3-58/1

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Sénat de Belgique

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2003

9 JUILLET 2003


Proposition de loi insérant un article 1322bis dans le Code judiciaire, relatif à l'exécution forcée des décisions judiciaires contenant des mesures relatives à la personne des enfants

(Déposée par Mme Clotilde Nyssens)


DÉVELOPPEMENTS


La présente proposition de loi reprend le texte d'une proposition qui a déjà été déposée au Sénat le 17 juillet 2001 (doc. Sénat, nº 2-853/1 ­ 2000/2001).

Les titres exécutoires contenant des mesures prises à l'égard des enfants sont sans doute les titres les plus délicats à faire exécuter.

Ces situations difficiles peuvent concerner tant le non-respect des décisions judiciaires relatives à l'exercice du droit aux relations personnelles que le non-respect des mêmes décisions quant aux modalités d'exercice de l'autorité parentale.

Il faut tenir compte de la souffrance de nombreux parents et grands-parents qui disposent d'un titre qu'ils ne peuvent mettre à exécution ou qui éprouvent systématiquement des difficultés à faire respecter leurs droits. Au fur et à mesure que la situation traîne en longueur, certains parents peuvent voir la relation avec leur enfant ou petit-enfant sérieusement perturbée voire perdre tout contact avec l'enfant. Cette situation est cause de souffrance pour eux, mais s'avère également préjudiciable pour l'enfant lui-même.

Dans un certain nombre de dossiers, infliger une astreinte (article 1385bis et suivants du Code judiciaire) peut suffire à ce que la partie récalcitrante se résigne à se conformer au prononcé. L'article 1385bis du Code judiciaire s'applique, en effet, aussi aux cas où la condamnation principale a pour objet l'exécution d'une obligation du droit de la famille (Cour de Justice Benelux, 11 mai 1982, JT, p. 629). Très souvent, malheureusement, cela ne s'avère pas suffisant.

La présente proposition vise à trouver un compromis satisfaisant en matière d'exécution forcée des décisions judiciaires contenant des mesures relatives aux enfants, en tenant compte des intérêts de toutes les parties en présence, particulièrement de l'intérêt de l'enfant.

La présente proposition fixe d'abord dans la loi le principe selon lequel, sur base de la première décision judiciaire, l'enfant ne peut jamais être emmené de force. L'huissier de justice doit se contenter de dresser procès-verbal de l'infraction à l'article 432 du Code pénal (ancien article 369bis du Code pénal). Cet article punit le délit de non-représentation d'enfants.

La présente proposition prévoit toutefois le principe de la saisine permanente du juge qui, en cas de difficultés liées à l'exécution d'une décision judiciaire exécutoire contenant des mesures relatives aux enfants, peut être saisi par simple déclaration écrite adressée ou déposée au greffe.

Le principe de la saisine permanente n'est pas neuf. Il figure déjà à l'article 1280, avant-dernier alinéa, du Code judiciaire dans le cadre des mesures provisoires du divorce pour cause déterminée, à l'article 1580quater du Code judiciaire en cas de difficulté de mise en oeuvre d'une vente de gré à gré en matière de saisie-exécution immobilière et aussi à l'article 1675/14, § 2, alinéa 3, du Code judiciaire en matière de règlement collectif de dettes. Il s'agit de dispositions particulièrement efficaces puisque la cause revient devant le juge sans délai et sans frais.

Cette procédure doit bien entendu être envisagée dans le contexte des ressources offertes par le droit pénal (article 432 du Code pénal) et du droit judiciaire (article 1385bis du Code judiciaire relatif à l'astreinte) et singulièrement à la lumière de l'arrêt de la Cour de cassation du 11 mars 1994. Se fondant sur la Convention de New York du 20 novembre 1989, la Cour de cassation a décidé que « l'autorité des parents et les droits qui en découlent devant, en vertu de la Convention relative aux droits de l'enfant, toujours être exercés dans l'intérêt des enfants, le juge peut décider, dans ledit intérêt, que pendant l'exercice du droit de visite, aucune mesure d'exécution ou de coercition ne sera utilisée à l'égard des enfants » (Cass., 11 mars 1994, Pasicrisie, 1994, I, 246 et note I).

Commentaire des articles

Article 2

Cet article insère un chapitre XIIbis, dans le livre IV de la quatrième partie du Code judiciaire intitulé « De l'exécution forcée des décisions judiciaires contenant des mesures relatives à la personne des enfants » et comprenant un article 1322bis nouveau.

Cet article pose le principe qu'en cas de difficultés qui entravent l'exécution d'une décision judiciaire contenant des mesures relatives aux enfants, l'enfant ne peut pas être emmené de force. L'huissier de justice dresse constat de l'infraction à l'article 432 du Code pénal (délit de non-représentation d'enfant) et se retire. Il existe cependant des hypothèses exceptionnelles où il y aurait lieu de procéder à l'exécution forcée immédiate. Ainsi dans les situations de crise où il est urgent de soustraire l'enfant à un péril grave et imminent, par exemple dans le cadre d'un référé d'extrême urgence sur requête unilatérale (risque de départ précipité de l'enfant à l'étranger, enfant exposé à des violences, ...).

