le juge judiciaire ne met à sa charge qu'une obligation de moyen. Hormis les rares cas où le médecin a une obligation de résultat (fourniture de produits ou de matériel par exemple), la jurisprudence, d'une façon générale, fonde donc la responsabilité médicale sur la faute.

C'est pourquoi une loi d'indemnisation, qui allouerait de plein droit des dommages et intérêts aux victimes d'accidents sans que les médecins soient mis en cause, était réclamée depuis de nombreuses années, à la fois par les professionnels et par les victimes.

L'année dernière, le régime d'indemnisation des dommages médicaux a été modifié à la suite de l'adoption de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Cette loi a introduit dans le code de la santé publique un nouveau titre relatif à la réparation des conséquences des risques sanitaires.

Hormis les cas d'infection contractée en milieu hospitalier ou par des produits de santé défectueux par lesquels la responsabilité est présumée, la mise en cause de la responsabilité des professionnels de la santé reste fondée sur la faute. Cependant, la nouvelle loi permet désormais l'indemnisation de tous les accidents graves, même en l'absence de faute, sur la base de la solidarité nationale quand la responsabilité n'est pas en cause. L'article 1142-1 du code de la santé publique énonce les conditions d'une telle indemnisation : il faut un lien de causalité entre l'acte médical et le dommage encouru, ce dommage doit avoir un caractère anormal et doit revêtir un caractère de gravité suffisant.

Nonobstant un recours judiciaire toujours possible, une nouvelle procédure amiable de règlement des litiges a été mise en place. Toute personne s'estimant victime d'un accident médical, quelle qu'en soit l'origine, peut saisir une commission régionale de conciliation et d'indemnisation chargée de se prononcer sur le régime d'indemnisation applicable. La procédure aboutit à une offre d'indemnisation à charge de l'assureur du responsable en cas de responsabilité médicale ou à charge de l'Office national d'indemnisation au titre de la solidarité nationale en cas d'aléa thérapeutique. Ce dispositif s'accompagne de l'instauration d'une obligation d'assurance de la responsabilité médicale pour tous les professionnels de la santé.

La loi n'est pas encore d'application. L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (Oniam) ne devrait cependant plus tarder à faire ses premiers pas (35).

6.5. Conclusion

Au delà de la variété des solutions retenues, force est de reconnaître que la plupart des pays ont innové dans la réparation des accidents thérapeutiques au cours des dix dernières années, ce qui n'est pas encore le cas de notre pays.

Que retenir de ces différents exemples pour la Belgique :

­ le souci de faciliter l'indemnisation des victimes;

­ des procédures assez rapides;

­ une volonté de trouver des accords à l'amiable;

­ la réparation intégrale du dommage est rarement assurée, des barèmes sont le plus souvent fixés;

­ les dommages psychiques ne sont pas toujours retenus;

­ le dommage moral n'est en général pas indemnisé;

­ le défaut de consentement de l'information n'est en général pas retenu;

­ le système n'est pas nécessairement d'emblée généralisé à l'ensemble des actes médicaux.

Alain DESTEXHE.

PROPOSITION DE LOI


CHAPITRE Ier

Dispositions générales, champ d'application et définitions

Article 1er

Disposition générale

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution, à l'exception de l'article 22 qui règle une matière visée à l'article 77 de la Constitution.

Art. 2

Définitions

Pour l'application de la présente loi et de ses arrêtés d'exécution, on entend par :

2.1. Prestataire de soins :

2.1.1. les docteurs en médecine, chirurgie et accouchement, au sens de l'article 2 de l'arrêté royal nº 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice de l'art de guérir, de l'art infirmier, des professions paramédicales et aux commissions médicales;

2.1.2. les dentistes au sens de l'article 3 du même arrêté royal;

2.1.3. les infirmiers et infirmières au sens de l'article 21bis du même arrêté royal;

2.1.4. les titulaires de professions paramédicales dont la liste est établie par le Roi en exécution de l'article 22bis du même arrêté royal.

2.2. Établissements de soins :

2.2.1. les hôpitaux au sens de l'article 2 de la loi du 7 août 1987 sur les hôpitaux, ainsi que les établissements de soins de santé auxquels cette loi est déclarée applicable;

2.2.2. les centres de transfusion de sang au sens de l'arrêté royal du 4 avril 1996 relatif au prélèvement, à la préparation, à la conservation et à la délivrance du sang et des dérivés du sang d'origine humaine;

2.2.3. les maisons de repos au sens de l'article 1er de la loi du 12 juillet 1966 relative aux maisons de repos pour personnes âgées ou toutes institutions créées par la Communauté flamande ou par la Communauté française pour s'y ajouter ou s'y substituer en application de l'article 128, § 1er, de la Constitution;

2.2.4. les ambulances et tout véhicule quelconque servant, habituellement à titre principal, au transport des malades et des blessés.

