2-1286/1

2-1286/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 2001-2002

20 SEPTEMBRE 2002


Proposition de loi visant à créer un Fonds pour les victimes de l'amiante

(Déposée par MM. Alain Destexhe et Johan Malcorps)


DÉVELOPPEMENTS


La présente proposition de loi a pour but de mettre en place une structure qui permette d'attribuer une indemnisation aux victimes de l'amiante au nom de la réparation par la solidarité nationale des erreurs ou des fautes du passé.

1. Introduction

L'amiante est une substance minérale naturelle à structure fibreuse dont les fibres résistent de manière exceptionnelle à la chaleur et au feu. Elle peut servir à de nombreux usages : calorifugeage, ignifugation, étanchéité, filtration, isolation thermique, phonique et électrique. L'amiante est ainsi rapidement devenue indispensable dans le secteur de la construction, dans les chantiers navals, dans les industries textile, alimentaire, chimique, automobile et des matières plastiques.

C'est au début du XXe siècle que débute le développement de l'usage industriel de l'amiante dont l'extraction minière culminera à près de 5 millions de tonnes à la fin de la décennie 70. Elle était encore d'environ 3,6 millions de tonnes en 1993. Les principaux producteurs sont les pays de l'ex-URSS, le Canada, le Brésil, la Chine, l'Afrique du sud, le Zimbabwe, la Colombie, la Grèce.Aujourd'hui, en Europe, l'amiante est pratiquement supprimée de la consommation et de la production. Dans de nombreux pays, les législations interdisent l'usage de l'amiante. C'est le cas en France, en Allemagne, en Belgique, au Danemark, en Finlande, en Hollande, en Italie, en Norvège, en Suède et en Suisse. Les dangers de l'amiante sont bien connus. Le lien entre cancer et amiante a d'ailleurs été scientifiquement prouvé dès les années 60. Malgré cela, pendant plusieurs décennies, les multiples possibilités de ce matériau bon marché ont eu la priorité sur les mesures de protection de la santé.

2. Maladies liées à l'amiante

Les maladies provoquées par l'amiante sont principalement :

­ l'asbestose,

­ les maladies bénignes de la plèvre,

­ le mésothéliome,

­ le cancer bronchique.

a) L'asbestose

Dans les poumons, les fibres d'amiante s'entourent de tissu conjonctif. Le poumon perd de son élasticité, provoquant une gêne respiratoire grandissante.

L'oxygène parvient difficilement aux alvéoles encombrées. Le patient a le souffle court et tousse souvent.

En soi, l'asbestose n'est pas mortelle mais elle rend le malade beaucoup plus vulnérable aux infections pulmonaires et provoque une sollicitation importante du coeur.

Entre l'exposition à l'amiante et le développement de l'asbestose, la période de latence est de 20 ans au moins. Autrement dit : il peut se passer 20 ans avant que le diagnostic soit établi.

Le risque augmente avec l'intensité et la durée de l'exposition. En dessous d'un plafond donné, le risque serait inexistant. L'asbestose est une maladie professionnelle reconnue. L'affection, assez fréquente auparavant, est en nette régression.

b) Les maladies bénignes de la plèvre

Il s'agit des plaques pleurales, de la pleurésie bénigne ou de l'épaississement pleural diffus.

c) Le mésothéliome

L'apparition d'un mésothéliome signe une exposition antérieure à l'amiante.

Il est important de souligner la gravité du mésothéliome. C'est un cancer grave; le patient décède généralement dans l'année qui suit le diagnostic.Toute exposition, même minime, à l'amiante peut entraîner un mésothéliome. Toutefois, la durée augmente le risque. La période de latence est de 25 à 40 ans. L'affection peut donc encore se manifester aujourd'hui chez des personnes exposées il y a plusieurs dizaines d'années.

d) Le cancer du poumon

Pour le cancer du poumon, il n'y a pas de seuil : même une exposition minime à l'amiante est dangereuse.

Plus l'exposition est importante, plus le risque est élevé.

Le tabac est un facteur aggravant de ce risque. La période de latence est de 20 ans ou davantage.

De nouveaux cas sont donc toujours possibles actuellement.

Quels sont les critères du cancer du poumon provoqué par l'amiante ?

