2-271

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Belgische Senaat

Handelingen

DONDERDAG 20 FEBRUARI 2003 - NAMIDDAGVERGADERING

(Vervolg)

Mondelinge vraag van de heer Josy Dubié aan de vice-eerste minister en minister van Buitenlandse Zaken en aan de minister van Justitie over «de activiteit van de Israëlische geheime diensten in België» (nr. 2-1255)

M. Josy Dubié (ECOLO). - Selon le journal Le Soir du mercredi 19 février, le Mossad, soit les services secrets israéliens, aurait été chargé par le gouvernement israélien de diverses missions dans notre pays.

Il s'agirait notamment de récolter des informations auprès des autorités judiciaires belges, dans le cadre de l'enquête judiciaire en cours concernant le massacre de Sabra et Chatila au Liban, enquête qui impliquerait des Israéliens. Selon le quotidien, les agents du Mossad auraient « disposé d'une source bien placée et fort prolixe au sein du Palais de Justice ».

Une des missions du Mossad consisterait aussi à faire pression sur certains députés belges appelés à se pencher bientôt sur les propositions de loi concernant la loi belge dite de compétence universelle, votée, il y a peu, à une écrasante majorité ici même, au Sénat.

Si ces informations sont exactes, elles sont très préoccupantes. En effet, un État étranger infiltrerait la justice de notre pays et utiliserait des agents pour influencer le vote démocratique d'élus dans un sens favorable à ses vues.

C'est totalement inacceptable et cela constitue une atteinte extrêmement grave à notre souveraineté nationale.

Monsieur le ministre, vos services sont-ils en mesure de confirmer ou de démentir ces informations ?

Si elles sont exactes, en tout ou en partie, qu'en pensez-vous et quelles mesures comptez-vous prendre pour faire cesser cet état de chose ?

Les services de contre-espionnage belge sont-ils capables de localiser les éventuels agents du Mossad en Belgique et si oui, n'estimez-vous pas que ceux-ci devraient être expulsés du territoire national ?

Si les faits sont établis, quelles mesures de rétorsion comptez-vous prendre vis-à-vis du gouvernement israélien ?

M. Louis Michel, vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères. - J'ai effectivement pris connaissance de l'article intitulé « Le Mossad se penche sur la Belgique » paru dans le journal Le Soir du mercredi 19 février.

Il va de soi que cet article n'engage que la responsabilité du journaliste qui en est l'auteur. Je tiens à souligner que les activités des services secrets sont naturellement secrètes, faut-il le dire, et que les Affaires étrangères n'en ont donc pas connaissance.

Je n'ai rien à ajouter par rapport à la réponse de M. Verwilghen, si ce n'est que j'insiste vraiment, une fois de plus, sur l'importance que j'attache à des relations sereines avec Israël.

Je continuerai donc à tenter de convaincre nos amis israéliens qu'ils n'ont pas de raison de faire des procès d'intention ou d'évoquer certaines critiques. Je ne puis vous en dire davantage.

La tâche est lourde et complexe. Actuellement, toutes les explications données se heurtent manifestement à beaucoup d'incompréhension. Nous expliquerons avec persévérance que, dans toute démocratie, la séparation des pouvoirs est un principe sacré et que je n'imagine pas que le politique puisse interférer sur le judiciaire.

C'est la seule réponse que l'on puisse donner. En ce qui concerne votre question, je ne puis infirmer ou confirmer le contenu de l'article en question. Faute de pouvoir vous communiquer des éclaircissements à ce sujet, je resterai évidemment vigilant.

M. Josy Dubié (ECOLO). - Vous comprendrez, monsieur le ministre, que votre réponse me déçoit quelque peu.

Sans doute suis-je naïf mais je pensais que la Belgique avait un service de contre-espionnage capable de nous informer quant aux opérations du Mossad sur notre territoire.

Je signale que l'auteur de l'article, M. Serge Dumont, n'est pas n'importe qui. C'est un journaliste belge réputé, qui a travaillé des années pour Le Vif/L'Express et qui entretenait, en Belgique même, des contacts très fructueux avec nos services secrets.

S'il a écrit un tel article, c'est que ses sources sont assez fiables. Je souhaiterais donc que les services de contre-espionnage belges s'intéressassent à cette affaire de manière à pouvoir donner une réponse plus fournie en arguments pour contrer ces insinuations.

M. Louis Michel, vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères. - Comme vous semblez être déçu de ma réponse, monsieur Dubié, je vais tenter, autant que faire se peut, de vous donner satisfaction car je sais que vous êtes généralement un homme exigeant, ce qui vous honore d'ailleurs.