2.3. Prestations de soins médicaux :

Tous les actes qui sont accomplis par un prestataire de soins ayant pour objet :

2.3.1. l'examen de l'état de santé, le dépistage de maladies et déficiences ou la constatation de l'état de grossesse;

2.3.2. l'établissement d'un diagnostic, l'instauration ou l'exécution d'un traitement d'un état pathologique, physique ou psychique, réel ou supposé;

2.3.3. la vaccination;

2.3.4. l'assistance et l'intervention relatives à l'accouchement et à l'interruption volontaire de grossesse;

2.3.5. la pratique de toutes interventions ou manipulations pratiquées dans la bouche des patients ayant pour but de préserver, guérir, redresser ou remplacer l'organe dentaire, en ce compris le tissu alvéolaire;

2.3.6. l'observation et la constatation de symptômes et réactions, tant physiques que psychiques du patient, afin de rencontrer ses différents besoins et de collaborer à l'établissement du diagnostic ou à l'exécution du traitement médical en vue des soins que requiert son état;

2.3.7. la prise en charge d'une personne, saine ou malade, pour l'aider, par une assistance continue, à l'accomplissement des actes contribuant au maintien, à l'amélioration ou au rétablissement de la santé, ou pour l'assister dans son agonie.

2.4. Patient :

Toute personne physique, utilisateur des prestations médicales, à sa propre demande ou non.

2.5. Ayants droit du patient :

Les parents, les enfants, le conjoint non séparé ou divorcé du patient, ainsi que la personne cohabitant avec le patient.

CHAPITRE II

La réparation des dommages résultant d'une faute du prestataire de soins ou d'un établissement de soins

SECTION 1re

Principes de base

Art. 3

Responsabilité pour faute

La responsabilité d'un prestataire de soins ou d'un établissement de soins ne peut être engagée que pour le dommage qui trouve sa cause ou l'une de ses causes, soit dans une prestation de soins de santé, soit dans l'absence d'une prestation de soins que le patient pouvait légitimement attendre, si le patient ou ses ayants droit peuvent démontrer une faute dans le chef du prestataire de soins ou de l'établissement de soins.

Cette responsabilité et le dommage en résultant sont appréciés et indemnisés dans le cadre de la présente loi sur base des règles de responsabilité civile en vigueur.

SECTION 2

Assurance obligatoire

Art. 4

Obligation d'assurance

Les prestataires de soins et les établissements de soins sont tenus de contracter une assurance couvrant leur responsabilité civile pour les soins qu'ils prestent. L'assurance doit également couvrir la responsabilité de leurs organes et de leurs préposés.

Sauf convention contraire, l'assurance d'un établissement de soins couvre la responsabilité de tous les prestataires de soins qui y exercent leurs activités professionnelles à titre principal ou accessoire. Cette convention contraire est censée être non écrite si aucun contrat d'assurance ne couvre la responsabilité du prestataire de soins pour les activités qu'il exerce dans cet établissement de soins.

Art. 5

Contrôle

L'assurance doit en application de la loi du 9 juillet 1975 relative au contrôle des entreprises d'assurances en Belgique être souscrite auprès d'un assureur agréé officiellement à cette fin ou dispensé de l'obligation d'être agréé.

Art. 6

Garanties minimales

L'assurance peut être limitée aux dommages causés en Belgique.

Le Roi peut déterminer des conditions minimales auxquelles l'assurance doit satisfaire. En particulier, Il peut interdire certaines clauses ayant pour but de réduire ou de supprimer le délai de garantie.

Art. 7

Information

L'assureur qui couvre la responsabilité civile du prestataire de soins ou de l'établissement de soins est tenu de signaler dans un délai de soixante jours toute souscription de contrat ou la résiliation d'un contrat d'assurance au ministre qui a la Santé publique dans ses compétences.

Art. 8

Sanctions

Sont punis d'une amende de 25 à 250 euros, les prestataires de soins et le responsable des établissements de soins qui exercent leurs activités ou font exercer les activités de leurs organes, préposés, employés ou tout autre prestataire de soins qui y exerce ses activités à titre principal ou accessoire, sans que leur responsabilité ne soit couverte par une assurance conformément aux dispositions de la présente loi et de ses arrêtés d'exécution.