­ la période de latence est d'au moins 10 ans entre le début de l'exposition et l'apparition du cancer bronchique;

­ critères quantitatifs d'exposition à l'amiante :

1º présence d'asbestose ou d'épaississements pleuraux bilatéraux diffus dus à l'amiante;

2º travaux effectués pendant au moins 10 ans avant 1985 dans des conditions ou professions bien précises;

3º une exposition professionnelle cumulative aux fibres d'amiante égale à 25 fibres par années au moins;

4º critères de concentrations d'amiante pulmonaires.

3. Epidémiologie

Les études épidémiologiques les plus récentes montrent une augmentation constante du nombre de victimes du cancer du poumon et du mésothéliome liés à l'amiante. Cette augmentation devrait connaître son acmé vers 2020 dans les pays européens actifs dans le désamiantage.

Une étude médicale britannique publiée en 1997 estimait à 500 000 le nombre de décès liés à l'amiante au cours des 35 prochaines années en Europe occidentale (1).

Pour la Belgique, étant donné le petit nombre de cas et la longue période de latence, il n'existe pas aujourd'hui d'étude épidémiologique disponible. La qualité des statistiques de santé publique, ne nous permet pas de faire une évaluation précise du nombre de cas.

D'après les statistiques du Fonds des maladies professionnelles, une centaine de personnes serait concernée chaque année par le mésothéliome et le cancer du poumon lié à l'amiante.

Statistiques des cas d'asbestoses, de mésothéliomes et de cancers du poumon fournies par le Fonds des maladies professionnelles.

Jaar
­
Année
Aantal gevallen van asbestose
­
Cas d'asbestose
Aantal gevallen van mesothelioom
­
Cas de mésothéliome
Longkanker
­
Cancer du poumon
1990 122 25 7
1997 230 60 19
2000 75 65 27
2001 47 59 30

On constate une diminution des cas d'asbestose et une augmentation des cancers.

Nombre de décès suite à l'amiante

Jaar
­
Année
Asbestose
­
Asbestose
Mesothelioom
­
Mésothéliome
Longkanker
­
Cancer du poumon
1990 29 38 4
1997 33 54 14
2000 56 56 15
2001 55 63 22

Au cours des 10 dernières années, de 1992 à 2001, le nombre de cas reconnus par le Fonds des maladies professionnelles s'est élevé à :

­ 1 849 asbestoses;

­ 491 mésothéliomes;

­ 153 cancers du poumon.

4. Chronologie des principaux événements

1906 : première description des lésions de fibrose pulmonaire survenant chez les travailleurs de l'amiante. En France, Auribault met en évidence l'importance de la surmortalité dans un groupe d'ouvriers travaillant l'amiante (50 décès en 5 ans).

1927 : création du terme d'asbestose pour désigner les lésions de fibrose pulmonaire provoquées par l'amiante.

1931 : première réglementation visant à réduire les risques (Royaume-Uni).

1932 : début du « procès du siècle » : plaintes de travailleurs contre la Johns Manville Company. Le procès s'est terminé en 1982 (il a duré un demi-siècle) avec la faillite de la firme et l'installation d'un Fonds d'indemnisation pour les victimes de cette entreprise.

1935 : première publication suggérant un accroissement de risque de cancer du poumon lié au travail de l'amiante, ce surrisque sera établi dans une série de professions (mineurs, calorifugeurs, producteurs d'amiante-ciment, d'amiante-textile).

1945 : reconnaissance de l'asbestose comme maladie professionnelle (France).

1953 : reconnaissance de l'asbestose comme maladie professionnelle (Belgique).

1955 : preuve épidémiologique du lien entre l'amiante et le cancer broncho-pulmonaire.

1960 : preuve épidémiologique du lien entre l'amiante et le cancer du revêtement mésothélial de la plèvre (mésothéliome).

1967 : établissement de relations quantitatives entre l'exposition et le risque de développer un cancer.

1976 : une directive européenne fixe la classification et l'étiquetage des produits. La partie concernant les produits chimiques est indiscutablement applicable à l'amiante.

1982 : reconnaissance du mésothéliome comme maladie professionnelle en Belgique.

1983 : directive européenne sur la protection des travailleurs contre les risques liés à une exposition à l'amiante pendant le travail. Adoption d'une directive spécifique relative à l'amiante.