Cet article fixe aussi le principe de la saisine permanente du juge compétent en ce qui concerne les décisions judiciaires contenant des mesures relatives aux enfants. Lorsque la première décision judiciaire organisant l'exercice de l'autorité parentale, le droit à l'hébergement et le droit aux relations personnelles n'a pas pu être exécutée, la cause peut être ramenée devant le juge compétent par simple déclaration écrite adressée au greffe. La cause est alors ramenée devant le juge dans les quinze jours. Le juge compétent statue toutes affaires cessantes. Il décide s'il y a lieu, dans l'intérêt de l'enfant, de prendre des mesures coercitives à l'égard de l'enfant ou du parent récalcitrant, après avoir entendu les parties conformément à l'article 931 du Code judiciaire. Il détermine la nature des mesures coercitives éventuelles et désigne les personnes habilitées à accompagner l'huissier de justice à cette fin. Cette deuxième décision devra alors également être exécutée par l'huisser de justice, nécessairement accompagné des personnes désignées par le juge.

Le Roi détermine quelles sont les personnes habilitées à accompagner l'huissier de justice pour l'exécution de telles décisions judiciaires. L'idée est que l'huissier de justice se fasse accompagner par des personnes ayant suivi une formation bien précise pour atteindre le but envisagé dans ce genre de situations, sans que l'enfant ne soit trop perturbé (psychologues, assistantes sociales, ...).

Le juge prend préalablement connaissance du procès-verbal de l'huissier de justice relatant concrètement comment l'autre parent a réagi au commandement donné par l'huissier de justice de se conformer à la première décision judiciaire. Il statue en toute opportunité, en tenant compte de l'intérêt de l'enfant et des autres moyens à sa disposition telle la possibilité de prononcer une deuxième décision judiciaire avec astreinte ou l'éventuelle poursuite pénale entamée à l'encontre du parent récalcitrant pour délit de non-représentation.

Cette procédure peut s'appliquer dans le cadre des mesures prises par le juge de paix sur la base de l'article 223 du Code civil, des décisions judiciaires rendues par le président du tribunal de première instance au titre de mesures provisoires conformément à l'article 1280 du Code judiciaire, ou dans le cadre des décisions prises par le juge de la jeunesse dans le cadre des articles 374 et 375bis du Code civil, en cas de problèmes liés à l'exercice du droit parental aux relations personnelles ou à l'hébergement secondaire ou principal (article 374 du Code civil), et à l'exercice du droit aux relations personnelles des grands-parents ou de toute autre personne justifiant d'un lien d'affection particulier avec cet enfant (article 375bis du Code civil).

Clotilde NYSSENS.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

Il est inséré dans le livre IV de la quatrième partie du Code judiciaire, un chapitre XIIbis, intitulé « De l'exécution forcée des décisions judiciaires contenant des mesures relatives à la personne des enfants », comprenant un article 1322bis, rédigé comme suit :

« Art. 1322bis. ­ § 1. Lorsque le juge a ordonné des mesures relatives à la personne des enfants en application de l'article 1280 du présent Code ou des articles 223, 374 ou 375bis du Code civil, la cause reste inscrite au rôle du juge compétent.

En cas de difficultés qui entravent l'exécution du titre concernant les mesures relatives à la personne des enfants, aucune mesure coercitive ne peut être prise à l'égard de l'enfant ou du parent récalcitrant. L'huissier de justice dresse constat de l'infraction à l'article 432 du Code pénal et se retire. Il n'est fait exception à ce principe que lorsqu'il y a lieu de soustraire l'enfant de manière urgente à un péril grave et imminent.

La cause peut être ramenée devant le juge compétent, dans les quinze jours, par simple déclaration écrite déposée ou adressée au greffe.

Le greffier informe sans délai les parties, par pli judiciaire, et leurs avocats, par simple lettre, de la date à laquelle la cause sera fixée devant le juge.

§ 2. Le juge compétent statue toutes affaires cessantes après avoir entendu les parties. Il tient compte, le cas échéant, des opinions exprimées par l'enfant dans les conditions prévues à l'article 931, alinéas 3 à 7.

S'il décide qu'il convient de prendre des mesures coercitives à l'égard de l'enfant ou du parent récalcitrant, le juge détermine la nature de ces mesures et leurs modalités d'exercice au regard de l'intérêt de l'enfant et désigne les personnes habilitées à accompagner l'huissier de justice pour l'exécution de cette décision judiciaire.

Le Roi détermine quelles sont les personnes habilitées à accompagner l'huissier de justice pour l'exécution de telles décisions judiciaires. »

Art. 3

Le chapitre VIIbis actuel du même code, inséré par la loi du 10 août 1998, qui comprend les articles 1322bis à 1322octies, devient le chapitre VIIter, comprenant les articles 1322ter à 1322novies.

23 juin 2003.

Clotilde NYSSENS.