CHAPITRE III

La réparation du dommage anormal résultant d'un accident thérapeutique

SECTION 1re

Principes de base

Art. 9

Accidents thérapeutiques

9.1. Si aucune faute ne peut être démontrée dans le chef du prestataire de soins ou de l'établissement de soins, le dommage anormal subi par une personne qui trouve sa cause ou l'une de ses causes dans un accident thérapeutique, sera réparé par l'intervention du Fonds d'indemnisation des accidents thérapeutiques dans les limites fixées par la présente loi.

9.2. Hors des cas de faute commise par le praticien de l'art de guérir, il y a lieu à indemnisation si le dommage résulte d'un défaut d'un produit de santé, d'un accident médical, directement imputable à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins ou à une absence d'actes dans les mêmes domaines, si ces actes ont eu des conséquences anormales et graves par rapport à l'état de santé du patient.

Le critère d'anormalité est défini comme une complication qui est rare et/ou d'une ampleur beaucoup plus grande que celle à laquelle on aurait pu raisonnablement s'attendre, compte tenu de l'état général du patient.

Le critère de gravité est défini par un seuil d'invalidité fonctionnelle et/ou d'incapacité économique.

Le défaut ou l'insuffisance d'information du patient ou une absence de consentement n'ouvre pas droit à indemnisation dans le cadre du sans faute.

Le patient n'a pas droit à indemnisation pour des dommages causés par des soins qui s'ils n'avaient pas été entrepris auraient pu entraîner la mort ou une invalidité sévère (par exemple dans les cas d'urgence).

La victime n'a pas droit à indemnisation lorsqu'elle a provoqué intentionnellement le dommage.

9.3. Ne constituent pas des accidents thérapeutiques les sinistres tombant sous l'application de l'article 29bis de la loi du 21 novembre 1989 relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs ou de la loi du 30 juillet 1979 relative à la prévention des incendies et des explosions, ainsi qu'à l'assurance obligatoire de la responsabilité civile dans ces mêmes circonstances.

Art. 10

Lien de causalité

10.1. Pour ce qui concerne la réparation du dommage anormal causé par un accident thérapeutique, est considérée comme cause ou l'une des causes du dommage anormal la prestation de soins ou l'absence de la prestation de soins légitimement attendue par le patient, sans laquelle le dommage anormal ne se serait pas produit tel qu'il s'est produit.

10.2. Si le dommage qui trouve sa cause ou l'une de ses causes soit dans une prestation de soins de santé effectuée par un prestataire de soins ou par un établissement de soins, soit dans l'absence d'une prestation de soins que le patient pouvait légitimement attendre, ne peut être imputé que pour une partie à la faute d'un prestataire de soins ou de l'établissement de soins, l'assureur qui couvre la responsabilité civile ne sera tenu qu'à réparer cette partie du dommage résultant de la faute du prestataire de soins ou de l'établissement de soins. La partie du dommage ne résultant pas de la faute du prestataire de soins ou de l'établissement de soins sera réparée par le Fonds pour autant qu'il soit satisfait aux conditions d'application d'un accident thérapeutique.

Art. 11

Dommage réparable en cas
d'accident thérapeutique

11.1. Les conséquences de dommages corporels ne sont indemnisées que si ces dommages entraînent une incapacité permanente de plus de 15 %, une incapacité temporaire de plus de 6 mois ou des conséquences particulièrement graves sur l'activité professionnelle de la personne lésée.

11.2. Il y a lieu à réparation du dommage économique résultant de la disparition, pour les ayants droit du patient décédé, de la partie des revenus professionnels de celui-ci dont ils tiraient un avantage personnel.

11.3. Après application d'une franchise de 250 euros par sinistre, sont pris en charge les frais raisonnables supportés pour les soins médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques et hospitaliers, les soins d'assistance nécessités par l'accident thérapeutique, ainsi que pour l'acquisition, l'entretien et le renouvellement des appareils de prothèse et d'orthèse nécessités par les conséquences du sinistre.

En cas de décès du patient, sont pris en charge les frais funéraires et les frais afférents au transfert de la dépouille mortelle vers l'endroit où la famille souhaite la faire inhumer ou incinérer.