1986 : transposition de la directive du 19 septembre 1983 en droit belge : valeurs-limites d'exposition, distinction entre le crocidolite et les autres amiantes, prescriptions pour l'enlèvement de l'amiante.

22 juillet 1991 : arrêté royal modifiant et complétant le Règlement général pour la protection du travail.

3 février 1998 : arrêté royal (Moniteur belge du 21 février 1998) abrogé par arrêté royal du 23 octobre 2001 (Moniteur belge du 30 novembre 2001) : arrêté royal limitant la mise sur le marché, la fabrication et l'emploi de certaines substances et préparations dangereuses (amiante).

26 juillet 1999 : la Commission européenne adopte le 26 juillet 1999 la directive 1999/77/CE concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la limitation de la mise sur le marché et de l'emploi de certaines substances et préparations dangereuses (Journal officiel des Communautés européennes L207 du 6 août 1999). Cette directive concerne plus particulièrement l'interdiction d'utiliser des fibres d'amiante chrysotiles et des produits qui en contiennent.

3 juin 2002 : accord des ministres des Affaires sociales de l'Union européenne sur un projet de directive renforçant la protection des travailleurs contre les risques liés à l'amiante pendant le travail. Ce texte, qui actualise la législation de 1983, adapte les mesures de protection en vigueur notamment par une interdiction générale de la production et de la transformation de l'amiante. L'accent est également mis sur un renforcement de la prévention pour les travailleurs exposés à l'amiante lors de travaux de maintenance et de démolition de bâtiments ou lors des activités de désamiantage. L'adoption définitive de ce texte est envisagée en 2003.

5. Problématique de l'indemnisation des victimes

5.1 « Faute intentionnelle » et « faute inexcusable »

Dans un jugement de 1996, confirmé par la Cour d'appel en 1997, le Tribunal de première instance de Bruxelles a débouté une victime de l'amiante qui cherchait à obtenir une réparation auprès de son ex-employeur au motif que, selon l'article 51 des lois relatives à la réparation des dommages résultant des maladies professionnelles (loi coordonnée du 3 juin 1970), le chef d'entreprise ne peut être poursuivi que si celui-ci a commis une faute intentionnelle qui a provoqué la maladie professionnelle.

Selon le tribunal, il s'agit d'une exception à l'intention du législateur de mettre en place un système de responsabilité objective, sans faute, qui entraîne comme corollaire une limitation de la responsabilité des employeurs aux sommes accordées par le Fonds des maladies professionnelles.

En France, un récent arrêt de la Cour de cassation française (2) dans le dossier amiante risque de modifier en profondeur les règles de la sécurité au travail tout comme celles de l'indemnisation des accidents et des maladies professionnelles. La Cour a en effet estimé que les entreprises ne pouvaient pas ignorer les dangers de l'amiante et a étendu la responsabilité des employeurs en concluant à la « faute inexcusable ».

5.2. Les procédures existantes

Dans la plupart des pays occidentaux, il y a une prise de conscience des conséquences sanitaires de l'amiante.

Plusieurs pays, comme la France ou les Pays-Bas ont créé des procédures d'indemnisation. Aux États-Unis, le nombre de procès pour la période 2000-2004 est estimé à 270 000, soit un triplement par rapport à la période 1990-1994 (3). Les grands assureurs mondiaux ont récemment considérablement renforcé leurs réserves face à ce risque (4).

Aux États-Unis, en 2000, le Congrès américain a approuvé, le « Asbestos Compensation Act ». Par cette loi, une procédure administrative est établie, un organisme (« Office of Asbestos Compensation ») et un Fonds (« Asbestos Compensation Fund ») sont créés. L'objectif est de permettre aux victimes d'être indemnisées dans des délais courts (ceux-ci étaient de plusieurs années auparavant).

Aux Pays-Bas, en 2000, au départ d'une initiative parlementaire, la Chambre a créé un « Institut de l'amiante » qui s'occupe du traitement des demandes de dédommagement des victimes de l'amiante à titre professionnel. Il reçoit un financement mixte de l'État et des entreprises. Le montant du dédommagement moral est fixé de façon forfaitaire à 1,62 million de francs. Les personnes victimes du mésothéliome en dehors d'une exposition extra-professionnelle peuvent obtenir une indemnité de l'État pour dommage moral. Celle-ci est fixée à 630 000 francs.