Si les services de contre-espionnage belges étaient chargés de s'informer, je ne crois pas qu'il serait utile de vous le dire publiquement. Afin d'être efficaces, il s'imposerait qu'ils agissent de manière secrète. En tout cas, si j'étais le chef du contre-espionnage, ce que je ne suis malheureusement pas, je ne le proclamerais pas sur la place publique.

J'ai beaucoup de respect pour le journaliste en question. Vous me demandez quel serait mon sentiment si la chose était vraie. Il est extrêmement délicat pour moi, sur le plan diplomatique, de répondre à cette question, monsieur Dubié.

À l'heure actuelle, je ne sais pas comment appréhender ce problème pour essayer d'améliorer les relations entre la Belgique et Israël. Vous savez que je tiens très fort à ces relations et à leur qualité. Notre démocratie est le plus beau modèle qui soit pour l'organisation d'une société, mais elle présente néanmoins quelque embarras pour un ministre des Affaires étrangères.

Ainsi, monsieur Dubié, même si leur position est fondée et s'ils ont raison de s'exprimer, certains parlementaires interviennent dans certains débats avec une rare violence. Or, je dois vous dire que lorsque je rencontre des représentants des pays concernés, ils se comportent comme si j'étais porteur de cette attaque ou de cette critique. Je suis donc souvent le comptable involontaire des idées de M. Dubié, voire de ses excès de langage...., ce qui, faut-il le dire, fait manifestement son charme.

M. Josy Dubié (ECOLO). - Je souhaite également que nous ayons les meilleures relations possibles avec Israël. Il s'agit d'un pays démocrate, personne ne le nie. Israël devrait donc savoir que, dans une démocratie, la séparation des pouvoirs et la souveraineté nationale sont des réalités.

Je demande donc que vous informiez les autorités israéliennes du fait qu'elles doivent respecter ce que nous respectons nous-mêmes dans leur pays. C'est tout ce que je souhaite.

M. Louis Michel, vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères. - Je suis d'accord avec vous, monsieur Dubié, et je ne vous adresse aucun reproche. Je cherche simplement un peu de compréhension et un peu d'aide.

Si nous voulons vraiment rétablir les bonnes relations que nous avons toujours eues avec Israël, il faut peut-être, pendant un certain temps, non pas se taire, mais éviter de mettre de l'huile sur le feu. Je sais que vous ne faites jamais cela... (Sourires) Mais j'aimerais que l'on fasse preuve d'un peu de discrétion, afin que je puisse expliquer sereinement aux Israéliens que nous vivons, comme eux, dans une démocratie dont le principe fondamental est la séparation des pouvoirs. Il est impensable, tant dans ma culture que dans la vôtre, que le politique puisse interférer dans ce genre de dossier.

Il faut se donner un peu de temps parce que l'état de dégradation de nos relations est arrivé, dans le chef d'Israël, à un stade que l'on n'a jamais atteint.

Je regrette que cet état de dégradation soit alimenté de manière tout à fait excessive par une partie de la presse israélienne qui, elle aussi, devrait connaître le principe de la séparation des pouvoirs et qui fait comme si elle ne le connaissait pas. Cela me choque bien davantage que tout le reste.

Les journalistes connaissent parfaitement le principe de la séparation des pouvoirs et savent ce qu'il implique. Relayer des suspicions qui ne peuvent être que de la désinformation est une pratique que je déplore en tant que démocrate.

M. Josy Dubié (ECOLO). - Sur ce point-là, je suis tout à fait d'accord avec vous.

M. Louis Michel, vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères. - Si on devait faire un reproche, il s'adresserait aussi à une certaine presse israélienne qui pratique la désinformation en insinuant que le gouvernement belge aurait interféré dans la justice pour atteindre ce résultat. C'est faux et je démens formellement. Personne n'aurait intérêt à le faire, personne ne peut le faire. C'est illégal et donc, inconcevable. Je n'ai rien d'autre à répondre. Comme vous, je regrette qu'on en arrive à de telles situations.

M. le président. - La réponse du vice-premier ministre est importante. Quant à votre question, vous pourriez la faire poser par un de vos collègues à la Commission chargée du suivi du Comité permanent de contrôle des services de renseignements et de sécurité.

M. Josy Dubié (ECOLO). - C'est déjà fait.

M. le président. - Dans ce cas, l'enquête sera menée mais les renseignements qui seront recueillis par les cinq sénateurs qui font partie de cette commission n'en sortiront pas.