11.4. Le dommage moral résultant de l'incapacité permanente ou du décès n'est pas pris en charge.

11.5. Les indemnités, visées aux articles 11.1 à 11.4 inclus, qu'elles soient payés par le Fonds ou par l'assureur couvrant la responsabilité civile en application de l'article 18.3, ne sont accordées que si le dommage ne peut être indemnisé par les prestations d'un organisme de sécurité sociale. Si les sommes accordées par la sécurité sociale sont inférieures aux indemnités dues en application des articles 11.1 à 11.4 inclus, seule la différence est payée au patient ou à ses ayants droit.

SECTION 2

Le Fonds d'indemnisation des dommages résultant d'accidents thérapeutiques

Art. 12

Création du Fonds d'indemnisation

12.1. Le Roi crée un établissement public doté d'une personnalité juridique et dénommé « Fonds d'indemnisation des dommages résultant d'accidents thérapeutiques » (ci-après : le fonds), qui est soumis à la tutelle des ministres ayant les Affaires sociales, la Santé publique et l'Économie dans leurs attributions. Le siège du fonds est établi à Bruxelles.

12.2. Le fonds est géré par un conseil d'administration (ci-après : le conseil) composé d'un président et de seize membres. Le conseil est composé d'une manière équilibrée de représentants des autorités, des prestataires de soins et des établissements de soins, des organisations de patients représentatives, ainsi que des assureurs couvrant la responsabilité civile. Le président n'appartient à aucune des catégories précitées.

12.3. Le président et les membres du conseil sont nommés et révoqués par le Roi sur proposition conjointe des ministres qui ont les Affaires sociales, la Santé publique et l'Économie dans leurs attributions.

12.4. Le mandat du président et des membres est de quatre ans; il peut être renouvelé.

12.5. Le conseil arrête son règlement d'ordre intérieur, lequel est soumis à l'approbation du Roi.

12.6. Le Roi fixe les indemnités allouées au président et aux membres du conseil.

12.7. Le cadre organique, l'organisation, le mode de fonctionnement et le statut du personnel du fonds, ainsi que les procédures devant le fonds, sont fixés par le Roi par arrêté délibéré en Conseil des ministres.

Art. 13

Compétences du Fonds d'indemnisation

13.1. Le fonds a pour mission :

­ de recevoir les demandes d'indemnisation des victimes d'accidents thérapeutiques survenus en Belgique et d'en assurer le suivi, conformément aux dispositions de la présente loi;

­ d'assurer, conformément aux dispositions de la présente loi, la réparation des dommages anormaux résultant des accidents thérapeutiques survenus en Belgique;

­ d'agir en tant que fonds de garantie dans les cas où l'assurance visée à la section 2 du chapitre II n'a pas été souscrite, a été résiliée ou a vu ses effets suspendus ou encore, lorsque le sinistre n'est pas couvert par la police d'assurance;

­ d'organiser une politique de prévention en remplissant notamment un rôle de coordination, d'avis et de stimulation ou en prenant toute initiative destinée à limiter les risques thérapeutiques;

­ d'établir des statistiques sur les réparations des accidents thérapeutiques.

13.2. Les membres du conseil et le personnel du fonds, les experts que le fonds mandate, ainsi que toute personne participant à ses missions qui ont accès à des données médicales à caractère personnel sont tenus au respect du secret professionnel sous peine des sanctions prévues par l'article 458 du Code pénal.

13.3. Le fonds publie chaque année un rapport d'activités. Ce rapport contient notamment le relevé et l'analyse des données statistiques collectées pendant l'année, les recommandations formulées, ainsi qu'une présentation et un commentaire des décisions prises durant l'année d'activité considérée.

Le rapport d'activités ne peut contenir aucune donnée personnelle; il ne peut contenir de données relatives à des dossiers concrets qu'à condition que celles-ci ne puissent être identifiées par des tiers.

Art. 14

Financement du Fonds d'indemnisation

14.1. Le fonds est alimenté par :

­ une dotation annuelle à charge du budget de l'État;

­ une cotisation perçue par chaque organisme assureur en matière de maladie-invalidité auprès de leurs affiliés tant dans le cadre de l'assurance obligatoire que de l'assurance libre;

­ un prélèvement parafiscal effectué sur les primes perçues par les assureurs de responsabilité civile dans le cadre des contrats visés au chapitre II, section 2;

­ les amendes perçues en vertu de l'article 8.

Le Roi fixe le pourcentage de la cotisation et du prélèvement précités.