En France, le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) est un établissement public national à caractère administratif, institué par la loi de financement de la Sécurité sociale de 2001 (5) (6). Le FIVA a pour mission de dédommager les victimes de l'amiante. Il est financé à 75 % par une contribution de la branche accidents du travail et maladies professionnelles du régime général de la sécurité sociale et à 25 % par le budget de l'État.

En Belgique, dans la situation actuelle, les seules victimes susceptibles d'être reconnues sont les salariés dont les entreprises cotisent au Fonds des maladies professionnelles. Cette indemnisation a ses limites. Les montants sont relativement faibles, une partie du préjudice seulement est prise en charge (la perte de la capacité économique) et pas le préjudice moral. Le conjoint ou la famille ne sont pas pris en compte sauf en cas de décès.

Le Fonds des maladies professionnelles ne peut indemniser les travailleurs indépendants, dont beaucoup ont été exposés à l'amiante dans le cadre de leur activité professionnelle (chauffagistes, garagistes, électriciens, etc.).

Plusieurs victimes ont été contaminées à la suite d'une exposition non-professionnelle : exposition familiale au contact de travailleurs, exposition environnementale dans le voisinage des usines ou encore exposition passive dans des locaux pollués par l'amiante.

Pour obtenir un dédommagement, ces personnes doivent introduire une requête auprès du tribunal civil. Vu la durée des procédures judiciaires, fort peu ont été introduites, et aucune n'a abouti jusqu'ici.

6. Pourquoi créer un Fonds spécifique pour les victimes de l'amiante ?

Dès le début des années 60, le lien entre l'apparition du mésothéliome et l'exposition à l'amiante était suspecté. Malgré cela l'amiante a été utilisé massivement, notamment dans la construction jusqu'à la fin des années 70, en Belgique comme ailleurs. L'usage s'est poursuivi, de façon moins importante, dans les années 80, alors que les dangers de l'amiante étaient désormais bien connus.

Il était manifestement peu prudent et dangereux d'utiliser l'amiante. Notre intention n'est pas d'entrer dans une longue discussion sur les responsabilités. Les entreprises en portent sans doute une partie, mais les pouvoirs publics n'ont pas pris à temps les mesures d'interdiction et de prévention.

C'est pourquoi nous proposons que le préjudice soit pris en charge par la solidarité nationale, la société reconnaissant ainsi qu'une erreur ou une faute a été commise vis-à-vis des victimes.

Celles-ci ont le droit d'être reconnues comme tels.

7. Financement et conséquences budgétaires

L'indemnisation proposée concernerait au maximum quelques centaines de personnes.

Le fonds sera alimenté essentiellement par des interventions de l'État mais pourrait aussi être alimenté par des interventions d'entreprises.

Le Roi pourrait fixer par arrêté royal des plafonds d'indemnisations.

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 2

Le Fonds est chargé d'indemniser les maladies liées à l'amiante.

Article 3

Le Fonds a la personnalité juridique et est administré par une commission d'indemnisations. Afin d'effectuer au mieux sa mission, le Fonds peut recourir à l'aide d'associations médicales ou autres.

Article 4

Le demandeur doit apporter la preuve de son exposition à l'amiante et des conséquences sur son état de santé. L'asbestose, le mésothéliome et la présence de fibres d'amiante dans une tumeur pulmonaire valent preuve d'exposition à l'amiante.

Article 5

Le droit commun de la responsabilité civile est d'application.

Article 7

Il est important de supprimer toute notion de délai de prescription entre l'exposition à l'amiante et la déclaration de la maladie. Cette suppression est rendue nécessaire par la durée du temps de latence (de 20 à 50 ans) entre l'exposition et l'apparition de la maladie.

Les malades de l'amiante dont l'entreprise cotise au Fonds des maladies professionnelles, les victimes contaminées à la suite d'une exposition non professionnelle et leurs ayant droits ont la possibilité d'introduire une demande auprès du Fonds d'indemnisations.

Article 9

L'examen de la demande par le Fonds doit être rapide car les patients atteints de mésothéliomes décèdent souvent rapidement. Le Fonds doit vérifier si la personne a bien droit à une indemnisation. Afin de maximaliser sa recherche, le Fonds peut bénéficier de tous les moyens nécessaires, notamment l'examen du patient et de son dossier médical.