14.2. Le fonds peut également recevoir des dons et des legs.

CHAPITRE IV

La procédure d'indemnisation

SECTION 1re

La Commission de conciliation et d'arbitrage

Art. 15

Création de la Commission de conciliation
et d'arbitrage

15.1. Le Roi crée un établissement public doté d'une personnalité juridique, appelé Commission de conciliation et d'arbitrage (ci-après : la commission), dont la mission consiste à faciliter et à accélérer, à la requête des patients, le suivi des accidents médicaux. La présente disposition ne porte pas préjudice à la possibilité dont disposent le patient ou ses ayants droit de s'adresser directement au juge compétent, au fonds ou à l'assureur de responsabilité civile du prestataire de soins ou de l'établissement de soins concerné.

La commission est placée sous la tutelle du ministre de la Justice.

15.2. La commission est gérée par un Conseil d'administration (ci-après : le conseil) composé d'un président et de seize membres. Le conseil est composé d'une manière équilibrée de représentants des autorités, des prestataires de soins et des établissements de soins, des organisations de patients représentatives, du fonds, ainsi que des assureurs couvrant la responsabilité civile. Le conseil est présidé par un magistrat.

15.3. Le président et les membres du conseil sont nommés et révoqués par le Roi sur proposition du ministre de la Justice.

15.4. Le mandat du président et des membres est de quatre ans; il peut être renouvelé.

15.5. Le conseil arrête son règlement d'ordre intérieur, lequel est soumis à l'approbation du Roi.

15.6. Le Roi fixe les indemnités allouées au président et aux membres du conseil.

15.7. Le cadre organique, l'organisation, le mode de fonctionnement et le statut du personnel de la commission, ainsi que les procédures devant la commission, sont fixés par le Roi par arrêté délibéré en Conseil des ministres.

Art. 16

Les compétences de la Commission de conciliation
et d'arbitrage

16.1 Après avoir entendu toutes les parties, la commission émet un avis motivé sur les circonstances, les causes, la nature et l'importance du dommage, sur le fait que celui-ci relève ou non du domaine des accidents thérapeutiques, ainsi que sur la question de l'éventuelle responsabilité du prestataire de soins. Lorsque la commission juge que le dommage ne résulte que partiellement d'une faute commise par un prestataire de soins ou un établissement de soins et partiellement d'un accident thérapeutique, elle détaille, dans son avis, la partie du dommage qui doit être prise en charge par l'assureur de responsabilité civile et la partie dont la prise en charge incombe au fonds.

16.2 La commission rend son avis dans un délai de six mois, qui peut éventuellement être prolongé à concurrence du délai nécessaire aux activités de l'expert ou du collège d'experts. L'avis est communiqué aux parties concernées.

16.3. L'avis de la commission ne peut être contesté que dans le cadre d'une procédure civile intentée devant le tribunal compétent par le patient ou ses ayants droit, par le fonds ou par l'assureur de responsabilité civile du prestataire de soins ou de l'établissement de soins.

L'action en révision de l'avis de la commission doit être introduite auprès du tribunal de première instance du domicile du patient ou de ses ayants droit dans un délai de trois mois suivant sa signification.

Le recours introduit par l'assureur qui couvre la responsabilité civile ou par le fonds ne nuit pas aux obligations d'indemnisation qui reposent sur eux en vertu des articles 18 et 19.

Le recours introduit par le patient ou ses ayants droit entraîne l'extinction de la procédure d'indemnisation visée aux articles 18 et 19.

Les membres du conseil et le personnel de la commission, les experts qu'elle mandate, ainsi que toute personne participant à ses missions qui ont accès à des données médicales à caractère personnel sont tenus au respect du secret professionnel sous peine des sanctions prévues par l'article 458 du Code pénal.

Art. 17

Expertise

17.1. Avant de rendre l'avis visé à l'article 16, la Commission de conciliation et d'arbitrage désigne un expert ou un collège d'experts.

17.2 La commission définit la mission de l'expert ou du collège d'experts, ainsi que le délai dans lequel celui-ci doit remettre son rapport.

17.3. Dans les limites de sa mission, l'expert ou le collège d'experts est habilité à adopter toute mesure d'enquête qu'il juge utile, à se faire conseiller ou assister par des spécialistes et à exiger des parties ou de tiers qu'ils lui communiquent tout document jugé utile sans pouvoir se retrancher derrière le secret professionnel pour se soustraire à sa requête, pour autant que ces mesures ne portent pas atteinte au respect de la vie privée de tiers.

17.4. Les activités d'expertise ont un caractère contradictoire et se déroulent entièrement en la présence des parties concernées, qui peuvent se faire assister de leurs propres experts. L'expert ou le collège d'experts est tenu de prendre en considération les observations formulées par les parties et de joindre à son rapport final toutes les pièces requises par elles.

17.5. Les frais et honoraires liés aux activités de l'expert ou du collège d'experts sont supportés par la partie que la commission juge devoir indemniser le sinistre, sans préjudice de la possibilité d'inclure ces frais dans l'action subrogatoire visée aux articles 18.5 et 19.2. Chaque partie prend en charge les coûts de son propre expert.

SECTION 2

L'indemnisation des patients ou de leurs ayants droit

Art. 18

L'indemnisation du patient par l'assureur qui couvre la responsabilité civile du prestataire de soins ou de l'établissement de soins

Si la commission estime que le dommage est la conséquence d'une faute commise par le prestataire de soins ou l'établissement de soins, l'assureur qui couvre la responsabilité civile est tenu d'émettre, dans un délai de six mois, une proposition d'indemnisation à l'intention du patient ou de ses ayants droit si le dommage est d'ores et déjà évaluable. Si le dommage n'est pas encore évaluable, l'assureur est tenu de payer, dans ce même délai, une indemnité qui tient compte des frais d'ores et déjà exposés, du préjudice subi, des périodes d'incapacité temporaire déjà écoulées, ainsi que du dommage futur le plus probable. L'assureur est en outre tenu d'entamer immédiatement une expertise médicale à l'amiable afin d'évaluer définitivement le dommage.

18.2. Si l'assureur qui couvre la responsabilité civile accepte l'avis de la commission, il indemnise le patient ou ses ayants droit conformément aux règles légales en vigueur en matière de responsabilité civile.

La proposition d'indemnisation revêt un caractère provisionnel lorsque les lésions du patient ne sont pas encore en voie de consolidation.

La proposition d'indemnisation définitive doit être communiquée au patient ou à ses ayants droit dans un délai de trois mois après que l'assureur qui couvre la responsabilité civile ait été informé de la consolidation.

L'acceptation de la proposition d'indemnisation définitive par le patient ou par ses ayants droit vaut transaction entre eux au sens de l'article 2044 du Code civil. Cette transaction inclut l'abandon de recours au bénéfice du fonds. L'assureur qui couvre la responsabilité civile du prestatataire de soins ou de l'établissement de soins communique au fonds un exemplaire de la convention transactionnelle.

L'indemnité est payée dans un délai d'un mois suivant l'acceptation, par le patient ou ses ayants droit, de la proposition d'indemnisation provisionnelle ou définitive.

18.3. Si l'assureur qui couvre la responsabilité civile du prestataire de soins ou de l'établissement de soins conteste l'avis de la commission, il est autorisé à limiter sa proposition d'indemnisation au montant de l'indemnisation dont le patient aurait pu se prévaloir dans le cadre d'un accident thérapeutique conformément aux dispositions de l'article 11.

18.4. Si le juge compétent confirme l'avis de la commission, l'assureur qui couvre la responsabilité civile est tenu de payer, dans le mois qui suit la date à laquelle le jugement ou l'arrêt a acquis force de chose jugée, la différence entre le montant déjà payé dans le cadre de l'article 18.3 et le montant de l'indemnité octroyée par le juge, majorée des intérêts légaux calculés à partir de la date du paiement.

18.5. Si au contraire, le juge compétent confirme, par décision ayant acquis force de chose jugée, la position de l'assureur qui couvre la responsabilité civile, selon laquelle le dommage ne résulte pas d'une faute commise par le prestataire de soins ou l'établissement de soins, il accorde à l'assureur un droit d'action subrogatoire contre le fonds jusqu'à concurrence de l'indemnité payée par lui au patient ou à ses ayants droit dans le cadre de l'article 18.3, majorée des intérêts légaux calculés à partir de la date du paiement.

Si le juge compétent estime en outre que le dommage ne relève pas non plus des critères d'application relatifs à un accident thérapeutique, l'assureur dispose d'un droit de recours contre le fonds jusqu'à concurrence des dépenses engagées par lui dans le cadre de l'article 18.3, majorées des intérêts légaux calculés à partir de la date du paiement.