Article 10

Avant le paiement de l'indemnité, le Fonds est tenu d'apporter l'explication du montant qui peut être octroyé à la victime afin que cette dernière puisse donner son accord. Tout refus de la part du Fonds doit être justifié.

Article 11

Le demandeur peut refuser l'offre qui lui sera faite par le Fonds.

Article 12

Il est important de fixer un délai afin d'éviter tout retard dans le paiement de l'indemnité.

Article 13

Le demandeur a le droit de recourir en justice si le Fonds ne lui a pas répondu dans le délai d'un an, s'il n'accepte pas l'offre qui lui a été faite ou si sa demande a été refusée.

Article 16

Le Fonds des maladies professionnelles n'offre qu'un dédommagement limité. Le mésothéliome est une forme de cancer qui entraîne un décès rapide (l'espérance de vie est de moins d'un an). Les personnes atteintes de cette maladie peuvent se voir attribuer une indemnité à titre de dommage moral ainsi que pour leur femme et leurs enfants.

Alain DESTEXHE.
Johan MALCORPS.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

Il est créé un « Fonds pour les victimes de l'amiante », ci-après nommé « le Fonds », destiné à réparer les dommages résultant d'une maladie liée à l'amiante : l'asbestose, le cancer du poumon, le mésothéliome, le cancer du larynx ainsi que toutes les maladies qui seraient reconnues liées à l'amiante.

Art. 3

Le Fonds est doté de la personnalité juridique. Il est présidé par un magistrat nommé par le Roi et est administré par une commission d'indemnisation dont la composition et le fonctionnement sont également fixés par le Roi.

Elle comprend notamment des représentants des ministres ayant la Santé publique et les Affaires sociales dans leurs compétences, des représentants du Fonds des maladies professionnelles, du Fonds des accidents du travail et des représentants des associations qui défendent les victimes de l'amiante.

Le Fonds peut recueillir tout avis qui lui semble indispensable à l'accomplissement de sa mission. Il peut notamment consulter les associations ou groupements médicaux, les sociétés scientifiques, les associations d'aide aux victimes de l'amiante et des personnes qualifiées.

Art. 4

Le demandeur d'une indemnisation justifie de son exposition à l'amiante, professionnelle ou extra-professionnelle, et du retentissement de cette exposition sur son état de santé.

Les diagnostics d'asbestose et de mésothéliome valent preuve d'exposition à l'amiante.

La présence de fibres d'amiante dans une tumeur pulmonaire, ou autre, vaut preuve d'exposition à l'amiante. Les critères de reconnaissance reprennent ceux qui sont en vigueur au Fonds des maladies professionnelles.

La présence de plaque pleurale est une preuve d'exposition à l'amiante. Elle n'est pas considérée comme une maladie mais elle justifie l'ouverture d'un dossier.

Pour les cas où l'origine de la maladie liée à l'amiante ne peut être établie avec certitude, le Roi détermine les critères qui ouvrent le droit à une indemnisation.

Art. 5

Le dommage est indemnisé sur les bases admises selon le droit commun de la responsabilité civile.

Art. 6

Le Roi peut fixer des plafonds d'indemnisation.

Art. 7

Toute personne ayant été victime d'une maladie liée à l'amiante dans une période de 30 ans précédant l'entrée en vigueur de la loi peut introduire une demande d'indemnisation dans le cadre de la présente loi.

Peuvent obtenir la réparation de leurs préjudices :

1º les personnes qui ont obtenu la reconnaissance d'une maladie professionnelle occasionnée par l'amiante par le Fonds des maladies professionnelles;

2º les personnes qui ont subi un préjudice résultant directement d'une exposition à l'amiante sur le territoire de la Belgique à cause d'une exposition non professionnelle, comme :

­ la contamination intrafamiliale par contact avec un travailleur;

­ la personne vivant dans les environs des entreprises qui ont utilisé de l'amiante;

­ l'exposition passive dans des locaux contaminés par l'amiante.

3º les ayants droit des personnes visées aux 1º et 2º.

Art. 8

La demande est adressée au Fonds par pli recommandé à la poste avec accusé de réception.