Art. 19

L'indemnisation des patients par le fonds

Si la commission estime que le dommage relève des critères d'application relatifs à un accident thérapeutique sans être dû à une faute commise par le prestataire de soins ou l'établissement de soins, le fonds est tenu d'émettre, dans un délai de six mois, une proposition d'indemnisation à l'intention du patient ou de ses ayants droit conformément aux règles relatives à l'indemnisation définies à l'article 11, si le dommage est d'ores et déjà évaluable. Si le dommage n'est pas encore évaluable, le fonds est tenu de payer, dans ce même délai, une indemnité qui tient compte des frais d'ores et déjà engagés, du préjudice subi, des périodes d'incapacité temporaire déjà écoulées, ainsi que du dommage futur le plus probable. Le fonds est en outre tenu d'entamer immédiatement une expertise médicale à l'amiable afin d'évaluer définitivement le dommage.

Si l'état de santé du patient n'est pas encore consolidé, la proposition d'indemnisation revêt un caractère provisionnel.

La proposition d'indemnisation définitive doit être communiquée dans un délai de trois mois après que le fonds ait été informé de la consolidation.

L'acceptation de la proposition d'indemnisation définitive par le patient ou par ses ayants droit vaut transaction entre eux au sens de l'article 2044 du Code civil. Cette transaction inclut l'abandon de recours au bénéfice du prestataire de soins ou de l'établissement de soins concerné. Le fonds communique à l'assureur qui couvre la responsabilité civile du prestataire de soins ou de l'établissement de soins un exemplaire de la convention transactionnelle.

L'indemnité est payée dans un délai d'un mois suivant l'acceptation de la proposition d'indemnisation provisionnelle ou définitive.

19.2. Si le fonds estime que le dommage est la conséquence d'une faute commise par le prestataire de soins ou l'établissement de soins, il dispose, envers ceux-ci ou envers l'assureur qui couvre la responsabilité civile, d'un droit d'action subrogatoire jusqu'à concurrence du montant des indemnités qu'il a payées au patient ou à ses ayants droit.

Art. 20

Révision de l'indemnisation

S'ils contestent l'évaluation faite de l'indemnisation visée aux articles 18.2 ou 19.1, le patient ou ses ayants droit sont habilités à saisir le tribunal de première instance de leur domicile d'une action en révision. Sous peine d'extinction, cette action sera introduite dans les trois mois suivant réception de la proposition d'indemnisation définitive.

CHAPITRE V

Prescription

Art. 21

Délais de prescription

21.1. Les actions que le patient est habilité à introduire sur la base d'un accident thérapeutique s'éteignent à l'issue de délais identiques aux délais qui seraient applicables si le patient avait introduit une action basée sur la responsabilité civile du prestataire de soins ou de l'établissement de soins.

21.2. Les délais évoqués à l'article 21.1 sont interrompus ou suspendus conformément au droit commun. La prescription est en outre suspendue pendant la procédure de conciliation et d'arbitrage prévue à l'article 16.

CHAPITRE VI

Dispositions finales

Art. 22

Disposition modificative

L'article 587, alinéa 1er, du Code judiciaire, tel que remplacé par la loi du 3 avril 1997 et modifié par les lois du 10 août 1998, 4 mai 1999 et 2 août 2002, est complété comme suit :

« 11º sur les actions en contestation de l'avis prévues à l'article 16 ainsi que sur les actions en contestation de l'évaluation des dommages prévues à l'article 20 de la loi du ... portant indemnisation du dommage consécutif à des soins de santé introduites par le patient, le « Fonds d'indemnisation des dommages résultant d'accidents thérapeutiques » ou l'assureur qui couvre la responsabilité civile du prestataire de soins ou de l'établissement de soins. »

Art. 23

Accidents thérapeutiques en Belgique

La loi n'est applicable qu'aux seuls accidents thérapeutiques survenus en Belgique.

Art. 24

Disposition transitoire

La loi ne s'applique pas aux accidents thérapeutiques survenus avant son entrée en vigueur.

Art. 25

Entrée en vigueur

Le Roi fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

30 juillet 2003.

Alain DESTEXHE.

ANNEXE

RÉSUMÉ DE LA PROCÉDURE

Cette annexe est uniquement disponible sur support papier.


(1) L'ordre des médecins considère cependant depuis peu qu'il s'agit d'une obligation déontologique.

(2) « Responsabilité et accidents médicaux. La réparation des accidents thérapeutiques, Proposition de réforme, rapport d'un groupe inter-universitaire », sous la direction de Fagnart J.-L. et Vansweevelt T., « Reeks Recht en Gezondheidszorg », nº 4, 1994.

(3) Fraselle N., « La responsabilité médicale et la réparation des accidents thérapeutiques : réflexions, enjeux, propositions », rapport à M. Philippe Moureaux, ministre des Affaires sociales, mars 1993. À l'époque, le nombre de personnes indemnisées était estimé par l'auteur à 150 par an. Elle estimait, par comparaison avec la Suède, que 3 600 accidents seraient indemnisables chaque année au titre de la « responsabilité sans faute ».

(4) Ministre de l'Économie et de la Recherche scientifique, « Note au membres du cabinet restreint sur l'indemnisation des dommages liés au soins de santé », 15 mai 2002.

(5) « Fault, no fault, or... ? », Revue de droit de la santé, 2000-2001-2.

(6) « Fault, no fault, or... ? », loc. cit., p. 87.

(7) « Fault, no fault, or... ? », loc. cit., pp. 103 et 104.

(8) Lambert-Faivre, Dupoiron, « L'indemnisation du préjudice des victimes d'accidents médicaux. N'est-ce pas temps d'adopter un système d'indemnisation cohérent et stable », Gazette du Palais, 25 novembre 2001, p. 13.

(9) Bristish Medical Association.

(10) BBC News, 6 juillet 1999.

(11) Vansweevelt Th., « Rechtsvergelijkende aantekeningen bij de medische aansprakelijkheid : evolutie en hervorming », T. Gez/Revue du docteur Santé, 2000-2001.

(12) Entretien avec le professeur Delvaux.

(13) Revue de droit de la santé, op.cit.

(14) Selon certains, il s'agit peut-être d'une estimation trop optimiste. La moyenne serait plus proche de 50 000 que de 25 000 euros.

(15) Vansweevelt T., « La responsabilité civile du médecin et de l'hôpital », Bruylant, Bruxelles, année 1996.

(16) Voir Rogge J., « L'assurance RC des professions médicales, oxygène svp ! », Revue de droit de la santé, 1995-1996.

(17) Fredericq S., « Risques modernes et indemnisation des victimes de lésions corporelles », Bruxelles, Bruylant, 1990, p. 221.

(18) Source : UPEA.

(19) Fagnart J.-L., op. cit.

(20) « La réparation des accidents thérapeutiques », op. cit.

(21) Cité par Vansweevelt T., op. cit.

(22) UPEA, To The Point, 22 juin 2000.

(23) Proposition de loi de Mme Anne-Marie Lizin organisant la réparation des accidents thérapeutiques, Sénat, 1999-2000, doc. nº 2-335/1.

(24) Il s'agit des hôpitaux et des professions médicales.

(25) The Patient Injury Act, 1997.

(26) Patient Insurance Act (1991 as amended in 1999).

(27) Code de la santé publique, Code de l'action sociale et des familles, Dalloz, 2001.

(28) Vayre F., « Les confins du dommage par alea et par faute : grille pour expertise technique en responsabilité médicale », La Gazette du Palais, 23 mars 2000.

(29) The Patient Insurance Act, 1997 as amended in 1999; Danish Act on Damages for Pharmaceutical Injuries, 1995 as amended in 1996; The Danish Patient Insurance System, www.patientforsikringen.dk

(30) Lors du débat parlementaire, cette restriction a été justifiée par le fait que seulement 10 % des accidents médicaux avaient lieu dans le secteur privé.

(31) Seuls, les dommages prostérieurs à la date d'entrée en vigueur de la loi initiale, c'est-à-dire au 1er juillet 1992, sont indemnisables.

(32) Loi relative à l'indemnisation des patients, 1996; Espersson C., « The Swedish Patient Insurance. A pragmatic solution, The Patient Insurance Association, 2000; Tort Liability Act, 1972 as amended in 1974, 1975, 1977, 1980 ».

(33) The Patient Injury Act, 1986; Mikkonen M., « The Nordic Model : Finnish Experience of The Patient Injury Act in Practice » in Medicine and law, volume 20, nº 3, 2001, pp. 347-353; Lotjonen S., « The protection of human subjects in medical research » in Finland in Finnish national reports to the XVth Congress of the International Academy of Comparative Law, Bristol, 1998; Modeen T., « Reform of medical liability law : liability or insurance » in Finnish national reports to the XIIIth Congress of the International Academy of Comparative Law, Montreal, 1990.

(34) Conseil d'État, Paris, 10 avril 1993.

(35) Le Monde du 7 mars 2003 et le Figaro du 7 mars 2003. L'Oniam vient d'être doté d'un numéro vert (0800 77.98.87) et table sur environ 6 500 dossiers par an les deux premières années.