Art. 9

Dans un délai de six mois à compter de la réception de la demande, qui peut être prolongé à la demande de la victime ou de ses ayants-droit, le Fonds examine si les conditions d'indemnisation sont réunies; il recherche le lien de cause à effet entre l'exposition à l'amiante et la maladie.

La commission d'indemnisation peut demander qu'un examen médical ou qu'une expertise soit pratiqué. La commission est libre de choisir le médecin-expert et de déterminer les questions qui lui sont posées. Elle est tenue d'informer le demandeur des noms des médecins-experts, de l'objet, de la date et du lieu, quinze jours au moins avant la date de l'examen.

Le demandeur peut se faire accompagner du médecin de son choix. Tout au long de la procédure il peut se faire assister d'un avocat et d'un médecin de recours. Il a le droit de consulter son dossier.

Le Fonds peut demander des renseignements auprès des services de l'administration fédérale et auprès des organismes compétents pour les prestations sociales. Les renseignements sont utilisés exclusivement pour le suivi de la demande introduite auprès du Fonds.

La reconnaissance par le Fonds des maladies professionnelles d'une exposition à l'amiante vaut preuve d'exposition pour le Fonds.

Art. 10

Le Fonds est tenu de présenter à toute victime mentionnée à l'article 2 une offre d'indemnisation dans un délai de six mois à compter du jour où le Fonds reçoit la justification complète des préjudices.

L'offre indique l'évaluation retenue par le Fonds pour chaque chef de préjudice ainsi que le montant des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs du chef du même préjudice.

Les décisions du Fonds rejetant partiellement ou totalement la demande d'indemnisation sont motivées.

Dans les mêmes conditions, une nouvelle demande au Fonds peut être introduite en cas d'aggravation.

Art. 11

Dans les 30 jours de la réception de l'offre de l'indemnisation, le demandeur fait connaître au Fonds s'il accepte ou non l'offre qui lui est faite.

Art. 12

Lorsque le demandeur accepte l'offre, le Fonds dispose d'un délai de trois mois pour verser la somme correspondante.

Art. 13

Le demandeur ne dispose du droit d'action en justice contre le Fonds que si sa demande d'indemnisation a été rejetée, si aucune offre ne lui a été présentée dans le délai mentionné à l'article 9 ou si elle n'a pas accepté l'offre qui lui a été faite.

Cette action est intentée devant le Tribunal de première instance du domicile du demandeur.

Art. 14

Le Fonds est subrogé, à due concurrence des sommes versées, dans les droits que possède le demandeur contre la personne responsable du dommage ainsi que contre les personnes ou organismes tenus à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle dans la limite du montant des prestations à la charge desdites personnes.

Le Fonds peut interférer dans des procédures de droit civil, dans des procédures de droit de sécurité sociale et dans des procédures de droit pénal. Le Fonds peut entamer des procédures en justice visant à obtenir le recouvrement des sommes qu'il a engagées.

Art. 15

Les dépenses afférentes à l'exécution de la présente loi sont prises en charge par le Fonds.

Le Fonds est alimenté par :

­ des interventions à charge du budget du ministre qui à les Affaires sociales, la Santé publique et l'Environnement dans ses attribution et dont les modalités sont déterminées par le Roi;

­ les dons et legs faits au Fonds;

­ le produit du placement de ses avoirs;

­ les sommes attribuées au Fonds en suite de la subrogation prévue à l'article 13;

­ des interventions d'entreprises.

Art. 16

L'obtention d'indemnités provenant du Fonds n'empêche pas l'obtention d'une indemnisation du Fonds des maladies professionnelles ou d'une indemnisation obtenue par voie de justice à condition qu'il s'agisse d'une indemnisation complémentaire et qu'un même dommage ne soit pas indemnisé deux fois.

19 juin 2002.

Alain DESTEXHE.
Johan MALCORPS.

(1) L'Écho, le 4 juin 2002.

(2) Arrêt de la Cour de cassation française, 28 février 2001.

(3) Le Monde du 12 mars 2002.

(4) Le Monde du 4 mars 2002.

(5) Loi nº 2000-1257 du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001 ­ article 53 (Journal officiel, nº 298 du 24 décembre 2000).

(6) Décret 2001-963 du 23 octobre 2001 relatif au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante institué par l'article 53 de la loi nº 2000-1257 du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001.